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L'Intégration Juridique en Afrique : L'exemple de l'UEMOA et de l'OHADA

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par Samba DIOUF
Université Cheikh ANTA Diop de DAKAR Ecole Doctorale Régionale Africaine (EDRA) - DEA en Droit de l'Intégration et du système OMC 2005
  

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SECTION II : L'analyse de la compétence des juridictions communautaires

Aujourd'hui il existe en réalité une unification juridique au sein de l'espace intégré de l'UEMOA et de l'OHADA, car tel que analysé plus haut, dans beaucoup de domaines de la vie des affaires la réglementation est la même pour tous les Etats parties. Cependant lors même que la dynamique d'intégration soit à un niveau très satisfaisant, l'intégration juridictionnelle n'est pas réalisée, d'ailleurs d'aucuns objectent même par rapport à sa possibilité. C'est pour cette raison que les juridictions nationales cohabitent nécessairement avec les juridictions communautaires dans l'espace intégré, et cela donne lieu à une complémentarité de compétences dans l'application du droit communautaire (paragraphe I), mais d'autre part eu égard à la sensibilité des nouveaux rapports que crée l'existence d'un droit communautaire, des compétences particulières sont réservées aux juridictions communautaires (paragraphe II)

PARAGRAPHE I : La complémentarité des compétences entre juridictions

communautaires et juridictions nationales

La complémentarité de compétence se justifie par la situation de partage de compétence en matière d'application (A), et d'autre part le renvoi qui est fait par les juridiction nationales, et qui donne de ce fait une exclusivité de compétence aux juridictions communautaires en matière d'interprétation (B)

A : La situation de partage de compétence en matière d'application du droit

Communautaire

L'espace intégré de l'UEMOA et de l'OHADA n'est en réalité qu'un ensemble d'Etats qui se sont regroupés afin de favoriser le rapprochement de leurs différents peuples par le biais de la règle de droit. Par conséquent les règles communautaires ne sont destinées qu'aux seuls Etats et à leurs particuliers. Justement étant donné que dans l'ordre interne des Etats, il appartient aux juridictions nationales d'appliquer la règle de droit, c'est à ces mêmes juridictions d'assurer l'effectivité de la réglementation communautaire par son application sur le territoire de chaque Etat. En réalité c'est aux juridictions nationales qu'incombe au premier chef l'application, en d'autres termes la mise en oeuvre des nouvelles règles du droit unifié. C'est ainsi qu'au sein de l'Union ouest africaine et de l'organisation africaine du droit harmonisé, les juges nationaux font montre d'une intervention potentiellement active dans l'application des normes communautaires. En effet pour que les Traités de base soient mis en oeuvre, il faut nécessairement l'admission de la compétence des juridictions nationales sur l'ensemble des litiges mettant en cause l'application du droit communautaire. Les juridictions nationales des Etats parties disposent d'une compétence d'attribution et cette compétence est étendue sur l'ensemble du contentieux de particuliers à particuliers, celui mettant en cause l'Etat national à ses ressortissants, mais aussi le contentieux entre les ressortissants des différents Etats et les communautés. Mais aussi il faut dire que la compétence des juges nationaux de l'UEMOA et de l'OHADA, s'explique par le fait que le droit communautaire qui est secrété d'en haut devient partie intégrante du droit national. Donc avec le principe de l'applicabilité directe dont jouissent les actes communautaires, le juge national est dans l'obligeance d'appliquer à chaque fois qu'il est saisi le droit communautaire, et d'écarter tout naturellement le droit national antérieur contraire. Ainsi considéré c'est dire que le juge national est le premier garant du droit des particuliers dans l'ordre communautaire. Pour ce qui est de l'UEMOA, il faut signaler que les norme résultant des règlements, des directives, et des autres sources du droit communautaire sont transposées et prennent place dans le droit interne et par conséquent elles sont appliquées par les juridictions nationales dans tous les litiges nécessitant pour leur résolution l'application de ces normes. Le même constat peut être fait pour ce qui est de l'OHADA où il apparaît que les cours et tribunaux nationaux jouent le rôle de première ligne dans l'application du droit des affaires harmonisé.

Sous ces éclairages il va sans dire que ces deux organisations intergouvernementales malgré le principe de la supranationalité, reconnaissent une autonomie institutionnelle, juridictionnelle aux différents Etats. Cette autonomie signifiant que les Etats demeurent autonomes dans la répartition des compétences entre les différents organes juridictionnels. Elle est également présente dans l'organisation des procédures destinées à sanctionner le droit communautaire ou le droit commun, c'est la raison pour laquelle on parle de communautarisation des juridictions nationales. Cependant une telle autonomie doit être limitée, elle ne doit pas rendre impossible la sanction du droit communautaire. A titre purement comparatif on peut citer à premier égard la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qui dans un arrêt datant de 1976 (l'affaire Cornet) rappelait fort justement que les modalités procédurales de recours en justice destinées à la sanction du droit communautaire ne peuvent pas être moins favorables que celles concernant les recours similaires jadis régis par le droit interne. L a seconde limite qu'il faut soulever contre l'autonomie du juge national en matière d'application, c'est surtout qu'il respecte strictement l'esprit des règles communautaires qu'il invoque. En effet l'uniformisation du droit économique serait compromise si son interprétation était laissée à la libre appréciation des pouvoirs nationaux. C'est en fait ce qui explique l'existence d'un système de contrôle, dans le cadre d'une collaboration entre les juridictions nationales et communautaires, pour un éclairage nécessaire sur les normes communautaires.

B : L'exclusivité de compétence des juridictions communautaires en matière

d'interprétation

Dans le souci d'une application uniforme des normes uniformes, il est institué au sein de l'OHADA et de l'UEMOA un système de coordination entre les juridictions communautaires, et celles qui sont propres aux territoires des Etats parties. En effet ont aurait couru le risque d'une incohérence si les juridictions nationales pouvaient chacune de manière séparée, et selon leur bon vouloir et leur entendement, interpréter le droit communautaire. Sans conteste il y aurait autant d'interprétations que de juridictions nationales, et par conséquent l'uniformisation serait fortement obérée. Pour cette raison l'analyse des textes fondamentaux de l'UEMOA et de l'OHADA révèlent que c'est aux cours communautaires de justice qu'est dévolue la mission d'interprétation des normes communautaires en cas de difficultés pour leur application dans un litige au plan interne. L'interprétation consiste à préciser le sens et la portée des dispositions du droit communautaire

Dans l'UEMOA mais également dans la communauté jumelle de l'Afrique centrale (CEMAC), le contrôle par l'interprétation s'exerce à travers ce que l'on appelle le recours préjudiciel en interprétation. Ce recours est organisé dans l'Union par les dispositions du protocole additionnel n°1 du Traité de l'UEMOA, et par l'article 15 paragraphe 6 du règlement 01/ 96/ CM/ UEMOA portant règlement de procédure de la Cour de justice. Justement cet article 15 dispose que : «  Lorsqu'un problème d'interprétation du traité de l'Union, de la légalité des organes de l'Union, de la légalité et d'interprétation des statuts des organismes créés par un acte du conseil, se pose devant une juridiction nationale dont les décisions sont susceptibles de recours, cette juridiction peut, si elle l'estime nécessaire, poser des questions préjudicielles à la Cour » . S'il en est ainsi c'est dire que la saisine est facultative, mais la même disposition précise également, que les juridictions nationales sont cependant dans l'obligeance des saisir la Cour de justice, lorsqu'elles statuent en dernier ressort. Dans l'Union le contentieux portant sur l'ensemble du droit communautaire est susceptible de faire l'objet d'un recours préjudiciel, (les règlements, les directives, décisions, les statuts des organes spécialisés comme la BRVM), et le Traité lui-même. Le recours doit émaner d'une juridiction nationale ou d'une autorité à fonction juridictionnelle. Ainsi l'opportunité de renvoi appartient à la juridiction nationale qui peut la refuser malgré la requête d'une partie. Cela amène à dire que dans l'Union le recours n'est pas une voie de recours, dont les justiciables peuvent user, contrairement à l'Union Européenne où les avocats peuvent provoquer le renvoi et même participer à la formulation de la question posée à la juridiction communautaire.

Pour ce qui est de l'OHADA c'est d'abord l'article 14 du Traité de base qui prévoit la compétence exclusive de la CCJA pour l'interprétation du Traité, des règlements pris pour son application et des applications. Ensuite c'est l'article 56 du règlement de procédure qui traite de la question de l'interprétation, mais à ce niveau le règlement consacre le concept de procédure consultative. Ainsi la disposition inclus au niveau du Titre III intitulé : De la procédure consultative énonce que : «  Toute décision par laquelle une juridiction visée à l'article 14 du traité sollicite un avis consultatif est notifié à la cour à la diligence de cette juridiction. Cette décision formule en termes précis la question sur laquelle la juridiction a estimé nécessaire de solliciter l'avis de la cour pour rendre son jugement... ». Ainsi on peut dire que la demande d'avis est le pendant de la procédure du renvoi préjudiciel de l'UEMOA. Mais dans l'Union lorsque l'avis est demandé, elle fait même l'objet d'une notification à tous les Etats parties au Traité, par le greffier en chef. En outre il faut dire que, plus que dans l'Union la demande d'avis apparaît comme une obligation dans l'Organisation, dans la mesure où les décisions rendues par les juridictions nationales qui s'inscriraient en faux avec le droit communautaire, seraient toutes invalidées par la CCJA qui est une véritable juridiction de troisième degré. Matériellement la réglementation des deux juridictions prévoient que le juge national doit exposer les motifs pour les quels il juge la saisine nécessaire à la solution du litige, et les éléments de droit et de fait du litige en y joignant toutes les pièces du dossier Lorsque la décision d'interprétation est rendue par les deux Cours elle contient l'indication de son auteur, la date du prononcé, les noms des juges, l'exposé sommaire des faits, les motifs, et enfin la réponse à la question qui était posée.

Il faut dire en fin de compte que les interprétations qui sont données par les cours s'imposent en principe à la juridiction nationale qui les a demandées. L'interprétation s'impose à touts les autorités administratives et judiciaires dans l'ensemble des Etats membres. De ce fait l'inobservation par l'Etat ou la juridiction d'une décision d'interprétation peut entraîner un recours en manquement dans l'UEMOA. Par conséquent la pratique de la demande d'interprétation présente des intérêts certains. Cela permet de préserver l'unité d'interprétation servant de base à des applications homogènes par les juridictions nationales, mais également l'interprétation permet de diminuer l'encombrement du plétoire de la juridiction communautaire. En outre la faculté de saisine de la cour communautaire aux fins d'une interprétation disparaît si la question posée a déjà fait l'objet d'une jurisprudence. Le recours à l'interprétation n'est pas requis également lorsque la question soulevée par l'une des parties manque de pertinence, c'est-à-dire quand elle n'a aucune influence sur la solution du litige.

Au demeurant on retiendra que les rapports entre les juridictions nationales et les juridictions communautaires ne sont pas toujours conflictuels. Il existe un partage de compétences entre les deux lorsqu'il s'agit d'appliquer la norme communautaire, car même si c'est à des niveaux différents les juridictions nationales interviennent à coté des juridictions communautaires. D'autre part une coexistence pacifique existe entre les deux juridictions eu égard à la coopération qu'il entretienne lorsque des difficultés surviennent pour l'application des textes communautaires. La seule remarque qu'il faut faire c'est que la collaboration est plus élaborée dans l'UEMOA que dans l'OHADA. Toute fois à coté de cette complémentarité il existe des matières pour les quelles les juridictions communautaires sont seules souveraines pour en connaître des litiges.

PARAGRAPHE II : Les compétences particulières des juridictions

communautaires

Les juridictions des communautés de l'UEMOA et de l'OHADA cohabitent avec les juridictions nationales, mais il existe des matières par rapport aux quelles le règne des premières est sans partage. Il en est d'abord ainsi du contentieux de la légalité (A), mais aussi pour certaines matières spécifiques dans le contentieux de pleine juridiction (B)

: Le contentieux de la légalité

Il faut tout de suite signaler que ce type de contentieux propre aux juridictions communautaires fait l'objet d'une consécration beaucoup plus élaborée au sein de l'UEMOA que dans l'OHADA. Il comprend trois éléments le recours en appréciation de légalité, le recours en exception de l'illégalité et le recours préjudiciel en interprétation de la légalité.

Pour ce qui est du premier type de recours, il s'agit du recours en annulation prévu expressément dans les textes de l'UEMOA, particulièrement le chapitre II du règlement de procédure de la cour de justice. Au termes de l'article 15 de ce chapitre la cour est compétente pour connaître du recours en appréciation de légalité, l'alinéa 2 dispose que : « ... Le recours en appréciation de légalité est dirigé contre les actes communautaires obligatoires ; les règlements, les directives ainsi que les décisions individuelles prises par le conseil et la commission... ». Le recours en appréciation de légalité peut être conçu comme étant la transposition à l'échelle régionale du recours pour excès de pouvoir applicable dans l'ordre interne des Etats. Comme tout recours la cour est saisie au moyen d'une requête signée généralement par un avocat, elle est signifiée à la partie adverse accompagnée d'un cautionnement. La requête peut être introduite conformément au même alinéa second de l'article 15 par toute personne physique ou morale, contre tout acte d'un organe de l'Union lui faisant grief. En outre il ajoute que le recours est même ouvert aux organes de l'Union, tels que la commission, le conseil, ou encore les Etats membres contre les règlements, les directives et décisions. Ainsi considéré ce recours s'exerce contre les actes unilatéraux de l'Union, notamment les directives, les règlements, les décisions, à l'exclusion des actes additionnels. Et lorsque la cour statue, son office consistera à confronter les actes en questions avec le Traité de base et les autres conventions. Comme en droit interne les actes en cause doivent faire grief, c'est-à-dire modifier l'ordonnancement juridique, par conséquent les avis et recommandations ne peuvent faire l'objet du recours. Pour l'introduction du recours le requérant se devra d'arguer d'un intérêt légitime et certain qui sera souverainement apprécié par le juge. Il devra également respecter les délais de procédures classiques, ce délai est fixé par l'article 15 à deux mois à compter de la publication de l'acte, de sa notification au requerrant, ou du jour où celui-ci en a eu connaissance. Comme en droit administratif interne, il s'agit de délais francs, mais il peut y avoir une dérogation qui ne joue qu'une seule fois en cas de recours administratifs préalables. Par ailleurs ce recours peut donner lieu à des cas d'annulation d'un acte communautaire, lorsqu'il y a eu vice de forme et de procédure43(*), par exemple l'absence de motivation ou la violation de la procédure contradictoire. Il en est ainsi également en cas d'incompétence ou de détournement de pouvoir, car les autorités communautaires ont des compétences d'attribution. Mais surtout l'annulation est retenue lorsqu'il y a violation du traité de base et des textes subséquents. A l'heure actuelle l'affaire qui défraie la chronique en cette matière c'est sans nul doute le licenciement abusif du commissaire ivoirien Eugène Yaï. Dans cette Arrêt rendu le 05 avril 200544(*), la cour de justice de l'Union a déclaré nul et de nul effet l'acte additionnel n°01/2005 du 11 mai 2005 nommant monsieur Jérôme Bro Grebe en qualité de membre de la commission de l'UEMOA pour remplacer monsieur Yaï. Mais le curieux dans cette affaire, c'est que sous les pressions de la Côte d'Ivoire la conférence des chefs d'Etats et de gouvernement va encore adopter l'Acte additionnel n°04/2006 pour réaffirmer la nomination de monsieur Jérôme Bro, ce qui est aujourd'hui synonyme de licenciement pour monsieur Eugène Yaï. Ce remplacement conformément au premier arrêt de la CJU sera encore jugé illégal par la cour communautaire, qui convient toute fois de l'entrée en vigueur de l'acte additionnel dans le but de donner une base légale à la nomination du nouveau membre de la commission, bien que illégalement effectuée. Dans cette affaire il se pose une question très cruciale, celle de la crédibilité de la cour de justice. Est-ce que les chefs d'Etats de l'Union dans le seul but de satisfaire aux désires d'un Etat membre, vont en tant que animateur de l'organe suprême de l'UEMOA, faire totalement fi de la décision de justice de la cour ? Lequel organe de contrôle a été justement créé pour servir l'effectivité du droit communautaire. Même si la conférence n'en juge pas encore la portée, la suite qu'elle donnera à cette affaire sera très décisive pour l'avenir de l'UEMOA. Car si l'organe suprême viole le droit communautaire, c'est dire que l'Union risque d'être une zone de non droit dans l'avenir. Après ce premier recours il existe un autre type dont les juridictions communautaires sont les seules compétentes.

Le recours en exception d'illégalité est prévu au sein des deux cours communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA, mais comme pour le recours sus évoqué il fait l'objet d'une réglementation plus stricte dans la Cour de justice de l'Union. En effet il est permis à toute personne partie à un litige de soulever une exception à l'encontre d'un acte d'un organe de l'organisation. Mais l'exception d'illégalité ne vise pas à faire annuler un acte, mais à le déclarer inapplicable en l'espèce même après l'expiration du recours en annulation. Lorsque c'est des requérants ordinaires, l'exception d'illégalité aura pour intérêt de corriger les restrictions auxquelles le traité subordonnait le recours en annulation des particuliers contre les décisions et règlements. Mais quand c'est des Etats ou des institutions qui saisissent le juge, l'exception d'illégalité devra servir à empêcher l'application d'actes illégaux qu'ils auraient pu attaquer, mais qu'ils n'ont pas pu faire dans le cadre du délai du recours en annulation. Dans ce cas de figure le juge est saisi par la voie de la question préalable, à la quelle il devra répondre. Comme autre catégorie de contentieux par rapport au quel la compétence est réservée aux juges communautaires, on peut relativement citer le contentieux de l'interprétation. Mais dans le cadre de notre étude il nous est paru plus judicieux de l'analyser dans le cadre de la répartition de compétence, puisque l'initiative émane des juridictions nationales. Mais le contentieux de la légalité n'est pas la seule matière de compétence des juridictions communautaires, celles-ci peuvent aussi connaître des litiges de pleine juridiction.

B : La compétence exclusive dans le contentieux de pleine juridiction

Si l'on considère la réglementation de l'UEMOA et de l'OHADA s'agissant du contentieux de pleine juridiction, leurs juridictions sont compétentes à deux niveaux différents. En effet il y a des matières de première saisine, c'est-à-dire lorsque la question est obligatoirement portée en premier lieu devant le juge communautaire. Mais également comme tout contentieux de pleine juridiction les cours communautaires sont compétentes par la voie de la cassation

a : Les matières de la première saisine

Les juridictions communautaires ne sauraient avoir des compétences bornées au seul contentieux de la légalité. C'est la raison pour la quelle la CCJA et l'OHADA sous peine de voire leur rôle trop réduit ou inexistant sont compétentes en matière de responsabilité, de contentieux de la concurrence, ou de la fonction publique. Pour la responsabilité il faut dire qu'elle fait naturellement l'objet d'une consécration dans tous les textes régissant les juridictions africaines. Dans l'UEMOA le paragraphe 5 de l'article 15 du règlement de procédure de la cour dispose que : « la cour de justice est seule compétente pour déclarer engager la responsabilité non contractuelle et condamner l'Union à la réparation du préjudice causé par des agissements matériels, soit par des actes normatifs des organes de ou de ses agents dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leur fonction... ». Ainsi considéré il faut nécessairement que les différents éléments de la responsabilité soient réunis, à savoir le préjudice, le fait générateur, une imputabilité. Comme en droit interne la responsabilité est engagée pour faute et sans faute, les communautés ne sont donc engagées que si l'agent agissait dans le cadre de ses fonctions, utilisant les moyens du service. Par contre les agents des communautés peuvent être condamner en totalité ou en partie à réparer les préjudices subis par l'Union en raison de faute personnelle commise, lorsqu'elle celle ci se détache matériellement et intellectuellement du service. L'action en responsabilité quelque soit le cas peut être intentée par les particuliers contre l'Union, cette dernière peut également engager la responsabilité des particuliers. Mais dans tous les cas de figure, l'action en responsabilité se prescrit au bout de trois années à compter de la réalisation du dommage.

Il y a aussi le contentieux individuel de la fonction publique, qui peut être porté devant les juridictions communautaires. En effet il existe un ensemble de règles régissant les personnels de l'UEMOA et de l'OHADA, il en est ainsi par exemple du règlement 1/98 du 30 janvier 1998 relatif au régime applicable au personnel de l'OHADA. Ces règles constituent le statut de ces personnels qui fixe les droits et obligations du personnel qui peut être fonctionnaire, ou non fonctionnaire. Cependant comme dans tout rapport humain, il peut survenir des litiges entre l'organisation et les agents. C'est la raison pour laquelle les textes qui régissent les cours communautaires donnent compétence à celles-ci pour connaître de ces litiges. C'est le cas du règlement de procédure de la CJU qui à l'alinéa 4 de son article 15 habilite la cour à statuer sur tout litige entre les organes de l'union et leurs agents, dans les conditions déterminées au statut du personnel. Dans la pratique la CJU connaît un contentieux très volumineux de la fonction publique, c'est le contentieux le plus important ; Ainsi entre 2002 et 2004 sur 12 décisions rendues les 11 sont relatives au contentieux individuels.

Comme autres contentieux exclusifs aux juridictions communautaires, il faut noter celui qui est relatif à la concurrence, aux litiges financiers et aux recours en manquement contre les Etats. Mais ces contentieux ne sont prévus à l'heure actuelle que dans le cadre de l'UEMOA. Cela peut aisément se comprendre, d'une part par la nature des normes de l'UEMOA qui visent dans leur majorité expressément les Etats, et d'autre part il n'existe à l'heure actuelle aucun Acte Uniforme devant portant sur ces matières. Ainsi lorsqu'elle est saisie, la CJU peut être amenée à se prononcer sur les décisions et sanctions que la commission a pu prendre contre les entreprises qui n'ont pas respecté le principe de la libre concurrence, ou bien celles qui ont abusé de leur position dominante sur le marché de l'UEMOA. Quant au recours en manquement il est également prévu par l'alinéa 1er de l'article 15 du règlement de procédure de la CJU. En effet selon la réglementation la cour de justice connaît des recours de la commission ou de tout Etat membre, pour tous manquements que les Etats accusent par rapport aux obligations communautaires qui les incombent. Enfin concernant le recours financier il ne fait pas l'objet d'une consécration expresse par l'UEMOA, contrairement à la convention de la cour de justice de la CEMAC mais il s'agit essentiellement du contentieux bancaire. Dans la pratique au sein de l'UEMOA, un avis a été rendu concernant la question de l'agrément unique, qui était préconisé par la BCEAO par ce que estimant l'agrément multiple contraire à la liberté de circulation. La CJU a abordé dans le sens de l'institution de mission, à la condition que l'agrément unique soit donné par la CBAO.

Au demeurant il faut dire que les juridictions communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA disposent d'une compétence générale, elles peuvent être saisies par les juridictions nationales dans le cadre du recours préjudiciel ou consultatif pour un éclairage sur le droit communautaire. Mais elles peuvent être saisies également par toutes personnes physiques ou morales pour des matières qu'elles sont seules à pouvoir connaître. A la suite de tous ces contentieux dont les juridictions communautaires sont saisies, ces dernières rendent des arrêts qui se présentent sous certaines formes et obéissent à des règles de fond. En effet en rendant sa décision le juge communautaire de l'UEMOA et de l'OHADA s'appui sur le Traité de base, sur les dispositions du droit dérivé, ainsi que sur le règlement qui régisse le fonctionnement des cours. Les arrêts sont rendus en audience publique, et la lecture se fait en présence des parties à qui l'arrêt est ensuite notifié. Les arrêts qui sont rendus jouissent ensuite d'un régime qui facilite leur application. En effet aussi bien dans la CJU (article 80 du règlement de procédure) que dans la CCJA (article 40 du règlement) les arrêts rendus ont une force obligatoire à compter du jour de leur prononcé. Autrement dit les arrêts ont l'autorité de la chose jugée, ils sont non seulement obligatoires pour les organes de l'Union ou de l'Organisation, mais aussi pour tous les Etats et leurs ressortissants. De surcroît l'article 20 du Traité de l'OHADA prévoit l'exécution forcée des arrêts de la CCJA. Cette exécution forcée est régie par les règles de la procédure civile dans l'Etat sur le territoire duquel l'exécution a lieu. Lorsque survient des erreurs matérielles de calcul ou de plume, le juge procède d'office ou à la demande d'une partie aux vérifications nécessaires. En cas d'omission par la cour sur un élément, ou sur les dépens, la partie qui entend s'en prévaloir saisit la cour par la voie de requête dans le mois de la signification de l'arrêt, et la requête est signifiée à l'autre partie invitée à présenter ses observations. La cour statue sur les dépens à savoir les frais de correspondance et de notification, les frais d'établissement des copies, des mémoires, des pièces jointes et d'instructions. C'est la partie qui succombe qui est condamnée aux dépens, si plusieurs parties succombent la cour décide du partage des dépens. De même si une partie se désiste elle supporte les dépens. Par ailleurs comme dans le cadre interne, les parties disposent de voies de recours pour contester les arrêts rendus par les juridictions communautaires. Mais dans le cadre communautaire les voies de recours ordinaires ne sont pas admises. Les parties qui désirent contester un arrêt de la CJU ou de la CCJA ont la possibilité d'user des voies de recours dites extraordinaires. Ainsi lorsque la décision est rendue par défaut, la partie défaillante peut former une opposition contre cette décision dans un délai de deux mois après la publication. En cas de découverte d'un fait nouveau pertinent la partie peut demander la révision du procès. De même en cas de contestation sur le sens ou la portée du dispositif d'un arrêt, il appartient à aux cours communautaires de l'interpréter. Dans le cadre de la CCJA le règlement de procédure prévoit à son article 48 que : «...Toute partie peut demander l'interprétation du dispositif d'un arrêt dans les trois ans qui suivent le prononcé ... ». Quant à l'UEMOA c'est l'article 85 du règlement de procédure qui prévoit la possibilité d'interprétation des arrêts. Par ailleurs à coté de cette compétence exclusive des communautaires de l'UEMOA et de l'OHADA, laquelle compétence commence déjà au premier degré de juridiction pour des matières que les règlementations ont tenu à préciser. Il faut aussi ajouter que le principe supranational qui sous tend toute la dynamique d'intégration au sein de nos deux entités considérées, innove aujourd'hui en conférant un monopole spécial aux juridiction communautaire au troisième degré du système judiciaire.

b : La compétence des juridictions communautaires en matière de cassation

Lors même que l'option de rapprochement juridictionnelle soit la même aussi bien dans l'UEMOA que dans l'OHADA. Cette dernière présente toute fois une particularité eu égard au monopole qui lui est conféré par le Traité au niveau de la cassation (1). Alors que dans l'Union il existe simplement une collaboration entre les juridictions nationales et la juridiction de la communauté (2).

1 : Le monopole de la CCJA au niveau de la cassation

Lors de sa création l'OHADA s'est fixée comme office majeur de promouvoir l'uniformisation législative par une uniformisation juridictionnelle. C'est la raison pour laquelle conformément à l'analyse faite plus haut, il apparaît que les dispositions de l'OHADA sont motivées non seulement par le souci d'uniformiser l'interprétation des textes, mais d'élaborer une justice unique. Dans cette occurrence la CCJA est aujourd'hui érigée en une véritable juridiction de troisième degré au détriment des traditionnelles juridictions nationales de cassation. Ainsi il est prévu aux termes de l'article 14 du Traité OHADA que : « Saisie par la voie du recours en cassation, la cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes Uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales... ». Sous cet éclairage de la loi il est à dire que la cassation dans le cadre de l'espace OHADA constitue en quelque sorte la « chasse gardée » de la CCJA. Cette dernière peut être saisie conformément à l'article 51 du règlement de procédure, par la voie du renvoi effectué par le juge national, elle peut également être saisie dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision, par toute partie à un procès qui estime que la juridiction nationale statuant en cassation a méconnu la compétence de la CCJA. Lorsque la juridiction communautaire est saisie, cela entraîne automatiquement la suspension de toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale, à l'exception des procédures d'exécution. Et si la CCJA estime à bon droit que sa compétence doit être retenue en l'espèce elle évoque et statue au fond. L'évocation c'est la faculté qui est donné à la cour de l'OHADA de se prononcer sur le fond de l'affaire, et de ne plus opérer de renvoi après la cassation. Ceci étant la CCJA se substitue donc aux cours de cassation des différents Etats parties, mais elle se substitue surtout à la juridiction nationale de fond qui aurait été normalement compétente à statuer après la cassation. Cependant ce mécanisme de substitution de la CCJA aux juridictions nationales connaît une limite concernant les décisions appliquant des sanctions pénales. Cette exclusion de compétence s'explique par le fait que les dispositions du traité OHADA contiennent certes des dispositions d'incrimination, mais non celles infligeant des sanctions pénales45(*). Par conséquent dès lors qu'il s'agit d'un pourvoi en matière pénale les cours de cassation nationales retrouvent toute leur compétence. De manière pratique cela revient à affirmer qu'il y aura un partage, la CCJA serait toujours compétente à statuer sur les dispositions d'incrimination pénales, mais la détermination de la peine demeure l'apanage des juridictions nationales compétentes. Ainsi considéré on peut soutenir que l'OHADA à travers la CCJA a mis la barre très haute en ce qui concerne le rapprochement juridictionnel de ses Etats même si pour l'instant la question de l'intégration juridictionnelle est vue par certains comme une utopie. L'on s'accorde avec une presque unanimité, que les dispositions du traité et du règlement de procédure de l'Organisation pose un principe de supranationalité juridique, opérant un transfert de compétences des juridictions nationales de cassation vers la CCJA. Ce principe est d'autant plus rigoureux que la cour peut statuer sur le fond. La CCJA se présente ainsi en un véritable régulateur de l'application du droit des affaires dans l'espace OHADA. Cependant l'innovation et le principe qu'elle instaure ne manque pas d'engendrer une énergie conflictuelle. En attendant de s'étendre sur cette question dans le dernier maillon de notre analyse, il convient de voir maintenant le système qui est applicable au sein de l'UEMOA.

2 : La collaboration entre la Cour de Justice de l'Union avec les cours de

cassation nationales

Au niveau de la cassation il apparaît une très nette différence entre le système de l'UEMOA et celui de l'OHADA. En effet contrairement à ce qu'à révélé notre analyse au sein de la CCJA. La procédure de contrôle de l'application du droit communautaire par les juridictions nationales s'organise autour d'une relation de collaboration entre la CJU et les juridictions propres aux Etats parties. Concrètement cette coordination s'effectue par un système de renvoi préjudiciel qu'opèrent les cours de cassation saisies, à la CJU, afin que celle-ci puisse donner sa position sur la question de droit communautaire, dont la juridiction nationale est saisie. Le recours préjudiciel est certes une faculté qui reste à la libre appréciation des juridictions nationales. Mais aux termes de l'article 12 alinéa 2 du règlement de procédure de la CJU, les juridictions qui statuent en dernier ressort sont sommes toutes dans l'obligation de saisir la cour de la communautaire afin de requérir sa position sur la question de droit communautaire révélée par le litige dont elle est saisie. Ensuite le juge national est tenu de se conformer à l'interprétation qui lui sera donnée par la cour. S'il en est ainsi c'est dire que la CJU ne dispose pas d'un quelconque pouvoir d'invalidation des décisions des juridictions nationales, lors même que l'application du droit communautaire est en cause. Contrairement au monopole dont dispose la CCJA qui évoque les affaires, les tranche sans renvoi, la CJU quant à elle ne tranche pas en fait les litiges, ceux-ci sont exclusivement tranchés par les juridictions nationales. La résolution d'un litige impliquant l'application des normes communautaires nécessite donc le respect de l'interprétation donnée par le juge communautaire, qui ne statue pas pour autant sur le fond de l'affaire.

Sous ces considérations c'est dire qu'il n'existe qu'une simple collaboration en l'absence de toute substitution de la CJU aux organes juridictionnels nationaux. Un tel système appliqué au sein de l'Union est certes garant de la souveraineté des Etats, surtout dans le domaine sensible de la juridiction. Mais pour notre part il nous semble que la CJU devrait jouer pleinement son rôle en s'érigeant en une véritable juridiction de cassation, non comme la CCJA qui est juridiction de troisième degré, mais une juridiction de droit qui aura pour mission de vérifier la légalité des arrêts des juridictions d'appel des différents Etats parties de l'Union. Par ce que le système de renvoi comporte beaucoup de lenteurs, et étant donné que la juridiction nationale ne peut pas outre passer la position de la cour communautaire, puisqu'elle devra s'y conformer. Il serait plus indiqué que la CJU se prononce une fois sur la question de droit. En effet si l'on élimine le renvoi préjudiciel au niveau de la cassation cela favoriserait la rapidité du pourvoi, en même temps l'élimination de ce renvoi qui semble être un barrage à l'accès personnel des ressortissants aux juridictions communautaires, permettra de donner une culture du droit communautaire aux particuliers des différents Etats membres, puisqu'ils auront eux même à saisir la cour de la communauté à la quelle ils appartiennent. Pour ce qui est de l'OHADA également l'institution de la CCJA en juridiction de troisième semble être une option d'efficacité et de rapidité, mais la compétence ne s'étend pas à tous les contentieux ce qui peut être source de problèmes. C'est d'ailleurs cette panoplie d'écueils que pose l'existence des juridictions communautaires, qui nous permet de jeter le pont sur la partie ultime de notre analyse faisant l'inventaire des problèmes de l'intégration en générale au sein de nos deux entités.

* 43 La jurisprudence de la cour de justice l'UEMOA s'est prononcée à deux reprises sur le vice de forme dans des décisions rendues le même jour. Le 29 mai 1998 Sakho Abdurahmane c/ commission de l'UEMOA ;

Dieng Ababacar c/ commission de l'UEMOA.

Dans ces affaires le juge a annulé les décisions de la commission pour non respect de certaines formalités préalables à la prise de décision de sanctions. Dans la seconde affaire elle a estimé que la procédure constitue une formalité substantielle

* 44 Arrêt n° 01/2006 du 05 avril 2006

* 45 Voire Article 5 du Traité de l'OHADA

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