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Habitat indigne. Le traitement technique et social de l'insalubrité et de ses conséquences sanitaires.


par Emeline TASSAN
Université des Sciences et Technologies Lille 1 - Master 2 Sciences et Technologies  2012
  

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4 / Un intérêt nouveau autour de l'habitat indigne « Habitat et santé mentale »

L'habitat : facteur de bien-être et d'intégration sociale

Pour l'Organisation Mondiale de la Santé, « la santé est un état de bien-être complet à la fois physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en une absence d'infirmité ou de maladie ». La santé mentale peut également avoir un lien avec l'occupation d'un habitat indigne relevant d'une situation de grande précarité économique et sociale. L'Agence Régionale de la Santé met en évidence le fait que l'environnement et donc plus particulièrement l'habitat peut constituer un élément important dans l'état de santé des personnes. En effet, l'habitat participe au bien-être physique et psychique ainsi qu'au développement et à l'intégration sociale de ses occupants. Il représente en effet bien plus « qu'un toit au-dessus de notre tête », c'est un véritable abri pour l'homme lui permettant de se protéger des agressions extérieures, de préserver son intimité mais également de prendre place dans la société, de s'intégrer. Le psychiatre Jean Furtos, Directeur Scientifique de l'Observatoire National des pratiques en santé mentale et précarité cite d'ailleurs: " L'homme habite et ainsi il prend place parmi les humains. Pour cela, il lui faut un lieu où inscrire son corps, sa subjectivité, son histoire, sa citoyenneté. Habiter c'est mettre de soi dans un lieu, ce qui est fort différent d'être logé. S'il ne peut habiter, l'homme ne peut prendre place et cela s'appelle aujourd'hui l'exclusion". Dans les faits, il est constaté que l'absence d'un toit provoque l'exclusion de l'individu. Cette situation de grande précarité est généralement facteur de perte de repères et de déséquilibre psychique et peut ainsi générer des troubles mentaux. Les personnes sans domicile fixe ou vivants dans des squats en sont les premières victimes. Vivre dans la rue et ne pas avoir de toit peut entraîner le développement d'une pathologie mentale. L'habitat joue un rôle fondamental dans la pleine jouissance du bien-être social et mental de chaque individu. Dans cette même logique, vivre dans un logement indigne, un habitat très dégradé peut également nuire au bien-être des occupants y compris sur le plan psychique. Ce sont le plus souvent des personnes aux conditions économiques et sociales très précaires qui sont amenés à vivre dans ces situations d'indignité. Pour reprendre les propos de Jean Furtos, on constate alors que

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ces situations contraire à la dignité humaine ne peuvent permettre à un individu de « prendre place dans la société », « de mettre de soi dans un lieu ». Ces situations de grandes précarités ne sont pas sans effet sur la santé mentale de ces individus. Elles entraînent une certaine souffrance et un mal-être qui lorsqu'elles sont durables et trop importantes, développent de réelles pathologies psychiques. La littérature internationale montre une forte prévalence des pathologies psychiatriques lourdes pour les personnes en grande précarité, sans domicile fixe ou encore vivant dans des logements très précaires... Il a été constaté par exemple qu'au moins dix fois plus de pathologies schizophréniques sont détectées chez des personnes vivant dans une grande précarité. En 2009, sur la Métropole Lilloise par exemple, 30% des personnes en situations de grande précarité souffrent de troubles psychiques et parmi eux 12.5% de psychoses avérées. Ces chiffres montrent bien la forte proportion des populations précaires qui souffrent de troubles mentaux et de pathologies psychiatriques lourdes. L'Agence Régionale de Santé du Nord-Pas-de-Calais travaille sur ce thème.

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La difficulté à mettre en relation « Habitat indigne et santé mentale »

Malgré l'augmentation des dispositions techniques (eau courante, assainissement, électricité...) qui ont contribué à l'amélioration de l'hygiène et du confort des logements, on constate que l'habitat lorsqu'il est dégradé, peut quand même, dans de nombreux cas, porter atteinte à la santé de ses occupants. Le manque d'aération et d'ensoleillement, les problèmes d'humidité, le défaut d'entretien des locaux et de leurs équipements (...) peuvent avoir des conséquences directes sur la santé des habitants comme nous l'avons vu précédemment (asthme, allergies, saturnisme, intoxication au monoxyde de carbone...). L'habitat indigne n'a cependant pas que des conséquences sur la santé physique des occupants d'un logement. L'habitat indigne peut également nuire à l'intégration sociale de ses occupants et également porter atteinte à leur bien-être moral. Les liens entre habitat et santé mentale ne sont pourtant pas toujours faciles à mettre en évidence. En effet, la grande majorité des procédures engagées actuellement à l'encontre du logement indigne, concernent généralement des cas où le logement entraînerait des difficultés sur le plan physique. Il est toujours délicat d'apporter la preuve que des liens existent entre des troubles psychiques et un habitat indigne et donc il est encore plus complexe d'entamer une procédure dans ce sens. Il est également complexe de prouver aujourd'hui qu'un habitat indigne peut être à l'origine d'un trouble psychique, on préfère penser que l'habitat indigne est un facteur parmi d'autres (précarité économique et sociale...) qui aggrave l'état de santé mentale des occupants d'un logement. On en conclut donc qu'il ne fera en généralement pas l'objet d'une procédure spécifique, on préfèrera en effet mettre en relation une procédure sur un logement indigne avec un danger pour la santé physique ou même un péril pour ses occupants plutôt que de le mettre en lien avec la fragilité mentale de l'occupant.

On ne peut cependant pas nier que les caractéristiques de l'habitat indigne peuvent entraîner une détresse, un découragement, une fatigue ou encore une anxiété chez les occupants qui peuvent expliquer son mal-être psychique. En effet, un logement mal chauffé, humide, sans fenêtre, exposé aux bruits continus entraîne une réelle fatigue, donc un mal être et souvent du découragement chez ses occupants. Des troubles anxieux peuvent apparaître en cas de présence d'insectes ou de rongeurs. Une exposition permanente au bruit peut entraîner une certaine fatigue et une anxiété quotidienne. Un

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logement humide et mal chauffé l'hiver, en plus de conséquences sur le plan physique peut également avoir un impact sur le plan psychique. On en conclut donc que, certes de nombreuses situations autres que l'habitat indigne, peuvent être à l'origine d'un mal-être psychique : il peut s'agir de perturbations sur le plan social comme une grande précarité économique (chômage...) ou encore d'autres évènements bouleversants (deuil, divorce...) mais on ne peut nier que les caractéristiques d'un logement indigne peuvent également conduire à une fragilité mentale. Tout individu vivant dans ces logements, qu'il ait déjà ou non rencontré auparavant des difficultés sur le plan social ou familial, pourrait se sentir démunis, isolé, découragé, impuissant face aux difficultés liées à l'occupation d'un logement indigne.

L'habitat indigne : entre souffrance d'origine sociale et pathologie mentale

Malgré les difficultés d'évaluation des effets de l'habitat indigne sur la santé mentale de ses occupants, on constate que ce sont généralement les mêmes maux qui vont contrarier l'équilibre psychique des individus : le découragement, le sentiment de honte et dans les cas les plus extrêmes l'incurie, pouvant aller jusqu'au syndrome de Diogène. Dans le cas où les individus ne seraient pas préparés à vivre dans la précarité, le professeur Jean Furtos montre qu'il y a trois degrés possibles à la souffrance psychosociale c'est-à-dire la souffrance psychique d'origine sociale. La souffrance peut, dans un premier temps, stimuler, aider à vivre car l'individu va chercher par tous les moyens à se sortir de cette situation de précarité à laquelle il n'est pas préparé. Si celle-ci devient cependant durable ou s'aggrave malgré les efforts fournis par l'individu, cela va l'empêcher de vivre, il se sentira découragé face à sa situation. S'il n'est pas rapidement « encouragé » par un tiers, c'est le troisième type de souffrance qui s'installera et de manière durable. Cette souffrance est la plus importante et la plus handicapante. L'individu cherchera à s'auto-exclure pour ne plus vivre sa souffrance. A l'inverse, il existe des cas où l'indignité du logement est due à un problème de gestion et d'entretien de celui-ci c'est-à-dire qu'il se dégrade, devient indigne car l'individu présente des troubles mentaux, préexistants à l'occupation du logement. C'est donc l'individu par son comportement qui entraîne la dégradation du logement.

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On en conclut que l'origine de la fragilité mentale d'un individu importe peu. Il s'agit surtout prendre en charge au plus vite ces situations d'urgence, qui nécessitent la mise en place d'accompagnement sociaux, médico-sociaux et souvent psychiatriques afin d'éviter que la situation ne s'aggrave.

Comme nous l'avons vu précédemment l'habitat indigne peut entraîner un découragement ou un sentiment de honte chez ses occupants lorsqu'il s'agit d'une souffrance psychosocial. Le découragement est à distinguer de la dépression. Il s'agit généralement des signes avant-coureurs d'une dépression qui, s'ils ne sont pas rapidement « soignés », c'est-à-dire lorsque un individu n'est pas rapidement « encouragé », peuvent conduire au suicide ou à l'incurie totale. Un habitat dégradé peut également entraîner un sentiment de honte chez l'occupant qui va l'amener à se replier sur lui-même, à rompre tout lien avec une vie sociale extérieure. Ce sentiment est également très éprouvant pour les enfants et/ou adolescents qui peuvent également refuser de recevoir leurs pairs biens conscients de l'indignité de leur logement.

Le découragement et le sentiment de honte, liés à l'habitat indigne amène donc l'individu à s'auto exclure et progressivement à ne plus prendre soin de son environnement et de soi-même. C'est un découragement extrême, une souffrance trop importante dans lequel l'individu s'abandonne en tant qu'être, on parle alors d'incurie ou du syndrome de Diogène. L'incurie s'observe en majorité chez des personnes isolées et des personnes qui s'isolent activent : personnes âgées, personnes en grande précarité sociale... Ils coupent également toutes relations avec leurs familles ou amis. Cela commence généralement par de petites négligences quotidiennes qui lorsqu'elles s'aggravent pourront porter sur l'hygiène, le fait de se nourrir, d'entretenir ou de payer son logement, le fait de sortir de chez soi, de se soigner... Cet abandon de soi et l'isolement croissant qui en résulte peut aboutir à la mort. Jean Furtos montre que l'incurie commence par un abandon de soi en tant qu'être social puis en tant qu'être biologique, c'est l'instinct de mort qui a pris le dessus. Dans des cas d'incurie, le lieu d'habitation est généralement encombré par des déchets de tous types : déchets alimentaires, déchets organiques, déjections animales ou humaines, vêtements sales (...) amenant ainsi divers nuisibles (rats, insectes à « cohabiter » avec l'occupant du logement. Les déchets sont retrouvés dans des sacs, parfois sans, des « chemins » permettent parfois de se frayer un passage à travers ces déchets mais ce n'est pas toujours

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le cas. Ces amoncellements de déchets sont dus généralement à une perte de la capacité à faire le ménage, à se soucier de l'hygiène de son logement et de sa propre hygiène, ainsi qu'à jeter et conserver des objets. Ces personnes souffrent souvent en parallèle de syllogomanie c'est-à-dire qu'ils « collectionnent )) des objets très divers (journaux, conserves alimentaires...) qui encombrent le logement.

Ainsi, le syndrome de Diogène présente plusieurs phases :

- Une incurie majeure entraînant un abandon total de l'entretien du logement et de son hygiène corporelle

- Un repli sur soi-même et un refus de toute aide extérieure

- Des comportements compulsifs (« collection )) de journaux, prospectus, excréments, déchets...)

- Un déni de la situation

Déchets s'accumulant dans le logement ne permettant plus de se frayer un passage
Service Communal d'Hygiène et de Santé, Ville de Roubaix

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Sur la photo ci-contre, on voit bien que le locataire abandonne totalement l'entretien de son logement. La présence de produits concernant son hygiène corporelle sur le lavabo montre bien cependant qu'il n'y a pas encore un total abandon de soi.

Suivi social et médical de ce locataire.

Abandon de l'entretien du logement Service Communal d'Hygiène et de Santé Ville de Roubaix

 

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L'incurie n'a cependant pas toujours comme origine une souffrance psychique sociale. En effet, l'individu peut disposer de pathologies mentales (schizophrénie...) préexistantes à sa situation de précarité. C'est d'ailleurs la pathologie dont il souffre qui l'amène à vivre dans la précarité soit parce qu'il s'auto-exclu du système sociétal, soit parce qu'il provoque de nombreux désordres dans l'habitat. Cette incapacité de gestion et d'entretien du logement créées des situations d'indignité. Ce n'est plus l'habitat qui a un impact sur l'équilibre psychique de l'individu mais bien, une pathologie mentale qui est à l'origine de la dégradation et de l'indignité du logement.

 

Le logement présentait tout le confort adéquat dans l'entrée dans les lieux du locataire. Sa pathologie mentale et ses accès de violence l'ont cependant poussé à dégrader son logement.

Dégradation du logement par le locataire Service Communal d'Hygiène et de Santé Ville de Roubaix

 

Absence de repères liée à la pathologie mentale du locataire. Celui-ci réalise ses besoins dans des sceaux ou à même le sol.

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Déjections humaines dans le logement Service Communal d'Hygiène et de Santé Ville de Roubaix

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe