CHAPITRE 2 : Gérer les conflits dans les
organisations
INTRODUCTION
Dans les organisations, la nécessité de
gérer des conflits est quotidienne. Il y a bien des façons de
réagir à un conflit, mais l'objectif primordial devrait toujours
être de jeter les bases d'une véritable résolution de
conflit, c'est-à-dire d'éliminer les causes sous-jacentes du
conflit.
Nous proposons dans ce chapitre certaines méthodes
à utiliser pour gérer les conflits à l'intérieur
des organisations allant de l'élimination à la collaboration ;
nous verrons par la suite que la négociation demeure le mode
privilégié par la plupart des individus pour gérer des
conflits de toute sorte. Enfin, nous aborderons les nouvelles tendances et
examinerons la communication comme atout majeur dans la gestion des situations
conflictuelles.
SECTION(1) : LES PRINCIPAUX MODES DE GESTION (DE
L'ELIMINATION A LA COLLABORATION)
On ne peut pas dire qu'il y a une bonne méthode et une
seule de gérer les conflits, valide en toutes circonstances.
« Le type de conflit soulevé, le contexte dans
lequel il s'enracine, les jeux impliqués, le comportement et le pouvoir
des parties, les limites de leur rationalité, l'interdépendance
qui les lie, voilà autant d'éléments qui conditionnent
l'attitude à adopter pour en arriver à une solution. Croire, par
exemple, que tout conflit doit se régler par la collaboration, c'est se
leurrer et s'exposer à de graves erreurs. Il existe des cas où la
rupture est la meilleure des solutions. Prenons le cas du « mauvais »
employé improductif et absentéiste, qui, de surcroît,
harcèle ses collègues. Peut-être que le congédiement
qui est une forme d'élimination est, dans l'intérêt de
tous, la solution apparemment idéale. Mais si on pense que ce même
employé a des chances de s'amender, la collaboration est peut-être
alors, la meilleure des solutions »
Ainsi, on peut voir la gestion des conflits selon un spectre
allant de la collaboration à l'élimination en passant par la
négociation.
Parfois même, un conflit peut comporter divers
ingrédients dont certains se prêtent à la collaboration et
d'autre à la confrontation. D'ailleurs le domaine des relations
professionnelles est bondé de ces exemples. Pensons simplement à
la négociation d'une convention collective. N'y a-t-il pas des
éléments distributifs et intégratifs ? Ainsi, pour
illustrer ces propos, les facteurs concernant la santé et
sécurité se prêtent très bien à la
collaboration puisque les deux parties, pour des raisons humanitaires aussi
bien qu'économiques, ont le plus souvent intérêt à
éviter les accidents de travail et les maladies professionnelles. Par
contre, les clauses salariales contenues dans cette même convention sont
de nature éminemment distributive et se règlent la plupart du
temps par une épreuve de force
Plusieurs modèles ont été
élaborés pour cerner la réalité des conflits. Ces
modèles ont étudié tantôt la structure des conflits
et tantôt le processus. Le plus élaboré et le plus utile
demeure celui de Thomas, où cinq grands types de comportement sont
adoptés en situation conflictuelle : l'évitement,
l'accommodation, le compromis, la confrontation et la collaboration. Ces
comportements s'expriment en fonction du désir qu'une partie a de
satisfaire ses propres intérêts versus de satisfaire les
intérêts de l'autre.
Nous allons discuter de chacun de ces comportements. Cependant
avant d'aller plus avant, il est bon de mentionner qu'en situation
conflictuelle, trois enjeux distincts doivent être pris en
considération.
Le premier enjeu porte sur ce que l'on pourrait
désigner sous le vocable de considérations substantives. C'est ce
sur quoi va porter la discussion ou le conflit. Il s'agit, par exemple, dans
une négociation collective du contenu même de la convention. Un
autre exemple tiré du milieu de travail pourrait être
l'assignation des tâches, les différentes politiques de
l'entreprise ou encore les mesures disciplinaires imposées. Dans un
autre cas, ce pourrait être le prix à payer pour une
automobileusagée ou une résidence secondaire. Très
souvent, les parties établissent leur stratégie et adoptent leur
comportement en fonction uniquement de cet enjeu. Bien qu'important, ces
aspects ne concernent toutefois qu'un des enjeux dont il faut tenir compte.
Le deuxième enjeu, parfois, plus important que le
premier a trait à la qualité de la relation entre les parties et
aux autres aspects psychologiques. Utiliser différentes tactiques
adverseriales pour payer le moins cher possible une automobile usagée,
achetée chez un concessionnaire, peut être fort acceptable si on
n'a pas l'intention d'y remettre les pieds pour de nouvelles transactions. La
qualité des relations futures peut valoir un prix plus
élevé ou du moins le recours à des tactiques
différentes.
Dans le contexte organisationnel, la qualité de la
relation est définitivement très importante. Compte tenu de la
pérennité relative des liens, on ne peut négliger ce
facteur. Même après une longue grève acrimonieuse, les
parties doivent travailler et vivre ensemble.
Parfois aussi, les facteurs psychologiques prennent plus
d'importance que les éléments matériels. La crainte de
perdre la face par exemple, peut nous inciter à adopter une attitude
tout à fait confrontante alors que l'enjeu matériel le justifie
aucunement. Le désir de vaincre l'autre pour obtenir vengeance est une
autre illustration de ces facteurs psychologiques.
Le troisième enjeu a trait au processus même du
conflit. D'une part ; il porte sur les aspects pratiques de ce processus: le
temps à y consacrer, les ressources nécessaires, les efforts
demandés... d'autre part, il porte également sur les aspects plus
symboliques.
Quel modèle de gestion des conflits
établissons-nous ? Un conflit peut-être isolé. Mais, c'est
souvent un d'une série d'épisodes dans une relation continue.
Chaque épisode sème les germes du prochain. En ce sens, le
processus que l'on choisit donne des indications pour le prochain
épisode. Ayant des considérations à l'esprit, regardons
les différents comportements
1-L'EVITEMENT:
Il y a certaines personnes qui, par tempérament,
refusent de s'engager ou de s'impliquer dans un conflit. De même, quel
que soit notre caractère ou nos habitudes, il se présente des
situations où, pour différentes considérations tactiques,
émotives ou autres, il apparaît préférable de se
tenir à l'écart du conflit. Dans ce cas, on dit qu'une partie
adopte un comportement d'évitement.
L'évitement est caractérisé par une
absence d'implication dans une situation conflictuelle. C'est un refus
stratégique ou non, de s'engager. Ce comportement se manifeste
essentiellement de deux façons soit par l'inaction ou encore par le
retrait. Mais, quand est-il souhaitable de recourir à ce type de
comportement ou quelles sont les conditions d'utilisation de ce comportement ?
Une première considération a trait à l'importance de
l'enjeu. Vaut-il l'effort de l'engagement ? C'est la mesure en quelque sorte du
coût/bénéfice. Est-ce que le résultat potentiel ou
la conclusion possible du conflit mérite que l'on y consacre des efforts
et de l'énergie ?
Une première considération a trait à
l'importance de l'enjeu. Vaut-il l'effort de l'engagement ? C'est la mesure en
quelque sorte du coût/bénéfice. Est-ce que le
résultat potentiel ou la conclusion possible du conflit mérite
que l'on y consacre des efforts et de l'énergie ?
En rapport à cette question, il y a lieu de
considérer son pouvoir réel. L'absence ou le plus souvent
l'insuffisance de pouvoir peut faire en sorte de rendre évident
l'inutilité de l'implication dans un conflit compte tenu des
résultats probables. Par exemple, il peut être
préférable pour un employé subalterne d'éviter
d'entrer en conflit avec son directeur général compte tenu du
déséquilibre de la relation de pouvoir entre ces deux parties. Il
arrive également des situations où on a l'impression que le temps
va arranger les choses, que le problème va se résoudre de
lui-même. Sauf que pour le plaisir de s'impliquer dans un conflit, qui
est réel pour plusieurs, quelle autre raison y aurait-il à s'y
engager ?
La présence d'alternatives est également
une raison d'éviter le conflit. Par exemple, on peut trouver inutile de
s'engager dans un conflit avec son employeur, sur, disons une question
salariale lorsqu'on dispose d'une autre offre d'emploi.
Les éléments relationnels sont également
à prendre en considération dans le choix de la stratégie
ou du comportement à adopter en conflit. La relation avec l'autre partie
nous tient-elle à coeur ?
Est-ce-que le fait d'entrer en conflit aura pour effet de la
détériorer ? Dans ce cas, particulièrement si l'enjeu a
peu d'importance, il vaut peut-être mieux adopter un comportement
d'évitement. Ce serait le cas où pour un contrat ponctuel, l'on
négocierait un contrat avec un client représentant plus de la
moitié de notre chiffre d'affaires habituel.
Il y a aussi lieu de s'interroger sur le processus d'escalade.
En s'engageant dans un conflit ouvert, amorce-t-on une escalade dont on ne
conservera plus le contrôle avec, comme conséquence, une
détérioration de la relation et peut-être même la
perte ultime de l'enjeu fondamental ? Est-ce-que la situation nous poussera
à poser certains gestes regrettables ? Peut-être vaut-il mieux
éviter le conflit ou se retirer ?
De même, est-ce-que la situation est menaçante
(menace réelle ou perçue) au point tel que l'évitement
soit tout désigné ? Le risque de sanctions ou de mesures de
rétorsion ultérieures est-il important ? Certaines personnes
évitent également le conflit simplement parce qu'elles refusent
de voir le problème. Il va sans dire que, dans ce cas,
l'évitement n'est peut-être pas la réponse la plus
adéquate pour obtenir des résultats satisfaisants. Reste que ce
phénomène s'observe souvent dans la réalité. Pour
beaucoup, faire face au conflit est psychologiquement difficile et
coûteux et ils souhaitent l'éviter autant que possible.
Soulignons enfin qu'un avantage de l'évitement est
qu'il constitue une action unilatérale et qu'il ne nécessite pas
l'accord de l'autre partie, ce qui n'est pas le cas, pour la collaboration.
Par ailleurs, d'une façon stratégique,
l'évitement peut permettre de gagner du temps pour, par exemple, obtenir
des ressources, cumuler du pouvoir ou encore rechercher d'autres alternatives
Cependant, il est indéniable qu'avec l'évitement nos
intérêts ne sont pas satisfaits. Certes on économise du
temps et de l'énergie, il demeure néanmoins qu'une certaine
frustration peut persister et aussi un manque d'estime de soi et de
fierté.
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