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Elections et transition démocratique en République centrafricaine

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par Blaise Zalagoye
Université catholique d'Afrique centrale - Master droits de l'homme et action humanitaire 2005
  

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PARAGRAPHE II. Le rôle ambigu de l'Armée dans la transition politique

L'intervention dans la sphère politique d'hommes porteurs de tenue peut par hypothèse différer selon qu'elle est entreprise par l'Armée elle-même ou par certains éléments de sa composante. Dans le premier cas, l'Armée prend le pouvoir en tant que corps et entend l'exercer. C'est le cas du coups d'Etat de Bokassa en 1966 et de celui de Kolingba en 1981. Dans le second cas, le pouvoir est saisi non par le corps dans son ensemble mais par certains militaires en désaccord avec sa hiérarchie ou avec le régime en place1(*)72. C'est l'exemple des différentes tentatives de coups d'Etat qui ont jalonné la transition en Centrafrique depuis 1990 et surtout de celle qui a réussi en mars 2003. Mais, bien qu'il soit tenté de se présenter comme « apolitique », le régime militaire, comme tout pouvoir, a un objectif politique. De la revendication pour la satisfaction d'intérêts corporatistes, l'intervention militaire peut déboucher sur des revendication politiques qui sont souvent la manifestation d'un ras-le-bol général ( A ). Cette ambiguïté de l'attitude de l'Armée face au pouvoir résulterait-elle de la volonté des militaires de revenir au pouvoir en subvertissant l'ordre démocratique ou démontre-elle d'une autre volonté, celle de voler au secours d'un pays qui se noie malgré dix ans d'expérience démocratique ? Le coup de force de mars 2003 semble être plutôt révélateur de la seconde hypothèse ( B ).

A- Des revendications corporatistes aux revendications politiques

Le soulèvement des forces armées centrafricaines a souvent son origine dans le mécontentement occasionné par les arriérés de soldes et un matériel de travail inférieure à celui de la garde présidentielle1(*)73. Au fond, l'Armée réalise en ces circonstances ce que chaque groupe voudrait faire : imposer sa volonté à son avantage. Sa puissance le lui permet et elle le fait sans hésitation1(*)74. Si la misère d'un citoyen civil peut demeurer un simple problème social, la misère d'un soldat en arme peut par contre dégénérer en un défi politique propre à mettre en danger non seulement la survie du régime, mais également la paix et la stabilité de la société tout entière. Là réside l'extrême danger de la clochardisation des forces armées. En Centrafrique, les soldats « ont d'abord formulé des revendications corporatistes de chefs de famille aux fins de mois précaires. (...) Mais le malaise politico-militaire qui tenaille l'armée centrafricaine a vite percé derrière la grogne 1(*)75 ». De mai 2001 en mars 2003, le régime du Président Ange Félix Patassé et la République centrafricaine dans son ensemble seront à nouveau déstabilisés après les différentes mutineries de 1996 et 1997.

Au départ, ces soulèvements militaires ont, dans bien des cas, pour origine non pas des questions d'ordre politique, mais des revendications corporatistes : salaires, primes, casernes, promotions, etc. Que faire d'une Armée de plus en plus paupérisée, dans un environnement délétère où « les revendications », bien qu'à l'origine « essentiellement alimentaires, n'en menacent pas moins le régime déjà fragilisé par les difficultés économiques ou les tensions ethniques1(*)76 » ? En effet, face à la sécularisation du militaire vis à vis du pouvoir civil, phénomène normal dans un régime démocratique, les militaires exigent cependant en retour la reconnaissance d'un statut social distinct, qui se répercute sur la garantie de soldes et l'égalité dans le traitement et la prise en charge des différentes unités composant l'armée. Or, d'un côté, la persistance des crises politique, économique et sociale ne favorisent pas souvent la prise en compte de cette reconnaissance institutionnelle et sociale particulièrement recherchée par l'Armée vis à vis de l'opinion publique interne. De l'autre, comme l'écrit Ntudi Ebodé sur le cas centrafricain, la science politique des interaction entre civils et militaires nous apprend que l'influence de ces derniers sur les politiques varie en fonction de l'unité de la classe politique ; c'est la division de cette dernière et donc sa faiblesse qui renforcerait l'influence des militaires1(*)77. Or, nonobstant les différentes élections pluralistes qu'a connues le pays, la classe politique a du mal à s'entendre sur le respect des règles du jeu démocratique. L'opposition n'avait souvent accepté les résultats de la plupart des élections qu'en raison des pressions extérieures. Il ne fait donc pas de doute que la division des politiques renforce plutôt la corporation militaire qui, quelles que soient ses propres dissensions internes, apparaît comme la seule institution pouvant garantir la cohésion sociale. L'irruption d'une partie de l'Armée sur la scène politique nationale apparaîtrait donc comme le fruit de la faillite du processus démocratique. Ainsi, devant l'impasse politique et face à un pouvoir civil agonisant1(*)78, le coup de force de mars 2003 ne pourrait que venir compléter le registre des obstacles liés à la consolidation de la démocratie en Centrafrique. Car, quelle que soit l'ampleur de la crise politique, rien ne justifie dans une démocratie naissante la prise du pouvoir par les armes.

B- Le coup d'Etat du 15 mars 2003 : une interruption brutale du processus démocratique

Tenue à l'écart tout au long du débat ouvert sur le processus de démocratisation, l'Armée n'en reste pas moins omniprésente. Sa neutralité est souvent considérée dans ce contexte comme un incontestable facteur de stabilité et de paix sociale. Volontairement ou non, elle est cantonnée dans cette neutralité afin de ne pas fausser le jeu démocratique. Toutefois, elle garde un oeil vigilant sur l'activité politique dont elle entend être le garde-fou contre d'éventuels débordements. Et surtout, elle n'hésiterait cependant pas à intervenir dans le processus de dévolution du pouvoir si elle y est poussée par la rupture violente de la paix et de l'ordre social1(*)79. Dès lors, l'on peut s'interroger sur le rôle précis qu'entendent jouer les forces armées dans la transition politique à un moment où d'aucuns pensaient que l'ère du « règne kaki » était révolue1(*)80.

D'abord, le coup d'Etat de mars 2005 est l'oeuvre principale de l'ancien Chef d'Etat major de l'Armée, le Général François Bozizé, tombé en disgrâce après la tentative échouée de son arrestation pour atteinte à l'ordre établi. La rébellion qu'il a constituée durant deux ans dans le nord-ouest du pays avec l'aide des forces non-conventionnelles lui a permis de renverser le pouvoir du Président démocratiquement élu, Ange Patassé. Néanmoins, au-delà de ce qui pourrait être considéré comme un règlement de compte entre deux hommes en perte de confiance réciproque, il convient d'analyser la manifestation populaire de soutien à un putsch qui vient mettre fin au processus démocratique dans le pays. En effet, après s'être durablement installée dans des crises à répétition, la Centrafrique a besoin d'un changement radical afin de renouer avec l'idéal démocratique et la paix sociale. Evidemment, le meilleur moyen d'y parvenir n'est pas le renversement des institutions élues car, cela donnerait l'impression que le pays voudrait encore renouer avec le régime militaire des années 1970. Ensuite, cette permanence d'une certaine tradition putschiste, alliant soulèvements militaires et/ou des masses populaires1(*)81 est symptomatique de la volonté de réappropriation par le peuple de son pouvoir dont l'exercice par ses représentants ne lui est pas généralement bénéfique. Loin de constituer le « creuset de la nation1(*)82», l'armée a néanmoins permis au peuple de revoir ses conditions de dévolution et d'exercice du pouvoir dans l'Etat.

Ainsi, la gestion du pouvoir après ce coup d'Etat, même si elle se veut provisoire, a quelque chose d'original comparativement aux autres putschs qu'a connus le pays dans le passé. Les deux Actes constitutionnels n° 1 et 2 du 15 mars 2005 portant organisation provisoire des pouvoirs de l'Etat ainsi que celui du 12 décembre 2003 modifiant le second ont permis l'instauration d'un gouvernement national de transition et d'un Conseil National de Transition, sorte de parlement provisoire. Même si la Constitution du 14 janvier 1995 a été suspendue, les partis politiques et les autres associations à caractère politique continuaient néanmoins d'exercer leurs activités. L'objectif serait donc de permettre aux centrafricains de se préparer et de se réunir au sein d'un Dialogue national afin de redéfinir les nouvelles bases consensuelles du futur processus électoral.

* 172 P. Leroy, Les régimes politiques du monde contemporain, Grenoble, Presse universitaire de Grenoble, 1992,

p. 115

* 173 P. Leroy, op. cit. p. 115

* 174 Idem.

* 175 Monique Mas citée par A. Ayissi, op. cit.

* 176 A. Ayissi, op. cit.

* 177 J.V. Ntuda Ebodé, op. cit. p. 37

* 178 P. Leroy, op. cit., p. 114

* 179 J.M. Breton, op. cit., p.278

* 180 M. D. Sangaré, « Armée et démocratie : l'impossible cohabitation ? », Radio privée ANFANI. FM

http//www.mesdocuments/radioprivée.htm, consulté le 8/07/05

* 181 E. Dupuy, op. cit.

* 182 D. Bigo, op. cit., p. 78

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus