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Elections et transition démocratique en République centrafricaine

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par Blaise Zalagoye
Université catholique d'Afrique centrale - Master droits de l'homme et action humanitaire 2005
  

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SECONDE PARTIE :

LA DIFFICILE CONSOLIDATION DE LA DEMOCRATIE ELECTIVE EN REPUBLIQUE CENTRAFRICAINE

« Les hommes font l'histoire, mais ils ne savent pas quelle histoire ils font. »

Raymond ARON

« Pensez à l'échec, mais ne parlez jamais de l'échec. »

GAMBETTA

Les élections ne pourraient être un véritable vecteur de transition démocratique en RCA que si chaque citoyen mesure la portée de son rôle dans ce processus et surtout lorsque les autorités issues des urnes respectent les règles du jeu démocratique. Il ne suffit pas d'adopter toutes les normes juridiques et institutionnelles en la matière, mais il faudrait également y joindre la pratique des uns et des autres dans le respect de ces normes1(*)43. Lorsque ces pratiques restent au deçà des minima requis pour la consolidation des acquis issus des élections ( chapitre III ), il serait difficile au processus démocratique de suivre une évolution stable dans le pays. Toutefois, la capacité des acteurs politiques et sociaux à se mobiliser à travers le Dialogue National peut donner de nouveaux repères pour la réfondation de la démocratie élective en Centrafrique après tant d'années d'instabilité institutionnelle ( chapitre IV. )

CHAPITRE III :

DES PRATIQUES DEMOCRATIQUES ENCORE DEFICITAIRES

« Le mécanisme politique n'agit pas de lui-même. Tout comme il fut à son origine fait par les hommes, il doit aussi être manié par des hommes et même par des hommes ordinaires. Il a besoin non de leur simple acquiescement mais de leur participation active (...) Nous avons reconnu dans le gouvernement représentatif le type idéal du gouvernement le plus parfait, auquel par conséquent tout peuple s'adapte d'autant mieux qu'il est parvenu à son degré de progrès le plus élevé (...) Le gouvernement représentatif ne saurait convenir là où il ne peut subsister d'une façon permanente, c'est à dire, là où ne se rencontrent pas les trois conditions fondamentales (...) que sont : 1° que le peuple soit disposé à l'accepter ; 2° que le peuple ait la volonté et la capacité de faire ce qui est nécessaire pour le maintenir ; 3° que le peuple ait la volonté et la capacité d'accomplir des devoirs et de remplir les fonctions que ce gouvernement lui impose. »

John STUART MILL

Le Gouvernement représentatif

Paris, Guillaumin, 1865, pp. 7-8 et 81-82.

Si les élections sont la démocratie en marche1(*)44, celles-ci ne donnent néanmoins la possibilité aux citoyens de sanctionner leurs dirigeants indélicats qu'à l'expiration du mandat de ceux-ci. Or, l'enjeu n'est pas de savoir si le peuple veut aller vers la démocratie en élisant ou en sanctionnant ses gouvernants, mais quel type de démocratie il souhaiterait construire. Ce qui compte, ce n'est pas tant la régularité des élections ou la libre concurrence entre les partis mais l'aptitude à dégager par ce processus des gouvernements efficaces et des responsables capables d'encourager et de gérer positivement le pluralisme politique et social. En un mot, il faudrait des gouvernements capables de gouverner sinon avec le peuple, du moins au service de ses intérêts1(*)45. En effet, l'idée que les citoyens se font de leurs institutions élues n'est jamais extérieure à leur aspiration à plus de justice sociale et d'intégration nationale. Ainsi, la démocratie comporte deux exigences primordiales. Elle doit d'abord être viable et ne pas trop s'éloigner pour cela des désirs, des aspirations et des aptitudes des citoyens responsables de son bon fonctionnement. Ensuite, elle doit être efficace, ce qui suppose implicitement un « certain comportement personnel » respectueux des règles du jeu démocratique. Or, les élections et autres moyens officiels de contre pouvoir ne créent pas souvent des conditions propices pour la participation et la mobilisation de tous les citoyens centrafricains dans la recherche des solutions concrètes à leurs problèmes de développement. La faiblesse de la participation démocratique (section I) pourrait donc vider la citoyenneté de sa substance et ne pas favoriser le renforcement de la capacité des citoyens et de ses représentants à peser sur les décisions gouvernementales. Ne puisant plus sa légitimité dans le peuple, le régime ne pourrait plus être à l'abri de l'instabilité institutionnelle et surtout de l'immixtion de l'Armée dans le jeu politique, rendant ainsi difficile la construction d'une démocratie vraiment participative en Centrafrique (section II).

SECTION I. UNE PARTICIPATION DEMOCRATIQUE LACUNAIRE

La participation est un volet fondamental de la revendication démocratique. Elle prescrit que les citoyens aient le droit de participer vraiment à la conduite des affaires publiques. La notion de participation recouvre ainsi deux aspects. Un premier qui est la participation électorale et le second qui est la participation à la vie politique proprement dite. Or, l'on confond souvent ces deux types de participation, réduisant ainsi le rôle politique du citoyen au dépôt périodique d'un bulletin de vote dans l'urne1(*)46. Voter ne signifierait pas grande chose si le citoyen ne peut plus après, à travers des structures formelles de participation, influer sur la vie politique. En effet, la faiblesse du contrôle public des institutions démocratiques (paragraphe I) pourrait engendrer de l'autre côté l'absence d'une véritable responsabilité des gouvernants (paragraphe II).

Paragraphe I. La faiblesse du contrôle public des institutions démocratiques

Pour le commun du citoyen, la politique évoquerait souvent un monde de combinaison et des compromissions dont seuls les initiés savent s'y conformer. Son rôle se réduirait à accompagner, par le biais des urnes, les mouvements politiques, sociaux et économiques de son pays sans pour autant tenter, autant que possible, de les anticiper et de contribuer à les gérer. Cette conception lacunaire de la citoyenneté (A) doublée de la faiblesse du poids politique des organisations associatives (B) ne permettent pas dans la pratique un contrôle efficace des institutions élues.

A- Une conception encore limitée de la citoyenneté

Si l'on se réfère à l'étymologie du mot démocratie, celle-ci signifie « pouvoir du peuple ». Or, qui dit pouvoir dit aussi responsabilité, c'est à dire que le peuple doit non seulement avoir son mot à dire sur les décisions officielles mais être aussi en mesure de demander des comptes à ses dirigeants. La citoyenneté consiste donc « à prendre part à la construction - mieux à la constitution - de la cité. Et cette citoyenneté, qui est nécessairement affaire de tous, requiert par conséquent l'effort de tous (...) dans la grande société ; elle est un véritable « travail » qui incombe comme un devoir sacré à tous les citoyens dans la mesure où ils veulent vivre ensemble (...) »1(*)47. Or, la plupart des centrafricains ont une conception encore primaire de la citoyenneté. Nombreux sont ceux qui, mêmes instruits, ne connaissent pas ou peu les possibilités d'actions du citoyen aussi bien au plan des institutions locales que nationales. Cette situation serait d'abord due à une absence d'éducation à la démocratie et aux droits de l'homme. En effet, c'est à l'enseignement de promouvoir l'éducation à la citoyenneté et à la conscience politique. L'état de délabrement du système éducatif ne permet pas au pays de former des citoyens consciencieux de leur rôle dans la marche des affaires de la communauté. Ainsi, certains en viennent à ne pas percevoir les enjeux électoraux « au-delà des bières et du poulets gracieusement distribués » lors des campagnes1(*)48. La marchandisation de la citoyenneté1(*)49 est en passe de devenir une dérive sociale pouvant compromettre la réelle participation du citoyen au processus politique. L'effort de la presse et autres structures formelles dans la conscientisation des populations trouve difficilement des relais à cause du taux élevé de l'analphabétisme.

En outre, la politique de la décentralisation et de la régionalisation constitutionnalisée en 1995 n'a pas été mise en place. Or, la décentralisation territoriale, en combinant le principe de l'autonomie et de l'autogestion, a pour but de rapprocher la gestion et le contrôle de la chose publique au niveau des citoyens. L'autonomie locale est une pièce maîtresse importante dans la redistribution progressive et mesurée des compétences étatiques aux instances locales. Même les communes continuent à être administrées par le système des délégations spéciales, les dernières élections municipales ayant eu lieu en 1988. La centralisation du pouvoir finit par créer un citoyen beaucoup plus consommateur que producteur de son propre système politique. Déserté par le citoyen, le terrain politique devient « l'affaire des politiques » et la notion de la participation si primordiale à la démocratie n'enthousiasme pas pour autant la population qui est plus préoccupée pour sa survie quotidienne que pour un engagement politique quelconque. Et même si l'engagement y est, cela dépasserait difficilement le cadre des structures associatives ou politiques créées par « les frères de la région » ou des amis souvent en quête d'une reconnaissance politique.

B- Le faible poids politique des structures associatives

Les structures associatives sont à la démocratie ce que sont les garde-fous pour un pont. Elles empêchent les institutions élues de dévier sur la trajectoire démocratique. Par leur prise de position et leurs actions sur la population, elles contribuent à la formation de l'opinion publique, à attirer l'attention des autorités sur les problèmes socio-économiques nationaux. En effet, les pressions politiques émanant des structures extérieures au sphère politique ont plus de chance d'être prise en considération que lorsqu'elles proviennent des structures gravitant autour du pouvoir. Ainsi, les associations comme les syndicats et les églises ont été en avant- garde de la lutte pour l'ouverture démocratique dans les années 1990. La capacité de la mobilisation populaire que détiennent ces structures est une force politique pouvant influer sur la marche de la République.

En ce qui concerne l'état actuel de ces associations en RCA, les syndicats sont les plus actifs. Néanmoins, à cause des divisions internes dues à des dissidences de ceux qui se sont affiliés au pouvoirs, leurs mouvements revendicatifs ne concernent souvent et principalement que des questions d'ordre salarial et touchent rarement les questions plus générales liées à l'organisation sociale et économique du pays. Quant aux différents mouvements de défense des droits de l'homme, particulièrement dynamiques durant les années de lutte contre le monopartisme, ils n'ont pas les moyens nécessaires pouvant leur permettre d'avoir une large audience auprès du public. Ils restent dans la plupart des cas l'organisation de quelques intellectuels qui n'ont pas une réelle emprise sur la vie politique nationale. A l'absence d'un véritable débat sur les thèmes majeurs qui touchent à l'organisation de la vie politique et économique nationale, les événements politiques se résument le plus souvent à de simples discours officiels ou des rassemblements de foule dont des ovations continuent à faire la une d'un certain journalisme encore courtisan1(*)50.  Reste les églises qui, le plus souvent, par la prise de positions audacieuses de certains de leurs chefs1(*)51, attirent l'attention des autorités sur la situation du pays. Ceux-ci sont régulièrement sollicités pour servir de médiateurs dans les différentes crises militaro-politiques que connaît le pays.

En dehors donc de ces associations analysées ci dessus, il n'existe à proprement parler pas de groupes de pression avec un réel poids politique. Ceux-ci devraient en principe exprimer les multiples interventions pouvant être effectuées sur les pouvoirs publics afin de les influencer positivement dans la prise des décisions. L'existence de ces groupes devrait davantage permettre l'implication du citoyen dans la vie publique et multiplier les voies d'accès au pouvoir gouvernemental 1(*)52. En effet, une vie associative riche peut ajouter au rôle des partis en stimulant la participation politique, en accroissant l'efficacité des citoyens, en recrutant et en formant de futurs responsables politiques et en renforçant l'attachement au système démocratique. Car, si les citoyens dans leur majorité prenaient conscience de leur rôle et de l'action à mener à travers ces associations et en concertation avec les dirigeants, ils éviteraient l'erreur qui consiste à tout faire remonter au Pouvoir central qui détiendrait toutes les solutions. Cela éviterait également de créer ce climat d'absence de responsabilité politique subséquent à l'absence d'un réel contrôle public sur les institutions républicaines.

* 143 H de Prince. Pokam, op. cit., p. 55

* 144 S. Huntington, op. cit. p. 173

* 145 A. Prera Flores, « La démocratie à l'aube du XXIé siècle : une fin ou un moyen ? Un modèle ou une culture ?

Principes universels ou simples règles de conduites ? » in Paix, Développement, Démocratie, B. Boutros

Ghali, Bruxelles, Bruylant, 1998, Tome II, p. 1281 

* 146 E. NJ. MBouémboué, La communication politique au Cameroun :analyse et essai de proposition,

UCAC/ICY, Mémoire de Maîtrise, inédit, Faculté des Sciences Sociales et de Gestion, 1995, p. 53

* 147 D. Maugesnet, « La citoyenneté participative. » in Université et citoyenneté en Afrique, APDHAC, Journée

des droits de l'homme, UCAC, 9 déc. 1999, Yaoundé, PUCAC, 2000, p. 19

* 148 J. D. Boukongou, Bulletin de l'APDHAC n° 24, Juillet-Septembre 2002

* 149 Idem.

* 150 L. G. Pampali, Le Centrafrique face à lui-même, op. cit. p. 51

* 151 C'est le cas surtout de l'Eglise Catholique à travers les lettres pastorales que les Evêques envoient lors de la réunion annuelle de la Conférence Episcopale Centrafricaine.

* 152 E. NJ. MBouémboué, op. cit. p. 61

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"Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait"   Appolinaire