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La coopération internationale face au terrorisme en Afrique de l'ouest.


par Wilfried Jean-Marc Die KOFFI
Université catholique de l'Afrique de l'ouest - Master en droit public 2020
  

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SOMMAIRE

INTRODUCTION ...1

PREMIÈRE PARTIE

LA COOPÉRATION INTERNATIONALE BASÉE SUR DES NORMES 14

CHAPITRE 1 : LE CADRE JURIDIQUE DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE EN

MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE TERRORISME .16

Section 1 : Les fondements juridiques de la coopération internationale en matière de lutte contre

le terrorisme 16

Section 2 : La portée multidimensionnelle de la coopération internationale en matière de lutte

contre le terrorisme .25

CHAPITRE 2 : LA MISE EN OEUVRE MITIGÉE DE LA COOPÉRATION RÉGIONALE

DANS LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

36

Section 1 : L'édification de la coopération régionale

36

Section 2 : Les entraves à la coopération régionale

..47

DEUXIÈME PARTIE

LA COOPÉRATION INTERNATIONALE BÂTIE SUR DES INSTITUTIONS 58
CHAPITRE 1 : UNE COOPÉRATION INSTITUTIONNALISÉE EN MATIÈRE DE LUTTE

CONTRE LE TERRORISME

60

Section 1 : Une construction globale de la coopération contre le terrorisme

.60

Section 2 : Une construction sectorielle de la coopération contre le terrorisme

.69

CHAPITRE 2 : UNE COOPÉRATION RENFORCÉE EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE

LE TERRORISME

80

Section 1 : Un renforcement consolidé des partenaires

80

Section 2 : Un renforcement pratiquement insuffisant

.90

CONCLUSION

..100

1

INTRODUCTION

À la suite des attaques revendiquées par Al- Qaïda du 11 septembre 20011, qui ont fait plus de trois milles (3000) victimes2, l'ex Secrétaire Général des Nations Unies, Kofi ANNAN a laissé entendre ceci : « une attaque terroriste contre un pays... est une attaque contre l'humanité tout entière 3 ». Ainsi, semble-t-il dire d'une part, que tout acte terroriste commis dans un État touche indifféremment les ressortissants de plusieurs États. Et d'autre part, que ces auteurs font montre d'un mépris vis-à-vis des valeurs humaines. De ce fait, leur commission implique un appel à la communauté internationale et sous-entend le droit pour tout État de prendre faits et causes pour son national victime. Si les États Unis, aussi puissant soient-ils, ont pu subir de telles attaques, qui pourrait en être réellement à l'abri ? De plus, l'existence de la réalité de ce type de violence aussi meurtrière et non discriminatoire impose une menace permanente de l'ordre social. Or, l'appartenance à toute communauté oblige chacun des sujets au respect des règles et principes de droit qui ont présidé à l'organisation de toute société. Une organisation sociale sur laquelle ont été construites des valeurs fondamentales autour d'un ordre public (international 4) et pour la sauvegarde de la paix5.

C'est donc bien en vertu de son pouvoir de constatation6 que le Conseil de Sécurité (C.S) a qualifié les actes de terrorisme international comme menace grave contre la paix et la sécurité internationale au XXI siècle. Cela a été décidé sous l'égide du chapitre VII de la charte des

1 ANDREANTI (G.), « La guerre contre le terrorisme : le piège des mots » in AFRI 2003, Vol. 4, 2004, p. 102. Ces attaques du 11 septembre 2001 ont été perpétrées à New York et à Washington. Mais, pour lui, c'est la soudaineté de l'attaque terroriste qui a justifié pour 3 raisons d'employer le mot guerre dans la mesure où elle a atteint un niveau de violence comparable à celui qu'aurait provoqué une opération de guerre.

2 BADRO (M.), « Les transformations juridiques et politiques de la notion de guerre depuis le 11 septembre : de l'Afghanistan à l'Irak » : Voir : http://www.cedim.uqam.ca (consulté le 29/11/18)

3 Doc. ONU S/PV.4370, 12 septembre 2001.

4BECQUET (E.), « Qu'est-ce que l'ordre public international ? » in Géopolitique et relations internationales. URL : https://les-yeux-du-monde.fr/ressources/notions/soc/21610-quest-ce-lordre-public-international (consulté le 17/06/2019).

5 BOURDON (W.) « Un ordre juridique international au-delà des États : ombres et lumières » in Revue internationale et stratégique, 2003/1 (n° 49), p. 190. Pour lui, la construction de l'ordre public international est une « promesse de paix et d'une plus grande diffusion, sinon d'un plus grand respect, des valeurs les plus protectrices du droit des individus ».

6 Voir article 39 de la charte de l'ONU. Pour plus d'analyse voir aussi OUATTARA (S.Y.), Les pouvoirs du conseil de sécurité en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationale, Mémoire de Master 2 option recherche droit public fondamental, Abidjan, UCAO/UUA, 2016, pp. 27-33.

2

Nations Unies7. Laquelle légitime un point de départ à une lutte mondiale et contraint également les États membres à se conformer au contenu des mesures prises. À ce titre, l'article 528 de la charte onusienne conditionne au préalable la réaction du système de l'Organisation des Nations Unies (ONU9). Un système onusien qui a pour vocation universelle de « préserver les générations futures du fléau de la guerre10 ». Mais, consciente de la complexité des conflits, la charte onusienne a expressément11 délégué une autorisation de compétences aux organismes régionaux tels que l'Union Africaine (UA) dans la résolution des conflits.

Historiquement perçue au visage d'une terre déchirée par des conflits armés, l'Afrique a de tout temps été confrontée à de nombreux problèmes tels que : la pauvreté, la corruption, la croissance démographique incontrôlée, la destruction de l'environnement, l'endettement public, les discriminations sexuelles... À la croisée des défis socio-économiques et sécuritaires majeurs12 sans précédent vient s'ajouter la montée du terrorisme. L'expansion de ce phénomène ne parait pas seulement réductible à des causes socio-économiques mais peut tendre à un contexte de désarroi collectif et à de profondes crises non résolues. Cet état de fait paraît conforter la position du Professeur Saïdou TALL. Il considère la menace comme « une hydre à milles têtes avec des causes multiples13 ». Ce qui justifie à positionner le continent en première victime sur la décennie 2006-201614 dont est plus précisément touchée la partie ouest-africaine.

La permanence des situations d'instabilités politiques et la fragilisation du tissu social dans ces États ouest-africains ont facilité la constitution des entreprises criminelles

7 Voir infra pp. 21-23.

8 L'article 52 de la charte N.U. : « Aucune disposition de la présente charte ne s'oppose à l'existence d'accords ou d'organismes régionaux destinés à régler les affaires qui, touchent au maintien de la paix et de la sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional, pourvu que ces accords ou ces organismes et leurs activités soient compatible avec les buts et les principes des Nations Unies »

9 SOREL (J.M.), « L'élargissement de la notion de la menace contre la paix » in Société Française de Droit International, le chapitre VII de la charte des Nations Unies, Paris, Pedone, 1995, p. 10 ; Voir aussi CASSAN (H.), « L'avenir du Conseil de Sécurité » in AFRI, 2000, Vol.1, Bruylant, Bruxelle, p. 805.

10 Cf. le préambule de la Charte des Nations Unies

11 On peut lire cette autorisation aux termes de l'article 53 qui dispose ceci : « Le CSNU utilise, s'il y'a lieu, les accords ou organismes régionaux pour l'application des mesures coercitives prises sous son autorité... ».

12 NKALWO NGOULA (J.L.), « L'Union Africaine à l'épreuve du terrorisme : forces et challenges de la politique africaine de sécurité », Thinking Africa, Note d'analyse politique, n°35, Avril 2016, p. 1.

13 TALL. (S.N.), Droit des organisations internationales africaines. Titre II : Paix et sécurité en Afrique. Les organisations internationales africaines entre universalisme solidaire et régionalisme coopératif, Paris, L'Harmattan, 2015, p. 434.

14 Voir Jeune Afrique, « Sécurité : l'Afrique, première victime du terrorisme » n°2937 du 32-29 avril 2017, p. 9. En comparaison de l'année 2006, on enregistre 271 et en 2015 avec 3093 attaques. Pour statistique, 38,8% des attaques perpétrées à l'aide de bombes, 30,5% sont des attaques à armes légères et 11,9% qui représentent le kidnapping.

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clandestines. D'abord, la dégradation s'est accentuée du fait de la porosité des frontières avec la prolifération des armes et munitions dans la bande sahélo-saharienne. Laquelle a pu engendrer des crises sécuritaires et de gouvernance. Ensuite, cette situation a permis à ces groupes armés de pouvoir élire domicile au vu de l'attitude passive de certaines autorités étatiques. C'est peut-être cela qui explique la recrudescence actuelle des actes terroristes en Afrique de l'ouest connue en tant que foyer des groupes terroristes15.

Aussi, observe-t-on, par-delà l'interdépendance des États et des régions, un monde où se développent naturellement à l'échelle de la planète, des échanges de biens, services et de capitaux. Cette ère, dite de la mondialisation16, ne souffre aujourd'hui d'aucune ambiguïté puisqu'elle favorise un rapprochement des hommes et des cultures par le biais du processus d'intégration de marchés et de libéralisation des échanges. À cette dynamique, l'on assiste inversement à la globalisation du crime avec des groupes criminels qui s'affranchissent des frontières17 à l'instar des autres activités humaines licites et légales. Il est question d'une nouvelle dimension de la criminalité organisée par l'internationalisation des activités criminelles. Un environnement qui s'est développé dans une parfaite symbiose entre réseaux criminels à l'aide d'échanges, d'utilisations de moyens matériels et technologiques sophistiqués.

Alors, sans se soustraire spécifiquement à leurs objectifs, les organisations d'intégration économique18 de la zone - la Communauté Économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et de l'Union Économique Monétaire Ouest Africain (UEMOA) - vont prendre une série de mesures. Celles-ci consistent à intégrer le terrorisme dans la question de la paix et de

15 BLEDSON (M.), « Burkina Faso, frontières avec le Mali et le Niger : comment les djihadistes gèrent leur territoire » in Fraternité Matin, n°16249, du 14 février 2019, pp. 2-5.

16 ROCHER (G.), « La mondialisation : un phénomène pluriel » in Daniel (M.), Une société-monde? Les dynamiques sociales de la mondialisation, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, « Ouvertures sociologiques», 2001, p. 17.

17 MARTIN (J.C.), « Les règles internationales relatives à la lutte contre le terrorisme », Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 16.

18 Nous soulignons la différence entre une organisation de coopération et organisation d'intégration. En effet, dans la coopération, les partenaires se contentent d'unir leurs forces en vue de réaliser une ou plusieurs opérations particulières. Ici, on constate des critères. Chacun des États membres conservent leur souveraineté en matière de politique nationale ; les objectifs sont limités, précis et concrets ainsi que les décisions sont prises par consensus. Cependant, dans le cadre de l'intégration, les Etats concernés procèdent à la mise en oeuvre de leur politique commune dans les domaines juridiques, économiques, politiques et financiers. Elle se traduit par la création de la communauté qui implique pour chaque Etat membre de prendre des engagements jusqu'à l'abandon de la souveraineté dans la mesure où la communauté a un pouvoir de décision autonome.

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la sécurité19 tout comme les organisations de coopération (ONU et UA). Le phénomène terroriste devient alors une menace de l'espace ouest-africain pesant indirectement sur la stabilité du système financier et directement sur la libre circulation des personnes et des biens dont jouissent les citoyens de l'espace. C'est pourquoi, au vu de son lien connexe à d'autres phénomènes sociaux, la réponse juridique a préféré l'incrimination par les actes dans ses différentes manifestations. Une approche de pénalisation d'actes criminels tant au niveau national comme international qui peut être retenue aussi bien à l'encontre d'un criminel de droit commun que d'une personne dont l'acte répond à l'intention de répandre la terreur.

Il résulte de toutes ces adoptions d'instruments juridiques une certaine schématisation de la lutte contre le terrorisme en Droit International20 : l'incrimination du terrorisme et de son financement comme une infraction autonome, la prévention dévolue aux services de renseignements21, la répression confiée aux juridictions nationales en raison de l'absence d'une juridiction pénale internationale22 et la promotion de la coopération internationale23.

Une réaction des États contre cette menace commune s'impose dans une démarche globale et intégrée proportionnellement à la nature transfrontalière du phénomène. Ainsi, la mutualisation de leurs efforts a induit l'idée d'un déploiement d'actions conjointes pour combattre le terrorisme dans toutes ses formes. La présente étude vient à point nommée : « la coopération internationale face au terrorisme en Afrique de l'ouest ». Cette étude se propose, au regard de la réalité contemporaine, de faire une analyse du cadre juridique des actions conjointes prises par les États ouest-africains et l'appui de leurs partenaires internationaux pour éliminer le terrorisme et combattre les groupes terroristes reconnus dans la zone.

La compréhension de tout sujet mérite une certaine clarification. En Philosophie, toute définition donnée est sujette à controverse24. Mais, parler de définition en Droit, selon le

19 SOTTILE (A.), « Le terrorisme international » in RCADI, 1938, III, tome 65, p. 90.

20 Voir annexe 1 à certains extrait contenus dans les instruments juridique de lutte contre le terrorisme.

21 Voir annexe 2 sur l'entretien réalisé avec le Commissaire de Police Ekra DJEZOU

22 ASSI (P.), « La répression internationale du terrorisme : de l'efficacité d'une incrimination internationale à l'épreuve des convenances politiques », Mémoire master 2 Droit international, Faculté de Droit et Science Politique de l'Université de Bordeaux, 2018-2019, p. 1.

23 Souligner par nous en tant qu'outils par excellence.

24 Pour PLATON, le sens est immuable et sert de fondement à notre connaissance. Et John LOKE, qui sur le plan épistémologique (l'empirisme) considéré que toute connaissance vient de l'expérience. SUEZ (D.), « De la

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Professeur Gérard CORNU, « c'est normalement privilégier le sens d'un mot parmi d'autres, accréditer un seul sens, clair afin de dissiper l'équivoque »25. Toutefois, la complexité de certaines réalités prises par le droit échappe à cette précision du langage juridique. Ainsi, les contributions universitaires ont un certain mérite en tant que fil conducteur à l'identification des faits sociaux.

On entend par « coopération » l'action de travailler conjointement avec d'autres sujets (dite collaboration) et l'action coordonnée de deux ou plusieurs sujets en vue d'atteindre des objectifs communs dans un domaine déterminé (dite coordination). Le qualificatif « international » ajouté à la coopération étend l'action à divers domaines au travers d'instruments prévoyant ces modes26. Ensuite, le terme « face » 27 est synonyme de contre, à l'épreuve de. Toutefois, aucune définition n'est universellement admise pour ce qui est du « terrorisme ». À titre d'appréhension, notons quelques acceptions. Chez Raymond ARON, le terrorisme est défini par la peur qu'il engendre28. Quant à Paul WILKINSON, c'est un acte d'intimidation29 visant à contraindre ou susciter une peur telle chez ceux qui sont la cible et qu'ils soient obligés de modifier leur attitude pour satisfaire les terroristes. Certains l'assimilent à une méthode de combat30 et d'autres préfèrent le distinguer par les acteurs, buts et moyens employés31. Mais, la plus répandue est celle donnée par le Groupe de Personnalités de Haut Niveau des N.U. comme une action intentionnelle en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur par des actes tels : atteintes à la vie, vols, destructions, dégradation de l'environnement ainsi que les attaques en matière informatique... Enfin, « l'Afrique de l'ouest » est une région qui couvre toute la partie occidentale de l'Afrique subsaharienne qui comprend approximativement les pays côtiers au nord du golfe de Guinée jusqu'au

définition à la labellisation : le terrorisme comme construction sociale » in Le droit international face au terrorisme Préf. Guillaume (G.), Paris, Editions A. Pedone, 2002. Tout travail de définition tend, par essence, à réduire la diversité d'un phénomène à la singularité d'un concept.

25 Cf. CORNU (G.), « Les définitions dans la loi », Étude parue in Mélanges dédiés à J. Vincent, Paris, Dalloz, 1981, p. 84. Il fait une la division et la confrontation entre les définitions réelles et les définitions terminologiques.

26 SALMON (J.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 270-272.

27 Voir le Dictionnaire de poche Larousse, Paris, éd. Larousse, 2010, p. 322.

28 Cf. ARON (R.), Paix et guerre entre les nations, Clamann-levy, Paris, 1962, p. 176.

29 Cf. WILKINSON (P.), Technology and Terrorism, Londres, Frank Cass and Co, 1993 cité dans le terrorisme, violence et politique, PPS, n°859,29 Juin 2001, p. 13.

30 Cf. GUILLAUME (G.), « Terrorisme international » in répertoire international Dalloz, 2006, p. 2.

31 LABAYLE (H.), « Droit international et lutte contre le terrorisme » in AFDI 1986, Vol. 32, 1987, p. 106. Voir DAVID (C-P.), La guerre et la paix : approches contemporaines de la sécurité et de la stratégie, Paris, Presses de Sciences Po, 2006, pp. 17-24. L'analyse du phénomène terrorisme met en cause la place de l'État en tant qu'acteur principal des relations internationales.

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fleuve Sénégal et les pays couverts par le bassin du fleuve Niger ainsi que ceux de l'arrière-pays sahélien. Les 15 États de la CEDEAO font ouvertement partie de la zone. Mais, d'un point de vue géographique, la Mauritanie demeure un État partie à la région ouest-africaine bien qu'elle est adhéré aux organisations des États du Maghreb. Cette zone comprend donc 16 États. De plus, on ne saurait se limiter à la CEDEAO car c'est aussi accepter à l'adhésion future du Maroc comme un des membres de la région et mettre de côté l'UEMOA. Alors, on devrait plutôt se limiter géographiquement au 16 États ouest-africains. Pour une rationalisation de cette étude, un accent est plus mis sur la réglementation de certains États touchés (le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria) et ceux en alerte (la Côte d'Ivoire et le Sénégal).

En tant que phénomène de la société contemporaine et par l'ampleur de la menace ; le terrorisme est devenu pour le Professeur LABAYLE « un sujet 32 d'étude du Droit international et des Relations internationales 33 ». De ce fait, l'oeil juridique serait notoirement insuffisant pour comprendre les enjeux des mutations du phénomène. À cet effet, le Professeur Serge SUR évoque le concept de « politique juridique »34 pour désigner le point de croisement entre le Droit International et les Relations Internationales. En rapport avec le terrorisme, c'est en quelque sorte privilégier un traitement politico-juridique de la lutte contre le terrorisme. Ainsi, dit-il qu'on ne peut le comprendre « ni sans le droit ni uniquement avec le droit »35.

En outre, il est admis que le terrorisme dans ses formes est interdit en tant que type de violence grave puisqu'il n'est possible dans aucun ordre social « un système de justice privée où prévaut la loi du plus fort et le conflit permanent de tous contre tous »36. Une réplique basée sur le droit contre ce type de violence entend satisfaire un besoin d'harmonisation de l'action internationale afin de bannir l'usage de la violence pour répliquer à la violence37. Ce besoin a trouvé son essence dans cet essai historique qui a fait une rencontre singulière entre droit et la

32 DUPUY (P-M) et KERBAT (Y.), Droit international public, 14 éd., Paris, Dalloz, 2018, p. 1. Le Droit international est constitué de l'ensemble des normes et institutions destinées à régir la société internationale.

33 TAWIL (E.), Relations internationales, 6ème éd., Paris, Vuibert, 2017, p. 13. SIERPINSKI (B.), Institutions internationales, 19ème éd., Paris, Dalloz, 2015, p. 3. Pour lui, dans une assertion extensive, les Relations internationales désigneraient les relations humaines qui transcendent le simple cadre des frontières étatiques et dans un sens plus strict, cette notion englobe les « relations par lesquelles Etats s'efforcent d'ajuster leurs intérêts.

34 SUR (S.), « Propos d'ouverture, Journée d'études de Paris » in Droit international et relations internationales: divergences et convergences, Paris, Pedone, 2010, p. 11.

35 Ibid. p. 11 et ss.

36 KOLB (R.), « Considérations générales sur la violence et le droit international » in AFRI 2005, Vol. 6, 2006, p. 28.

37 CILLIERS (J.), « L'Afrique et le terrorisme » in Afrique contemporaine, n° 209, 2004, p. 82.

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diversité de lectures politiques antérieures. Cet essai vise à comprendre la spécificité du terrorisme en région ouest-africaine. D'autant plus que, le fait terroriste a préexisté au mot38.

Pour le Professeur Éric DAVID, la lutte contre le terrorisme international remonte au cours de la seconde moitié du XXème siècle39. Et les Professeurs Gérard CHALIAND et Arnaud BLIN situent l'origine de sa manifestation dès l'antiquité, plus précisément au I siècle vers 175 avant Jésus Christ par la terreur de certains groupes au nom de la religion40. Au fil du temps, le fait se démarqua pour devenir une action autoritaire du politique dès la chute du régime de Robespierre à partir du 30 août 1793. Il permit lors de la conférence internationale de 1898 de le distinguer de certaines violences politiques légitimes41. Toutefois, elle ne fut pas sans lien avec l'assassinat de l'Archiduc François-Ferdinand à Sarajevo en Août 1914 par un indépendantiste serbe. Cet événement a été présenté par les historiens comme un élément déclencheur de la première guerre mondiale dont les effets avaient potentiellement mis en exergue un certain aspect du terrorisme international42.

Ce fut de cette prise de conscience collective par les Nations de l'atrocité de la violence pendant la « grande guerre »43 notamment pour son coût humain que débuta les tentatives d'incrimination du terrorisme. Des propositions ont germé sous les auspices de la Société des Nations (SDN) lors de la sortie de la Conférence de Paix tenue le 14 février 1919. Au motif de

38 SOREL (J.M.), « Existe-t-il une définition universelle du terrorisme ? » in (sous dir.) KARINE (B.) et al., Droit international face au terrorisme, CEDIBN-Paris I, Cahiers internationaux n°17, 2006, p. 36.

39 DAVID (E.), « Les Nations Unies et la lutte contre le terrorisme international » in (sous .dir.) COT (J.P.), La charte des Nations Unies : Commentaire articles par articles, Tome I, 3éd. Paris, Economica, 2005, p. 163.

40 À l'origine du mouvement des Maccabées en 175 avant Jésus Christ, les zélotes ou encore sicaires prônent une terreur au nom de la religion40 du `'Judaïsme» pour justifier leur rébellion contre l'autorité romaine. Il rejetait un monde grec au profit d'une tradition juive. Les sicaires ou zélotes s'attaqueront ensuite aux notables qui acceptent une domination romaine et leur mode de vie. Le suicide final des derniers sicaires à Massada marquera la fin de ce mouvement. Elle marqua une volonté d'une interprétation radicale de la loi juive. Partant du XIème siècle des agissements de la secte des « assassins » au nom de l'Islam issue du chiisme dans la Moyen Orient (de l'Iran à la Syrie) à la suite de la St Barthelemy en 1572 dans les actes perpétrés par la Ligue parisienne ultra catholique entre 1585-1594. Cette forte connotation du religieux au terrorisme s'estompa jusqu'au XIXème siècle. Voir Gérard CHALIAND et Arnaud BLIN, Histoire du terrorisme : de l'antiquité à Daech, Fayard, 2015, p. 3. Voir aussi SOREL(J.M) « existe-t-il une définition universelle du terrorisme ? », op.cit., p. 6.

41 Les nihilistes et les anarchistes étaient considères comme des entrepreneurs de la violence politique voire des terroristes politiques. Les Russes et les Allemand voient, lors de la conférence, un moyen pour condamner la violence politique dans son ensemble. Or, les Français et les Anglais souhaitent cibler la violence des anarchistes et la distinguer d'une violence légitime contre un pouvoir autoritaire.

42 HENNEBEL (L.) et LEWKOWCZ (G.), « Le problème de la définition du terrorisme », in HENNEBEL (L.), VANDERMEERSCH (D.), Juger le terrorisme dans l'État de droit, Bruxelles, Bruylant, Collection Magna Carta, 2009, p. 21.

43 Grande guerre dite première guerre mondiale pour avoir engagé à certains points les cinq continents. En effet, la première guerre mondiale opposa entre le 28 Juillet 1914 et le 11 novembre 1918, les alliés dit de la vaste coalition qui compte France, Royaume Uni, URSS (désormais Russie) et États Unis contre les empires centraux avec l'Allemagne et les allies de l'Autriche-Hongrie. Cette guerre fit plus de 10 millions de victimes militaires et au-delà de 8 millions de victimes civiles.

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sa création ; la SDN devait assurer les relations pacifiques et garantir la paix mondiale44. C'était dans cette veine que la commission de juristes dite commission « sur les responsabilités des auteurs de la guerre et sanctions » assimila sans définir « le terrorisme systématique » aux crimes de guerre45. Cette étude servit de base aux travaux de la doctrine criminaliste en 1926 qui s'est ténue dans le cadre des six (6) conférences internationales pour l'unification du droit pénal46. On aboutissait aux premières règles internationales de lutte contre le terrorisme à la sortie de ses conférences. Il s'agit de la Convention pour la prévention et la répression du terrorisme du 16 novembre 1937 conclue à Genève 47 et celle portant sur la création d'une Cour Criminelle appelée à juger les actes de terrorisme48. Ces conventions furent suscitées par l'attentat attribué à des oustachis croates à Marseille en date du 9 octobre 1934 qui coûta la vie au roi Alexandre Ier de Yougoslavie et à Louis Barthou, ministre français des affaires étrangères. Elles eurent pour effet de créer un cadre de coopération entre les États afin de criminaliser le terrorisme et autoriser l'extradition des auteurs de l'infraction49 malgré qu'elles soient tombées en désuétude pour faute de ratification suffisante50.

Par ailleurs, une évolution de la lutte aux années 1945 fut inscrite dans la prévalence du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes relativement aux buts de l'ONU51. La dissolution de la S.D.N 52 en vue de créer l'O.N.U pour le maintien de la paix et la sécurité internationale était due en raison du déclenchement de la seconde guerre mondiale. Ainsi, le débat au sein de

44 Annexe au Traite de Versailles et signé le 28 juin 1919, le pacte de la SDN est entré en vigueur le 10 janvier 1920 en marque de sa naissance officielle. Elle fut la première organisation internationale constituée aux fins du maintien de la paix.

45 V. Société des Nations, Actes de la Conférence internationale répression du terrorisme, 1937, Documents C. 94. M. 47. Elle mit sur le même plan que les « meurtres et massacres ».

46Voir « Actes de la Conférence», 1931, Bruxelles, Office de publicité. Un projet de 17 articles en tout qui ont visé entre autres, à l'adoption d'une liste d'actes répréhensibles sur les personnalités étatique et les biens publics - privés en tant que terrorisme et à la coordination des moyens répressifs pour combattre le terrorisme. Les sept (7) conférences se tinrent respectivement à Varsovie (1 au 5 novembre 1927), à Bruxelles (26 au 30 juin 1930), à Paris (27 au 30 décembre 1931), à Madrid (14 au 20 octobre 1934) et à Copenhague (du 31 août au 3 septembre 1935)

47 La notion de terrorisme en son article 1 alinéa 2 comme « des faits criminels dirigés contre un Etat et dont le but ou la nature est de provoquer la terreur chez des personnalités déterminées, des groupes de personnes ou dans le public » et l'article 2 énumère les différents « faits » qui constituent de telles infractions.

48 Voir : Société des Nations, Actes de la Conférence internationale pour la répression du terrorisme, 1937, Doc. C 94.M.47. 1938 V.

49 L'origine de cette clause d'extradition résulte de l'échec de coopération entre la France et l'Italie où s'étaient réfugiés deux complices de l'attentat de Marseille. La Cour d'appel de Turin refusa de les extrader au motif que le régicide était un crime politique. Et cela faisait obstacle à l'extradition conformément au traité qui liait la France et l'Italie depuis 1870.

50 Seul l'Inde a ratifié la convention. Elle n'est jamais entrée en vigueur conformément à son article 26.

51 L'article 1 al. 2 de la charte des NU donne comme buts à l'ONU « développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux même et prendre toutes autres mesures propres à consolider la paix dans le monde »

52ROUSSEAU (C.), Droit international public, Paris, Librairie du Recueil SIREY, 1953, p. 190. La responsabilité des échecs incombe moins à la SDN qu'aux Etats qui la constituaient.

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l'instance onusienne repris53 sur l'interdiction de la violence en générale et du terrorisme en particulier. Cependant, dans un contexte de la décolonisation et à la fin de la guerre froide, les discussions sur l'approche privilégiée se heurtèrent à l'autodétermination des peuples du tiers monde. Ce fut suite au déclenchement de la guerre des six jours contre la cause palestinienne54 et à la conférence tricontinentale qui se tint à Havane (la Cuba) en janvier 196655, qu'une conjonction d'événements de types d'actes terroristes firent surface. Deux faits ont été des plus marquants : le 22 juillet 1968, détournement revendiqué du vol commercial de la compagnie israélienne EL AL par trois Palestiniens armés issue du Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) et en 1972, avec l'attentat aux jeux olympiques de Munich. Ceux-ci permirent d'internationaliser une réponse ponctuelle contre le recours au terrorisme par les actes, cibles et à l'identification des groupes. Alors, se justifièrent les propos des Professeurs HIGGINS et FLORY, pour qui les actes terroristes étaient comme des « étiquettes médiatiques »56 à utiliser pour décrire certaines situations.

L'adoption de conventions internationales réprimant certaines manifestations que l'on recouvre sous le vocable « acte terroriste »57 en est une illustration. Sans être exhaustif, on notait d'une part, l'adoption de conventions avec l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI) pour incriminer les actes survenant à bord des aéronefs, la capture illicite d'aéronef et les actes illicites contre la sécurité de l'aviation civile. Il y avait l'incrimination des matières nucléaires sous l'auspice de l'Agence Internationale de l'Énergie Atomique (AIEA) et les actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental sous l'égide de l'Organisation Maritime Internationale

53 Voir les travaux de la Commission officielle des crimes de guerre instituée à la Conférence diplomatique qui a eu lieu au Foreign Office à Londres, le 20 octobre 1943, le terrorisme en tant que crime international selon le projet du Code des crimes contre la paix et la sécurité internationale de la commission du droit International (CDI) avec l'Etat en tant que sujet actif et passif du terrorisme comme souligné dans le Rapport du Comité spécial pour la question de la définition de l'agression. Voir Rapport de la Commission du droit international des Nations Unies au cours de sa sixième session (3 juin-28 juillet 1954). Doc.off.: 9 session, Suppl. n° 9 (A/2693) ; Rapport du Comité spécial pour la question de la définition de l'agression, 31 janvier-3 mars 1972, Documents officiels de l'Assemblée générale, vingt-septième session, supplément n° 19 (A/8719).

54. Voir RAFLIK (J.), « les expressions du terrorisme dans l'histoire contemporaine » in Cahier Français n°395, p. 4.

55 La première conférence de solidarité des peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine. Dès l'ouverture le Président Cubain invite les participants à répondre à la violence de l'impérialisme par la violence armée de la révolution. Voir Brieux (J.-J), « La tricontinentale », politique étrangère, n°1, pp. 19-43.

56 HIGGINS (R.), FLORY (M.), «Terrorism and international law », Routelegde, London, 1997, p. 13.

57Pour plus d'analyse voir GHANEM-LARSON (A), Essai sur la notion d'acte terroriste en Droit International Pénal, Thèse pour l'obtention du grade de Docteur en Droit international pénal, Faculté d'Aix Marseille III de l'Université de Droit d'économie et des sciences, 2011, p. 12.

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(OMI)... Et on notait d'autre part, sur initiative onusienne, l'incrimination des prises d'otages, des attentats à l'explosif et le financement du terrorisme...

À côté du volet répressif, l'aspect préventif de la lutte contre le terrorisme international fut insufflé par des divergences de positions. Des approches sur fond de slogan « terroristes pour certains et combattants de la liberté pour d'autres »58 servaient de fusils entre les États en faveur des Mouvements Nationaux de Libération (MNL) et les Occidentaux dans leur domination coloniale. Ce fut à l'ordre de ces échanges qu'a été adopté la résolution 3034 (XXVII) en date du 18 décembre 1972 avec comme intitulé : « Mesures visant à prévenir le terrorisme international qui met en danger ou anéantit d'innocentes vies humaines, ou compromet les libertés fondamentales, et études des causes sous-jacentes de formes de terrorisme et d'actes de violence qui ont leur origine dans la misère, les déceptions, les griefs et le désespoir et qui poussent certaines personnes à sacrifier des vies humaines, y compris la leur, pour tenter d'apporter des changements radicaux »59. Outre la décision de créer un comité spécial60, la résolution éclaire par son titre à prévenir le phénomène et à en étudier les causes sous-jacentes. Elle a fait suite logique à l'affirmation d'un des devoirs des États dans leurs relations amicales. On pouvait citer le fait « de s'abstenir de la menace ou à l'emploi de la force contre l'indépendance politique de tout État » ou de « s'abstenir d'organiser ou encourager des actes de guerre civile ou acte de terrorisme »61. C'est en quelque sorte insinuer que la menace terroriste peut résulter des agissements de tout État.

En outre, l'escalade de méfiances des blocs communiste et capitaliste doublée d'une dissémination de la guerre froide avec la stratégie asymétrique de conquête a eu un effet de

58Cf. MADJIB (B.), « Le terrorisme, les mouvements nationaux et de sécession et de droit international » in BANNELIER (K.) et al. (Sous dir.), Droit international face au terrorisme, CEDIN-Paris I, Cahier international, 2002, p. 69. Pour lui, la problématique de la légitimité de la méthode de combat des MNL a mis plus en avant la protection internationale des droits de l'Homme tout en indexant la société internationale à ne pas assimiler son droit de résistance aux actions terroristes.

59 Le projet (A/C. 6/L. 880) fut adopté par 76 voix contre 34 et 16 abstentions. Pour un résumé des débats voir : RATON (P.), « Travaux de la Commission juridique de l'Assemblée générale des Nations Unies (XXVII session) » in A.F.D.I., 1972, pp. 544-583. Le Professeur Erik SUY affirmait l'exclusion du terrorisme international des activités entreprises dans le cadre du droit des peuples à l'autodétermination.

60La variété et l'importance des sujets devant être abordés incitèrent le Comité spécial à se diviser en trois sous-comités pléniers chargés d'étudier respectivement : la définition du terrorisme international, ses causes sous-jacentes et les mesures de prévention. Elle a reçu mandat sur la base de faire des observations sur la notion même de terrorisme international qui apparaît sous de nouveaux aspects (I), l'analyse des causes de ce phénomène (II) et la recherche des moyens d'élimination du terrorisme international (III) témoigne des nombreuses difficultés auxquelles on ne peut que se heurter à cet égard. Voir Prévost (J.-F), « Les aspects nouveaux du terrorisme international » in AFDI, Vol.19, 1973, pp. 585-587.

61 Voir les déclarations approuvées par l'Assemblée Générale dans les résolutions 2625 (XXXV) du 24 octobre 1970 et 2734 (XXV) du 16 Décembre 1970.

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radicalisation de l'Islam pendant l'invasion soviétique en Afghanistan entre 1979-1989. Ce qui suscita à quelques égards un réveil islamique62du monde musulman vis à vis de certains pouvoirs en place à l'image du territoire Afghan. Un espace qui devint l'exutoire de mouvements radicaux et extrémistes. De plus, la division sunnite-chiite a fait place à l'étendue d'une `'politique d'islamisation`' (Arabie Saoudite-Iran) comme instrument de puissances au Moyen-Orient et dans le monde arabe de la partie africaine.

Un ressenti qui a eu des impacts dans la circonscription maghrébine avec le débordement de la guerre civile en Algérie dès 1990. Le point culminant a été la création du Groupe Islamique Armé (GIA)63 suite aux élections législatives 1992 controversées sans oublier le Jihad islamiste en Égypte64. La publicisation de leurs actes a été mise en évidence par l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA). Cette dernière avertissait sur les dangers posés par l'extrémisme violent en Afrique65. De ce fait, elle décida en vertu de sa charte, de rejeter lors de la déclaration de Tunis 1994 : « le fanatisme et l'extrémisme, quelles que soient leurs natures, origines et formes particulièrement ceux basés sur des principes religieux et des actes de terreur »66.

La menace des mouvements radicaux devint un enjeu continental. D'abord, elle débutait par des soupçons d'accusations du Soudan d'arbitrer des groupes extrémistes avec un prétendu financement de la Jamahiriha Arabe lybienne. Ensuite, l'exacerbation médiatisée d'un supposé terrorisme islamiste dans l'intervention américaine en Irak dès 200367 et le conflit Syrien ont occasionné un flux migratoire de réfugiés sur le continent. Enfin, ces événements ont conséquemment permis une assise de certaines branches de l'État Islamique (EI) et groupes radicaux68 après l'implosion du régime du colonel Kadhafi en 2011. Aussi, ont-ils été consumés les clivages ethniques sur fond de revendications avec la création des poches de radicalisation en vue de favoriser un foyer de groupes terroristes armés au sahel69 et en Afrique de l'ouest. Il

62 KEPEL (G.), « Terrorisme islamiste : de l'anticommunisme au jihad anti-américain », Rapport annuel mondial sur le système économique et les stratégies : RAMSES, Paris, Dunold, p. 45.

63 Normand (N.), « Le sahel peut-il retrouver la paix ? » in Commentaire SA, n°164/2018, p. 840.

64 Voir RAFLIK (J.), « Les expressions du terrorisme dans l'histoire contemporaine », op.cit., p. 6.

65 BEKALE (L.N.), « L'Union Africaine et la problématique du terrorisme. Aspect d'une politique publique continentale » in Thinking Africa, NAP n°47, septembre 2016, p. 3.

66 La déclaration AHG/Decl.2(XXX) ; Voir aussi CELLIERS (J.) SUMMAN (K), « le terrorisme et l'Afrique : un survol et une introduction » in l'Afrique et le terrorisme, ISSA, Pretoria, 2002, p. 9.

67 Voir RAFLIK (J.), « Les expressions du terrorisme dans l'histoire contemporaine », op.cit., p. 7.

68 JALABERT (L.), Comprendre le XXIe siècle (1991-2011) : Tome I : Aspects internationaux, Cahier d'histoire immédiate, n°141, 2012, p. 46.

69 Nous soulignons que le Sahel est une « région de l'Afrique, bordant le Sahara au sud ...orientée ouest-est, étirée du Sénégal au Soudan. Voir LONCLE (F) et PLAGNOL (H.), « La situation sécuritaire dans les pays de la zone

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s'agit entre autres d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), du Mouvement pour l'Unicité du Jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), Ansar Eddine, Al Mourabitoune, Katiba macina et de Boko Haram70. La proclamation récente du terrorisme dit djihadiste par ces groupes extrémistes radicaux est encore des plus inquiétants. Le groupe Boko Haram, affilié à l'Etat Islamique (EI), est devenu l'État Islamique de l'Afrique de l'Ouest (EIAO) en 2015. La fusion des autres mouvances par la création de groupes terroristes en 2017 : on a le Groupe de Soutien à l'Islam et aux Musulmans (GSIM)71 proche d'Al-Qaïda et de l'État Islamique au Grand Sahara (EIGS)72 affilié à Daech. Seul le dynamisme des actions coordonnées en vue de la stabilité de la région ouest-africaine reste l'un des premiers atouts pour démêler ces groupes d'instrumentalisation73. Ceux-ci ne font que distiller méfiance entre les peuples. Alors, on gagnerait à consolider un État de droit à l'épreuve de ce terrorisme contemporain.

Le sujet comme présenté : la coopération internationale face au terrorisme en Afrique de l'ouest ne manque donc pas d'intérêt. Il présente un double intérêt tant au plan théorique qu'au plan pratique. Au plan théorique, ce travail est en premier l'occasion de présenter et analyser synthétiquement le cadre juridique de la coopération internationale jugé comme la voie souhaitée dans la lutte contre le terrorisme. Il permet en deuxième de nous intéresser à la pertinence des mécanismes juridiques développés par les États de la région ouest-africaine avec leurs partenaires internationaux pour mieux combattre les manifestations du terrorisme et les

sahélienne » in Rapport d'information de la Commission des Affaires étrangères, Assemblée Nationale, n °4431, 6 mars 2102, p. 9. EXPO/B/DEVE/FWC/2009-01/Lot5/23, Une stratégie cohérente de l'UE pour le Sahel, Direction Générale des Politiques Externes de l'Union, Direction B, Département Thématique, 2012, p. 9 et ss.

70 AQMI est né en 2007 des cendres du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) qui est un mouvement terroriste algérien revendiquant l'application d'un islam radical et sans concession- Le MUJAO est une organisation née d'une dissidence avec AQMI en 2011. Son agenda terroriste est orienté vers l'instauration de l'application de la Charia en Afrique de l'Ouest, mais il est présenté beaucoup plus comme un réseau criminel que comme un groupe terroriste. Quant à Al-Mourabitoune, c' est un groupe terroriste né en 2013 de la fusion entre le MUJAO et le groupe les signataires par le Sang et qui ambitionne de porter le djihad islamique à un niveau de violence jamais atteint dans le Sahel- Boko Haram né au Nigéria en 2002 et est considéré comme le groupe terroriste le plus meurtrier en Afrique de l'Ouest. Il n'a pas une emprise directe dans la zone sahélienne, mais sa collaboration poussée avec AQMI l'inscrit comme l'une des menaces les plus redoutables dans la région.

71LOUNNAS (D.), « le djihadisme au sahel après la chute de Daech » in Politique étrangère, n°2,2019, pp. 105106.

72 Ibid. le GSIM commandé par le Touarègue Iyad Ag Ghali. Elle fusionne quatre principales organisations djihadistes saheliennes dont AQMI dirigé par Yahia Abou Hammam (mort en fevrier 2019), Ansar Dine par Iyad Ag G., Al Mourabitoune par Mohktar Belmokhtar et la Katiba du Macina du Peul Amadou Koufa. De l'autre côté avec EIGS dirigé par Abou Walid Al-Sahraoui et compose en son sein une composante d'Ansar Dine avec le Sultan Ould Badi, emir de la Katiba Salah Eddine.

73 Ibidem.pp. 106-107 dans une interview accordée à Al Massar, journal en ligne d' d'Al- Qaïda - Iyag Ag Ghali affirmait ceci « Nos ennemis sont les juif et les chrétiens, les ennemis des musulmans mais c'est la France qui reste notre ennemi historique dans cette partie du monde islamique et tous ceux qui l'aident.... ». Voir Bachir (M.) « la France notre premier ennemi », The Middle East Eye, 4 avril 2017, disponible sur www.middleeasteye.net. (Consulté le 10/12/ 2019)

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groupes terroristes. Au plan pratique, en détectant les difficultés d'une réelle coopération, cette étude devrait permettre aux décideurs à différents niveaux d'apprécier les moyens nécessaires pour optimiser leurs actions en vue de l'efficacité de la coopération régionale. Aussi, peut-elle également se révéler didactique pour tous les acteurs de la lutte contre le terrorisme.

Il ne fait pas l'ombre d'un doute que le sujet est d'actualité. En effet, la réalité d'un terrorisme dit djihadiste semble avoir un effet néfaste autant sur la cohésion des peuples que sur les États de la région qui peinent déjà à sortir du sous-développement. On constate parallèlement un nombre croissant de victimes d'actes terroristes dont devra répondre les États pour rétablir une justice sociale. Alors, la nécessité pour les États ouest-africains de coopérer contre cette menace commune s'inscrit dans la paix, la sécurité et dans développement.

De ce qui précède, il s'est agi de poser la question centrale de savoir : qu'est ce qui pourrait caractériser la coopération internationale en matière de lutte contre le terrorisme dans l'espace ouest-africain ? C'est autrement se poser les deux questions suivantes : quelles sont les initiatives prises par les États ouest-africains à l'épreuve du terrorisme et des groupes terroristes conformément à leurs obligations juridiques internationales ? Quels sont les moyens mis en place par les partenaires internationaux en appui aux États contre les divers aspects du terrorisme pour une stabilité de l'Afrique de l'ouest ?

À la limite des actions unilatérales, la coopération internationale est reconnue aux États pour faire face à toute menace de la paix et de la sécurité internationale. Aucune entité souveraine ne saurait être contrainte à coopérer contre son gré. Mais, chaque État se doit de respecter ses engagements internationaux librement adhérés et de s'obliger à ne pas violer les valeurs et principes qui régissent la société internationale. Une société dans laquelle se fait entendre une `'communauté dite internationale». Celle-ci ne cesse de rappeler les valeurs d'humanité et de solidarité consacrées qui ont formé l'idée d'un ordre public international dit « jus cogens ». Ainsi, les règles de lutte contre le terrorisme ont été inscrites en conformité de ces normes impératives. N'est-ce pas ce qui a incité le concept du système de sécurité collective voire du tous contre un ? De ce fait, la coopération internationale se veut baser sur le respect des normes (Première Partie). Aussi, des structures sont-elles instituées pour répondre aux manifestations du terrorisme de sorte à imprimer une synergie d'actions. Cela a créé un système sur lequel la coopération internationale s'est vue bâtie sur des institutions en matière de lutte contre le terrorisme (Deuxième Partie).

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault