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Elections et transition démocratique en République centrafricaine

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par Blaise Zalagoye
Université catholique d'Afrique centrale - Master droits de l'homme et action humanitaire 2005
  

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Paragraphe II. Le scrutin présidentiel de 1999 : la fragilisation du système politique centrafricain

La difficile acceptation par la classe politique des résultats des élections législatives de 1998 démontre, si besoin est, de la détérioration du climat politique quelques années après la fin du monopartisme. En effet, la vague du rejet unanime du régime monopartite n'a pas engendré une convergence vers une définition consensuelle du processus démocratique dans le pays. Si, l'institution des procédures électorales compétitives a permis l'accomplissement d'un cycle électoral mettant en jeu tous les postes politiques, il est à constater que la « réussite » de ces expériences n'a pas entamé les modes de gestion néo-patrimoniaux du pouvoir : clientélisme, corruption, favoritisme etc1(*)31. Ces pesanteurs expliquent que le scrutin de 1999, en relégitimant et en renforçant la position des autorités au pouvoir, n'a pas permis un changement de la physionomie de la classe politique (A). Il n'a pas également permis la mise en oeuvre d'un programme politique susceptible de gagner l'adhésion durable de la population. Il en découlera une vague de désenchantement qui va entamer la consolidation du régime pluraliste mis en oeuvre depuis 1990 (B).

A- Le scrutin de 1999 et la physionomie de la Classe politique centrafricaine

L'étendue du pouvoir conféré à l'exécutif dans la Constitution du 14 janvier 1995 fait que l'élection de son chef est devenue un enjeu capital pour le contrôle et la gestion du pouvoir dans l'Etat. La prééminence du Président de la République et du rôle subordonné du premier ministre donne pratiquement un caractère présidentialiste à un régime qui se voudrait en théorie semi-présidentiel. Elu pour six ans au suffrage universel direct, son mandat n'est renouvelable qu'une seule fois1(*)32. La modification du code électoral en juillet 1999 a permis d'y introduire le système de bulletin unique pour l'élection présidentielle.

« Toutefois, précise l'article 35 dudit code, pour les élections présidentielles de 1999, ne sont applicables que les anciennes dispositions de la loi n°98/004 du 27 mars 1998, portant code électoral, relatives aux bulletins multiples. » Cette disposition était le résultat du compromis entre le parti au pouvoir et l'opposition qui exigeait depuis l'introduction du bulletin unique dans la loi électorale.

Cependant, l'enjeu véritable de ce présidentiel se trouve sur le terrain de la mobilisation ethnique car, l'instrumentalisation de la loyauté ethnique à des fins électoralistes est caractéristique des campagnes électorales en RCA. A l'absence d'un programme politique capable d'intégrer les dimensions sociale et économique de la démocratie dans la gestion de la chose publique, cette instrumentalisation permet au moins aux hommes politiques de gagner sinon de conserver leur électorat. Car en Centrafrique, l'élite politique est constituée dans sa majeure partie soit d'anciens collaborateurs du premier Président centrafricain Barthélemy Boganda soit de ceux du défunt Empereur Bokassa. L'élection présidentielle de 1999 a révélé un aspect de cette réalité politique : quatre des dix candidats appartenaient à l'ancienne génération d'hommes politiques dont deux, Abel Goumba et David Dacko, furent des acteurs de premier plan du gouvernement de la loi-cadre il y a de cela plus de quarante cinq ans. Ces quatre totalisaient à eux seuls près de 90% des voix des électeurs1(*)33.

Par delà la réélection du Président Patassé avec 51,63% de voix suivis de Kolingba avec 19,38%, David Dacko avec 11,15% et Abel Goumba, 6,06%1(*)34, l'on pourrait constater que la RCA n'est pas différente de ces pays d'Afrique où l'ethnie et la région sont devenues des valeurs refuges1(*)35 et où les dirigeants politiques ont tendance à beaucoup plus utiliser « le matériau tribal 1(*)3 » pour favoriser leur victoire électorale. L'efficacité politique de cette instrumentalisation ethnique se révèle dans le résultat de cette présidentielle, comme en témoigne le tableau ci-dessous, où chacun des cinq candidats arrivés en tête a remporté plus de 70% des voix dans sa sous-préfecture d'origine :

Tableau : Résultats des élections présidentielles de 19991(*)37

Candidat

Sous-préfecture

%

Préfecture

%

% RCA

Patassé (MLPC)

Paoua

99,1

Ouham Pendé

95,8

51,63

Kolingba (RDC)

Kembé

87,3

Basse Kotto

83,2

19,38

Dacko (MDD)

M'baïki

85,3

Lobaye

74,4

11,15

Goumba (FPP)

Kouango

73,3

Ouaka

31,3

6,06

Pouzere (Indépendant)

Ippy

87,2

Ouaka

33,2

4,19

La propension des électeurs à voter en faveur de « l'enfant du pays » stigmatise bien ce que les hommes politiques qualifient pudiquement de la « politique de fief ». La conséquence sur la classe politique est que celle-ci voit difficilement émerger une nouvelle élite, pouvant dépasser ce clivage ethnique et permettre l'instauration d'un vrai débat démocratique. Alors qu'à l'occasion du retour du multipartisme, on espérait voir instaurer un système politique pouvant faire participer toutes les sensibilités ethniques et tribales du pays à la gestion du bien collectif, la valorisation de la loyauté ethnique et la pratique du clientélisme ont fini par le fragiliser durablement.

B- La fragilisation du système politique centrafricain

Pour s'affirmer en tant que système politique de la majorité, la démocratie a besoin d'obtenir des résultats positifs, ce qui signifie qu'elle doit profiter à tous. Or, la majorité de la population centrafricaine vient à se demander à quoi sert la démocratie telle qu'elle est présumée être appliquée dans le contexte social qu'est le leur. Bien loin de concrétiser leur rêve de liberté, d'égalité et de justice, les élections pluralistes ne sont devenues qu'une simple formalité ne permettant pas à la population de participer vraiment au pouvoir sinon à son contrôle. Cela résulterait de plusieurs raisons.

D'abord, sortie exsangue de presque dix ans de politique d'ajustement structurel, la RCA a attendu en vain sa « part de prime à la démocratie » depuis qu'elle s'est ouverte au pluralisme politique. En effet, si les pressions des bailleurs de fonds visant à orienter les réformes de système politique vers la démocratisation sont accompagnées dans certains pays de soutien financier subséquent, la République centrafricaine ne s'était guère imposée comme une priorité dans la politique étrangère de ses partenaires internationaux1(*)38. La Communauté internationale reste dans l'expectative en attendant de voir la fin de différentes crises militaro-politiques qui ne cessent de détruire le pays. L'aide au « développement institutionnel 1(*)39» se réduit souvent au financement des élections ou de différentes missions de médiation et de maintien de la paix dans le pays. Ensuite, sur le plan de la politique interne, l'essence des différentes mutineries et tentatives de coup d'Etat révèle de l'institutionnalisation de la violence comme mode de contestation du pouvoir. La radicalisation de chaque camp politique dirigé par la vieille classe politique qui se voue une haine réciproque ne permet guère la constitution d'une « élite démocratique plus jeune et mieux formée à la gestion des affaires de l'Etat1(*)40 ». Sur le plan économique, les conséquences de la dévaluation du franc CFA en 1994 sur l'économie du pays sont néfastes. Elle n'a favorisé ni la relance des activités économiques ni la croissance comme l'on espérait. Ainsi, la tentative manquée du coup d'Etat du 28 mai 2001 dont les principaux instigateurs sont des militaires proches de l'ethnie de l'ancien Président Kolingba constitue le dernier coup de boutoir donné au système mis en place au lendemain des élections pluraliste de 1993. Car, non seulement l'ouverture démocratique ne s'est pas accompagnée d'un développement économique pouvant permettre au pays de sortir du marasme économique mais, elle n'a pas non plus freiné la paupérisation de la population1(*)41. L'indice de pauvreté humaine (IPH) a considérablement augmenté ces dernières années dans le pays à cause non seulement des incessantes instabilités politiques mais aussi de la destruction de l'infrastructure économique due soit aux différents soulèvements militaires soit à certains scandales politico-financiers1(*)42. Réduite à une économie de survie, la population voit ses aspirations à plus de démocratie sociale s'émousser face à un Etat qui éprouve de sérieuses difficultés pour y faire face. Dans ces conditions, il serait difficile de dire si les élections, en permettant l'avènement de la démocratie élective en Centrafrique, a également contribué à sa consolidation.

* 131 P. Quantin, « La difficile consolidation des transitions démocratiques africaines des années 1990 » in Démocratie d'ailleurs, CH. Jaffrelot ( dir. ), Paris, Karthala, 2000, p. 480

* 132 Article 23 de la Constitution de 14 janvier 1995 dispose en effet que « le Président de la République est élu au suffrage électoral direct et secret pour un mandat de six ans, renouvelable une fois... »

* 133 J. P. Ngoupendé, L'Afrique sans la France, Paris, Albin Michel, 2001, p. 13

* 134 B. I. Abdourhamane, op. cit.

* 135 J. P. Ngoupendé, op. cit. p. 13

* 136 R. Buijtenhuijs, Transition et élections au Tchad 1993-1997,paris, Karthala, 1998, p. 306

* 137 A. Melher, V. da Cruz, op. cit. p. 1999

* 138 A. Melher, V. da Cruz, op. cit. p. 206

* 139 P. Quantin, « La difficile consolidation des transitions... » op. cit., p. 480

* 140 M. Koyt, M. F. M'bringa, P. M. Decoudras, op. cit., p. 248

* 141 Selon l'Indice du développement humain de 2000, publié par le PNUD, en l'an 2000, la RCA occupait 163e rang alors qu'elle était en 1993 au 142e

* 142 Affaires du Crédit d'Engoulème, de Petroca, de Zongo-oil, etc.

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