WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La constitution tchadienne du 04 mai 2018 et la consolidation de l'état de droit.


par Keumaye Tchiakika
Université de Dschang Cameroun - Master 2 en droit public 2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

République

L'article 103 de la Constitution dispose que « le Gouvernement est composé du Président de la République et des ministres ». Cela signifie que le Président est aussi membre du Gouvernement.

Les systèmes politiques africains ont toujours été marqués par la prééminence du Chef de l'État sur toutes les autres institutions. Cette prééminence était absolue sous le monopartisme : le Président de la République, Chef de l'État, Chef du Gouvernement exerçait constitutionnellement et pratiquement un pouvoir suprême, exclusif et incontestable188.

184 AVRIL Pierre, « Pouvoir et responsabilité », op. cit., p. 9.

185 GUILLIEN Raymond, VINCENT Jean, Lexique des termes juridiques, op. cit., p. 510.

186 COHENDET Marie-Anne, Le Président de la République, Dalloz, Paris, 2002, p. 31.

187 Le Cameroun, le Gabon, le Congo, le Sénégal, etc.

188 ONDO Telesphore, La responsabilité introuvable du Chef de d'État africain : analyse comparée de la contestation du pouvoir présidentiel en Afrique noire francophone. (Les exemples camerounais, gabonais, tchadien et togolais), Thèse Doctorat, Université de Reims Champagne-Ardenne, 2005, p. 53.

52

Si dans les pays d'Afrique noire francophone, de manière générale, la responsabilité politique du Chef de l'État est quasiment introuvable, le constituant tchadien n'est pas resté en marge de la consécration constitutionnelle de l'irresponsabilité politique du Président de la République. Le constituant tchadien, dans la Constitution de la 4ème République, a consacré la responsabilité pénale du Président de la République (A) même si cette responsabilité reste incertaine dans sa mise en oeuvre (B).

A - La responsabilité pénale consacrée du Président de la République

Le régime juridique qui protège, dans les systèmes démocratiques en Afrique, les dirigeants politiques, notamment chef d'État et Ministre, est fait des règles constitutionnelles et législatives tangibles mais peu complètes, peu précises et par conséquent, objets d'interprétation et parfois des vives polémiques189. Mais au Tchad, le constituant a bâti la responsabilité du Président de la République sur le principe traditionnel et universel de deux immunités distinctes, l'irresponsabilité et l'inviolabilité qui impliquent cependant sa responsabilité pénale pour haute trahison. L'article 83 de la Constitution tchadienne, reprenant l'article 68 de la Constitution française190, dispose que : « le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison telle que prévue à l'article 157 ». Cela signifie que le Président n'est ni politiquement ni pénalement responsable dans l'exercice de ses fonctions, sauf en cas de haute trahison. Cette irresponsabilité est perpétuelle, car elle continue même après l'expiration du mandat.

Si cette formulation laconique, répandue dans les textes constitutionnels de certains pays africains191, fait apparaitre les incertitudes que les constitutionnalistes et politistes ainsi qu'acteurs politiques se sont évertués à clarifier, il n'en demeure pas moins dans la Constitution tchadienne du 04 mai 2018.

Afin de remédier aux incertitudes précitées, le constituant tchadien a apporté des précisions en ce qui concerne le contenu de la haute trahison. Ainsi, aux termes de l'article

189 AÏVO Frédéric Joël, « La responsabilité pénale des gouvernants dans les régimes politiques africains d'influence française », op. cit., p.12.

190 L'article 68 dispose que : « le Président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison ».

191 Voir article 101 de la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 ; Article 138 de la Constitution Burkinabé du 02 juin 1991 ; Article 136 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 ; Article 109 de la Constitution ivoirienne du 01 août 2000 ; Article 118 de la Constitution nigérienne du 18 juillet 1999 ; Article 78 de la Constitution gabonaise du 26 mars 1991 et enfin l'Article 95 de la Constitution malienne du 25 février 1992.

53

157 al 6 de la Constitution, « constitue un crime de haute trahison, tout acte portant atteinte à la forme républicaine, à l'unicité et à la laïcité de l'État, à la souveraineté, à l'indépendance et à l'intégrité du territoire national ». L'alinéa 7 du même article de poursuivre que : « sont assimilés à la haute trahison, les violations graves et caractérisées des droits de l'Homme, le trafic de drogues et l'introduction des déchets toxiques ou dangereux en vue de leur transit, dépôt ou stockage sur le territoire national ». Dans sa forme primaire et d'un point de vue juridique, il ressort de l'examen des textes192 que la haute trahison est l'ancêtre des chefs d'accusation par lesquels monarques, puis présidents de la République et enfin membres du Gouvernement furent soumis à la justice des hommes. Initialement dans la haute trahison, il y a l'idée d'entrave, par le fait du souverain, monarque ou Président de la République, au fonctionnement régulier de l'État. Á cette première compréhension de la haute trahison, s'est substitué à partir de 1946, le principe que le Chef de l'État devrait pouvoir aussi répondre des infractions pénales commises dans l'exercice de ses fonctions. Mais, ces premières approches ne rendent pas totalement compte du cheminement qui fut celui de la notion de haute trahison à travers le temps et les régimes193. D'abord, elle a été nettement détachée de la responsabilité politique. Ensuite, la haute trahison a progressivement été érigée comme le principal support du mécanisme de mise en oeuvre de la responsabilité pénale du Président.

La Constitution tchadienne, s'inspirant largement de la Constitution française du 04 octobre 1958, a fait de la notion de haute trahison, le motif majeur, sinon exclusif, pour lequel, le Président de la République peut voir sa responsabilité pénale engagée devant la Cour Suprême.

En effet, en ce qui concerne la juridiction compétente, c'est la Cour Suprême qui est chargée de juger le Chef de l'État pour la haute trahison. L'article 157 al 5 de la Constitution dispose que « la Cour Suprême est également compétente pour juger le Président de la République et les membres du Gouvernement ainsi que leurs complices en cas de haute trahison ». Une Chambre non permanente, représentant la Haute Cour de justice dans la Constitution de 1996, au sein de la Cour Suprême est compétente pour connaître de la haute trahison. Elle est composée de sept (7) députés et de quatre (4) magistrats de la Cour Suprême élus par leurs pairs194.

192 Ces textes peuvent être consultés dans l'ouvrage du professeur Maurice DUVERGER. Il s'agit d'abord de la Constitution française du 05 fructidor an III (22 août 1795), in Maurice DUVERGER, Constitution et documents politiques, op. cit., pp. 129-134.

193 AIVO Frédéric Joël, « La responsabilité pénale des gouvernants dans les régimes politiques africains d'influence française », op. cit., p.13.

194 Article 157 alinéa 7

54

La procédure de mise en accusation du Président de la République est organisée par l'ordonnance n°015/PR/2018 portant attributions, organisation, fonctionnement et règles de procédure devant la Cour Suprême. L'article 271 de l'ordonnance dispose que : « la mise en accusation du Président de la République et des membres du Gouvernement est votée, au scrutin secret, à la majorité des deux tiers (2/3) des membres de l'Assemblée Nationale »195. En cas de mise en accusation, le Président de la République et les membres du Gouvernement sont suspendus de leur fonction196. Le Président de l'AN, après adoption de la mise en accusation, communique sans délai la résolution au Procureur Général près la Cour Suprême. Le Procureur Général accuse réception et déclenche l'action publique en notifiant la mise en accusation au Président de la Chambre non permanente et au Président de la commission d'instruction. La commission d'instruction n'est saisie qu'à l'égard des seules personnes visées dans l'accusation197. Lorsqu'elle estime la procédure complète, la commission peut décider de la suite du dossier198. La Chambre non-permanente, après clôture des débats, statue à la culpabilité par un vote suivant certaines conditions199 et prononce la sentence200.

De tout ce qui précède, la responsabilité pénale du Chef de l'État est constitutionnellement consacrée dans la Constitution au Tchad. Cette consécration de la responsabilité pénale du Président de la République est un signe important dans un système qui se veut démocratique. Elle caractérise également l'État de droit car celle-ci apparait comme l'un des éléments de l'État de droit. Néanmoins, la mise en oeuvre de la responsabilité pénale du Chef de l'État semble être une entreprise difficile à réaliser dans la pratique.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway