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La constitution tchadienne du 04 mai 2018 et la consolidation de l'état de droit.


par Keumaye Tchiakika
Université de Dschang Cameroun - Master 2 en droit public 2020
  

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Conclusion du chapitre 1

De tout ce qui précède, il apparait que le juge occupe une place centrale dans le système juridique et politique. Cela ne veut certainement pas dire que le juge est un « acteur » devant intervenir dans l'arène politique au même titre que les pouvoirs Législatif et Exécutif ; loin de là. Sa fonction reste celle « de juger »264. Il n'en demeure pas moins que tant pour l'instauration de l'État de droit que pour le respect des droits et libertés individuels, les populations attendent du juge qu'il remplisse son rôle, c'est-à-dire faire respecter la loi et s'assurer que les principes démocratiques comme les droits de l'homme ne soient pas impunément bafoués. Bien évidemment, sans une réelle indépendance, dans le cadre d'une séparation des pouvoirs, garantie à la fois par des textes et confirmés dans la pratique, ce rôle du juge ne sera que théorique.

Il convient de souligner que l'État de droit et la démocratie constituent une quête permanente, et se présentent comme des défis quotidiens jamais définitivement acquis. Pour cela, de profondes mutations au sein de la justice nécessitent d'être entreprises et accompagnées, tout particulièrement par les autres acteurs constitutionnels et politiques (majorité et opposition, etc.).

264 La justice semble tout de même jouer aujourd'hui un rôle important de contre-pouvoir dans nos sociétés démocratiques contemporaines... (V. F. HOURQUEBIE, Sur l'émergence du contre-pouvoir juridictionnel sous la Vème République, Bruylant, 2007, 277), cité par BANDARA FALL Alioune, « Les menaces internes à l'indépendance de la justice », op. cit., p.28.

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CHAPITRE 2 : LA PROTECTION LIMITÉE DES DROITS
FONDAMENTAUX AU TCHAD

Les droits fondamentaux constitutionnellement consacrés doivent faire l'objet d'une garantie. Cette garantie n'est pas seulement juridictionnelle mais aussi matérielle. Cependant, la mise en oeuvre de ces mécanismes de garantie est confrontée à certains obstacles qui continuent de persister. Les obstacles à la protection juridictionnelle persistants ont fait l'objet d'un développement dans le chapitre précédent, ceux de la protection non juridictionnelle et d'autres obstacles feront l'objet du développement dans ce chapitre.

L'effectivité de la protection en droit est à la fois formelle et matérielle265. Or, au regard de cette dernière considération et aux vues du dispositif non juridictionnel de protection des droits de l'homme et des libertés actuellement en vigueur au Tchad, il est très aisé de constater d'énormes difficultés entravant ladite protection au plan matériel, et ceci à toutes les fois que l'on s'attèle à apprécier les effets concrets ou l'efficacité des règles juridiques prévues à cet effet. La démocratie ne peut véritablement exister que si elle débouche sur la mise en oeuvre effective et efficace des droits et libertés fondamentaux de l'homme. C'est parce que ces derniers (droits et libertés fondamentaux) apparaissent comme un patrimoine commun de l'humanité qu'ils nécessitent une reconnaissance et des garanties de la part des États. C'est dans ce sens que certains organes ont été mis sur pieds pour jouer ce rôle et pallier aux insuffisances de la protection juridictionnelle. Il s'agit notamment de la CNDH.

Á côté des obstacles à la protection non juridictionnelle, il y a également d'autres obstacles visibles dans la Constitution qui concourent à l'amenuisement des efforts consentis dans la protection des droits fondamentaux. Ces obstacles s'analysent par les effets des circonstances exceptionnelles et la protection de certaines autorités publiques.

Ainsi, il convient de voir les limites à la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux (section 1) avant de passer en revue les autres obstacles (section 2).

265 GUISWE Norbert, « Les limites de la protection non juridictionnelle des droits de l'homme en droit positif camerounais », Village de la justice, 2019, p. 1.

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SECTION 2 : LES LIMITES Á LA PROTECTION NON
JURIDICTIONNELLE DES DROITS FONDAMENTAUX

La notion de protection des droits au plan opérationnel renvoie à l'effectivité et à l'efficacité de cette dernière. L'effectivité vise ce qui se réalise en fait pour être valable ou opposable aux sujets de droit, ce qui prévaut dans les faits et dont l'existence palpable justifie la connaissance ou l'opposabilité. Il s'agit d'un moyen de création de droit au profit des sujets de droit. Ainsi, à cette question, écrit AMSELEK Paul « l' étude de l'effectivité statuée par les normes juridiques interroge sur le contenu même d'une norme juridique, tandis que l'analyse de l'effectivité des règles de droit porte sur la question de leur stricte application par les organes chargés de les mettre en oeuvre au plan matériel » 266. Il s'agit de leur efficacité.

C'est dans la recherche de cette efficacité de protection des droits de l'homme que l'État tchadien va mettre sur pieds des nombreuses autres institutions et organismes non juridictionnels de protection, parmi lesquels la CNDH. Rappelons que la CNDH a vu le jour le 09 septembre 1994267 à la suite de la CNS. Quelques années plus tard, avec la révision constitutionnelle de 2005, elle a disparu. Conscient du rôle considérable que joue cet organe dans la consolidation de l'État de droit, le constituant de 2018 a constitutionalisé cet organe. C'est à l'issue de l'ordonnance n°024/PR/2018 portant attributions, organisation et fonctionnement de la CNDH que la commission a été mise sur pied.

Au regard de toutes ces considérations sus évoquées, il semble donc, en effet particulièrement logique sinon nécessaire que l'on s'attache à apprécier les effets concrets de la protection non juridictionnelle des droits de l'Homme et des libertés publiques en droit tchadien, au regard des règles juridiques prévues à cet effet. Il est à noter que la CNDH présente des limites constitutionnelles considérables dans la protection des droits fondamentaux. Il s'agit bien évidemment des limites institutionnelles (paragraphe 1) et les limites d'ordre juridique (paragraphe 2).

266 AMSELEK Paul, Cheminement de la philosophie du droit, cité par GUISWE Norbert, « Les limites de la protection non juridictionnelle des droits de l'homme en droit positif camerounais », op. cit., p. 2.

267 Voir la loi n°03/PR/94 portant création de la CNDH.

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Paragraphe 1 : Les limites institutionnelles de la CNDH dans la protection
des droits fondamentaux

Consacrée par le titre IX de la Constitution, la CNDH est une institution administrative268 , indépendante et a pour mission269 de formuler des avis au Gouvernement sur les questions relatives aux droits de l'Homme, y compris la condition de la femme, les droits de l'enfant et des handicapés. Elle assiste le Gouvernement et les autres institutions nationales et internationales pour toutes les questions relatives aux droits de l'Homme au Tchad en conformité avec la charte des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales. La Commission est autonome quant aux choix des questions qu'elle examine par auto-saisine. Elle est entièrement libre de ses avis qu'elle transmet au Président de la République et dont elle assure la diffusion auprès de l'opinion publique270. Dans le cadre de la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la CNDH est chargée de recevoir les plaintes et ouvrir les enquêtes sur les cas de violation des droits de l'homme. Elle effectue des visites régulières, inopinées ou notifiées des établissements pénitentiaires et de tous les lieux de détention et de privation des libertés aux fins de prévenir la torture et toute violation des droits de l'homme271. Elle peut aussi saisir le Ministère Public ou ester en justice au nom des victimes sur les violations constatées.

Des manquements sont à recenser au niveau des règles juridiques relatives aux droits de l'Homme et des libertés au Tchad. Des obstacles sont relevés au niveau des mécanismes chargés d'assurer son implémentation et sa réalisation effective. La garantie non juridictionnelle des droits de l'Homme et des libertés au Tchad fait ainsi face à divers niveaux dans la pratique à des difficultés sérieuses mettant à mal la propension à réaliser efficacement ses missions visant à mieux promouvoir et protéger les droits de l'être humain. Le cadre institutionnel est relativement dépendant (A) et quasi inactif (B).

A - La relative indépendance institutionnelle de la CNDH

En principe, les organes de garantie non juridictionnelle des droits et libertés au regard du cadre juridique national et international, sont pour la plupart autonomes et indépendants272.

268 Article 171 de la Constitution.

269 Article 172 de la Constitution.

270 Article 173 de la Constitution.

271 Article 5 de l'ordonnance n°025/PR/2018 portant attributions, organisation et fonctionnement de la Commission Nationale des Droits de l'Homme.

272 Article 2 de l'ordonnance n°024/PR/2018, « La CNDH est une autorité administrative indépendante de promotion et de protection des droits de de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est dotée de la

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Dans le contexte tchadien, il s'agit toutefois d'une indépendance voilée, textuelle et de façade. Ces organes, dans la pratique et du point de vue institutionnel, ne semblent pas réellement refléter des organes de protection véritablement indépendants. L'une des limites à laquelle les institutions de protection non juridictionnelle font face principalement aujourd'hui est d'ordre statutaire.

Plus loin encore, le législateur met l'approvisionnement financier de ces institutions à la charge de l'État273. Leurs ressources financières proviennent des : dotation inscrites chaque année au budget de l'État ; appuis provenant des partenaires nationaux et internationaux ; dons et legs.

Cette approche législative tendant plus vers la soumission des membres de l'organe non juridictionnel de protection des droits et libertés au pouvoir exécutif va un tout petit peu en contradiction mais légère et pas des moindres, avec les règles internationales en la matière. Il y a d'abord les Principes de Paris274. Ceux-ci mettent un accent sur la nécessité de la neutralité des institutions nationales des droits de l'Homme. Ensuite, la Déclaration des Nations Unies du 9 décembre 1998 en son article 14 alinéa 3, met également à la charge de l'État, la responsabilité et l'obligation d'appuyer le développement des institutions nationales indépendantes, visant à assurer la promotion et la protection des droits et libertés fondamentaux sur leurs territoires.

L'indépendance des institutions non juridictionnelles est donc, une exigence sur laquelle insistent les textes internationaux protégeant les droits de l'homme. Une exigence à laquelle l'architecture institutionnelle de protection non juridictionnelle telle qu'aménagée législativement au Tchad, ne souscrit pas véritablement. Même si en matière de désignation des membres de la CNDH le pouvoir de nommer est partagé entre un représentant de l'AN, un magistrat de la Cour Suprême, un membre de la Haute Autorité des Médias et de l'Audiovisuel (HAMA) et un membre du Haut Conseil des Collectivités Autonomes et des Chefferies Traditionnelles (HCCACT)275, il faut dire qu'il existe toujours de doute sur l'indépendance réelle de l'organe.

Au regard de tout ce qui précède, l'on se rend bien compte que l'État a ainsi la pleine maîtrise des moyens d'action, et partant, de l'indépendance de cet organe. Cette maîtrise des

personnalité morale et jouit de l'autonomie financière. Tous les services de l'Etat doivent lui accorder l'assistance nécessaire dans l'accomplissement de sa mission ».

273 Article 34 de l'ordonnance n°024/PR/2018.

274 Voir GUISWE Norbert, « Les limites de la protection non juridictionnelle des droits de l'homme en droit positif camerounais », op. cit., p. 4.

275 Article 14 alinéa 3 de l'ordonnance n°024/PR/2018.

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moyens d'action par l'État rend la CNDH non active et non matériellement active dans la protection des libertés.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery