A/ De l'éducation à
la maltraitance
Nous avons précédemment évoqué la
question du droit de correction des parents qui peut être qualifié
d'infraction pénale.
Cela s'inscrit dans l'évolution de la conception de la
puissance paternelle.
Violemment attaquée pendant la Révolution, qui
identifiait le père à la figure du roi, la « puissance
paternelle » est remise à l'honneur en 1804. Le code civil
institue un droit de correction paternelle qui permet même au chef de
famille de faire emprisonner son enfant. En 1958, ce pouvoir est
remplacé par « l'assistance éducative » au
profit de mineurs en danger. Cette intervention de l'Etat en cas de carence de
la famille est emblématique de la notion d'intérêt de
l'enfant, apparue à la fin du XIXe siècle et centrale
aujourd'hui.
La Convention Internationale des Droits de l'Enfant,
ratifiée par la France en 1990, reconnaît aux mineurs le droit
à la vie, au bien-être, à la liberté d'expression,
la liberté de pensée, de conscience, de religion, d'association
et même de réunion pacifique confirme et parachève cette
évolution.
En 1993 est institué le Juge aux Affaires Familiales,
chargé de veiller à la sauvegarde des intérêts des
enfants mineurs. Il y a également eu introduction de l'obligation pour
le juge d'accéder à la demande d'audition du mineur capable de
discernement dans toute procédure le concernant.
Enfin, la loi du 4 mars 2002 relative à
l'autorité parentale consacre le « respect dû à
la personne de l'enfant ».
Cependant, il demeure quand même un hypothèse
dans laquelle le respect dû à l'enfant est bafoué et
où la toute puissance des adultes reprend le dessus :
l'hypothèse des enfants maltraités, des enfants en danger.
1) Quels sont les types de maltraitances de dangers dont les
enfants sont victimes en France ?
La loi prévoit que les enfants dont la santé, la
sécurité ou la moralité sont en danger ou dont les
conditions d'éducation sont gravement compromises doivent être
protégés par le Juge des Enfants.
La notion d'enfant en danger recouvre une multitude de
situations qui ne sont pas nécessairement liées à la
maltraitance physique.
L'enfant en danger peut être une enfant dont les parents
sont mentalement déficients et ne peuvent élever leur enfant dans
de bonnes conditions. Ce peut être l'enfant dont les parents
délaissent la scolarité (absences ou retards à
l'école...).
L'enfant qui grandit dans des conditions d'hygiène
et/ou de sécurité déplorables est lui aussi un enfant en
danger.
Ce peut être l'enfant rejeté par ses parents qui
ne veulent pas de lui.
Les parents mettent parfois en danger leur enfant lorsqu'une
crise grave bouleverse le couple et rejaillit sur le bien-être de
l'enfant.
On estime que chaque année, plusieurs milliers
d'enfants sont victimes d'agression. Tous les degrés de violences
existent, de la plus légère à la plus dramatique.
Bien des adultes déséquilibrés sur le
plan psychologique perdent le contrôle de leurs actes et frappent leurs
enfants. Les dégâts sont d'autant plus importants quand il s'agit
d'enfants en bas âge, fragiles, qui sont dans l'incapacité de se
défendre. Des violences sont même exercées sur des
bébés. Les agressions sexuelles occasionnent de graves dommages
physiques et psychologiques sur l'enfant.
Il existe également des agressions psychologiques, des
adultes humilient l'enfant sur son physique ou encore ses difficultés
scolaires. Ce peut être également les parents désirant
faire de leur enfant un enfant modèle et l'obligeant à pratiquer
une activité, voire même plusieurs, de manière
intensive.
Il y a aussi des pratiques consistant à faire peur
à l'enfant (l'enfermer dans le noir...) et à le maintenir en
permanence dans une ambiance de peur et d'insécurité.
2) Comment le droit français réagit-il face
à ces maltraitances et dangers dont sont victimes certains
enfants ?
Un nombre important de personnes peuvent déclencher une
procédure de protection judiciaire de l'enfance. C'est ce que l'on
appelle une « procédure d'assistance
éducative ».
C'est au Juge des Enfants que revient le rôle de prendre
les mesures d'assistance éducative.
Le Juge des Enfants peut être saisi par le père
et/ou la mère, conjointement ou séparément ; la
personne ou le service auquel l'enfant est confié ; le
tuteur ; l'enfant lui-même ; le Ministère Public ;
un instituteur ou un professeur ; un éducateur ; une
assistance sociale ; le médecin ou l'infirmière à qui
l'enfant se confie.
Le Juge des Enfants ici a à gérer une situation
de crise. Il prend des décisions, sur lesquelles il pourra revenir pour
les modifier par la suite, afin de parer au plus urgent pour la protection et
la sécurité de l'enfant.
Le Juge des Enfants doit aviser de la procédure le
Procureur de la République mais également la personne ou le
service à qui l'enfant à été confié. Cette
information et les convocations afférentes à la procédure
doivent mentionner les droits des parties à choisir un avocat.
Le Juge des Enfants entend la personne ou le service à
qui l'enfant a été confié, le mineur capable de
discernement et également toute personne dont l'audition lui
paraît utile.
Le Juge des Enfants a d'ailleurs l'obligation de porter
à la connaissance des personnes convoquées le motif de leur
convocation.
L'enfant maltraité a la possibilité de porter
plainte. Il peut contacter les services d'aide à l'enfance
maltraitée.
Il y a également la procédure du signalement qui
consiste à interpeller le Juge des Enfants sur un problème
concernant un enfant.
Ce signalement ne suffit pas et donc le Juge des Enfants doit
mener des investigations pour connaître les conditions de vie de l'enfant
concerné.
La loi donne au Juge des Enfants tous les moyens
nécessaires : enquête sociale, expertise médicale,
psychologique ; enquête de police ; audition de personnes
susceptibles de lui apporter de plus amples informations...
Il est à noter que l'enfant maltraité,
agressé dans son enfance n'osera pas toujours dénoncer les
personnes qui lui font du mal.
C'est pourquoi pour les infractions les plus graves, le
délai de prescription est de dix ans et part du jour de la
majorité de l'enfant. L'enfant devenu majeur aura alors jusqu'à
l'âge de 28 ans pour dénoncer les personnes qui ont attenté
à son intégrité physique.
3) Qu'est-ce que la procédure de protection
judiciaire ?
Cette procédure est conduite par le Juge des Enfants.
Il y a tout d'abord une phase d'enquête pendant laquelle le juge
recueille un maximum d'informations. Le Juge des Enfants, lors de cette phase,
a l'obligation d'entendre la personne ou le service à qui l'enfant a
été confié et le mineur capable de discernement.
Ensuite, le juge organise une audience au tribunal.
Enfin, lorsque le Juge des Enfants estime qu'il a tous les
éléments pour prendre sa décision, il met sa
décision en délibéré.
Il existe deux types de décisions possibles :
- si l'enfant peut rester en toute sécurité
auprès de ses parents, le juge peut ordonner une mesure
d'éducation en milieu ouvert. C'est la mesure ordonnée le plus
souvent. Des travailleurs sociaux vont rencontrer régulièrement
l'enfant et sa famille. Le juge peut également imposer des rencontres
avec un psychiatre et/ou un psychologue. Le juge peut aussi imposer des
obligations aux parents en rapports avec la situation (veiller à la
présence de l'enfant à l'école, à sa
ponctualité, veiller à ce qu'il voie un médecin
régulièrement...).
- Si la situation ne permet pas à l'enfant de rester
auprès de ses parents, le juge peut ordonner une mesure de placement
chez des particuliers ou dans des services éducatifs
spécialisés. Les enfants qui quittent leur famille ne partent pas
définitivement, la loi prévoyant que « tout doit
être fait pour que les enfants restent chez eux ». En outre,
durant le placement « les parents conservent le droit de rencontrer
leur enfant » soit avec un droit de visite, soit avec un droit
d'hébergement. La loi fixe à deux ans maximum la durée des
mesures éducatives ordonnées par le juge. La durée peut
être réduite ou, plus rarement, prolongée au-delà de
la majorité de l'enfant, sur sa demande.
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