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Le chehabisme ou les limites d'une expérience de modernisation politique au Liban

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par Harb MARWAN
Université Saint-Joseph de Beyrouth - DEA en sciences politiques 2007
  

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2,2- Le Président Chéhab et le Père Lebret

Le président Chéhab, a adhéré à la philosophie du père Louis Joseph Lebret, directeur de l'I.R.F.E.D (Institut de Recherche et de Formation En vue du Développement), qui prônait une « économie à visage humain »136(*), capable de favoriser le développement continu, et la redistribution de la richesse en vue de réduire les clivages d'inégalités aussi bien sur le niveau social que régional.

Le président Chéhab a considéré que les inégalités socio-économiques sont la source principale des troubles et des tensions politiques, et constituent la principale problématique à régler. Ainsi, pour trouver une solution aux inégalités socio-économiques, le chéhabisme a évalué comme étant urgent de développer une nouvelle philosophie politico-sociale et de l'appliquer.

En réalité, la stratégie de la philosophie chéhabiste était d'édifier un partage équilibré du pouvoir, et une répartition égale de la richesse nationale entre les classes, les régions et les différents groupes sociaux de la société libanaise. Ceci au sein d'un ordre socio-politique moderne, libéral et démocratique. Et pour y accéder, il faudrait « favoriser une répartition plus égale de la richesse, et des services publics sur le plan social et régional. Redéfinir la conception de l'Etat, approfondir la relation entre le système politique et la société civile, en encourageant chaque citoyen à prendre part à l'élaboration et l'exécution de projets communs à l'échelle nationale137(*). » 

La planification est pour le président Chéhab une étape capitale dans la construction des Etats. Il développa cette conviction d'après son éducation militaire, et sa connaissance de ce qui se faisait en France après la seconde guerre mondiale. Ainsi, comme le général De Gaulle a eu recours au planificateur Jean Monnet138(*) pour reconstruire la France après la guerre, le président Chéhab a fait appel à l'expertise du prêtre français Lebret pour reconstruire le Liban après la crise de 1958. « Les Libanais dit Chéhab, se méfient de la justice sociale, du socialisme et du progrès, mais ils les accepteront d'un homme de religion car ils sont habitués aux sermons et aux discours religieux139(*). »

Le système politique libanais « pourri » a besoin d'une planification publique et générale pour stimuler la croissance économique et sociale, pour réformer l'administration, pour développer les régions périphériques, dans le but de renforcer l'idée d'un Etat unitaire et de l'appartenance à une Patrie. Le président Chéhab a refusé de commencer son mandat avant la mise en place d'une stratégie de développement équilibrée et harmonisée entre les régions et les communautés140(*).

La première relation entre le président Chéhab et le père Lebret à un caractère professionnel. Ce dernier a occupé le poste de conseiller économique principal auprès du président Chéhab de 1958 à 1964. Et entre le 6 Mars 1959 et le 26 Avril 1964, Lebret est venu 25 fois à Beyrouth dans des visites de travail, vingt d'entre elles sont reparties généralement sur une année entre 1960 et 1963141(*).

Durant cette période, le père Lebret a fait de son mieux pour le Liban allant jusqu'à refuser en 1960 l'appel de plusieurs Etats étrangers, et sacrifiant sa vocation d'instituteur au sein de l'IRFED.

Le père Lebret a consacré presque toute sa vie active aux questions de développement. La grande partie de ses oeuvres monumentales traite des problèmes sociaux et économiques et sont influencées par la tradition chrétienne du thomisme et par le marxisme. Kamal Joumblatt l'a qualifié dans ses Mémoires de « prêtre rouge142(*) ».

Le père Lebret a eu comme maître à penser l'économiste français François Perroux143(*). « Il incarne pour le dominicain la grande figure de l'économie jusqu'à la fin de sa vie, le socle théorique de sa propre pensée dans ce domaine. Il est également le symbole de l'économie moderne pour beaucoup de jeunes intellectuels libanais (la génération des moins de quarante ans en 1958) qui participent à l'aventure de la planification chéhabiste144(*). »

En 1963, Lebret publia une de ces oeuvres théoriques « Pour une civilisation solidaire » dans laquelle il traite des grandes idéologies du siècle, telles le communisme, le capitalisme, et des problèmes relatifs au milieu ouvrier et campagnard d'après une perspective chrétienne générale145(*).

Cependant, ce sont ses oeuvres scientifiques autour du développement qui lui permirent d'être connu en France et dans le monde entier. Sa vision du développement qu'il décrit dans « Dynamique concrète du développement146(*) » a été pratiquée au Liban entre 1959 et 1964.

L'idée principale du livre considère que le développement ne devrait pas être une fin en soi, mais son but essentiel est le luxe (meilleure existence) de la communauté humaine. La fin du développement est de favoriser la croissance économique, sociale, sanitaire, culturelle, morale, civile et l'élimination du déséquilibre culturel qui reste l'obstacle capital devant le progrès des peuples sous-développés.

Répondant à une demande d'explication du président Chéhab des bases sur lesquelles la première mission de l'IRFED a été dirigée, le père Lebret précise la finalité du développement dans un communiqué envoyé en septembre 1960 dans lequel il explique que « (la fin du développement) est la série des étapes traversées par les différents groupes d'un peuple d'une situation de moindre humanité à une situation plus humanitaire147(*). »

La fin du développement pour lui, est la réalisation des capacités potentielles de l'humanité. Quand l'homme aura satisfait tous ses besoins, on pourra parler de développement général. Ce dernier s'accomplit à travers une harmonisation entre le secteur public et le secteur privé. Le président Chéhab a mentionné dans une lettre adressée au père Lebret le 10 novembre 1965 une « croissance sociale basée sur le libéralisme moderne, c'est-à-dire un libéralisme dirigé148(*). »

En réalité, la planification qui a été pratiquée au Liban a pris en considération l'importance du secteur privé dans le pays, en l'impliquant dans le processus de développement. Dans ces conditions, selon le père Lebret, le Liban conserverait sa tradition libérale et se mettrait sur les rails du développement. « Le Liban n'est pas un pays socialiste et ne le sera pas. Il est d'une importance cruciale que le secteur privé jouisse de son rôle.»149(*) Et précise encore que « le développement est un processus commun, dans lequel le secteur privé joue un rôle important et sans ce dernier la planification est impossible.»150(*) 

* 136 - Expression de Georges CORM

* 137 - Nawaf KABBARA, The Chehabism in Lebanon: The Failure of an Hegemonic Project 1958-1970, PHD, Philosophy-Politic, in University England of Essex, 1988 .pp. 109-110-111

* 138 - Cf. Philippe MIOCHE ,  Le Plan Monnet, genèse et élaboration 1941-1947 , Publications de la Sorbonne, 1987.

* 139 - Wakim BOU LAHED, Fouad Chéhab, le président et le commandant, op.cit. p. 45

* 140 - Wakim BOU LAHED, Fouad Chéhab, le président et le commandant, op.cit. p. 45

* 141- Mission IRFED, Archive de la fondation des archives nationales, Beyrouth, Immeuble Piccadilly.

* 142- Kamal JOUMBLATT, Voilà, mon testament, Première édition, stock, Paris, 1978, traduit par la fondation Al watan al arabi, p. 71.

* 143 - Cf. François PERROUX, L'Economie du XXième siècle , PUF, 3eme édition., 1969.

* 144 - Jean-Marc FEVRET, L'influence française sur la politique économique Libanaise au temps du Chéhabisme (1958-1964)  MASTER 2 de Sciences Politiques, Université de Marne-La-Vallée 2005-2006, non publié p. 33

* 145- Louis LEBRET, Pour une civilisation solidaire, Editions Ouvrières, Paris, 1963.

* 146 - Louis LEBRET, Dynamique concrète du développement, Editions Ouvrières, Paris 1961,

* 147- Mission IRFED, op.cit.

* 148 - Malsagne STEPHANE, Le chéhabisme sous la présidence de Fouad Chéhab, op.cit. p.p 33-34.

* 149- Mission IRFED, op.cit.

* 150- Ibid.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore