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La constitution tchadienne du 04 mai 2018 et la consolidation de l'état de droit.


par Keumaye Tchiakika
Université de Dschang Cameroun - Master 2 en droit public 2020
  

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B - La difficile mise en oeuvre de la responsabilité pénale du Président de la

République

Si le constituant tchadien a pu définir la haute trahison ayant ôté l'incertitude dans l'esprit de certains constitutionnalistes en ce qui concerne le contenu de la haute trahison,

195 Article 271 de l'ordonnance régissant la Cour Suprême.

196 Article 272 de l'ordonnance n°015/PR/2018.

197 CF article 276 de l'ordonnance n°015/PR/2018.

198 Article 278 de l'ordonnance précitée : « après règlement du dossier, la commission d'instruction peut :

- Soit dire qu'il n'y a pas lieu à suivre ;

- Soit, si les faits reprochés aux accusés sont établis, les renvoyer devant la chambre non permanente ».

199 Article 284 de l'ordonnance n°015/PR/2018 : « si l'accusé est déclaré coupable, il est voté sur l'application de la peine. Toutefois, après deux (2) votes dans lesquels aucune peine n'aura obtenu la majorité des voies, la peine la plus forte proposée dans le vote sera écartée pour le vote suivant et ainsi de suite en écartant chaque fois la peine la plus forte jusqu'à ce qu'une peine soit prononcée à la majorité absolue des votants ».

200 Article 285 de l'ordonnance citée ci-dessus, « En cas de condamnation, le Président de la république est déchu de ses charges et les ministres de leur fonction par la chambre non permanente ».

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d'autres incertitudes demeurent encore. La première est en rapport avec les actes accomplis par le Président de la République dans l'exercice de ses fonctions mais non susceptibles de constituer le crime de haute trahison ou encore sans lien avéré avec l'exercice de la fonction. La seconde concerne les actes antérieurs à la fonction. Ce sont des actes, certes constitutifs de crime ou délits, commis non pas par le Président de la République, mais par le futur Président de la République201. Ces deux catégories d'actes qualifiés de « détachables » ou d'« antérieurs » excluent a priori toute compétence de la Cour Suprême. Le Président agissant en tant qu'individu pourrait-il être poursuivi à la fin de son mandat devant les juridictions de droit commun comme c'est le cas de certains pays202 ? qu'adviendra-t-il en cas du silence des textes203.

Au Tchad, il n'existe pas, à notre connaissance, des jurisprudences pouvant illustrées les incertitudes concernant les actes antérieurs à la fonction du Président. Mais la jurisprudence française peut nous servir ici en ce qui concerne la responsabilité pénale à l'égard des actes accomplis pendant le mandat mais en dehors des fonctions ou ceux accomplis avant l'entrée en fonction du Président. Le problème s'est posé à l'occasion de la procédure mettant en cause le Président Jacques CHIRAC à raison de faits antérieurs à son élection. Dans une décision importante du 22 janvier 1999, le Conseil Constitutionnel français a radicalement exclu toute possibilité de poursuite devant les tribunaux judiciaires de droit commun pour les motifs suivants. Le Président bénéficie d'une immunité pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions. Et s'agissant des actes commis antérieurement à l'entrée en fonction ou des actes qui sont détachables de l'exercice de ses fonctions, le Conseil affirme que la responsabilité pénale du Président n'est pas possible devant les juridictions de droit commun. Elle ne peut être engagée que devant la Haute Cour de justice.

Cette atteinte au principe d'égalité devant la loi est justifié par la représentation du Président comme étant le représentant de l'autorité204. Il est nécessaire d'accorder une protection fonctionnelle au Président afin de le préserver des poursuites engagées pour des raisons purement politiques. Mais il faut éviter de faire du Président une personne intouchable, au-dessus des lois.

201 AIVO Frédéric Joël, « La responsabilité pénale des gouvernants dans les régimes politiques africains d'influence française », op. cit., p.14.

202 COHENDET Marie-Anne, Le Président de la République, op. cit., p. 33.

203 OURO-BOD Ouro-Gnaou I, « La responsabilité des titulaires du pouvoir politique dans les pays d'Afrique noire francophone », op. cit., p. 18.

204 Article 84 de la Constitution dispose que « le Président de la République est le Chef de l'État, Chef du Gouvernement et de l'administration. A ce titre, il détermine et conduit la politique de la Nation, il exerce le pouvoir règlementaire ».

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Toutefois, si la responsabilité pénale du Chef de l'État est prévue par la Constitution, la mise en oeuvre reste très hypothétique. Il faut tout d'abord questionner l'indépendance de l'organe en charge de juger le Président de la République pour haute trahison. La Constitution accorde la compétence à la Cour Suprême, à travers une Chambre non permanente205. La Cour, chargée de mettre en oeuvre la responsabilité du Président paraît être inféodée au pouvoir politique. Elle constitue un simple maquillage démocratique selon les propres termes du juriste togolais Ouro-Gnaou OURO-BODI206. La Chambre chargée de la haute trahison peut être qualifiée d'une Chambre politique pour plusieurs raisons. Il s'agit d'une juridiction politique du fait de ses principaux justiciables, le Chef de l'État et les membres du Gouvernement qui sont presque des hommes politiques. Il s'agit ensuite d'une juridiction politique du fait que les infractions qu'elle est appelée à connaître sont des infractions qui peuvent être aisément qualifiées de politiques. Elle est enfin de nature politique du fait de sa composition particulière qui intègre les hommes politiques, notamment les parlementaires.

Fort de tout cela, la responsabilité pénale du Président de la République est d'une consécration constitutionnelle au Tchad mais sa mise en oeuvre est difficile pour des raisons des immunités présidentielles. S'il doit y avoir une protection, c'est le Président qui devait être protégé et non l'individu ordinaire avec ses faiblesses, ses erreurs et qui devrait répondre de ses actes devant le juge pénal.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault