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La commercialisation du gibier au Gabon

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par Georgin MBENG NDEMEZOGO
Université Omar Bongo - Maîtrise 2006
  

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Chapitre II : Les usages humains de l'écosystème

A peu d'exceptions près, les peuples du Gabon vivent sous le couvert des arbres, cernés par la forêt. L'ouverture sur les savanes n'exerce que des effets marginaux, sensible surtout dans certaines régions du pays (Haut- Ogooué). En ces rares espaces de contact, l'identité des groupes se conforme à leur environnement végétal. Il y a ainsi les habitants de la savane claire et ceux de la forêt obscure et l'on perd son identité et son âme en franchissant la limite. Le couple clair/obscur, fréquent dans les traditions de la région résume l'opposition écologique majeure sur les marges de la forêt. L'obscur ne désigne pas seulement le manque de luminosité, mais renvoie à des psychèmes sédimentés dans la mémoire collective sur les marges incertaines du conscient et de l'inconscient. La forêt, c'est de la représentation pour ces peuples et leur adaptation est fonction d'elle. Dans ses recherches sur les rites et croyances des peuples du Gabon, Raponda Walker, cité par Pourtier, n'oublie pas de mentionner l'impact de la forêt dont la profondeur facilite le séjour des esprits en même temps que l'impression de leurs demeures. La forêt exerce des effets multiformes sur la perception, les mouvements du corps, les représentations, et, au-delà, les comportements psychologiques et sociaux. Tout ceci s'explique et se comprend à partir des usages que ces peuples là font de cette forêt.

Parler d'usage ici, c'est évoquer le rapport direct que ces peuples entretiennent avec leur forêt. Prenons le cas des objets qui se situent à la jonction entre le milieu qui en fournit la matière et la société qui en prescrit l'usage. La médiation qu'ils établissent est d'autant plus directe que la société est peu distanciée de la nature, façonnée en étroite symbiose avec le milieu. La lecture de leur réalité instrumentale et de leur finalité introduit dans le système de relation qui unit les groupes sociaux à leur environnement. Il est nécessaire d'analyser d'un peu plus près les systèmes de représentation que les individus et les groupes, membres d'une société déterminée, se font de leur environnement, puisque c'est à partir de ces représentations qu'ils agissent sur cet environnement à partir des activités spécifiques. Elles peuvent être de l'ordre alimentaire, rituel, thérapeutique, économique. Nous n'avons pas la prétention d'expliquer ici ce que nous ferrons plus bas, mais plus tôt vous présenter brièvement la question que nous allons traiter dans les lignes qui suivront celles-ci. Et le premier souci de l'homme a toujours été celui de s'alimenter afin d'entretenir l'équilibre morphologique.

2 - 1 l'usage alimentaire

La particularité des cultures alimentaires gabonaises est qu'elles intègrent un grand nombre de familles botaniques et zoologiques. Nous savons d'abord que les plantes alimentaires qui sont essentiellement les phanérogames mais avec, au Gabon, une importance inhabituelle des cryptogames. Ces derniers sont assez communs dans l'alimentation gabonaise, contrairement à ce qu'on constate dans les cultures occidentales. Ils sont représentés par les champignons et beaucoup de fougères comestibles. Les phanérogames, comme partout, représentent la plus grande partie des plantes alimentaires. On y trouve l'aliment de base. Mais contrairement à la majorité des habitudes alimentaires connues dans le monde, les céréales ne représentent pas les aliments de base. Ceux-ci sont diversifiés à savoir : la tubercule de manioc (la plus commune), puis vient le taro suivi de la patate douce et les innombrables variétés d'ignames. Le manioc se consomme sous plusieurs variétés. Ces variétés regorgent « mbong » (le manioc en bâton), « apouma mbong » (les tubercules préparés), « ameng mbong » (variété de manioc que l'on fume après rouissage), « ngue mbong » (tubercule préparé que l'on consomme après rouissage). Même les feuilles de ce manioc sont à consommation variables. Elles peuvent être associées aux noix de palm (la plus consommée au nord du Gabon), à la patte d'arachide ou à l'huile tout simplement. Comme féculents très présents, on trouve aussi la banane plantain. L'autre caractéristique des plantes alimentaires gabonaises est d'avoir plus partie comestible et souvent des utilisations non alimentaires.

Nous avons enfin les animaux. Lorsque l'on observe l'utilisation de la faune à l'échelle de la sous- région, nous constatons que tous se mangent. Mais les animaux font l'objet de beaucoup d'interdits que les plantes. Ils sont utilisés en pharmacopée et dans les rituels. Chaque groupe, chaque clan, chaque famille ou chaque individu a ses interdits alimentaires spécifiques qui protègent une espèce particulière. De la façon dont on constate que tout se mange, on peut aussi remarquer que chaque espèce animale est protégée quelque part. Les poissons ostéichtyens et les mammifères sont les sources protéiques qui prédominent dans les cultures alimentaires gabonaise, comme dans la plupart des cultures du monde, avec tout de même des caractéristiques propres à la sous- région. La conséquence de cette diversité dans les produits alimentaires est que la pression de l'action de l'homme est étalée sur plusieurs espèces. Ce qui la rend moins aiguë et permet de considérer un équilibre numérique. Il faut aussi rappeler que la production des ces aliments provient des activités cycliques telles que la pêche, la chasse, la cueillette, l'agriculture. En dehors de l'alimentation, beaucoup parmi ces plantes comestibles servent de matériaux, d'ustensiles et de médicaments dans les rituels.

2 - 2 L'usage rituel

Les variétés animales interviennent de beaucoup dans la composition des « fétiches » ainsi que dans les rites liés à un événement social spécifique. Divers « fétiches » apparaissent sous la forme de sous- produits (peaux, plumes, dents, griffes, cornes et poils) associés ou non à des plantes, racines ou écorces d'arbres et statuette. Ainsi, musingi en Pové par exemple désigne un type de « fétiches » exploité dans les technologies agricoles, de chasse ou de piégeage dans le but de réussir une récolte ou une partie de chasse. Selon les usages, ce « fétiche » aurait la faculté de rentabiliser la production agricole en prélevant les produits viviers dans les champs des voisins pour les reproduire dans le champ de celui qui le détient et l'exploite. Il aurait aussi la faculté d'attirer le gibier vers le chasseur.

Si les plantes de la forêt gabonaises constituent un élément indispensable à la vie du sylvatique, elles sont aussi les accessoires indispensables des rites. Depuis les costumes rituels, pour les danses et autres cérémonies, jusqu'aux boites à byeri destinées à contenir les crânes et tibias des grands ancêtres, en passant par des breuvages d'initiation, certains fards rituels, les instruments de musique, statuettes rituelles, sans parler évidemment, des temples, tout n'est que bois, fibres, écorces, racines, feuilles, poudres végétales et sucs divers. Il faut remarquer que les peuples du Gabon ne peuvent pas concevoir leur monde ou leur existence sans intégrer la nature. Elle est incorporée en eux. Donc parler de rites ou de rituels, c'est inévitablement parlé de symbolisme. Ces rituels peuvent être religieux ou sociaux. Et ce sont les éléments de cette nature ou de la forêt qui symboliseront la manifestation collective et consciente ou inconsciente. Dans les cérémonies de mariage ou funèbres, il est facile de constater la présence, même de nos jours, des branches de palmiers afin d'indiquer le lieu de la cérémonie. Aussi, chez les fang à l'arrivée d'un invité, la bienvenue est souvent symbolisée par la présentation de la cola à l'invité ou par l'égorgement d'un coq. Le tronc du bananier coupé sert dans les rituels de bénédiction et autres cérémonies. Nous pouvons effectivement multiplier des exemples qui démontrent la nécessité de la forêt ou de la nature dans les représentations des peuples du Gabon. La vie de ces peuples n'est que rites et rituels, en d'autres termes que symbolisme et représentations. Des rites qui concourent soit à la construction de l'homme spirituel soit à sa guérison somatique.

2 - 3 L'usage thérapeutique

Les populations gabonaises utilisent les propriétés médicinales de certaines substances animales pour recourir à la santé ou retrouver l'équilibre biologique. Plusieurs d'entre elles sont connues comme de véritables médicaments. Par exemple, les Pové utilisent régulièrement le porc- épic (atherurus africana), la gazelle (céphalophe bleu), l'écureuil à pattes rouges pour traiter les cas de sorcellerie. Ces espèces servent aussi au traitement des maladies féminines notamment les douleurs aux trompes. Notons enfin que le système thérapeutique pové, comme dans les autres ethnocultures du Gabon, associe à la fois les éléments de la faune, de la flore et l'homme : animaux, feuilles, poudres des racines et écorces, lianes, parole, le geste, le temps, l'espace. Les graines de manioc sont utilisées pour soigner les affections de la peau. Les feuilles de manioc calment les contractions utérines qui suivent l'accouchement. L'ensemble de ces éléments concourt à la quête de la guérison qui ne vise pas uniquement à soustraire les symptômes de la maladie mais aussi à réintégrer le malade dans son environnement social.

Pour comprendre cet aspect de la vie de ces peuples, il convient d'abord de comprendre leur représentation de la maladie. Notons d'abord que le corps de l'individu humain a toujours été considéré comme signifiant autre chose que l'organisme physiologique animal auquel peut le réduire la science actuelle. Le corps est solidaire de l'environnement physique mais aussi social. Le Gabonais ne réalise sa personne que dans un cadre naturel ou environnemental donné. Corrélativement, le malheur, la malchance, la maladie concernent, à partir d'un certain degré de gravité, encore plus que l'individu, tout l'ensemble de son groupe. Donc, maladie, peu importe sa nature, peut provenir du déséquilibre de l'environnement social. Le traitement de la maladie sera donc fait par un spécialiste dans la pharmacopée, dans la divination, dans l'interprétation et la manipulation, le thérapeute ou médecin traditionnel qui unit dans sa thérapie toutes ces compétences. La cure traditionnelle, par exemple, est formée d'un ensemble d'actions d'ordre différents, symbolique et réel, où techniques pharmacologiques, religieuses, divinatoires, verbales, graphiques s'entremêlent de telle façon que l'on ne peut pas comprendre le sens et le poids de l'une si l'on ne connaît pas celui de chacune des autres et l'enchaînement existant entre elles. Notre objectif n'est pas de détailler le champ médicale ou thérapeutique, mais montrer l'importance capitale que requiert la faune et la flore dans l'équilibre de l'humain. A tous les niveaux de la vie sociale, elles participent du maintien de l'individu dans la société afin que celui-ci vive du fruit de son travail symbolisant ici les activités économiques.

2 - 4 L'usage économique

L'élaboration de l'espace procède de l'exploitation de la nature, c'est-à-dire tout d'abord, de l'acquisition des subsistances. C'est d'abord autour de la nourriture qu'appartiennent les premières formes d'organisation spatiale et que se nouent les premiers rapports sociaux. Pour en comprendre les processus, il convient de prendre en compte la totalité des actes à finalités alimentaires, qu'il s'agisse de prélèvements sur l'écosystème ou d'agriculture. Celle-ci ne représente en effet qu'un volet d'un système de production des vivres dans lequel la chasse, la cueillette et la pêche sont nécessaires à l'équilibre alimentaire.

L'économie villageoise actuelle, par suite d'un relâchement de la symbiose avec la forêt, ne donne qu'une image affaiblie de la part qui revenait autrefois à la production extra- agricole. Toutefois, les permanences sont encore nombreuses et les souvenirs assez proches pour qu'on puisse reconstituer un tableau significatif. L'usage économique ou l'activité économique repose essentiellement sur les principales activités que sont la chasse, la pêche, la cueillette qui sont basées sur le prélèvement et l'agriculture. La chasse a une importance qui tient au fait que le gibier représente l'essentiel de l'apport protéidique dans un régime alimentaire basé sur l'hydrate de carbone, pauvre en protéines végétales. L'élevage n'est pas le fort de ces peuples pour des raisons typiquement géographiques. L'essentiel de leur élevage comprend les poules et cabris qui servent aux besoins cérémoniels. C'est une activité essentiellement masculine, avec des moyens rudimentaires.

La pêche, quant à elle, est pratiquée par les deux sexes. La pêche féminine, dans sa manifestation sociale la plus riche, se déroule dans un cadre collectif. La technique la plus courante consiste à barrer un fond de marigot à l'aide de la terre ou des claies végétales, puis à en vider l'eau avec des paniers ou des seaux jusqu'à ce que les poissons puissent être capturés à la main. A côté de cette activité conviviale, la pêche individuelle à laquelle s'adonnent hommes et femmes, est partout pratiquée pour peu qu'on réside près d'une rivière. Elle fait appel à un arsenal technique à la fois simple et divers, différents types de nasses et pièges à vannerie, filet, barrages, empoisonnement de cours d'eau à l'aide de nombreuses plantes ichtyotoxiques. L'outillage est confectionné avec le matériel végétal que fournit l'environnement, rotins, lianes, frondes de fougères, fibres d'ananas ou de coton sauvage.

La cueillette complète la gamme des activités de prélèvement. Fruits, racines, feuilles, écorces, sèves de dizaines voire centaines sont susceptibles d'être utilisés sous réserve d'en connaître l'usage et les vertus. Les plus recherchés sont destinés à la boisson, et à la confection des sauces. Parmi eux citons le manguier sauvage dont les amandes servent à préparer le très populaire chocolat indigène. Ou encore le fruit de l'arbre à beurre, le fameux « adzap » des Fang dont on extrait des amandes une matière grasse culinaire. Mais l'arbre roi est sans conteste le palmier à huile, inégalement disséminé dans la forêt mais généralement présent près des lieux habités. Ces produits de cueillette, les plus importants par la généralisation de leur usage et le commerce auquel ils donnent lieu, ne constituent qu'un petit échantillon de ce que fournit la forêt.

Le milieu rural au Gabon, a encore peu évolué et les méthodes de culture ont gardé leur caractère traditionnel et familial. Les femmes y ont une part prépondérante, les hommes s'occupent rien que du défrichage du sol. Cette agriculture est liée au brûlis, pratiquée aux dépens de la forêt et à l'emploi de la jachère à longue révolution. Au cours de la saison sèche, les hommes coupent les arbres, débroussaillent et allument les feux. Sur le terrain, enrichi des cendres et préparé hâtivement, les femmes plantent l'igname, le manioc et les végétaux qui leurs sont associés. Au nord du Gabon, il est facile de remarquer la présence de deux types de champs, l' « esep » ou champ d'hivernage et l' « oyon » ou champ de saison sèche. La culture de l'arachide est prépondérante dans ces types de champs. C'est à partir de cette culture et bien sur du manioc que les parents préparent les rentrées scolaires de leurs enfants de nos jours. En dehors de ces champs, chaque famille a son jardin derrière la case, et celui-ci est consacré à la bananeraie, à la culture de certains condiments... Le développement des plantations a beaucoup modifié le comportement de la population rurale nord- gabonaise, en fixant l'habitat et en changeant le régime foncier. Le sol cultivé devient de plus en plus objet de droits précis et officialisés.

En définitive, ces activités nous permettent de montrer que la perception sociale d'un environnement n'est pas faite seulement des représentations plus ou moins exactes des contraintes de fonctionnement des systèmes techno- économiques, mais également de jugement de valeur et de croyances fantasmatiques. Un environnement a toujours des dimensions imaginaires. Il est le lieu d'existence des morts, la demeure de puissance surnaturelles bienveillantes ou malveillantes censées contrôler les conditions de reproduction de la nature et de la société. Ne soyons pas de ce fait surpris de constater ces reproductions sociales dans nos centres urbains manifestées par des phénomènes tels que la commercialisation du gibier. La partie ci-dessous nous présente la manifestation progressive de ce fait culturel.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand