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La constitution tchadienne du 04 mai 2018 et la consolidation de l'état de droit.


par Keumaye Tchiakika
Université de Dschang Cameroun - Master 2 en droit public 2020
  

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

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Les changements politiques intervenus depuis 1990 ont donné, au sujet de la gouvernance en Afrique, une dimension renouvelée en raison essentiellement des mutations juridiques touchant l'intégrité de la Constitution1. L'histoire constitutionnelle des États africains indépendants a été particulièrement mouvementée et ressemble à un parcours difficile et tortueux. C'est dans un contexte social, culturel, économique et politique diversifié que le constitutionnalisme africain a été confronté à la problématique de son émergence, de son élaboration, de sa réactualisation et de sa légitimation2. L'idée de mettre sur pied une Constitution était au coeur du fonctionnement des systèmes démocratiques qui suppose non seulement, dans chaque État, l'adoption d'une Constitution placée au sommet de la pyramide des normes, mais aussi la mise en place des dispositifs institutionnels garantissant le respect de cette Constitution. Cette Constitution apparait, par sa stabilité et son caractère solennel, comme la meilleure protection contre les décisions arbitraires et excessives des gouvernants, en même temps elle promeut un ordre légitime universel.

Vers les années 1990, sous la poussée multiforme des changements sociaux, des crises économiques et culturelles, des revendications politiques nationales, les sociétés africaines ont basculé dans la démocratie représentative d'inspiration occidentale, comme témoigne l'actuel Préambule de l'Union Africaine3 (UA). L'idéologie nouvelle impose désormais à chaque État africain de se conformer aux nouvelles donnes, qui sont la souveraineté électorale du peuple, le multipartisme, le respect des droits et libertés fondamentaux des citoyens, la reconnaissance des droits de l'opposition politique. Mais la pratique constitutionnelle montre bien que la rigidité de la norme suprême proclamée par la Constitution elle-même ne suffit pas pour garantir sa stabilité. C'est pourquoi, en Afrique, nous assistons à une modification constante de la Constitution au détriment des pouvoirs en place. Nous ne pouvons dire qu'une Constitution remplie ses fonctions en raison des modifications rares ou multiples qu'elle a subies. Les vingt-quatre modifications4 apportées à la Constitution française de 1958 et les différentes modifications apportées à la Constitution tchadienne de 1996 n'en font pas moins une norme fondamentale qui, selon la doctrine française5 et tchadienne, remplit sa fonction.

1 NGUELÉ ABADA Marcelin, « L'indépendance des juridictions constitutionnelles dans le constitutionnalisme des États Francophones post guerre froide : exemple du Conseil Constitutionnel camerounais », Revue de la Fondation Raponda-walker pour la science et la culture, 2010, p.1.

2 ZOGO NKADA Simon-pierre, « Le nouveau constitutionnalisme africain et la garantie des droits socioculturels des citoyens : cas du Cameroun et du Sénégal », RFDC, N°92/2012, p.5.

3 NYAMSI Franklin, L'État de droit ou le plus grand défi de la civilisation politique africaine du 21e siècle, Paris, Edition du net, 2018, p.1.

4 Mélin-souscramanien, Constitution de la République française de 1958, Paris, Dalloz, 2008, pp. 102-104.

5 WALINE Joël, « Les révisions de la constitution de 1958 », in droit et politique à la croisée des cultures, Mélanges en honneur de Philipe ardant, Paris, LGDJ, 1999, pp. 235-249 ; VERPEAUX Michel, La révision

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En clair, les multiples révisions constitutionnelles n'ont pas donné aux Constitutions une garantie de leur stabilité. C'est avec les exigences théoriques intégrées dans les Constitutions africaines que certains ont pu penser que nous assistons au retour du droit constitutionnel et au rêve d'une ère de discipline politique et de la judiciarisation de la vie politique. Et pourtant, ces révisions constitutionnelles à répétition s'inscrivent en réalité dans une perspective d'entrave au nouveau constitutionnalisme africain6. Ces révisions ne favorisent non plus la consolidation de l'État de droit, même si une nuance doit être faite concernant certains amendements qui viennent à point nommé renforcer, dans une certaine mesure, la démocratie. C'est dans cette logique que le Professeur AIVO Frédéric Joël affirmait que : « la forme constitutionnelle se fragilise par la sensibilité des amendements qui lui sont apportés. Cette thèse défendue tant de fois par tant de voix et de forte belle manière, se ramène à une idée clé : les révisions constitutionnelles africaines, pour la plupart, se particularisent par leur objet peu licite et controversé. La doctrine a déjà relevé de façon convaincante que les modifications apportées depuis 1996 aux constitutions africaines sont peu fortifiantes pour l'État de droit. »7. Le constat est clair en Afrique, quand il y a révision constitutionnelle dans un pays, cette mutation est souvent accompagnée de soulèvements de la part des gouvernés qui sont assoiffés de la démocratie. Le cas du Tchad en est une parfaite illustration lorsqu'en 2017, le Haut Comité pour les Réformes Institutionnelles (HCRI) entame ses travaux pour déboucher, en mars 2018, sur la convocation d'un forum national inclusif. Ces réformes ont été boycottées par l'opposition et la Société Civile.

Comme dans tous les pays d'Afrique noire francophone, l'histoire constitutionnelle du Tchad est accompagnée de l'évolution des régimes politiques qui se sont succédés. Chaque fois qu'un régime nouveau prend la tête du pouvoir, généralement, intervient la révision ou la modification de la Constitution. En effet, les réformes politiques, institutionnelles ou constitutionnelles sont inhérentes à la vie démocratique d'un pays8. En 2016, le Président tchadien a entamé des réformes. Cette volonté de réformer les institutions s'est traduite par le décret n°681/PR/PM/2016 du 26 octobre 2016 instituant le Haut Comité Chargé des Réformes Institutionnelles. Après le Forum National Inclusif tenu du 19 au 29 mars 2018, l'Assemblée

constitutionnelle à l'arracher, in révision de la Constitution : la Vème République rénovée ? À propos de la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, n°31-35, pp. 16-21.

6 HOLO Théodore, « Démocratie revitalisée ou démocratie émasculée ? Les constitutions du renouveau démocratique dans les États de l'espace francophone africain: régime juridique et système politique », RBSJA, 2006, n° 16, pp. 31-39.

7 AIVO Frédéric Joël, « La crise de la normativité de la constitution en Afrique », RDP, Décembre 2012, n°1, p.141.

8 Rapport alternatif des organisations de la société civile tchadienne, Les réformes institutionnelles au Tchad : entre ambitions partisanes et unité nationale, Ndjamena, octobre 2017, p.51.

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Nationale a adopté le projet de loi constitutionnelle le 30 mars 20189. Ce qui a conduit le Président de la République à promulguer la nouvelle Constitution le 04 mai 2018.

Cette Constitution procède à des réaménagements tant sur le plan institutionnel qu'organisationnel. Ainsi, ces aménagements nous amènent à nous atteler sur l'apport de la nouvelle Constitution dans le renforcement de la démocratie au Tchad. Alors, il apparait donc important pour nous de porter un regard critique sur l'évolution de la démocratie et de l'État de droit à l'aune de la nouvelle Constitution.

Il conviendrait donc de mettre, dans un premier temps, en évidence son cadre théorique (I), avant d'explorer son cadre opératoire (II), dans son second temps.

I - LE CADRE THÉORIQUE DE L'ÉTUDE

Il convient d'aborder ici, le contexte de l'étude (A), la définition des concepts clés du sujet (B) et la délimitation de l'étude (C).

A - LE CONTEXTE DE L'ÉTUDE

La présente étude est abordée dans des contexte historique (1) et juridico-politique (2) bien précis.

1 - Contexte historique

Devenu République en 1958, le Tchad acquiert son indépendance le 11 Août 1960. Après la proclamation de la République, les élections de 1959 ont été remportées par le Parti Progressiste Tchadien (PPT). Son leader TOMBALBAYE François a été désigné Premier Ministre10 puis Président de la République à l'indépendance de 196011. Mais la gestion du pouvoir va être très vite critiquée. Ces critiques vont conduire une partie importante des populations du Nord et du Centre à se révolter. Cette révolte est à l'origine de la création du premier mouvement rebelle au Tchad, le Front de Libération Nationale du Tchad, (FROLINAT)12. Depuis 1963, le pays est entré dans un cercle infernal de guerres13. Après la

9 François Albert-Stauder, « Tchad : une nouvelle République sans État de droit ? », Fondation pour la recherche stratégique, 12 juin 2018, p.1.

10 DINGAMADJI Arnauld, Les gouvernements du Tchad. De Gabriel LISSETE à IDRISS DEBY ITNO 1957-2010, Paris, L'Harmattan, 2011, p.70.

11 DINGAMADJI Arnauld, NGARTA TOMBALBAYE : Parcours et rôle dans la vie politique du Tchad, 19591975, Paris, L'Harmattan, 2007, p.44.

12 BUIJTENHUIJS Robert, Le Frolinat et les guerres civiles du Tchad (1977-1984): la révolution introuvable, Paris, Karthala, p.47.

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chute de TOMBALBAYE, le 13 avril 1975, et la prise du pouvoir par le général Félix MALLOUM en avril 1975, le pouvoir passe aux mains des leaders de FROLINAT, GOUKOUNI WEDDEY en 1978 puis HISSEIN HABRE le 07 Juin 1982. Ce dernier instaure une dictature avec son parti unique, Union Nationale pour l'Indépendance et la Révolution (UNIR) et sa police politique, la tristement célèbre Direction de la Documentation et de la Sécurité (DDS). HABRE a été chassé du pouvoir par IDRISS DEBY le 01 décembre 1990.

La prise du pouvoir d'IDRISS DEBY a coïncidé avec le vent de la démocratie qui soufflait sur le continent africain. Ne pouvant échapper à cette logique de démocratisation de l'espace politique, une Conférence Nationale Souveraine (CNS) fut organisée en 1993 pour arrimer le pays à la vague du processus démocratique. La CNS a jeté les bases d'un nouvel ordre constitutionnel. Une période de transition a été observée jusqu'à l'adoption de la loi fondamentale du 31 Mars 1996. Elle prit fin avec les premières élections de la même année.

La vie politique semble retrouver alors une relative tranquillité mais qui ne sera que de courte durée. Car, dès 2005, une réforme constitutionnelle est intervenue et a fait sauter le verrou constitutionnel de limitation du nombre de mandat présidentiel. Ainsi, le FNI a été organisé pour aboutir à l'adoption de la nouvelle Constitution.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway