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Elections et transition démocratique en République centrafricaine

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par Blaise Zalagoye
Université catholique d'Afrique centrale - Master droits de l'homme et action humanitaire 2005
  

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SECTION II. L'IMMIXTION DE L'ARMEE DANS LA TRANSITION POLITIQUE

L'intrusion de l'Armée sur la scène politique, phénomène que nous croyions déjà révolu depuis les vagues de démocratisation, continue encore de nos jours à susciter des interrogations. Les coups d'Etat et autres tentatives de coups de force qui, sous d'autres cieux africains, ne sont que de tristes souvenirs, semblent retrouvés un terreau fertile en Centrafrique. Tout abord, il faudrait reconnaître qu'en RCA, les relations entretenues par les gouvernements successifs et la population avec l'Armée depuis les indépendances sont souvent marquées d'une illusion. L'on croyait que les forces de défense et de sécurité représenteraient ce robuste socle sur lequel reposerait la paix et la stabilité du pouvoir politique1(*)64. Or, il n'en est rien parce que d'abord, l'Armée étant elle-même un reflet de la dynamique sociale ( paragraphe I ), il serait délicat de l'analyser en dehors de différentes crises qui ont émaillé la difficile évolution du pays vers la démocratie. Une telle analyse pourrait nous aider à situer cette Institution dans le contexte social centrafricain et à appréhender son rôle ambigu dans la transition politique ( paragraphe II ).

Paragraphe I. L'Armée nationale comme reflet de la dynamique sociale

En tant qu'Institution chargée de la défense et de la sécurité de l'Etat, l'Armée doit disposer des moyens et des ressources adéquats lui permettant de remplir sa mission. Or, mise sur pied à partir d'un effectif hétéroclite au lendemain des indépendances, cette Armée éprouve de difficultés pour remplir convenablement sa mission du fait entre autre de sa faible professionnalisation (A). Fragilisée ensuite comme les civils par les différentes crises qui ont secoué le pays, elle finit par être très fortement politisée, mettant ainsi en danger le principe de neutralité politique qui est une de ses caractéristiques (B).

A- Une Armée peu professionnalisée et socialement déséquilibrée

Presque embryonnaire au moment des indépendances et encore soutenue par l'assistance de la France, l'Armée centrafricaine était restée pendant ses premières années suffisamment discrète dans la vie politique de la nation1(*)65. Constituée pour la plupart d'anciens de l'Armée française, elle verra son effectif augmenté au fil des ans et au gré des intérêts politiques des différentes autorités au pouvoir. Ainsi, avec le durcissement du pouvoir et la réduction des libertés démocratiques durant le premier règne de Dacko ( 1960-1966 ), l'Armée nationale est « confinée dans le simple rôle de troupe d'apparat 1(*)66». Seule, la Gendarmerie nationale bénéficiait du soutien du pouvoir. Les quatorze ans du règne de Bokassa ne vont fondamentalement rien changer dans la gestion de la grande muette à part les purges destinées à éliminer certains officiers à la loyauté douteuse. Ni le retour de Dacko en 1979, ni les douze ans du pouvoir de Kolingba ne vont permettre la constitution des forces de défense et de sécurité vraiment professionnelles et socialement égales. Tout d'abord, il faut reconnaître l'archaïsme des équipements, le manque de formation adéquate des militaires et de l'obsolescence des textes les régissant. Evoluant dans un contexte de crise sociale, l'armée est obligée, dans la plupart des cas, de recruter ses hommes parmi une population civile désoeuvrée et souvent analphabète, s'engageant plus pour garantir un avenir incertain que par amour du métier. De l'autre côté, émerge une armée de « barons » au coeur des régimes successifs où hommes politiques et militaires gradés deviennent « associés » dans une sorte de conspiration des nantis et où le pouvoir politique se sert de l'armée qui, elle-même, « s'engraisse  » du pouvoir1(*)67. Au sommet de cette pyramide trônent des officiers supérieurs, une minorité de hauts gradés enrichis par le biais de leur collusion avec le pouvoir et devenant souvent intouchables et inamovibles. A l'échelle inférieure, les hommes de rang voient leur conditions de vie, à l'instar de celles des autres couches sociales, se dégrader du fait de l'incapacité de l'Etat à leur verser régulièrement ne fût-ce que leur solde mensuel. Toutefois, s'il est difficilement contestable que la complicité entre le politique et le militaire a fait de certains individus et de certaines unités (surtout la garde présidentielle ), des privilégiés des différents régimes, l'état général des forces armées centrafricaines reste préoccupant. La déliquescence et la paupérisation de ces forces conduisent à cette naissance d'armées à deux vitesses « divisées, opposées et inégales ». Les règles qui prévalent pour le recrutement, l'encadrement et parfois l'octroi des grades sont souvent celles du « clientélisme politico-ethniques » afin de rendre les bénéficiaires plus sûres et plus manipulables1(*)68.

B- Une Armée de plus en plus politisée

Fragilisée comme d'autres institutions de la République, l'Armée a du mal à assurer sa cohésion. Ceci pour plusieurs causes. La transition démocratique a fait d'abord émerger des phénomènes périphériques dans lesquels les identités ethniques sont un enjeu du pouvoir1(*)69. C'est ainsi que l'on voit se former des partis politiques sur une base majoritairement ethnique ou régionale. Ce phénomène débouche souvent sur des velléités de reconquête du pouvoir par des ethnies écartées du pouvoir par la voie des urnes mais qui ont encore une base solide dans l'Armée. Les différentes mutineries conduites par des soldats proches de l'ethnie de l'ancien chef d'Etat Kolingba est révélateur à plus d'un titre. Face à cette menace, le pouvoir en place ne peut qu'employer les mêmes procédés c'est à dire, constituer une armée composée en majorité des soldats originaires de sa région ou de sa base électorale, pour parer à toute tentative de déstabilisation.

Néanmoins, le phénomène de la « tribalisation » des forces de défense et de sécurité ne date pas d'aujourd'hui en RCA. Commencée sous le règne de Bokassa, cette tribalisation permet à l'Armée qui ne dispose que d'une faible conscience nationale et d'une fonction non clairement déterminée, de se retrouver  dans la figure de ses chefs et de rester prête, pour garder son identité, à agir en fonction des intérêts de ces chefs-là et non de la sienne ou du pays1(*)70. En réalité, comme l'écrit Ntuda Ebodé1(*)71, l'Armée centrafricaine est l'une des plus politisée d'Afrique centrale. Socialisée à l'ombre de l'Armée française et habituée aux coups d'Etat comme mode d'accession au pouvoir, la notion de frontière entre militaire et politique est devenue pour elle un objet presque sans substance. Même les Etats généraux de la défense organisés en 1995 n'ont pu apporter de solutions concrètes aux problèmes auxquels est confrontée cette Armée.

Ensuite, pour accéder au pouvoir, les hommes politiques infiltrent souvent l'Armée et une fois qu'ils y sont parvenus, ils utilisent celle-ci ou du moins sa composante qui leur est acquise à des fins partisanes. De plus, face à des institutions « démocratiquement élues » mais dont la légitimité est souvent discutable, l'Armée se voit, à tort ou à raison, obligée de jouer un rôle, même ambigu dans la transition politique en Centrafrique.

* 164 A. Ayissi, « Ordre militaire et désordre politique en Afrique » in Le monde Diplomatique, janvier 2003,

pp. 20-21 http:www.monde-diplomatique.fr/2003/01/AYISSI/9857 ( consulté le 8/07/05 )

* 165 L. G. Pampali, le Centrafrique face..., op. cit. p. 91

* 166 P. Kalck, Histoire de la République Centrafricaine, cité par L. G. Pampali, idem, p. 90

* 167 A. Ayissi, op. cit.

* 168 D. Bangoura, « L'Etat en Afrique : indigénisation et modernité », GEMDEV, Paris, Cahiers n° 24, 1996,

pp. 25-26

* 169 E. Dupy, « Politiques et militaires face à la démocratie en Afrique » in Revue Politique et Parlementaire

n°1023 http://www.etat.sciencespo.bordeau.fr ( consulté le 08/06/05 )

* 170 D. Bigo, pouvoir et obéissance en Centrafrique, Paris, Karthala, 1989, p.81

* 171 J. V. Ntuda Ebodé, « Centrafrique : après le Cameroun...le Tchad ? » in Enjeux n°10 janvier-mars 2002,

p. 37

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