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Elections et transition démocratique en République centrafricaine

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par Blaise Zalagoye
Université catholique d'Afrique centrale - Master droits de l'homme et action humanitaire 2005
  

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SECTION II. L'AJUSTEMENT DU PROCESSUS ELECTORAL

AUX NORMES DEMOCRATIQUES

Le droit électoral est lié à la démocratie dont il exprime les valeurs et contribue à sa manifestation. Il accompagne le passage à l'Etat démocratique dont les dirigeants sont issus de l'élection et est marqué par une double extension : celle du droit de vote et celle du recours à l'élection. Le respect de la démocratie suppose que le citoyen puisse s'exprimer en toute liberté et dans le respect de l'égalité. En effet, la scène électorale voit s'affronter partis et candidats désireux d'affirmer leur spécificité pour mieux gagner l'électorat. Ainsi, pour éviter que les consultations ne se réduisent à de «  simples formalités administratives (A. Bourgi) dominées par des acteurs politiques se livrant à « un banditisme électoral plutôt qu'à une compétition loyale6(*)9 », des garanties juridiques et institutionnelles sont nécessaires pour protéger le processus électoral contre le parti pris, la fraude ou la manipulation. Il s'agit notamment des dispositions visant à établir des structures administratives objectives, à proscrire et à réprimer les pratiques de corruption et à assurer la présence d'observateurs indépendants et impartiaux. L'élection étant toujours un processus complexe, il est nécessaire qu'elle ait une organisation systématique. En effet, elle est une institution porteuse de légitimité démocratique, un rituel légitimant. Son acceptation se fonde non sur la coercition mais sur le consentement réputé libre de la population qui s'y trouve soumise7(*)0. Ainsi, pour que ce rituel légitimant corresponde à la volonté du peuple, il faut des garanties tant juridiques (paragraphe I ) qu'institutionnelles ( paragraphe II ) dans son organisation.

Paragraphe I. Les garanties juridiques du processus électoral

La RCA a vécu depuis son indépendance des situations électorales souvent instables. Mais, avec la consécration du pluralisme et du droit à la différence ainsi qu'à la concurrence politique, l'expression du suffrage est maintenant juridiquement garantie à travers un ensemble de lois réunies sous l'appellation du Code électoral. Un code se définit souvent comme un recueil de lois destiné à régir d'une manière complète toutes les matières d'une certaine branche de droit. De 1990 à 2000, la République centrafricaine a eu à adopter deux codes électoraux que nous analyserons à la lumière des principes consacrés par les normes et les pratiques internationales en matière d'élection. Le Code électoral adopté 2004 fera l'objet d'une autre analyse lorsque nous aborderons le chapitre sur le Dialogue National. En effet, tirant leur source des Constitutions de 1986 et 1995, ces deux premiers Codes devraient répondre aux exigences et aux principes gouvernant la matière. Il s'agit des exigences de la liberté et de l'honnêteté des consultations électorales d'une part, des principes d'égalité et de non discrimination d'autre part.

A- Le Code électoral et le respect de la liberté et de l'honnêteté de l'élection

Dès le début de l'éveil démocratique, la plupart des hommes politiques centrafricains se sont ralliés à l'idée selon laquelle « la loterie électorale » représente pour eux le moyen le moins coûteux et moins risqué pour parvenir à la tête de l'Etat. Pour cela, ils veillent à ce que les compétitions électorales se déroulent de telle manière que la volonté de l'électeur soit respectée.

Ce qui, en fait, détermine la liberté d'une consultation électorale est la force de la loi électorale à faciliter la pleine expression de la volonté du peuple. C'est cette volonté qui est, selon la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme ( DUDH, article 21 paragraphe 3 ), le fondement même de l'autorité publique. La notion de libre choix contient implicitement celle d'un choix informé. L'électeur ne peut formuler ni exprimer sa volonté librement que s'il a des informations sur les candidats et les partis ; en un mot, sur le processus électoral en général. Or, les codes électoraux en RCA font rarement l'objet de campagne d'information auprès de la population. Dans un pays où l'espace public se constitue progressivement et où les techniques de mesure de l'état de l'opinion sont quasiment inexistantes, il est difficile de se faire une idée fiable de la participation de l'opinion publique à l'élaboration de ces différents codes, voire même son adhésion à ces différents textes. Cela se vérifie par l'absence de débat public sur les choix législatifs qui s'opèrent dans les enceintes parlementaire et gouvernementale. La technicité et la subtilité du droit électoral, notamment en ce qui concerne les modes de scrutin, sont telles que la très grande frange du corps électoral est perdu dans ce débat. La création du droit électoral reste en grande partie une affaire d'hommes politiques et des spécialistes du droit qui, à ce sujet, peuvent faire des propositions législatives plus ou moins suivies ou livrer des commentaires plus ou moins objectifs sur les textes. Et comme le souligne Alain Didier Olinga, il est permis de se montrer réservé sur cette expertise juridique car, le plus souvent, « le discours scientifique vient simplement secourir, justifier voire légitimer une logique politique déjà consacrée7(*)1 ». Le principe est qu'une instruction non partisane devrait viser à informer l'électeur des textes et des modalités de vote. Elle devrait également contribuer à faire connaître à l'électeur ses droits et ses devoirs de citoyen. De telle initiative contribuerait à changer l'image qu'a une frange partie de l'électorat sur l'élection considérée plutôt comme une « joute politique avec ses coups et ses ruses qui révèlent l'habileté manoeuvrière des hommes politiques7(*)2 » qu'une concurrence loyale en vue de conquérir ou de préserver le pouvoir politique.

En plus, il ne suffit pas que le Code électoral assure et garantit la libre expression du suffrage, il doit aussi garantir son honnêteté. Le droit électoral devrait en principe assurer trois conditions pour favoriser l'honnêteté d'une consultation. Il s'agit entre autre de l'honnêteté de l'information donnée au citoyen pendant les campagnes électorales ; de l'honnêteté dans le découpage des circonscriptions électorales et enfin de celle permettant le contrôle exercé sur l'ensemble du processus.

L'honnêteté des informations concerne beaucoup plus l'utilisation des médias pour les campagnes électorales. Cette utilisation devrait être faite de telle manière qu'aucun parti ne fasse de déclarations fausses, diffamatoires, ethnicistes ou constituant une incitation à la violence. Si le Code électoral de 1992 en son titre 13 et celui de 1998 en son titre 14 contenaient des dispositions pénales sanctionnant l'utilisation de fausses nouvelles, de propos calomnieux et autres manoeuvres frauduleuses pour détourner le suffrage, rien n'a été prescrit sur l'utilisation des promesses irréalistes ou non sincères voire les faux espoirs entretenus par un usage partisan de médias pour extorquer le suffrage au citoyen.

En outre, la tenue de certaines élections suppose la détermination des circonscriptions électorales. Celles-ci peuvent être plus ou moins étendues et correspondre à des circonscriptions administratives existantes comme elles peuvent être créées spécialement pour ces élections. Mais ce qui compte, c'est d'éviter toute manipulation dans le découpage pour favoriser des regroupements en fonction du vote prévisible des électeurs dans le but de se fabriquer une majorité. C'est ce que les constitutionnalistes appellent le « gerrymandering », du nom de son inventeur au début du 19e siècle, le gouverneur américain Gerry. C'est ainsi que les partis d'oppositions ont eu à dénoncer le découpage des circonscriptions pour les élections législatives de 1998 qui, selon eux, était très favorable au parti au pouvoir. En effet, L'exigence de la prise en compte des composantes sociologiques des circonscriptions électorales, cohérente en soi et susceptible de préserver une réception pacifique de la démocratisation en cours par la population, n'est pas soustraite aux éventuelles manipulations politiciennes et aux traitements discriminatoires qui peuvent en découler. Ainsi, un nouveau découpage de ces circonscriptions sera effectué par le Conseil National de Transition en 2004.Ainsi, si les Codes électoraux centrafricains tentent tant bien que mal à préserver la liberté et l'honnêteté des élections, qu'en est-il du respect de la l'égalité et de la non-discrimination du vote en Centrafrique ?

B- Le Code électoral et les principes de l'égalité et de non-discrimination de vote

Depuis la proclamation de la souveraineté démocratique en RCA, le corps électoral occupe une place essentielle dans le fonctionnement des institutions politiques. Il constitue le premier organe de l'Etat puisque sa volonté est décisive et que, par le biais d'élection, tous les autres organes émanent de lui directement ou indirectement. Il est, écrit Burdeau, « l'agent d'exercice par excellence de la souveraineté nationale7(*)3 ». Par conséquent, il est formé de l'ensemble des personnes bénéficiant juridiquement du droit de voter. Seule la Constitution peut fixer les conditions de sa composition. La Constitution de 1995, reprenant les dispositions de l'article 2 de celle de 1986 édicte à cet effet que :

« Le droit de vote est garanti à tous les citoyens majeurs de deux sexes jouissant de leur droits civils et politiques(...) Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la constitution. Il est toujours universel, égal et secret7(*)4 ».

Le principe de l'égalité de vote qui est ainsi constitutionnalisé implique également celui de non discrimination de sorte que chaque citoyen puisse participer dans des conditions égales au processus électoral. Le droit de vote figurant au premier rang des droits politiques, la compétence législative ne peut le restreindre que dans les conditions fixées par la Constitution. Le Conseil constitutionnel français a eu à cet effet à poser comme règle que les conditions et les restrictions imposées au droit de vote dans tout suffrage qui a un caractère politique ne peut se justifier que sur des critères objectifs :

« La qualité de citoyen assure le droit de vote et l'éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l'électeur ou l'indépendance de l'élu7(*)5 ».

La loi électorale centrafricaine ( les deux Codes de 1992 et 1998 ) n'édicte que deux conditions à la jouissance du droit de vote. Il s'agit :

- des conditions liées à la personne de l'électeur ( avoir 18 ans révolus, jouir de ses droits

civiques et être de nationalité centrafricaine ).

- Et d'une condition de forme , celle liée à l'inscription sur la liste électorale.

Si les premières conditions peuvent être facilement remplies, il n'en est pas de même pour l'inscription sur la liste électorale. En effet, le temps imparti pour cette opération est souvent relativement si court que la population a du mal à respecter le délai. De plus, la réglementation en la matière voudrait que chaque commune ait une commission administrative chargée de réviser annuellement cette liste afin de la tenir à jour7(*)6. Or, le plus souvent, les autorités attendent seulement la veille des élections pour procéder à l'opération matérielle de la révision des listes électorales. Ce qui pose un problème de fiabilité et d'objectivité dans l'établissement de ces listes qui ne sont pas à l'abri des manipulations. D'où la nécessité d'instituer des organes indépendants afin de veiller à la régularité de l'ensemble des opérations électorales.

* 69 J. Du Bois de Gaudusson, « Les élections ... », op. cit., p. 2

* 70 H. de Prince Pokam, «  Les commissions électorales en Afrique subsaharienne. », in Afrilex n° 03/2003, www.u-bordeaux.fr ( consulté le 09/06/05 )

* 71 A. D. Olinga, « Politique et droit électoral au Cameroun. » in Revue Polis, http://www.cean.u-bordeaux.fr/polis ( 25/ 06/ 05 )

* 72 Idem.

* 73 G. Burdeau, Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, LGDJ, 20e éd., 1984, p. 475

* 74 Art. 18 al. 4 de la Constitution de 1995 in JORCA, op. cit.

* 75 J. C. Masclet, op. cit. p. 18

* 76 Les listes électorales sont permanentes et font l'objet d'une révision annuelle du 1er décembre au 31 mars (art.13 de la loi n° 99/015 du 1er juillet 1999 modifiant la loi 98/004 du 27 mars 1998 portant Code électoral de la RCA).

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