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Elections et transition démocratique en République centrafricaine

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par Blaise Zalagoye
Université catholique d'Afrique centrale - Master droits de l'homme et action humanitaire 2005
  

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Paragraphe II. L'absence d'une véritable responsabilité politique

La place de la notion de responsabilité politique dans la construction d'un Etat démocratique se justifie à un double titre. D'une part, elle participe au mouvement constitutionnaliste qui la crée dans la mesure où celui-ci tend à la « juricidisation » de la responsabilité des hommes politiques et partant, des gouvernants. En second lieu, la responsabilité politique s'inscrit dans « une problématique de l'organisation et de l'exercice du pouvoir » dans la mesure où elle implique le principe de révocabilité des gouvernants1(*)53. En effet, comme l'avait écrit Jean Jacques Rousseau, « l'acte qui institue le gouvernement n'est point un contrat mais une loi, que les dépositaires de la puissance exécutive ne sont point les maîtres du peuple, mais ses officiers, qu'il peut les établir et les destituer quand il lui plaît, qu'il n'est point question pour eux de contracter mais d'obéir et qu'en se chargeant des fonctions que l'Etat leur impose, ils ne font que remplir leur devoir de citoyen (...)1(*)54 ». Pour que le peuple puisse avoir la totalité de son pouvoir sur ses dirigeants, il faudrait bien donc commencer par le respect du principe de la majorité. Or, la dilution de la responsabilité à travers la politique des gouvernements de compromis entre la majorité au pouvoir et l'opposition ( A ) entraîne un climat d'impunité préjudiciable à l'obligation qu'ont les gouvernants de rendre compte de leur gestion ( B ).

A- Des responsabilités politiques diluées à travers des gouvernements de compromis

La souveraineté nationale a souvent pour conséquence la pleine responsabilité de tous ceux qui exercent à un titre quelconque l'autorité publique1(*)55. Cette responsabilité vise en premier lieu ceux qui sont investis par la Nation du pouvoir de conduire les affaires publiques au plus haut niveau et peut logiquement conduire à la destitution de celui qui aurait fait mauvais usage des pouvoirs qui lui sont confiés1(*)56. Cela suppose qu'à travers le choix alternatif effectué au cours de chaque élection, la majorité gouvernante soit à même de mettre en exécution son programme politique et la minorité, se constituer en opposition dans la perspective d'une alternance. Or, du gouvernement d'union nationale en passant par celui d'action pour la défense de la démocratie ou celui dit de la promotion de la même démocratie1(*)57, la Centrafrique a appliqué toutes les formes de gouvernement sauf qu'elles ne s'étaient fondées sur aucun principe majoritaire. De la convivialité à l'hostilité, l'opposition a, dans la plupart des cas, cogéré le pouvoir avec la majorité. Sur le plan politique, cela pose le problème de la détermination de la responsabilité des uns et des autres dans la gestion des affaires publiques.

Ainsi en 1996, à l'issue des négociations tendant à mettre fin aux premières crises militaro-politiques, il a été signé et adopté le Programme d'Accord politique (PAP) et le Programme Minimum Commun (PMC) qui sont de véritables programmes de gouvernement. L'on se demande si le pays est en voie de s'ouvrir à un modèle politique bien à lui qui déroge aux traditionnels sentiers battus des démocraties classiques1(*)58. Si le PAP et le PMC constituent les principes d'une nouvelle organisation politique et de gouvernance, cela n'implique-t-il pas des changements radicaux dans le fonctionnement des institutions établies ? Ces dernières, élues sur la base d'un programme politique, se voient obligées de gérer le pouvoir avec l'opposition et des personnalités dites de la société civile. A quoi servirait alors un gouvernement partisan s'il doit être constitué d'une équipe élargie sur une base consensuellement négociée ? Et dans l'hypothèse d'un échec de gestion de cette équipe, à qui incomberait la responsabilité politique devant le peuple ? Ces initiatives politiques, loin d'être originales, constituent un frein dans la détermination de la responsabilité des gouvernants. Le recours systématique à des gouvernements de compromis lorsque le pays se confronte à des crises est un procédé qui favorise plus la dilution de la responsabilité de la classe politique qu'à permettre sa sanction par le peuple.

B- Des autorités publiques difficilement sanctionnables

Dans un régime politique où le gouvernement est cogéré par la majeure composante de la classe politique, il devient difficile de procéder à la sanction des autorités publiques indélicates. Or, pour un régime qui se veut démocratique, il ne suffit pas que les autorités politiques soient l'émanation du peuple, mais il faut également qu'elles soient soumises au contrôle des citoyens et surtout qu'elles aient l'obligation de rendre compte1(*)59. Cette obligation diffère selon les contextes. Elle touche au premier chef les membres du gouvernement. Elle peut également concerner les responsables de la haute administration tout comme les directeurs généraux des entreprises publiques qui ne se montrent pas à la hauteur de leur responsabilité.

La mise en jeu de la responsabilité des autorités politiques vise à sanctionner la commission « d'actes illégaux préjudiciables à l'intérêt public, sans rapport direct avec les particuliers ». Pour Bernard Constant, la responsabilité des ministres doit avoir pour sanction la perte du pouvoir politique : « La responsabilité me semble devoir atteindre deux buts, celui d'enlever la puissance aux ministres coupables, et celui d'entretenir dans la nation par la vigilance de ses représentants, (...) par l'exercice de la liberté de la presse, (...) un intérêt habituel au maintien de la Constitution de l'Etat, une participation constante aux affaires, en un mot un sentiment animé de la vie politique1(*)60. » Sanctionner un gouvernement ou un de ses membres permet donc de constituer des garanties pour que les citoyens soient sûrs que « les hommes plus distingués par leurs talents seront appelés au timon de l'Etat » et les médiocres seraient « obligés de descendre du poste où la seule faveur les aurait fait monter1(*)61 ». Ce schéma de mise en cause de la responsabilité des autorités publiques est difficilement mis en oeuvre en Centrafrique. A part, le gouvernement de Jean Luc Mandaba qui était obligé de démissionner à cause d'une motion de censure déposée par sa propre majorité1(*)62, aucun gouvernement voire un de ses membres ne s'est inquiété, malgré de nombreux scandales politico-financiers qui ont émaillés la gestion de ces gouvernements successifs1(*)63. Soit que les présumés indélicats sont protégés parce qu'ils appartiennent à la majorité gouvernante, soit qu'à la suite des négociations après un soulèvement militaire, ils se sont faits amnistiés. Nonobstant l'existence des organes publics comme la Cour des comptes ou l'Inspection générale d'Etat et ceux à caractère spécialisé comme la Commission nationale des droits de l'homme, les gouvernants sont difficilement sanctionnés pour leur gestion.

La conséquence de ces comportements sur le plan politique est le climat d'impunité qui semble s'installer au sommet de l'Etat. Et dans ces conditions, il apparaît difficile d'améliorer le fonctionnement des institutions pour leur permettre de répondre aux besoins et aux préoccupations des citoyens ordinaires. Face à une telle situation et quand toutes les options semblent épuisées, le recours aux actes de violence voire à la lutte armée trouvent généralement leur essence à partir du profond malaise entre des dirigeants cramponnés au pouvoir mais incapables de répondre aux aspirations de la population et le peuple assoiffé d'un changement qui tarde à se concrétiser. L'Armée, en s'immisçant dans la transition politique, se croit alors être le « sauveur » de la démocratie et la garante de la stabilité sociale.

* 153 CH. Bonnotte, « Histoire doctrinale de la responsabilité politique » in Gouvernants :quelle responsabilité ?  PH. Ségur, Paris, Harmattan, 2001, pp 24-25

* 154 J. J. Rousseau, Du contrat social et Ecrits politiques, Paris, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1964,

pp. 434-436

* 155 Esmein cité par CH. Bonnotte, op. cit. p. 26

* 156 Idem.

* 157 Le GUN en juin 1996, le GADD en janvier 1997 et GAPD en Février 1999

* 158 L. G. Pampali, Le Centrafrique..., op. cit., p. 44

* 159 S. M. Khatami, « L'avenir du monde, c'est la démocratie » in Rapport sur le développement humain 2001, PNUD, publié par De Boeck Université, p. 3

* 160 Cité par Ch. Bonnotte, op. cit. p. 32

* 161 Chateaubriand cité par Ch. Bonnotte, idem, p. 33

* 162 L. G. Pampali, Le Centrafrique..., op. cit. p. 107

* 163 Affaires Zongo-oil, la tentative de blanchissement d'argent via la BEAC nationale, etc.

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