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La commercialisation du gibier au Gabon

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par Georgin MBENG NDEMEZOGO
Université Omar Bongo - Maîtrise 2006
  

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Chapitre I : Chasseurs et bayames

1 - 1 Chasseurs

Récit 1

Entretien en français12(*) réalisé avec Ondo Edou Théophile sur la commercialisation du gibier au Gabon

1 - Je faisais la chasse et j'en fais toujours. Mais pour le moment je suis en vacances. Je m'occupe d'autres choses maintenant. Je n'avais pas de travail, j'ai donc décidé de pratiquer la chasse. J'avais un besoin d'argent afin de subvenir aux besoins. Avant je travaillais à l'entreprise Colas. J'ai aussi travaillé à Brossette. C'est après le licenciement que je me suis orienté vers la forêt pour me procurer de l'argent. Je creusais aussi l'or durant le temps que j'ai passé dans ce campement de chasse. J'étais un coupeur libre, c'est-à-dire que je travaillais pour moi. Mais je reversais quelque chose à l'Etat. C'est une activité qui me rapportait de l'argent. L'activité a pris fin parce que l'or est finit à cet endroit.

2 - Je faisais des pièges, je chassais aussi au fusil. Je faisais toujours la chasse du jour. Les animaux féroces me faisaient peur. Ils n'aiment pas la torche. C'est le cas par exemple de l'éléphant qui n'aime pas qu'on lui fixe la torche. La chasse de nuit est plus bénéfique que celle du jour. La nuit, on tue beaucoup plus par rapport au jour. Les animaux se baladent plus la nuit que le jour. Il n'y a peut-être que les singes que l'on peut avoir le jour. En général, les animaux qui marchent en groupe sont possibles d'être chassés le jour. La chasse du jour me rapporte trois ou quatre gibiers. La nuit, pour un autre chasseur, c'est plus que ça. Les pièges profitent plus par rapport au fusil. Un chasseur peut avoir plus de 150 pièges. La variation est donc possible dans la chasse. On peut avoir un chasseur ayant un fusil, pratiquant la chasse du jour, qu'il associe aux pièges ; un chasseur ayant un fusil, pratiquant la chasse de nuit, qu'il associe aux pièges ; un chasseur ayant juste les pièges ; un chasseur ayant un fusil et chassant le jour comme la nuit.

3 - Je chassais et tuais les animaux de genres et d'espèces confondus.

4 - Les clients provenaient de Libreville pour nous retrouver en brousse. J'étais à Edénya (après Oyan-gare vers Bangos). L'achat était exercé par les femmes. Ce sont elles qui viennent vendre à celles qui vendent dans les marchés et restaurants. Mes clients venaient deux fois par semaine. Elles laissent des congélateurs et des glaçons. Il m'arrivait d'avoir des recettes de 60000 francs. Mais quand on a tué le gros gibier, on sérieusement de l'argent. Et le prix dépend de la grandeur du gibier.

5 - Je travaillais pour moi-même. Mais d'autres chasseurs l'étaient aux comptes des particuliers.

6 - Je réalisais de projets avec cet argent. Si ne pratiquais pas la chasse je n'aurais rien fais dans la vie.

7 - De fois je ne tue rien. On comprendra que ça ne paye pas tout le temps. Et contrairement, quand la chasse a payé, c'est le transport qui pose problème. Soulignons aussi l'effet de la sècheresse. En effet, en cette période là, les animaux sont rares. Ils se dirigent vers d'autres endroits humides. Le chasseur n'a pas de porteur. Il se contente lui-même de transporter le gibier chassé.

8 - Les chasseurs savent que la vente de gibier est interdite au Gabon. Ils savent cela à travers les saisies que les agents des Eaux et Forêts opèrent souvent. Ces derniers arrivent brusquement soit en cassant les portes soit au retour de la chasse. Les femmes qui venaient acheter le gibier nous amenaient en retour le manioc, le sucre, les dindons, bref tout ce qu'on n'avait pas et qu'on retrouvait en ville. On ne savait pas pourquoi on interdisait la vente. Les agents nous disaient seulement de ne pas trop chasser sinon les animaux disparaîtront.

9 - On disait aux agents que l'on ne peut pas laisser la chasse. Nous vivons de chasse. Nous ne pouvons pas venir croiser les bras à Libreville sans rien faire et en attendant que l'Etat nous donne quelque chose pour acheter de quoi manger.

10 - Quand le gibier se fait rare à un endroit, on change de campement de chasse. Les animaux fuient le bruit. Les chasseurs créent eux-mêmes les campements. J'ai habité un campement forestier. Mais les forestiers n'aiment pas la présence des chasseurs.

COMMENTAIRE

Ondo Edou Théophile est un gabonais âgé de 59 ans, originaire du Woleu- Ntem, fang, célibataire avec deux enfants, chômeur. Il habite le quartier Mont Bouet et est chasseur. Mais pour le moment il est en vacances. Il fréquenta la forêt pendant huit années. L'informateur a chassé les animaux de toutes sortes. Ces animaux étaient chassés soit aux pièges soit au fusil. Il chassait toujours le jour non pas la nuit. Il avait peur des animaux féroces qui détestaient la torche. Selon lui, on peut avoir plusieurs types de chasseurs. Il y a des chasseurs qui associent le fusil aux pièges, préférant chasser le jour. D'autres ont les mêmes techniques mais chassant la nuit. Il y a une catégorie qui n'a que les pièges et une autre chassant nuit et jour ayant aussi les pièges. Ondo Edou travaillait pour lui et avait des clients femmes qui provenaient de Libreville. Il nous dira au passage que certains chasseurs sont la propriété de certaines personnes. Selon lui, les chasseurs ne sont pas suffisamment informés. Ils savent, par le biais des missions des agents des Eaux et Forêts, que la vente du gibier est interdite au Gabon pour cause de disparition des espèces, leur dit-on. Signalons enfin que ce monsieur a travaillé à Brossette et à Colas mais a été licencié. A par la chasse, il cherchait aussi l'or, et pense qu'on ne devrait pas interdire la chasse car beaucoup vive de ça.

Récit 2

Entretien en français13(*) réalisé avec Ondo Ndong Ferdinand sur la commercialisation du gibier au Gabon

1 - Pour le moment je suis charcutier. Le charcutier est le fabriquant de jambon, saucisson, saucisse. Mais bien avant cela, j'ai travaillé dans un chantier forestier. Dans ce chantier, j'ai constaté que le travail de bille était moins rentable que la chasse que je pratiquais aussi. A la fermeture du chantier, je me suis focalisé sur la chasse. Le chantier se trouvait à Medouneu précisément à Assok. La fermeture du chantier m'a poussé à pratiquer la chasse. Je ne pouvais plus subvenir à mes besoins.

2 - J'utilisais beaucoup plus le piège. J'ai aussi utilisé le fusil, seulement quand je fais la chasse de nuit. Je peux entraîner le fusil la journée quand je vais regarder mes pièges. J'avais environ 60 pièges. La forêt était giboyeuse. Et avoir plus de 100 pièges, cela nous amenait un problème de transport. Quand je chasse, je ne peux faire la distinction entre le sexe, savoir si l'animal est enceinte. Je tire et le constat est fait après. La chasse de nuit est moins pénible que celle du jour.

3 - Je tuais beaucoup plus les antilopes, porc épics, gazelles, sangliers. Ces espèces sont les plus nombreuses dans la forêt. Leur reproduction est très rapide. Elles peuvent reproduire deux fois par an.

4 - Je vendais mon gibier auprès des commerçantes. Elles revenaient de Libreville et de la ville de Medouneu. Elles venaient deux fois par semaine. La semaine, je pouvais avoir entre 150000 et 300000 francs. Je visitais les pièges en l'espace de deux jours. Et le gibier était conservé dans les caisses contenant des glaçons. Le chantier n'était pas électrifié.

5 - Je travaillais pour moi-même. Et je transportais personnellement la marchandise. Mais quand la chasse a payé, j'étais aidé par d'autres chasseurs.

6 - Je nourrissais mes enfants, payais leur scolarité et j'ai également construis une maison avec cet argent.

7 - La difficulté première que je peux citer est celle de la coupure ou de la cassure du pont qui nous reliait de l'extérieur. Le pont, une fois cassé, va nous empêcher d'être en contact avec les clients. Cela a pour conséquences la dégradation du gibier, privation des vivres. Aussi, quand la saison bat le plein, les animaux se font rares. Avec ça on peut passer tout le temps sans tuer.

8 - Je savais que la vente de gibier était interdite au Gabon. Mais notre survie en dépendait. Les gendarmes venaient souvent dans des campements, s'ils vous trouvent en possession de viande de brousse, ils saisissent ou brûlent carrément le campement.

9 - L'Etat doit se contenter de protéger les réserves. Il doit laisser l'autre partie qui est non protégée pour la chasse. Toutes les actions que l'on mène contribuent à la satisfaction des besoins de tous. L'Etat ne doit pas seulement voir les entrées financières.

10 - Quand les animaux se font rares, nous quittons le campement. Nous pouvons habiter le campement durant 2 ans. Et quand il n'y a plus de viande nous changeons et allons à plus de 5 km de celui dans lequel nous étions. Nous pouvons revenir dans ce campement après 6 ans. Le chasseur est un nomade. Le déplacement des populations animales cause celui des chasseurs. L'animal se déplace quand il sent le bruit et la présence humaine.

COMMENTAIRE

Ondo Ndong Ferdinand est un gabonais âgé de 59 ans, originaire du Woleu- Ntem, fang, marié avec enfants. Il est charcutier et habite Mont Bouet. C'est un chasseur qui a décidé de s'occuper de la charcuterie en ce moment. Il a pratiqué la chasse durant 4 ans. Dans la pratique de la chasse, il a utilisé le piège et le fusil. Ses recettes variaient et la clientèle était programmée deux fois par semaine. Il était à son propre compte afin de subvenir à ses propres besoins. La dégradation du pont, de la viande, la sècheresse causant la rareté du gibier sont là les différentes difficultés qu'il a rencontré durant l'exercice de son métier. Il est conscient de l'interdit mais la survie passe avant tout. Quand le gibier est rare à un endroit, il change de lieu de chasse.

1 - 2 Bayames

Récit 3

Entretien en français14(*) réalisé avec Mengue Clémentine sur la commercialisation du gibier au Gabon

1 - Je suis une revendeuse de gibier. Je ne fais rien d'autre que cela. C'est pour subvenir à mes besoins que je le fais. C'est pour survivre. Je ne faisais rien d'autre voilà pourquoi je me suis lancée dans ce métier.

2 - Je quitte chez moi à 6h, je viens au marché pour attendre les livreurs, ou de fois je vais à la gare d'Owendo.

3 - J'entretiens mes petits fils et filles en payant leur scolarité, sans oublier les autres charges.

4 - La principale difficulté que je peux souligner ici est celle des agents des Eaux et Forêts qui me saisissent souvent la viande. Cela me fais toujours mal de voir le gibier que j'ai acheté afin de subvenir à mes besoins partir de cette façon.

5 - Je vends généralement l'antilope, la gazelle, le porc épic, le singe. Et les clients achètent beaucoup plus la gazelle, le porc épic.

6 - Les clients sont fonction des périodes. Quand la période est bonne, je peux avoir vingt clients le jour.

7 - Je sais que la vente de gibier est prohibée au Gabon par le canal d'autres personnes. Ce texte, nous ne l'avons jamais vu. C'est plutôt moi qui demande pourquoi on interdit la vente du gibier. Nous n'avons pas grandi avec la viande importée. Nos parents nous ont élevé avec la viande de brousse.

8 - Le Gabon a des forêts. Ce sont ces forêts qui regorgent des animaux et ces animaux nous permettent de vivre. L'Etat doit nous faire des agréments comme il en a fait aux autres. Je sais que l'Etat ne peut pas m'aider donc je trouve mieux de continuer à vendre.

COMMENTAIRE

Mengue Clémentine est une gabonaise ayant une cinquantaine d'années, originaire du Woleu-Ntem, fang, du clan essaben, mariée avec enfants ; Elle habite Sotéga et est revendeuse au marché de Mont Bouet. Elle exerce cette activité dans le but de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants. Très tôt le matin, elle vient attendre les livreurs ou bien elle se dirige à la gare d'Owendo pour s'en procurer. Elle vend l'antilope, la gazelle, le porc épic, le singe car ils sont les plus consommés. Mengue Clémentine sait que la commercialisation est interdite au Gabon. Elle déplore même les missions des agents des Eaux et Forêts qui lui saisissent souvent le gibier. Clémentine pense que l'Etat ne devrait pas interdire la vente du gibier puisque ce dernier ne leur proposera rien d'autre. Tout en sachant que la vente est prohibée au Gabon, l'informatrice ignore la raison de cette prohibition. Etant donné qu'elle ne fait rien d'autre, elle ne ferra que le commerce du gibier au marché.

Récit 4

Entretien en français15(*) réalisé avec Chantal Bilogho sur la commercialisation du gibier au Gabon.

1 - Je suis commerçante.

2 - Je le fais parce que je n'ai pas de travail. Cela me permet de faire vivre la famille.

3 - J'ai des livreurs au niveau de la gare. Elles viennent de Makokou, Boué, Ndjolé, Ayem...

4 - Avant je vendais la tomate mais cela ne marchait pas alors j'ai pris l'initiative de vendre du gibier.

5 - Cet argent nous permet d'abord de payer les taxes municipales, la scolarité de nos enfants, sans oublier le loyer et d'autres problèmes que nous pouvons rencontrer.

6 - Les problèmes sont plusieurs mais le plus récurent est les agents des Eaux et Forêts qui saisissent la marchandise. Le plus énervant dans tout cela c'est qu'ils nourrissent leurs familles avec ses saisies et vendent le reste dans les restaurants.

7 - Nous savons que la vente de gibier est interdite dans tous les pays. Je le sais personnellement. C'est à cause de la disparition des espèces fauniques.

8 - Il serait souhaitable qu'on fasse des agréments, il faut règlementer le phénomène. L'Etat doit tenir compte de notre condition sociale. Interdire totalement ne nous arrangerait. Nos enfants n'iront plus à l'école, plus de quoi manger...

9 - Je vend le porc épic, singe, gazelle, sanglier, antilope. En réalité tout est consommé au même niveau.

10 - Les recettes ici dépendent des périodes du mois. Du 30 au 10 nous avons des clients. La recette varie.

11- Je ne fais rien d'autre.

COMMENTAIRE

Chantal Bilogho est une camerounaise ayant 38 ans, originaire de la province du centre Cameroun, fang, du clan effack, célibataire avec enfants. Elle habite la Sorbonne et est revendeuse ou bayame au marché de Mont Bouet. Elle exerce cette activité dans le but de subvenir à ses besoins et à ceux de ses enfants. Très tôt le matin, elle vient exposer sa marchandise en attendant le premier client. Elle se procure son produit à la gare de trains d'Owendo auprès des livreurs provenant d'horizons divers. Elle vend le porc épic, le singe, la gazelle, le sanglier et l'antilope. Chantal Bilogho a une connaissance suffisante sur la faune et son interdiction au Gabon et dans d'autres pays de la sous- région. Selon elle, la disparition probable de la faune est à l'origine de l'interdiction de la vente du gibier. Mais la condition sociale ne leur permet pas de respecter la législation qui protège la faune. Le principal problème qu'elle rencontre provient des saisies des agents des Eaux et Forêts.

Récit 5

Entretien en français16(*) réalisé avec Evourou Didine sur la commercialisation du gibier au Gabon

1 - Je suis commerçante. Je ne fais rien d'autre à par mon bar/restaurant. Dès que j'ai perdu mon mari, j'ai eu des problèmes à élever mes enfants. J'ai donc décidé de faire du commerce. J'étais d'abord à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale. Je faisais la cuisine là-bas. Une fois retraité, je me suis lancée dans cette activité.

2 - Je vais au marché d'Oloumi ou de Mont Bouet, de fois les femmes viennent me livrer sur place. Ces femmes proviennent des campements de chasse. Elles payent de munitions et vont remettre aux chasseurs. Je ne sais pas exactement d'où elles viennent. Ce que je sais c'est qu'elles viennent sur la route d'Oyem.

3 - Je paye la scolarité, l'alimentation des enfants et les charges de la famille. Cet argent me sert aussi à payer mes employés. Dans mon bar/restaurant, j'emploie des gabonais particulièrement mes parents. Chacun a une spécialité et le salaire est justement en fonction de la tâche que la personne occupe. J'emploie en tout huit personnes.

4 - Je perds beaucoup. Il y a des moments où je n'ai pas de clients. J'achète le sanglier par exemple pour 120 000 FCFA, s'il n y a pas de clients, la nourriture va se gaspiller. C'est la principale difficulté que j'ai. Mais je ne peux pas laisser car c'est cela qui fait vivre ma famille.

5 - Je vends beaucoup plus le porc épic, la gazelle, le sanglier. Ce sont eux qui passent. La demande des consommateurs s'y trouve. Je prépare en tenant compte de ce que les clients aiment manger.

6 - Le nombre de clients est fonction du nombre de plats. Si une gazelle produit cinq plats, on a cinq personnes qui sont passées. Les plats peuvent nous amener à une recette de 100000 francs le jour, à raison de 4000 francs le plat. Mais tout cela varie.

7 - Je le sais. Mais c'est la seule alimentation que nous avons. Nous avons été élevés à base de la viande de brousse. C'est pour la génération future, je sais. Mais cela ne peut pas faire en sorte que l'on meurt de faim.

8 - La chasse est en nous. Nous sommes habitués à cela. L'interdit sera donc difficile à respecter. Dans nos villages, on pratique la chasse. C'est peut-être les citadins qui respecteront cette loi mais pas les villageois.

COMMENTAIRE

Evourou Didine est une gabonaise âgée de 40 ans, originaire du Haut-Oguoué, téké, veuve avec enfants, retraitée à la CNSS. Elle habite Likouala. Cette veuve est propriétaire d'un bar/restaurant. Avec ses employés, elle cuisine le porc épic, la gazelle, le sanglier. A la mort de son mari, elle a trouvé mieux de subvenir aux besoins de la famille en vendant du gibier. Sa situation de retraitée ne lui facilitait non plus le tâche. Une activité lucrative, mais difficile comme tout métier, qui lui permettait de payer la scolarité, l'alimentation des enfants. Elle aussi, comme toutes les autres, sait que la vente du gibier est prohibée au Gabon. Elle sait qu'interdire nous amène à penser aux générations futures. Mais l'interdit ne doit pas nous empêcher de consommer le gibier. C'est une seconde nature pour nous.

Récit 6

Entretien en français17(*) réalisé avec Marie Gibier sur la commercialisation du gibier au Gabon

1 - Je fais le restaurant depuis 35 ans, mais 20 avec le gibier. Ce travail me permet de gagner ma vie. En faisant du gibier, je gagne facilement ma vie. Avant je ne faisais rien d'autre. J'ai commencé avec le restaurant. Et c'est la seule activité que j'ai actuellement.

2 - Je prends ma viande au marché. Je n'ai pas de livreur. Les femmes du marchés sont mes abonnées.

3 - Les enfants à l'école avec cet argent, mes besoins en dépendent. Je fais des travaux avec cet argent. Je loue le local et je travail avec ma fille qui se démerde avec ce travail pour assurer, elle aussi, la scolarité de ses enfants. Son mari l'a abandonné.

4 - Le principal problème est le capital. Je n'ai pas de capital. Je prends la viande en bon.

5 - Je vends plus le porc épic, le sanglier, le singe, la gazelle. Ces animaux sont aussi les plus consommés.

6 - La clientèle est périodique. Elle est fonction du mois. Il est de ce fait difficile de déterminer la recette que l'on a par jour.

7 - Non. La viande qui est en brousse est à la disposition de tous. Dieu a mis la viande en brousse pour que l'homme en mange.

8 - L'Etat n'a pas le droit de nous interdire la vente du gibier. C'est elle qui nous permet d'envoyer nos enfants à l'école afin qu'ils deviennent des personnes demain. Si l'Etat interdit la vent du gibier nous allons croiser les bras et là notre avenir en dépend. Je peux laisser sauf si j'ai une activité autre que la vente du gibier. L'Etat doit nous trouver du travail.

9 - Ce travail n'a pas de difficultés en tant que telles. Il ne demande pas d'investissement conséquent.

10 - Oui. Je paye les timbres de 1000F à la mairie. Avant, je payais la patente. Depuis un an, je n'en paye plus. J'ai décidé de payer les taxes journalières à la mairie. Il y avaient plusieurs contrôleurs. C'est à partir de la décision présidentielle que nous sommes revenus à la taxe journalière.

COMMENTAIRE

Mare gibier est une camerounaise âgée de 55 ans. Elle est originaire de la province de l'ouest Cameroun. Bamiléké, elle est mariée avec quatre enfants et six petits- fils. Elle réside à l'avenue de Cointet où elle gère son restaurant de spécialités africaines notamment la viande de brousse. Son appellation proviendrait même de cette activité. Ce restaurant est sa principale activité et condamne même la politique d'interdire la vente de la viande de brousse. Selon elle, les animaux résident en forêt et sont une création divine. L'Etat ne doit pas interdire ce bien naturel réservé à tous. Dans ce restaurant, elle reçoit des clients périodiquement qui consomment le porc épic, le sanglier, le singe, la gazelle. Et elle se la procure au marché de Mont Bouet. C'est une activité qu'elle exerce sans capital fixe et paye des taxes journalières municipales. Elle ne peut laisser cette activité que sauf si elle a une autre. La lui interdire entraînera d'énormes conséquences pour elle et sa famille.

Chapitre II : Consommateurs et administrateurs

2 - 1 Consommateurs

Récit 7

Entretien en français18(*) réalisé avec Idiata Jocelyn sur la commercialisation du gibier au Gabon

1 - Oui. Je la consomme quand les parents l'achète au marché pour les repas familiaux Je peux la consommer aussi quand nous même nous la ramenions de la brousse. Ce dernier cas se présente souvent au village.

2 - Je consomme le plus souvent la gazelle, l'antilope, le porc épic, quelque part, il m'arrive de consommer du gros gibier. Ces animaux abondent dans les marchés et voilà pourquoi c'est eux que je consomme le plus. En ville, je consomme de manière occasionnelle la viande de brousse. Je peux estimer la consommation de la viande de brousse par mois. Mais au village, j'en consomme chaque semaine. En ville la consommation est différente de celle du village. C'est l'argent qui dicte, par contre au village on peut chasser tout le temps.

3 - L'ETat a le droit d'interdire la vente de gibier. Quand le gibier abonde dans les marchés cela signifie que plusieurs personnes font la chasse de manière abusive. D'autre part, l'Etat ne devrait pas interdire la vente. Cette vente permet à ceux qui ne connaissent pas les mécanismes de chasse d'en manger. Tous les citadins ne connaissent les mécanismes de chasse. L'Etat devrait plutôt limiter la quantité du gibier sur le marché. Le chasseur chasse d'abord pour ses besoins propres ensuite pour les besoins des citadins ou des consommateurs. Ils veulent tirer profit de leur chasse afin de subvenir à leurs besoins.

4 - Il faut rentrer dans les faits sociaux, savoir pourquoi les gens pratiquent une chasse abusive, vendent du gibier. Il faut savoir la catégorie de personnes qui pratique ce phénomène. il faut mener une étude sérieuse qui fera ressortir la solution. Il faut préciser le quota de viande de brousse dans les marchés, ceci selon les espèces. C'est le chômage qui pousse les populations à pratiquer la chasse. Auparavant, il n'y avait pas trop de chasseurs. Il y a aussi d'autres personnes qui emploient des chasseurs afin de profiter de la faune. La concentration des industries à Libreville est l'un des facteurs de ce phénomène. Toutes les industries sont à la capitale. La chasse, elle, se pratique à la périphérie, dans les coins retirés du Gabon. Si le contraire se présenterait cela ralentirait la vente. Cela occuperait les populations concernées par le phénomène. Le temps et la capacité de chasse du chasseur seront réduits. Il ne chassera plus comme il le faisait auparavant. Si l'entreprise l'occupe pendant 5 ou 6 jours dans la semaine, il n'aura que le sixième ou le septième jour pour chasser. D'aucuns chassent sept jours sur sept (les employés bien sur), d'autres ont la notion du dimanche en tête.

5 - Je vais d'abord m'appuyer sur le plan des besoins. Tant que l'homme aura toujours un besoin, il y aura toujours quelqu'un pour chasser et pour consommer. Il sera difficile de respecter la loi tant qu'il y a besoin. Les textes ne sont pas connus par tout le monde. Le chasseur chasse en ignorant les textes. Le grand problème se situe au niveau de l'information. Elle n'est pas véhiculée. Le non respect de la réglementation provient des politiques. Ces derniers entretiennent même des groupes de chasseurs travaillant à leur compte. Le non respect de la réglementation par les politiques va même révolter les personnes qui veulent survivre. J'insiste sur l'information. Si les populations ne sont pas au contact de l'information, rien ne sera respecté.

6 - Quand on chasse de manière abusive, la viande devient rare. L'Etat veut préserver l'espèce animale. On constate que la demande de préservation provient de l'extérieur. Elle devrait d'abord commencer sur le plan national. On constate également la disparition de certaines espèces fauniques. Le problème est que le chasseur tire sur ce qu'il voit. Il constate après. Il faut penser à la reproduction. Les animaux se font rares à cause de la surexploitation, de la sélection naturelle. La reproduction n'est pas rapide ou brusque. C'est quelque chose qui nécessite des années.

COMMENTAIRE

Idiata Jocelyn est un jeune gabonais âgé de 19 ans, originaire de la Ngounié, Sango, du clan mululu, célibataire. Cet élève habite sotéga. Le jeune homme consomme de la viande de brousse provenant du marché ou de la brousse, au village quand il va à la chasse avec les autres. Et celle qu'il consomme le plus est celle que l'on retrouve beaucoup plus sur le marché, c'est-à-dire la gazelle, le porc épic, l'antilope et quelque part le gros gibier. Jocelyn pense que l'Etat a le droit d'interdire la vente du gibier pour cause de disparition des espèces fauniques. La chasse abusive serait la cause première de cet interdit. Il reconnais l'origine socioéconomique de la vente de gibier. Et dénonce la concentration des industries dans la seule capitale gabonaise. Donc, l'une des résolutions du problème partira de là. Il ajoutera le déficit d'information qui alimente le non respect de la loi ; Selon lui, la préservation par l'Etat des espèces est accentuée à cause de la disparition des espèces fauniques.

Récit 8

Entretien en français19(*) réalisé avec Akome Zogho Jean sur la commercialisation du gibier au Gabon

1 - Oui. J'en consomme obligatoirement. Mes parents m'ont élevé à base de la viande. C'est que je déteste le poisson, autour de nous il n'y avait que la forêt pas de rivière. Si je ne chasse pas personnellement, je l'achète par le canal d'autres personnes. De fois je me la procure au marché. D'autres fois, je vais dans des campements de chasse.

2 - Les animaux les plus consommés sont la gazelle, le porc épic, l'antilope que l'on retrouve facilement. Et voilà pourquoi ils abondent sur les marchés publics. La consommation est fonction des moyens financiers. Je peux en consommer 3 ou 4 fois par mois.

3 - Je sais que la vente de gibier est interdite au Gabon. Et je suis contre cette politique. Nous n'avons pas de structures qui peuvent nous ravitailler en viande de boeuf par exemple. Il y a des endroits où l'on ne trouve pas de rivière. Et ces populations n'auront que la forêt pour s'alimenter. Il n'y a pas de grandes factories européennes qui peuvent nous ravitailler en viande importée. Le peu de viande importée ne suffit pas à alimenter tout le territoire national. En fait, ces structures ne sont pas implantées dans les lieux reculés du Gabon. L'homme gabonais ne vit que de cueillette et de chasse. On ne devrait donc pas nous interdire la viande de brousse. La viande de brousse fait partie de notre culture. Interdire la vente de gibier revient à interdire sa consommation. Ce n'est pas tout le monde qui chasse. La vente est une forme d'échange, c'est-à-dire d'aucuns vendent d'autres achètent.

4 - La chasse était réglementée auparavant. Ce n'est pas tout le temps que l'on doit chasser. Les chasseurs savent le temps de la reproduction, les techniques de chasse. On ne peut pas interdire la chasse. L'élevage n'existe pas. On doit avoir les périodes de chasse et celles qu'on ne doit pas chasser. L'autosuffisance alimentaire étant déficitaire au Gabon, cela va amener les populations à puiser dans la forêt.

5 - La loi n'est pas respectée au Gabon parce que l'Etat n'a pas prévu une activité qui pourrait se substituer à la chasse, à la vente de gibier en général. C'est la principale raison. La viande de brousse est la seule denrée alimentaire qui est adaptée à la culture gabonaise. La loi n'est pas respectée parce que les gens veulent survivre. Les populations n'ont pas d'autres activités qui pourraient les occuper. Donc, il faut occuper les populations. Les chasseurs n'ont rien d'autre à faire à par chasser. Le woleu- ntemois était occupé par le cacao. Une fois le cacao parti, il n'aura plus d'occupation. L'activité qui viendra remplacer le cacao est la chasse. On peut même supprimer la vente de munitions, les populations trouveront toujours un moyen pour chasser et vendre du gibier. C'est leur survie qui est en jeux.

COMMENTAIRE

Akome Zogho Jean est gabonais du Woleu- Ntem, Fang du clan nkodjen, marié. Il est âgé de 50 ans, électricien, habitant le quartier Mont Bouet. Il consomme obligatoirement de la viande de brousse qu'il trouve au marché ou après une partie de chasse. La gazelle, l'antilope, le porc épic sont les animaux qu'il consomme le plus. Et il pense que l'Etat ne devrait pas interdire sa vente. Car le Gabon n'a pas de structures qui pourraient ravitailler la population en viande. Et le peu de viande importée n'est pas suffisante. Elle n'est pas présente dans les coins les plus reculés du pays. Interdire la vente c'est interdire la consommation du gibier. Il faut réglementer la chasse et son commerce. Et si la loi n'est pas respectée c'est parce qu'il n'y a pas d'activité de substitution. Mais interdire pour préserver ne résoudra pas le problème. Avant de penser au futur, combattons d'abord le présent.

2 - 2 ADMINISTRATEURS

Récit 9

Entretien en français20(*) réalisé avec Bivingou Abdon sur la commercialisation du gibier au Gabon.

1 - En tant qu'agent oui. C'est une activité exercée par certains compatriotes.

2 - L'activité ne représente rien d'autre qu'un danger pour la conservation, c'est une menace, dans la mesure où on ne maîtrise pas la régénération. Il y a un problème de pérennité en jeu.

3 - La commercialisation n'est pas autorisée au Gabon. C'est la chasse d'autoconsommation qui est autorisée. Donc la chasse de subsistance. Tout le monde peut chasser au Gabon, grâce à un permis de chasse et de port d'armes. Le problème se trouve au niveau des animaux tués. La quantité requise est inférieure à cinq, trois animaux de la même espèce. Mais cette loi n'est pas applicable à tous les animaux. L'espèce protégée par l'Etat est exempte de cette loi. La chasse des femelles n'est pas autorisée. Il faut tenir compte des périodes de chasse. Il y a une période que les femelles reproduisent. Et il faut chasser le gros gibier. Les chasseurs maîtrisent toutes les techniques de chasse. La reproduction a lieu entre le 15 septembre et le 15 mars. La chasse est fermée à cette période là.

4 - Il n'y a que des polices de chasse. Mais avant cela il y a une sensibilisation. Ces missions de police sont insignifiantes. Leur fréquence est limitée. Les gibiers arrivent tous les jours mais les polices ne sont effectuées qu'une fois par mois. Il y a un problème humain, financier et la volonté politique. Il y a le plus souvent des interventions quand on a saisi. Des gens appellent de tous les côtés, se réclamant propriétaire de telle ou telle marchandise saisie. Les missions sont d'abord insignifiantes pour le seul cas de Libreville, comparée au Gabon tout entier. Les chasseurs sont plus des personnes venant d'autres horizons. La mission de police comprend des agents des Eaux et Forêts, gendarmerie ou police. Les campements de chasse sont le plus souvent à proximité des réserves ou des aires protégées.

5 - Les raisons socioéconomiques sont à l'origine de ce phénomène. Les gens veulent avoir une activité pour se faire de l'argent. L'Etat est quand même en retard. Il devrait plutôt réglementer le phénomène. Il ne fait que l'ignorer alors qu'il est persistant.

6 - Oui. C'est d'abord par souci de conservation que l'on interdit. On conserve pour tout le monde. Le cas de l'éléphant nous prouve que la conservation est nécessaire. Les selles de l'éléphant à l'origine de la naissance de certaines de flore. Donc la conservation de la faune est celle de la flore. Il faut penser aux générations futures. Les réserves sont les zones de concentration de la faune. Ces animaux, à un effectif élevé, peuvent sortir de la réserve pour la périphérie. Et une fois qu'ils sentent la menace, ils reviennent dans la réserve. Les organismes ont constaté la carence à certains endroits de la Terre. Voilà pourquoi ils appuient le Gabon dans son programme de conservation. Les animaux se font rare. Cela peut profiter aux organismes dans une certaine mesure, aussi aux populations par la consommation en protéines. Il y a un inventaire qui a été fait. La population animale est estimée à 270 espèces de mammifères, 330 espèces d'oiseaux. Ce sont là les espèces recensées. D'autres ne le sont pas. L'évaluation de la perte est insignifiante, car les moyens ne nous le permettent pas.

7 - Le code forestier n'a fait que récupérer la loi 1/82. C'est dans le code forestier que l'on retrouve la loi sur la protection de la faune.

8 - L'Etat n'a rien prévu à par l'élevage de petit gibier. Ce projet est dans sa phase expérimentale. Les techniques ne sont pas encore très bien maîtrisées. La faiblesse de ce projet est d'élever une seule espèce. On souhaitait également réorienter ces femmes dans d'autres activités. Mais le projet n'a pas pu voir le jour à cause des financements.

9 - Le phénomène persiste. La politique qu'on mettra en place doit intégrer la préservation, d'une part, la consommation et la pratique de la chasse, d'autre part.

COMMENTAIRE

Bivingou Abdon est gabonais, originaire de la Nyanga, d'ethnie punu, agent des Eaux et Forêts. Pour réaliser cet entretien et recueillir les informations ci-dessus, nous avons été reçu en matinée par cet agent des eau et forêts. Il faudra noter que ce dernier n'a pas répondu à nos attentes au niveau de l'identification. Il souhaitait juste nous livrer l'information que nous voulions. Bivingou connaît le phénomène de la commercialisation du gibier. Pour lui, c'est un danger pour la faune et pour la conservation. Il sait que ce sont les raisons socioéconomiques qui poussent les populations à exercer ce genre d'activité. Selon la réglementation étatique, la chasse de subsistance est autorisée, mais la vente du gibier qui est prohibée. Il dira que les moyens de l'Etat sont limités. Les missions de police que les textes prévoient ont une fréquence trop insignifiante. L'informateur nous a fait part de la loi 1/82 relative à la protection de la faune, loi que l'on retrouve dans le code forestier. Pour lui, l'interdiction a un lien avec la conservation. Il souligna, par la suite, que le projet initié par l'Etat, dans le but de renverser la tendance du braconnage, était l'élevage du petit gibier. Ce projet ne vit pas le jour pour des raisons financières. Pour résoudre de manière durable le phénomène de la commercialisation, cet informateur propose que la politique à mettre en place devrait intégrer la préservation, d'une part, la consommation et la pratique de la chasse d'autre part.

Récit 10

Entretien en français21(*) réalisé avec Ndong Ondo Saint-Yves sur la commercialisation du gibier au Gabon au Gabon

1 - Oui. Je le connais à partir des personnes spécialisées dans la vente du gibier. En dehors des marchés publics, il y a également des restaurants. Il a pris de l'ampleur avec l'évolution des techniques de chasse. La chasse était pour la survie, rationnelle afin de diversifier le régime alimentaire. Les techniques étaient rudimentaires (fosse, filet, feu de brousse etc.).

2 - Pour nous c'est du braconnage. Ce phénomène n'est pas légal au Gabon. La chasse est réglementée dans notre pays. Sa fermeture va du 15 septembre au 15 mars. Le Gabon prône une politique de chasse sélective. Un animal enceinte ne doit pas être chassé. Ce sont les males adultes qui sont recommandés. L'influence de la civilisation est la cause principale de ce phénomène. En d'autres termes, les raisons socioéconomiques. C'est un moyen de gain facile. On a l'arme et les munitions, le tour est joué. Actuellement, on utilise aussi les câbles métalliques. On chasse de jour comme de nuit et dans n'importe quelle zone.

3 - La sensibilisation, éducation en amont, et en aval la répression fait son effet. Elle est caractérisée par la saisie systématique des armes ou du gibier. La loi n'est pas appliquée en tant que telle. La saisie seule ne peut pas freiner le braconnage. L'application de la loi est surtout rigoureuse près ou/et dans des parcs nationaux. Il y a une différence entre une réserve et un parc national. La réserve est uniquement faunique et le parc est biodiversité. Les moyens humains sont insuffisants. On a plus de cadres que d'agents d'exécution. La pyramide est en fait renversée. Cela est dû à l'élévation du niveau de recrutement. Le mieux serait de recruter à partir de la classe de troisième. Le permis de port d'arme ne nous est pas assigné. Les moyens de tous ordres sont nécessaires. La durée de formation est longue. Les effectifs des Eaux et Forêts sont vieillissants. Les moyens doivent être adaptés au contexte de l'évolution. La population ne participe pas à la lutte.

4 - La misère, pauvreté, chômage. Le commerce est une activité très rentable. Les peaux, les dents sont également vendues. La consommation n'est pas seulement charnelle, elle est aussi celle de certaines parties de l'animal comme l'éléphant, la panthère et autre.

5 - L'interdiction a un lien avec la conservation. On prône une chasse réglementée. La chasse intensive est interdite

6 - La loi utilisée actuellement est la loi 16/01. Article 14 : nul ne peut se livrer à la récolte, au transport et à la commercialisation d'un produit issu de la forêt sans une autorisation préalable de l'administration des Eaux et Forêts. Si cela était appliqué, la chasse, du moins, la commercialisation serait réglementée. La non application peut être moins bénéfique pour le Gabon. On aura la fuite des capitaux.

7 - L'Etat travail surtout dans l'importation des produits. La population n'est pas adaptée à cela. Elle veut toujours consommer naturel. Les politiques de substitution n'ont pas été mises en place par les pouvoirs publics. Même les seules structures qu'on avait ne s'adaptaient pas au régime alimentaire des populations. Peut-être, les générations futures s'adapteront au régime alimentaire importé. Nous sommes donc une génération transitoire. On trouvait du gibier partout dans la forêt mais aujourd'hui c'est plus le cas.

8 - La population doit aider les gouvernants à divulguer l'information concernant la réglementation de la chasse. Si l'Etat le fait c'est au profit des gabonais. Les chasseurs sont généralement des sujets camerounais et les équato- guinéens. La population gabonaise entretient des foyers de chasse. Elle est dépendante de l'étranger. C'est la conséquence de la paresse, de l'exode rural, manque d'activité économique. La loi 16/01 porte sur le code forestier. Elle est juste une reforme de la loi 1/82. Il y a toujours un problème d'adaptation qui se pose. L'obtention de la carabine à grande chasse n'est pas à la portée de tous. La décision est avant tout politique. Et c'est le politique qui entretient justement ce phénomène. Le gibier saisi est déposé soit dans des casernes, prison, services sociaux moyennant une décharge. Quand la chasse est fermée, ce n'est pas seulement un problème de quantité. On ne doit pas dépasser plus de trois gibiers de la même espèce. On parle de braconnage lorsque la quantité dépasse les normes requises. Quand la chasse est fermée, on ne devrait plus vendre les munitions. Le travail en synergie est nécessaire. La loi est défaillante.

COMMENTAIRE

Ndong Ondo Saint-Yves est gabonais, originaire du Woleu-Ntem, d'ethnie Fang, du clan yegui, célibataire avec quatre enfants. Il est âgé de 35 ans, agent des Eaux et Forêts, habitant Ozangué (cinquième arrondissement). Il connaît l'existence de la commercialisation du gibier. La chasse pratiquée auparavant était pour la survie et permettait la diversification alimentaire. Pour Ndong Ondo, ces personnes font du braconnage. Le commerce du gibier n'est pas légal au Gabon. Mais les moyens permettant de lutter contre ce commerce sont limités. Alors que ces moyens doivent s'adapter au contexte actuel. Pour lui, les cadres sont plus nombreux que les agents d'exécution. Nous avons donc un renversement de la pyramide. Une étude sérieuse doit être menée afin d'adapter les moyens au phénomène. L'informateur est conscient des raisons socioéconomiques qui amènent les populations à exercer cette activité. Il nous signifiera aussi que la consommation du gibier n'est pas seulement celle de la chair. Il nous a pris l'exemple des dents de la panthère, l'ivoire, les peaux... La conservation est bénéfique pour tout le monde. L'informateur évoquera les faiblesses de la loi. Sa non application ne profite pas à l'Etat. Il pense qu'au moment de la fermeture de la chasse, on devrait également arrêter les ventes des munitions. Il avancera que les politiques de substitutions étaient défaillantes. Pour lui, la population n'est pas adaptée aux produits importés. Il n'y a pas de ce fait une activité qui pourrait remplacer le phénomène. Par ailleurs, la population devrait participer à la sensibilisation. Il souligne que c'est la population qui alimente les foyers de chasse.

Chapitre I : L'héritage colonial

1 - 1 Le commerce de l'Estuaire et ses produits

Vers 1840, à la veille de la fondation et dans les premiers temps du comptoir français, la traite négrière représentait encore l'essentiel des échanges extérieurs de la région de l'Estuaire. Certes, depuis les premières décennies du siècle, le commerce licite n'avait pas cessé de faire des progrès. En effet, en 1819, une estimation de la valeur annuelle des exportations de l'Afrique occidentale, pour les années 1812/1817, évaluait celles en provenance du Gabon à 18400 livres sterling. Néanmoins tous les témoignages, des capitaines britanniques Owen et Boteler au français Montagnès de Le Roque, s'accordent pour reconnaître au commerce licite un rôle seulement complémentaire par rapport à celui des esclaves. Cette interdiction de la traite des Noirs ne représentait que le moment initial et l'aspect négatif de l'adaptation au commerce licite. En effet, pour maintenir le niveau des échanges, assurer la prospérité du comptoir et l'extinction de l'influence française, jeter les fondements d'une collaboration fructueuse entre français et mpongwé, il était nécessaire qu'aux esclaves se substitue un autre type de marchandise. C'est cet autre type de marchandises que nous tenterons d'étudier dans les lignes qui vont suivre.

1 - 1 - 1 Le troc

Notons que la production locale reposait sur une économie cynégétique et de cueillette, peu soucieuse d'assurer la reproduction des richesses naturelles et par conséquent un niveau constant et élevé de l'offre. Ces deux caractères, outre qu'ils contribuaient à la faiblesse générale des échanges extérieurs, les ont assujetti à un rythme cyclique, un produit détenant quelques années, voire quelques décennies, une primauté bien marquée au sein des exportations. C'est ainsi que jusque vers 1860, trois cycles se succédèrent, qui ne recoupent pas tout à fait les fluctuations conjoncturelles. Nous avons d'abord celui du bois, puis celui de l'ivoire (considéré comme le plus long) et enfin celui du caoutchouc.

Nous constaterons que les deux premiers présentent cette originalité déjà signalée d'avoir été longtemps complémentaire par rapport aux esclaves. Le cycle du bois (essentiellement le bois rouge de teinture) s'étendit jusque vers 1820. Une demande particulièrement forte avait augmenté le prix qui semble s'être maintenu à un niveau élevé jusqu'à cette date. Le cycle de l'ivoire commença vers 1820. Le changement est dû à une évolution des prix européens plus favorables à l'ivoire qu'aux bois de teinture ou d'ébénisterie, du moins en Angleterre. L'ivoire du Gabon était alors le plus beau qu'on pût trouver. Il représentait pendant les mauvaises années (1849 par exemple) 50% et pendant les bonnes années jusqu'à 70% et même 80% des exportations de l'Estuaire. Pour ce qui concerne le caoutchouc, les limites chronologiques de son cycle, surtout le terminus ad quem, sont plus difficiles à cerner. L'origine de son exploitation remonte tout de même à 1851. Mais son exploitation nécessitait des déplacements en forêt. Ainsi, les hommes vivaient en forêt pour travailler sans trêve.

Néanmoins, l'abatage des céphalophes s'accentua pour se nourrir mais également pour nourrir les femmes, les enfants et les vieillards restés au village. Bongoatsi- Eckata22(*) souligne qu' « en 1925 s'ouvrit un marché pour les peaux de céphalophes qui étaient lannées sur place et expédiées en France pour faire les manteaux et des peaux de chamois. L'Afrique Equatoriale Française (AEF) exporta en 1937 un tonnage de peaux de céphalophes équivalent à 800 000 animaux. Après la seconde guerre mondiale une demande forte de peaux brutes s'établit ».

En revanche, les populations locales recevaient des marchandises de plusieurs variétés. Ces marchandises révèlent une continuité remarquable, signe que les goûts et les exigences qualitatives des populations locales n'ont pas varié de façon sensible. C'est le cas des tissus qui étaient présents dans toutes les transactions et formaient la base des opérations de troc au Gabon. Il s'agissait le plus souvent des tissus de coton, vendus très chers en raison de la forte demande locale. En second lieu, entre 5 et 20% de la valeur des importations, venaient des produits aussi importants pour le troc. Il y avait les alcools d'origine américaine ou française, les tabacs américains, les fusils et les cuivreries, formées surtout de chaudrons en cuivre. Parmi les divers, qui formaient l'accessoire et dont le taux pouvait être très élevé, on trouvait des marchandises les plus variées dont certaines formaient au Gabon des objets de luxe très recherchés et constituaient des signes de richesse. C'est le cas des miroirs, des boucles d'oreille en cuivre doré et les coffres. Le luxe remplaçait la nécessité. Ambouroue Avaro23(*) mentionne qu' « en échange les Cama reçoivent : l'alugu ( eau de vie de traite ), du tabac, des fusils, des parfums, des bonnets rouges et noirs, des souliers, des perles, des anneaux de fer et de cuivre creux, des couvertures, des coffres, des miroirs de Hambourg ».

En sommes, le commerce de l'Estuaire était un commerce bien pensé. Il profitait aux colons qui jouissaient de l'ignorance des populations locales. L'analyse première de ce commerce nous permet de dégager trois éléments en rapport avec notre objet d'étude. Nous avons dans un premier temps, l'activité cynégétique (à travers les éléments corporels des animaux chassés que les européens exportaient), dans un second temps, l'exploitation du bois facilitant ainsi la maîtrise de la forêt, en troisième lieu, les fusils reçus par les populations locales. Les européens introduisaient volontairement les fusils dans les produits qu'ils échangeaient afin d'entretenir l'activité cynégétique.

1 - 1 - 2 L'introduction de la monnaie

Le commerce de l'Estuaire se faisait le plus souvent sous les formes les plus traditionnelles du troc (échange de marchandises de traite contre les produits locaux). La connaissance de la monnaie viendra avec le temps. Certes, la présence du comptoir français avait contribué à la circulation d'une certaine masse monétaire. En réalité, les monnaies dont les Mpongwe avaient connaissance ont d'abord été d'origine espagnole. Ce sont les doublons, pièces d'or introduites à l'époque de la traite négrière et entrées dans la langue mpongwe sous la forme de « dobilo ». Puis, après la création du Fort Aumale et les dépenses faites sur place par les agents du poste et les équipages français, ce fut le tour du franc dont plusieurs témoignages soulignent l'usage croissant.

A partir de 1840 environ, l'offre des marchandises européennes était devenue plus diversifiée sinon plus abondante et, pour garder leur liberté de choix, les courtiers avaient de plus en plus tendance à réclamer des troqueurs le payement en argent et non en marchandises. Enfin, en 1854 et 1863, les agents du comptoir rappelaient encore aux troqueurs la nécessité d'apporter une certaine quantité d'argent, car les courtiers indigènes ne cessaient d'en demander. Mais le principal obstacle à la circulation et à la diffusion du monéraire ne venait pas tant des Mpongwe que les traitants européens pour qui l'échange direct restait de loin le mode le plus rémunérateur. L'envie d'utiliser la monnaie était ressentit partout et par tous. La monnaie devenait donc une nécessité dans les échanges. Au fil du temps, les populations locales, avec l'introduction des produits et de la monnaie européens, perdaient leurs habitudes au détriment des habitudes européennes. La valeur marchande gagnait le quotidien de ces populations. Le passage du mode de vie traditionnel au mode de vie moderne est entrain d'être amorcé.

Ainsi, la présence de nouveaux contextes socioculturels va placer, en effet, les populations dans une société de marché où le commerce est économiquement rentable. Il sera ainsi pratiqué tout azimut, et aucun produit ne sera épargné, encore moins le gibier, particulièrement en milieu urbain. Dans le chapitre suivant, nous étudierons l'ampleur de ce commerce actuellement.

Chapitre II : Le circuit actuel

Dans les sociétés traditionnelles d'Afrique en général et au Gabon en particulier, la faune sauvage était, pratiquement et de tout temps, la seule source de protéine animale. Son exploitation était strictement réglementée par une série d'interdits et une organisation complexe. En effet, certains gibiers n'étaient pas chassés, d'autres étaient interdits à certaines catégories de la population notamment les femmes et les enfants à bas âges, ou réservés aux initiés. Ces interdits traditionnels découlaient de la nécessité de conserver un garde manger bien rempli et était aussi reliés aux croyances et pratiques médico- magiques.

De nos jours, l'exploitation de cette faune a pris une vitesse qui inquiète les pouvoirs publics. Il est facile de constater la raréfaction de la faune sauvage dans nos forêts. Plusieurs raisons expliquent cette situation déplorable. De manière brève, nous dirons que la sédentarisation des populations, l'urbanisation, la monétarisation de l'économie, les raisons socioéconomiques et culturelles font vivre ce phénomène sous sa forme actuelle. La faune est un produit commercialisable et rentable. Son commerce, mal cerné, est un secteur qui génère de l'emploi à une certaine couche sociale. L'émergence d'un nouveau marché notamment les milieux urbains et les circuits commerciaux modernes, comme les besoins nouveaux résultant de l'intégration des pays d'Afrique dans la société de consommation globale, ont accéléré cette tendance. De ce commerce, une certaine classification va s'opérer. Nous aurons donc une société nouvelle de chasseurs, de bayames et de consommateurs. De cette catégorisation, nous voyons effectivement qu'il y a des transactions financières qui s'opèrent à tous les niveaux. Dans les lignes qui suivent, nous tenterons de bien vouloir faire distinguer cette classification.

2 - 1 Le circuit de production

Les individus humains font leur vie sociale, leur histoire et l'histoire générale. Mais ils ne font pas l'histoire dans les conditions choisies par eux, déterminées par un décret de leur volonté. Dans son action, tout en modifiant la nature et le monde qui l'environnent, l'individu subit des conditions qu'il n'a pas créé. Par leur activité même, les individus humains entrent dans les rapports déterminés, qui sont des rapports sociaux. Les rapports fondamentaux pour toute société sont les rapports avec la nature. Pour l'homme, le rapport avec la nature est fondamental, non parce qu'il reste un être de la nature, mais au contraire parce qu'il lutte contre la nature. Au cours de cette lutte, mais dans les conditions naturelles, il arrache à la nature ce qu'il faut pour entretenir sa vie et dépasser la vie simplement naturelle. Les relations fondamentales de toute société humaine sont les rapports de production.

L'objectif de cette partie est d'expliquer voire démontrer le circuit productif du gibier proposé au consommateur. Cette production va donc se faire à deux niveaux et ces niveaux constituent justement deux étapes du travail. Ces deux étapes font intervenir deux types d'agents économiques. Nous avons d'un côté les chasseurs, de l'autre les bayames. Ainsi, le gibier chassé sera proposé sur le marché par les bayames. Les rapports de production révèlent à l'analyse faite plus haut trois facteurs ou éléments. Nous avons les conditions naturelles, les techniques, l'organisation et la division du travail social. Il est évident que la structure d'une société, l'activité des individus qui la constituent, leur distribution, leurs situations réciproques, ne peuvent se comprendre si l'on ne commence pas par cette analyse. Ces trois éléments constituent ce que le marxisme nomme les forces productives.

En introduisant le concept de spécialisation, nous constatons qu'à chaque agent économique correspond un mode de production et des moyens matériels et techniques spécifiques. En d'autres termes, il y a des forces productives. Par division du travail, on désigne le fait que les individus ou les groupes se spécialisent dans certaines activités complémentaires les unes des autres. Et la spécialisation constitue, rappelons-le, l'une des particularités des sociétés de marché partant de son économie. Certains analystes considèrent que la division du travail tend à conférer aux individus sujets d'un groupement de tâches particulières un véritable statut social.

Toutefois, il faut préciser la relation établie entre la tâche de l'ouvrier et la nature des outillages sur lesquels cette tâche est réalisée si l'on veut percevoir correctement les modifications qualitatives introduites dans la division du travail, en dépit de la référence au statut. Nous constaterons tout au long de cette partie que la spécialisation des travailleurs dont nous parlons tient beaucoup plus au genre. La distinction des genres s'accompagne d'une division dite sexuelle du travail. En effet, la chasse est une activité masculine et la vente du gibier chassé constitue une activité féminine. Dans les lignes qui suivent, nous tenterons d'explorer ces deux étapes de la production qui correspondent en même temps aux niveaux de catégorisation sociale. La tâche nous reviendra d'étudier aussi d'autres éléments pouvant concourir à cette production.

2 - 2 - 1 La chasse

La chasse constitue l'une des plus vieilles activités que l'homme a exercé depuis la nuit des temps. De nos jours, elle prend des allures beaucoup plus intensives, avec des moyens matériels favorisés par les progrès techniques et une réglementation spécifique à l'activité exercée.

Ainsi, avec le développement de l'économie monétarisée et l'ouverture des sociétés traditionnelles sur la société de consommation, la nécessité de produire des marchandises vendables et la nécessité de se procurer (en échange de ces marchandises) des ressources monétaires, se fait de plus en plus sentir. Dans ce contexte, qu'est-ce que l'habitant du milieu rural a à vendre ? Du gibier, des poissons, des productions agricoles ou des produits de cueillette. Parmi ces productions, quelle est l'activité qui demande le moins d'investissement, qui est la moins difficile à mener et qui rapporte le plus rapidement toute l'année ? C'est la chasse.

Catégorisation

Nous allons vous présenter ici les quelques catégories de chasseurs que l'on peut rencontrer dans ce commerce. Primo, lorsque les jeunes hommes, après leurs études, ne trouvent pas de débouchés en ville ou ne peuvent prétendre à un emploi dans une société de la place, ils rentrent au village et se mettent à chasser. Cela explique en partie l'expansion de cette activité et le fait que les élites économiques et politiques des villes disposent des finances nécessaires pour investir dans la chasse commerciale, trouvent dans les villages un terrain favorable.

La deuxième catégorie de chasseurs est celle des personnes ayant déjà exercé dans une entreprise quelconque. La personne est soit retraitée soit licenciée de cette entreprise. Ce cas précis trouve son origine dans la restructuration des entreprises. C'est la situation que nous vivons maintenant au Gabon. En effet, depuis la dévaluation, l'Etat gabonais a tenté de privatiser ses sociétés. Et les premières victimes de cette situation étaient les chefs de ménage. Ils se sont retrouvés ainsi sans emploi et sans source de revenus.

L'autre catégorie que nous pouvons rencontrer est celle des expatriés. Ce passage nous permet de faire un bref rappel sur ce qui avait déjà été dit sur ces derniers. Ceci pour dire que les villes gabonaises sont un brassage des populations rurales et des populations étrangères. Ces dernières viennent au Gabon pour des raisons socio-économiques entre autres la recherche d'un emploi afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs parents. Gagnées par le désespoir, elles se déverseront dans la forêt pour pratiquer la chasse. La population des chasseurs va ainsi `augmenter du jour au jour.

Nous avons identifié plus haut les différentes catégories de chasseurs qui exploitent la faune gabonaise. Nous pouvons avoir d'autres regroupements. Dans ces campements et villages, il y a des chasseurs que nous pouvons qualifier d'indépendants, qui vivent de leurs propres produits. Et les moyens matériels qu'ils utilisent sont leur propriété. Parmi ces moyens matériels, nous avons le fusil de calibre. Les données du Ministère en charge de la faune nous rappellent que quand on est propriétaire d'une arme de chasse, inévitablement il y a une redevance à payer auprès de ladite administration. Est-ce que cela est le cas pour ces chasseurs indépendants ?

Le deuxième type de chasseurs est constitué de personnes au service de cadres, de fonctionnaires ou autres personnes hautement placées ou non qui arment les chasseurs. Donc, ils les recrutent, les utilisent, leur donnent armes, munitions, lampes tempêtes et autres. Et ils sont approvisionnés toutes les semaines en denrées alimentaires. En contre partie, ils envoient toutes les semaines du gibier à leurs patrons. Les chasseurs que nous avons rencontré nous disent recevoir deux fois par semaine la visite de leurs employeurs. Il faut tout de même souligner que ces derniers sont en majorité des Gabonais. La question que l'on peut se poser est celle de savoir si leurs employeurs payent les taxes sur les permis de chasse et de port d'arme ? Il nous sera difficile d'y répondre car le terrain ne nous a pas permis de rencontrer les employeurs des chasseurs qui nous ont renseigné sur cette situation. Ils ignorent tous si leurs patrons sont en règle avec l'administration. Dans ce type de chasseurs, il y a effectivement des rapports que nous faisons ressortir. Rappelons que les rapports de production sont des relations qui s'établissent entre catégories ou classes sociales en fonction de leur accès respectif aux forces productives et à leur contrôle. Nous pouvons assimiler ces rapports de production à ceux de Marx notamment son mode de production capitaliste faisant intervenir les bourgeois et les prolétaires. Mais, à la place de ces deux concepts, nous parlerons plutôt d'employeurs et d'employés.

Le dernier regroupement que l'on peut faire ne nous a pas parut simple au début des travaux. C'est avec le concours d'Ondo Edou24(*) qu'il est devenu plus clair. Ses informations nous ont permis d'ajouter à la liste des catégories de chasseurs que nous avions au préalable d'autres chasseurs. Ainsi, parmi les chasseurs que nous pouvons rencontrer, il y a ceux qui associent le fusil aux pièges mais chassant le jour. Il y a également des chasseurs qui associent le fusil aux pièges mais chassant la nuit (chasse au fusil). C'est le cas d'Ondo Ndong Ferdinand qui associait à son fusil ses 60 pièges. Nous avons aussi des chasseurs qui n'ont que des pièges. Ondo Edou, par exemple, déclare avoir plus de 150 pièges. Ces chasseurs nous affirment qu'ils font la visite de leurs pièges chaque deux jours, sinon certains gibiers se dégraderont. La dernière catégorie est celle des chasseurs qui n'ont que le calibre et chassant le jour ou la nuit.

L'activité cynégétique

Par ailleurs, la viande de brousse contribue significativement aux moyens d'existence des populations rurales notamment les chasseurs, généralement pauvres. En effet, elle constitue une source de revenus financiers pour les chasseurs. Nous tenons à faire remarquer que le chasseur appartient déjà entièrement à une économie monétaire et est animé du désir de maximiser ses profits matériels. Il a plus tendance à se comporter comme un prédateur et à exploiter au maximum les ressources fauniques. Nous tenterons d'étudier certains chiffres d'affaire qui peuvent ressortir de ce commerce et si possible les prix fixés par les chasseurs à leurs clients.

L'objectif de ce point est de faire ressortir les faits marquant de cette activité notamment le professionnalisme, le lieu de la chasse et si possible les techniques de chasse.

Le professionnalisme

Photos 1 et 2 : les gibiers chassés (cliché Georgin Mbeng Ndemezogo) novembre 2005

Les images plus haut nous présentent du gibier chassé par un chasseur professionnel de Mbel. Elles ont été prises pendant que le chasseur marchandait son gibier avec ses clients. La chasse a donné quatre crocodiles à nugue cuir, trois athérures (porcs épics), un céphalophe bleu (gazelle), deux cercocèbes noir (singes) et un varan. Sur ces photos nous n'avons qu'un singe. Elles présentent deux clients différents. C'est le troisième qui paya le deuxième singe et ne voulu pas qu'on prenne en photo son singe. L'un des objectifs de ces photos était de faire ressortir la production du gibier après une partie de chasse et de savoir par la suite le chiffe d'affaire qu'un chasseur pourrait avoir après la vente de son produit. Ce détail nous sera fournit par le tableau ci-après :

Espèces

Nombre

Prix unitaire

Totaux

Crocodiles

4

5500

22000

Athérures

3

5000

15000

Céphalophe bleu

1

4000

4000

Cercocébes noir

2

6000

12000

Varan

1

4000

4000

Totaux

11

24500

57000

Tableau 1 : Chiffre d'affaire d'un chasseur

Source : Georgin Mbeng Ndemezogo

Ce tableau fait ressortir le gain d'un chasseur. Nous parlons ici en termes d'estimation. Le chiffre d'affaire est changeant en fonction de la grosseur des espèces, de leur état bon ou dégradé et bien d'autres paramètres. La colonne des prix représente les montants communément usités par les chasseurs. C'est un choix car les chasseurs ne nous révèlent jamais leurs chiffres d'affaire. Nous avons ceux-ci par le canal de l'une des bayames. L'application est ainsi faite sur ce chasseur dont le gain, après sa chasse, nous est donné par le tableau 1. De fait, la marge bénéficiaire est presque équivalente au chiffre d'affaire. Le retour sur investissement est immédiat (pas besoin d'attendre plusieurs années pour amortir) et les flux monétaires générés sont très réguliers. Il faut souligner que l'investissement dont nous parlons ici est avant tout celui de l'achat du matériel (cartouches, câbles métalliques...), avant de subvenir à ses besoins. De par les chiffres, nous pouvons penser ce commerce rentable, avec des gains faciles.

La chasse comme profession est celle qui ravitaille les populations extérieures aux zones de production. Elle est pensée, pour les populations rurales notamment les chasseurs, comme un métier au même titre que ceux connus par tous. Nous allons comprendre le concept de profession comme une occupation. Et pour les chasseurs, l'activité qu'ils pratiquent en constitue une. C'est elle qu'ils exercent toute la semaine durant. Et cela a évidemment un impact considérable sur la faune et sur l'écosystème. Cela démontre justement les limites de l'industrialisation gabonaise qui se vit dans les capitales politique et économique du Gabon au détriment des autres capitales provinciales. L'autre revers est même étant industrialisées comme elles le sont, ces villes n'embauchent pas mais licencient. Nous avons donc une double conséquence de manque d'emplois et de licenciement. Nous savons bien qu'au Gabon, on travaille cinq jours sur six donc la personne ou l'employé n'aura qu'un jour libre pour la chasse. De cette façon la fréquence de chasse sera réduite. D'autre part, embaucher le plus grand nombre revient à réduire l'effectif plus que croissant de nos jours des chasseurs. Cela pourra également ramener à la baisse l'effectif des chasseurs. Or, l'activité des chasseurs s'étale sur six jours.

Les lieux de chasse

Autre situation que nous allons étudier dans les lignes qui suivent est celle du lieu de chasse. Force est de constater que le lieu de chasse s'éloigne du village ou du campement. L'excursion en forêt effectuée à Mbel pourra nous servir d'exemple dans ce cas précis. Nous dirons que les pièges de notre chasseur étaient à 4 km du village. Nous avons même rencontré lors de nos enquêtes dans ce village un autre chasseur qui dit avoir un campement à 7 km du village et ses pièges étaient à 3 km de son campement. Donc ses pièges étaient à 10 km du village. Les animaux semblent s'éloigner du village et ce pour plusieurs raisons que nous tenterons d'étudier dans cette étude.

Carte 3 : Diffusion de l'effort de chasse

Si on retient le niveau des prix et les volumes commercialisés sur les marchés publics comme indicateurs, les zones de plus forte pression cynégétique peuvent être identifiées comme étant localisées autour des grandes villes (Libreville et Port-Gentil, surtout, mais aussi Franceville et Oyem) et des principaux chantiers forestiers (et des mines d'or et de diamant), ainsi que le long du Transgabonais. La carte N°3 montre la répartition géographique de ces zones, qui se signalent par l'éloignement des terroirs encore favorables à la chasse pour un butin de plus en plus maigre. Cette carte montre que la pression cynégétique est concentrée dans la zone côtière qui présente la plus forte demande et offre les meilleurs prix, ainsi qu'autour des chantiers forestiers et des voies de communication qui desservent cette zone. Elle est plus diffuse sur le reste du territoire. A partir de la carte, nous avons une idée de l'influence de la chasse sur la faune gabonaise, une idée des zones pourvoyeuses et les moyens qui facilitent l'accès à cette faune.

Les techniques de chasse

Cette carte nous introduit d'une manière ou d'une autre dans les techniques de chasse utilisées par les chasseurs. Afin d'apprécier la dynamique de ces techniques de chasse, nous ferrons une étude évolutive voire diachronique de celles-ci.

Il faut souligner que les sociétés traditionnelles avaient plusieurs techniques mais le piège est la seule technique de chasse qui prenait plus de temps. Et étudier les techniques de piège dans la forêt équatoriale, revient à passer en revue les différentes sortes de savoir-faire existant dans cette région. L'abondance et la variété de la faune le laissent d'ailleurs supposer, car les pièges n'épousent que les gibiers. Ils s'adaptent à leurs morphologies et à leurs habitudes tout en tenant compte des conditions ambiantes. Dans son propos, Ndong Edzang25(*) va démontrer que les ntumu connaissaient les frappes, les fosses, les filets, les nasses, les leurres, les gluaux, les appeaux, les hameçons et les poisons. Leur panoplie est si riche que l'on pourrait penser que les ntumu ont le mieux côtoyé avec les pygmées pour maîtriser toutes les techniques de piège qui sont au rendez-vous dans ce biotope. Bahuchet26(*) dira dans ses écrits sur les pygmées, plus que toute autre activité, que la chasse repose sur les connaissances et le savoir-faire des hommes baka, par la simplicité des moyens mis en oeuvre : une sagaie, parfois une arbalète, un chien. Mais en les combinant avec des tactiques diverses, on réalise des types de chasse différents qui mènent à la capture de gibiers variés. Les baka n'utilisent en effet aucune sorte de filet.

La mise au point des diverses techniques de piège requiert des matériaux, des sources d'énergie et des connaissances. Elles n'ont pas pu s'acquérir et se perfectionner qu'au prix de nombreuses observations et de nombreux tâtonnements. Elles étaient à la fois la résultante des éléments naturels, fournis par les écosystèmes, des capacités inventives des populations et leurs représentations culturelles. C'est l'apparition de l'agriculture, qui est certainement pour corollaire la sédentarisation, qui a entraîné une prolifération des techniques individuelles. Effectivement, pour protéger les cultures des déprédateurs, « les hommes, nous dit J. Vansina, cité par Bongoatsi-Eckata Wilfried, s'occupaient à construire enceinte solide ou un système de pièges autour du champ pour prévenir la déprédation par les animaux sauvages »27(*), et l'animal pris au piège est la propriété individuelle. Outre la protection des champs, le développement des techniques individuelles permet au chasseur de jouir pleinement du produit de la chasse mais également de se libérer des techniques collectives, sommes toutes contraignantes et qui d'une manière intermittente demandent la coopération des chasseurs. La technique du piégeage sera récupérée et associée au fusil à chasse pour surexploiter la faune.

Photo 3 : calibre semi- automatique (cinq coups), Maverick modèle 88 (cliché Georgin Mbeng Ndemezogo) novembre 2005

L'image ci-dessus nous présente un fusil de chasse, Maverick modèle 88, communément appelé fusil à pompe. La capacité de ce calibre est de cinq (5) coups ou cartouches. L'objectif de cette photo est double. Le premier démontre le progrès des armes de chasse que l'on utilise en ce moment. Cela démontre aussi du progrès des sociétés. Nous laissons les lances, les flèches, les filets au détriment de ces armes modernes. Le second objectif explique le fait migratoire. D'aucuns postulent la disparition des espèces et attribuent celle-ci à la surexploitation de ces espèces. Nous partageons cet avis, car un animal de tuer est un animal de moins et de disparu, c'est-à-dire qu'on ne le reverra plus. L'explication que nous donnons pourrait également signifier qu'il est allé loin du lieu habituel et devient rare. Nous tentons d'expliquer ici le fait migratoire de ces espèces. Le déplacement des animaux est causé par le bruit produit par les coups de fusils répétés des chasseurs. Et s'il se trouve que cette chasse est pratiquée près des chantiers forestiers, la migration sera accentuée. Mais certains animaux seront plus ou moins abattus. En effet, ce n'est pas tous les animaux qui fuiront le bruit produit. Cette situation est valable pour tous les êtres vivants quand leurs biotopes respectifs se trouvent perturbés. Les animaux se déplacent quand ils sentent la menace. Et pour eux le bruit est l'une des menaces qui pourra les amener à migrer vers d'autres horizons.

En outre, l'observation que nous avons fait dans le village de Mbel peut être vérifiée dans plusieurs villages gabonais. En effet, un fusil de chasse peut être utilisé par plusieurs chasseurs du village. Son usage est alternatif, c'est-à-dire est fonction du repos de l'un des chasseurs et ce au repos du chasseur propriétaire de l'arme. Nous avons également constaté lors de nos investigations que plusieurs de ces armes ne sont pas enregistrées. Elles ne sont pas déclarées au service habilité à le faire. De ce fait, elles ne sont pas connues du ministère de tutelle. Il est important de faire l'inventaire des armes à feu qui se retrouvent sur le territoire national afin d'assurer non seulement la sécurité des uns et des autres et contrôler l'information sur les armes qui franchissent le territoire.

Photo 4 et 5 : techniques de pièges (cliché Georgin Mbeng Ndemezogo) novembre 2005

Ces photos présentent deux techniques de pièges. Sur la première (celle de gauche), nous pouvons observer le type piège que le fang appelle « olam ébén ». C'est un type de piège constitué d'un trou, des bâtonnets, d'un câble métallique et d'un piquet. Le trou consiste à maintenir les bâtonnets qui soutiennent le déclencheur et le tout est recouvert de feuilles mortes qui cachent la vigilance des animaux. La photo 9 en annexes nous montre la forme que prend ce piège après le montage. L'autre spécificité se trouve sur le fait que ces pièges sont isolés et éparpillés dans la forêt.

L'autre technique de pièges, appelé « ossap » ou « awoura ding » en fang, a la particularité d'aligner les pièges. Cette particularité fait qu'on les appelle pièges à barrage. Sur la photo de droite, le chasseur obstruit le passage des animaux et va les contraindre à emprunter le passage qu'il va leur créer. Un passage qui les conduit directement au câble métallique. Les éléments constituants le barrage sont de nature diverse mais provenant toujours de l'environnement immédiat de l'homme. Notre chasseur a utilisé les tôles pour son barrage qui sont des matériaux modernes. Sur cette photo, le chasseur remet le piège qui n'a pas pu prendre un animal.

Ce sont là les deux techniques de pièges que nous avons rencontré. Le nombre de ces pièges varie selon les chasseurs. D'aucuns auront moins de cent pièges, et d'autres iront au-delà de ce chiffre, si possible atteindre quatre cents ou cinq cents pièges. Le rapport des chasseurs est le même. En effet, la visite des pièges se fait chaque deux jours. L'écart de trois jours est possible mais pas souvent conseillé car il facilite la dégradation du gibier. Et nous avons constaté que les chasseurs qui ont moins de cent pièges sont physiquement diminués et vis versa. Il faut souligner que la visite des pièges nécessite des efforts physiques considérables et surtout quand elle est faite chaque deux jours. Le gain est ainsi fonction du nombre de pièges. Les chiffres que nous avons donnés plus haut font ressortir l'esprit d'abondance qui habite les chasseurs. Nous sommes frappés par la dictature de la quantité. Et les différentes techniques de chasse développées à cet effet sont donc contextuelles. Pourquoi produire en quantité ? En nous posant cette question, nous soulevons ici le problème de la cherté du coût de la vie. Cette situation, associée à l'effort de chasse, amène peut-être les chasseurs à fixer les prix que nous retrouvons sur le marché. Au regard de tout ceci, nous pouvons donc confirmer l'aspect professionnel de cette activité. Elle regorge même une réglementation que les chasseurs respectent avec rigueur afin que l'activité leur soit profitable. Nous aurons donc une fréquence des visites des pièges estimée entre deux et trois fois par semaine.

2 - 2 - 2 Les bayames

Selon Mba Ndzeng Ludovic28(*), le terme « Bayame » qui est une contraction du pidjin « Bayam Salam », vient de l'anglais « To buy » et « to sell », « acheter » et « vendre ». Dans le contexte qui est le nôtre, le terme Bayame désigne un groupe de femmes spécialisées dans l'achat et la vente du gibier ou de tout autre produit de collecte. Mais nous nous intéresserons à celles qui achètent et vendent surtout du gibier. La femme qui se spécialise dans la vente du gibier au marché ou au restaurant se considère comme une commerçante de gibier. C'est avec elle que le consommateur se procure de la viande de brousse. C'est une activité uniquement féminine. Elle est pratiquée par les Gabonaises, les Camerounaises et les Equato- guinéennes. Les premières citées sont majoritaires.

L'observation générale faite sur ces femmes fait ressortir trois éléments majeurs. Nous pouvons retrouver des femmes qui ont une qualification mais n'ont pas trouvé du travail après les études professionnelles. Nous avons également des femmes qui ont servi dans plusieurs entreprises mais se retrouvent chez elles pour cause de licenciement ou de retraite. La dernière tranche est celles qui n'ont pas de qualification. Nous constatons, à partir de cette catégorisation des femmes, que les raisons socio- économiques qui poussent les populations rurales à pratiquer la chasse à des fins commerciales sont les mêmes qui amènent ces femmes à faire de la vente du gibier chassé une activité lucrative. Dans une certaine mesure, elles sont considérées comme consommateurs parce qu'elles achètent de la viande de brousse auprès des chasseurs (directement ou indirectement).

Dans une autre optique, elles sont productrices car elles transforment le produit qu'elles achètent. Elles utilisent les moyens matériels et techniques que les chasseurs n'utilisent pas. Et elles proposent à la fin quelque chose de différent sur le marché. Ce dernier va donc s'identifier de deux manières : il y a des femmes qui vendent du gibier cru, et d'autres le vendent cuit. Le gibier cru est vendu dans plusieurs marchés de la place. Les plus reconnus sont Oloumi, Mont Bouét et d'autres petits marchés qui naissent ici et là. Le gibier cuit est vendu dans les restaurants. Soulignons tout de même que les bayames des restaurants prennent le plus souvent leur gibier dans les marchés reconnus, auprès de leurs « abonnées ». Soulignons aussi que les restaurants que nous avons visités sont ceux que nous retrouvons dans les quartiers et que nous qualifions de « petits restaurants ».

Les marchés de Mont Bouét et d'Oloumi

Nous titrons cette partie ainsi parce que nous voulons apporter une distinction entre les bayames que l'on retrouve dans les marchés tel que Mont Bouét et les bayames que l'on retrouve dans les restaurants. Cette même distinction va à l'égard du gibier cru fournit par les bayames des marchés et du gibier cuit fournit par les bayames des restaurants.

De prime abord, les femmes que nous retrouvons dans les marchés cités plus haut considèrent la vente du gibier comme une profession. Elles partent de chez elles tôt le matin et sont de retour tard le soir, à la fermeture de ces marchés, et ce pendant les jours ouvrables. Pour l'une d'elles, il n'y a pas de différence entre le bureaucrate et elle. Et le gibier vendu dans ces marchés est de deux sortes : fumé et non fumé. Mais la clientèle penche plus pour le non fumé. Cela n'empêche pas à d'autres personnes de le prendre fumé. Deux types de clients peuvent donc s'identifier à partir de là. Pour aboutir à ces deux variétés de produits, plusieurs techniques sont usitées. La technique du fumage est une technique de conservation qui permet de contenir longuement la viande. C'est le cas de l'éléphant qui est préféré fumer que du contraire. Un gibier, pour éviter qu'il ne se dégrade très rapidement, peut être aussi fumé. La viande de brousse est ainsi fumée par les bayames elles-mêmes.

L'activité exercée par ces femmes fait également appel à la sous-traitance. En effet, la pratique du « brûler », concept usité dans ce contexte, est l'oeuvre d'une catégorie de personnes notamment Nigérians, quelques Gabonais et Gabonaises. Le « brûler » consiste à défaire l'animal de son pelage avec du feu. Et les spécialistes de cette activité sont appelés « brûleurs ». C'est l'étape qui précède le découpage de la viande en morceau et la mise en tas. C'est également l'étape qui précède le fumage. Soulignons aussi que ce ne sont pas tous les gibiers qui sont « brûlés ». C'est le cas des athérures (porcs épics), des renards, des chats huant...Les animaux « brûlés » sont généralement découpés.

L'autre activité sous-traitante est celle de la conservation du gibier dans des congélateurs. Au marché de Mont Bouét nous avons constaté que c'était l'activité d'un Nigérian, jouant à la fois le rôle de conservateur (en tant que propriétaire des congélateurs) et de gardien, et se retrouve parfois avec un montant hebdomadaire de 150 000 F CFA quand le marché ne paye pas. Parler de sous-traitance est aussi une façon pour nous de présenter les charges des bayames. Ajouter à cela les taxes (droit de place pour les femmes de Mont Bouét et le droit de location pour celles d'Oloumi).

Nombreux sont les facteurs qui participent de la fixation du prix de la viande de brousse au marché. Nous avons, en effet, les espèces, la taille de l'animal, la demande, la période du mois, si l'animal est vivant ou mort, le prix du transport, etc. A Libreville, par exemple, la viande de brousse n'a pas de prix fixe et son prix n'est pas déterminé par son poids. Certains petits animaux (rat palmiste, tortue...) sont vendus en entier et les autres (gros ou moyens) sont coupés en morceaux. Les crocodiles, tortues et le pangolin à écailles tricuspides sont souvent exposés vivants.

Illustrer ces propos a été l'une des idées que nous avons eut et jugé nécessaire. Le tableau ci-dessous éclairera notre lanterne sur les prix qui sont fixés dans les marchés. Les données qui s'y trouvent proviennent du marché de Mont Bouét.

Espèces

Tas/F CFA

Gigot/F CFA

Entier/F CFA

Céphalophe à ventre blanc (Antilope)

1000

4000

20000

Céphalophe bleu (Gazelle)

1000

1500

6000

Athérure (Porc épic)

1000

 

9000

Singe

1000

 

10000

Pangolin à longue queue

1000

 

6000

Pangolin géant

1000

15000

60000

Potamochère (Sanglier)

1000

20000

120000

Boa

1000

3000

60000

Crocodile

1000

 

12000

Renard

1000

 

6000

Chat huant

1000

 

6000

Eléphant

1000

 
 

Mandrill

1000

8000

 

Chevrotain aquatique

1000

3500

12000


Tableau 2 : Prix du gibier au marché

Source : Georgin Mbeng Ndemezogo

Le tableau présente les prix des espèces en tas, en gigot et en entier. La fixation du prix est importante car ce prix doit être apprécié par le client. Les clients ont effectivement une préférence pour les tas car ils sont faits à moindre coût. Nous pensons que la fixation des prix d'espèces en tas, en gigot ou en entier est une technique commerciale qui permet aux bayames de cerner toutes les couches et les préférences des clients. Selon le principe du prix du gros (colonne 3), les animaux les plus consommés sont ceux dont les montants sont inférieurs à 10 000F CFA, car ils sont à la portée de la grande majorité. Nous constatons que la disposition du gibier en tas facilite aussi l'écoulement du produit sur le marché. Le produit est ainsi à la portée de presque tous. Le contraire de cette situation amènerait les populations urbaines à ne pas consommer la viande de brousse. Nous pouvons donc considérer cette disposition en tas comme une technique commerciale qui permet aux bayames de bien profiter de leur activité.

Mentionnons aussi que le tas ainsi disposé est fonction de l'entendement de la commerçante. En effet, cette dernière ne fait pas usage d'une balance afin de mesurer le poids du tas qu'elle dispose. Pour les bayames, la balance ne leur avantage pas. Elles sont perdantes en l'utilisant. Même là, en l'utilisant, il est évident que le montant de 1000F CFA sera fixé à la hausse. Elles risqueront d'avoir ce qu'elles appellent l' « embaumé », c'est-à-dire la mévente ou passer des journées sans clients. Il faut faire remarquer que même le montant de 1000F CFA est de fois débattu. Mais ceci quand le client prend par exemple deux tas. Une réduction lui sera fait pour une circonstance quelconque. A défaut de prendre les deux tas à 2000F CFA, le client les prendra à 1500F CFA. Ce cas est possible surtout en périodes difficiles. Et ce cas a fait l'objet d'une expérience que nous avons vécu.

Nous nous sommes aussi interrogés sur le fait que tous les tas étaient à 1000F CFA. Il nous a été dit que c'est le prix le plus abordable et que tous les tas n'étaient pas constitués de la même façon. Les animaux tués non pas la même valeur. Le nombre de morceaux de viande que contient un tas est fonction des périodes. Quand il n'y a pas de clients, le nombre va à la hausse afin d'attirer les clients. Nous tenons également à inscrire que la liste des espèces que nous avons sur ce tableau n'est pas exhaustive. En partant de cette liste, nous constatons que sur 14 espèces recensées, il y a 9 espèces qui sont protégées. Cela est la preuve d'un véritable problème.

Le transport du gibier

Nous pouvons effectivement nous poser la question de savoir comment ces femmes font pour se procurer le gibier qu'elles vendent ? Nous tenons d'abord à rappeler que la chasse est faite par des personnes qui dépendent d'autres ou non. Pour les chasseurs dépendants, il y a forcément une personne qui ravitaille les bayames (toujours le propriétaire du chasseur). Pour les chasseurs indépendants, leur gibier est payé sur place (soit ils reçoivent la visite des bayames ou les femmes du village achètent et viennent revendre en ville). Il peut aussi arriver que le chasseur, travaillant avec la bayame, envoi la marchandise sous forme de colis ou se déplace lui-même. Les bayames se ravitaillent le mercredi et le samedi. Selon les sources recueillies sur le terrain trois voies sont possibles pour assurer le ravitaillement en gibier. Il y a les voies terrestre, maritime et ferrée qui facilitent la pénétration du gibier sur les marchés de Libreville. Elisabeth A. Steel29(*) le démontre dans son ouvrage plus que nous. Prenons par exemple la voie ferrée. En effet, à chaque arrivée du train de la Sétrag à Owendo, les femmes qui y descendent avec du gibier sont en majorité les femmes des cheminots. Ce train transporte une grande quantité de viande de brousse jusqu'à la gare d'Owendo plusieurs fois par semaine. Il est facile d'observer les femmes qui amènent la viande de brousse sur Libreville gagner les quais et les différentes stations du train à l'intérieur du pays.

La prolifération des marchés de viande de brousse

Il nous fallait montrer ce visage du phénomène de la commercialisation du gibier. Il nous faut effectivement démontrer que le phénomène semble échapper à la gestion étatique. Le commerce du gibier prend de l'ampleur dans notre pays et l'Etat éprouve d'énormes difficultés à le résoudre. La récurrence des marchés de viande de brousse nous amène à avancer une telle analyse.

Nous observons la naissance des marchés de viande de brousse dans la capitale gabonaise à plusieurs endroits. Nous ne reviendrons pas sur les causes de ceci. Nous tenons plutôt à inscrire certaines observations sur ces marchés. Le premier marché observé se trouve à la gare de train d'Owendo. Ce marché a la particularité de recevoir du gibier mercredi et samedi. Ces journées coïncident avec les jours de ravitaillement des bayames. A chaque arrivée du train (mercredi et samedi) de la Sétrag à la gare d'Owendo, les femmes qui y descendent avec du gibier sont en majorité les femmes des cheminots. Ces femmes viennent exposer leur produit dans ce marché et ont pour clients les populations d'Owendo. C'est aussi dans ce marché que les bayames des marchés viennent rencontrer leurs abonnées (livreurs).

Le second marché que nous avons observé est celui du carrefour Rio. C'est un marché qui est en service à partir de 16h jusqu'à une heure bien tardive de la nuit. Ce marché a les mêmes horaires que le marché du carrefour Nzeng Ayong. Ce sont en quelque sorte des nouveaux marchés de proximité que nous avons observés jusqu'ici.

Les restaurants

L'activité commerciale du gibier se vit aussi dans plusieurs de nos restaurants. Mais les restaurants dont nous ferrons état ici sont ceux que nous retrouvons dans plusieurs quartiers de Libreville. De par leur capacité, nous les qualifions de mini ou petits restaurants. D'aucuns offrent deux services à savoir la restauration et la boisson. Ce sont donc des bars/restaurants à une seule propriétaire. D'autres offrent également les mêmes services mais ayant des propriétaires différentes.

Ces femmes sont à un niveau considéré comme des consommateurs car elles se ravitaillent dans les marchés publics de la place. Elles sont des clientes des bayames des marchés. Le ravitaillement se fait toujours auprès de l'abonnée du marché. Elles vont à la suite proposer un produit nouvellement transformé, avec des techniques propres au contexte. Les techniques de l'art culinaire seront utilisées afin de proposer un produit qui sera apprécié par la clientèle. La proposition d'un produit cuit, cuisiné sera la particularité de ce type de bayames. Certaines propriétaires de ces restaurants ont à leurs charges plusieurs employés. C'est le cas d'Evourou Didine qui a à sa charge huit (8) employés. « Chacun a une spécialité et le salaire est justement en fonction de la tâche que la personne occupe »30(*). Un travail d'entreprise avec une répartition des tâches évidentes où tout travail est rémunéré. Il nous revient de ce fait d'étudier la rentabilité d'une telle structure.

La fixation des prix varie selon les bayames. Lors de notre entretien, Evourou Didine nous pris un exemple simple. Elle nous déclara que le nombre de clients est fonction du nombre de plats. Si une gazelle produit cinq (5) plats, on a cinq (5) personnes qui sont passées. Il est important de rappeler que cette veuve fait le plat à 4000F CFA. Par contre Maman Marie faits les plats du porc épic et du sanglier à 2000F CFA, ceux de la gazelle, du singe et de l'antilope à 1500F CFA. Plusieurs paramètres rentrent effectivement dans cette différence de prix.

Photo 6 : le gibier du restaurant (cliché Georgin Mbeng Ndemezogo)

Sur cette image, nous avons quatre marmites, mais deux (ouvertes) vont attirer notre attention. Dans ces deux marmites nous avons l'Athérure (porc épic) et le potamochère (sanglier) cuits. Tout en constatant ce que ces marmites contiennent, il n'y a pas moins de trois plats de chaque. Tout ceci appliqué aux prix de Maman Marie, nous avons un chiffre d'affaire conséquent. C'est un bar/restaurant qui a deux propriétaires respectives. Cette femme occupe la terrasse d'un bar. Et c'est là qu'elle assure son service. L'objectif principal de cette femme est de proposer aux clients un gibier cuit ou cuisiné. Placé en plein centre-ville, sa clientèle est constituée des agents des administrations publique et privée. Et il se pourrait que la finalité soit la même dans la pratique de la chasse de subsistance. En effet, à la fin, on veut manger de la viande cuisinée. Nous n'oublions pas de rappeler que cette finalité est beaucoup plus applicable en zone rurale. En zone urbaine, elle est objet d'échange monétaire. Le service prend son effet à ce niveau. Seule la périodicité de la clientèle constitue la principale difficulté de son service ou de son commerce.

2 - 3 Le circuit de consommation

2 - 3  - 1 La notion de consommation

Il existe une certaine ambiguïté dans la notion de consommation ou de demande. En effet, on constate qu'une demande ou une consommation ne traduit parfois que très indirectement l'idée de besoin. La demande ou la consommation d'électricité, par exemple, est souvent considérée comme un besoin en soi, alors qu'elle ne fait que traduire un besoin d'éclairage, de force motrice ou de chaleur. La notion de besoin elle-même est souvent imprécise et l'analyse des besoins est fréquemment éludée par les économistes. Dans l'idée de besoin, il y a quelque chose d'individuel et de subjectif (tous les individus n'ont pas les mêmes besoins), mais il y a aussi quelque chose d'objectif et de social. En effet, les besoins sont en partie façonnés par la société dans laquelle nous vivons. Paul Henry Chombart De Lauwe, cité par Jean Marie Chevalier31(*), induit une distinction importante entre les « besoins obligation » et les « besoins privation ». Cette distinction rejoint en partie celle faite par F. Peroux entre les besoins d'avoir et les besoins d'être.

Les besoins obligation recouvrent les besoins vitaux qu'il est indispensable de satisfaire, pour vivre physiquement, ou tout simplement pour un être admis dans la société. Ces besoins sont relatifs. En effet, ils dépendent des conditions géographiques ou climatiques, du type d'organisation économique et sociale, des individus. Toutefois, il est difficile d'en dresser un inventaire qui nous renseigne sur l'existence d'un seuil de pauvreté. Un individu qui ne parvient pas à satisfaire ces besoins se trouve en état de pauvreté par rapport à la société dans laquelle il se situe. Par contre, les aspirations correspondent à une volonté de mieux être : être mieux nourri, mieux logé, davantage considéré. Ils sont parfois occultés par l'urgence des besoins obligation. En effet, lorsque la pauvreté devient misère, les aspirations ne peuvent plus se manifester. Elles sont comme cachées derrière les préoccupations devenues angoisses. Les besoins aspiration sont pour la plupart façonnés par la société. Ils dépendent en particulier de l'urbanisation, de l'industrialisation, de la tertiarisation... Les mass médias diffusent une culture d'abondance par rapport à laquelle se définissent les besoins aspiration.

Il existe ainsi une dynamique de besoin qui dans nos sociétés contemporaines et gabonaises en particulier, accorde une priorité aux besoins d'avoir par rapport aux besoins d'être. La satisfaction des besoins d'avoir passe en effet beaucoup plus automatiquement par l'intermédiaire du marché, de la demande solvable et de la production marchande. La consommation d'un bien renvoi inéluctablement à un besoin d'avoir ce bien, ce besoin ne peut être rempli que dans un marché. L'expression des besoins, vrais ou faux, les modalités de satisfaction des besoins, occupe donc une place centrale dans la dynamique socioéconomique des sociétés contemporaines. La théorie économique ne rend compte que très imparfaitement et d'une façon un peu frustrante de ces mécanismes complexes. Il nous revenait de comprendre et de situer le concept de consommation dans cadre définitionnel précis. C'est cette étape qui nous permet de distinguer la consommation dans les sociétés traditionnelles et celle-ci dans les sociétés modernes. C'est de là que nous savons que le producteur n'est pas aussi consommateur comme c'était le cas dans les sociétés traditionnelles.

2 - 3 - 2 La chasse d'autoconsommation, une habitude alimentaire

L'objectif de cette partie est de faire ressortir l'aspect culturel ou socioculturel de la chasse ou du phénomène qui fait l'objet de notre étude. La chasse d'autoconsommation ou de subsistance renvoi à la consommation du gibier. Cette chasse constitue pour l'heure la politique défendue par l'Etat gabonais.

Mais avant cela, nous dirons que dans les pays d'Afrique centrale et au Gabon en particulier, en milieu forestier, les villageois se réfèrent à une culture de chasse développée et n'ont pas intégrée de culture d'élevage. Les produit du petit élevage de case ne font pas partie de l'alimentation de tous les jours mais sont réservés pour certaines occasions (cérémonies diverses, visites de parents, etc.). La chasse y est donc une activité traditionnelle très répandue et très ancrée dans les modes de vie. Dès leur plus jeune âge, les enfants chassent autour des cases les petits oiseaux et les petits rongeurs, dans les agro forêts villageoises, à l'aide de lance- pierres, de pièges, d'arbalètes. Il se crée chez eux dès ce moment, un réflexe de chasseur qu'il sera judicieux de ne pas négliger dans l'évaluation des fondements culturels de la chasse et surtout de la consommation du gibier. Car ils chassent pour consommer la viande de brousse. Ce réflexe peut rester tout à fait inconscient mais enracine déjà le jeune enfant dans cette culture de chasse et de consommation du gibier.

De plus, nous savons tous que l'euphorie pétrolière que le Gabon a connu au cours des années 1970-1980, s'est matérialisée par la construction et/ou la reconstruction des principales villes. Nous avons donc eu des villes comme Libreville qui ont été renouvelées, modernisées. Nous avons aussi des villes minières qui ont subi les mêmes transformations, au détriment des villes considérées comme secondaires. Non seulement, il y a eu le mariage de la ville moderne, il y a eu aussi la perspective d'emplois. C'est ainsi que beaucoup de gabonais, vivant dans des régions considérées comme forestières c'est-à-dire incapable de sécréter de l'argent ou de créer des emplois, se sont rués vers les villes minières et vers la capitale politique. Ce fut le moment d'un exode rural massif, exode de populations qui sont arrivées à la recherche du travail ou une perspective d'emplois. Ces populations ont ainsi transporté avec eux leurs habitudes alimentaires. Elles ont gardé le goût de la viande de brousse. Il faut dire que c'est cette consommation qui alimente le commerce du gibier au Gabon. Le problème de la commercialisation du gibier ne se trouve pas dans la chasse abusive, ni dans la vente de la viande de brousse mais dans la consommation de cet aliment naturel et énergétique.

Nous pensons toutefois qu'une gestion rationnelle de la faune sauvage pourrait assurer une bonne partie du ravitaillement en viande des populations gabonaises d'une manière durable. La législation moderne du Gabon autorise généralement, sans formalités et sans frais, la chasse des gibiers non protégés par les méthodes traditionnelles. Mais la chasse dite « traditionnelle » ayant disparu, les armes à feu sont répandues dans les campagnes.

Le Gabon veut faire de tout un chacun, gabonais comme étranger, des potentiels chasseurs d'autoconsommation. Cette politique se heurte à de multiples complications. Les enquêtes que nous avons mené révèlent la difficulté pour les consommateurs de pratiquer eux-mêmes la chasse. Ils ont des occupations qui prennent la majorité voire la totalité de leur temps. Et ceci est valable pour les deux catégories de consommateurs que nous avons rencontré (hommes/femmes). D'aucuns ne savent pas chasser parce que ce sont des femmes, ou n'ont jamais appris à tirer à une arme à feu. Il y a d'autres qui savent tirer à une arme à feu mais n'ont pas suffisamment de temps pour cela. Nous avons même constaté que dans le genre masculin, d'aucuns ont perdu la culture du piège et une fois au village, ils achètent la viande de brousse auprès des chasseurs. Et d'autres qui prennent de leur temps pour pratiquer la chasse, aux chiens, fusil ou pièges.

A la suite de cela, nous pensons faire ressortir le rapport d'espace- temps qui ressort soit en ville ou au village. On ne chasse pas en ville par défaut de temps. Et au village, elle est possible parce qu'on a du temps libre. De ce rapport, il ressort un autre, c'est celui de village- ville. Il faut signaler qu'il s'agit d'une habitude alimentaire qui part du village pour la ville. Le village semble avoir une influence sur la ville car ces populations aiment de temps en temps s'alimenter des produits de terroir. Aussi, la réglementation concernant l'utilisation des armes à feu va renforcer cette complication. Les taxes d'abatage (parfois plus élevées que la valeur marchande de l'animal abattu) et les quotas d'abatage (les chasseurs ayant peur de les atteindre rapidement ne déclarent pas le gibier abattu). Ce genre de chasse d'autoconsommation n'est pas dangereux, dans la mesure où le gibier est uniquement destiné à la consommation du chasseur, de sa famille ou de la communauté.

2 - 3 - 3 le gibier consommé

Les populations gabonaises dépendent de la viande de brousse pour la satisfaction de leurs besoins en protéines et en vitamines, mais aussi comme source non négligeable de revenus. Les études de S. Lahm, cité par Auguste Ndouna Ango et Eléonore Ada Ntoutoume32(*), ont montré que, dans les villages gabonais, seulement un quart des produits de la chasse était réservé à la consommation des familles, le reste étant destiné à être vendu sur les marchés ou à des intermédiaires. L'auteur a aussi étudié les préférences alimentaires de ces mêmes populations pour la viande de brousse. Il semble que les animaux les plus consommés soient l'athérure, le céphalophe bleu et le potamochère qui est recherché pour sa graisse. Cependant, elles consomment d'autres mammifères comme l'éléphant, le singe ou le rat palmiste, des oiseaux, des reptiles comme le varan et le crocodile. Nous avons constaté que ces animaux abondent dans les marchés et les restaurants. Les enquêtes nous révèlent la consommation de ces mêmes animaux. Les préférences sont diverses et les raisons de ces préférences également. Les raisons évoquées sont généralement le goût, l'habitude, la richesse en vitamine, la variété alimentaire, le goût et l'habitude. Et nous constatons que cette consommation n'est pas quotidienne. Elle est périodique, occasionnelle. D'aucuns consomment la viande de brousse une à deux fois par mois ou une fois chaque deux mois. Mais à partir de ce qui arrive chaque mercredi et samedi, il est possible de soutenir que la consommation est quotidienne ou hebdomadaire. C'est possible, mais l'explication tire son essence dans le poids démographique des zones urbaines.

Nous avons ci-dessous la preuve de ce que nous avançons.

Province

Superficie km2

Population urbaine

Population rurale

totale

Densité hab./km2

Estuaire

20 740

42 7950

35 237

46 3187

22,3

Haut- Ogooué

36 547

76 378

27 923

10 4301

2,8

Moyen- Ogooué

34 193

18 726

23 590

42 316

2,3

Gounié

79 010

37 520

40 261

77 781

2,1

Nyanga

37 503

21 815

17 615

39 430

1,9

Ogooué ivindo

36 126

17 775

31 087

48 862

1,1

Ogooué lolo

36 792

19 379

24 536

43 915

1,7

Ogooué maritime

42 332

87 659

10 254

97 913

4,3

Woleu- ntem

78 124

35 054

62 177

97 271

2,5

Totale

448 564

742 296

272 680

1 014 976

3,8

Tableau 3 : Résidents par province et milieu

Source : Bureau Central du Recensement

La population totale du Gabon était au dernier recensement de 1993 de près d'un million quatorze mille neuf cent soixante seize (1 014 976) habitants. Elle présente un taux d'accroissement annuel de l'ordre de 2,5%. Le constat fait à partir du recensement général de 1993 est que les tendances constatées confirment que la population a plus que doublé en 33 ans. Les résultats de ce recensement démontrent également que la stérilité a sensiblement baissé et que l'immigration a joué un rôle important dans cet accroissement de la population.

Les campagnes se sont progressivement vidées au profit des centres urbains qui englobent plus de 70% de la population. Constituant le pilier des deux pôles de croissance économique du pays, Libreville, Port- Gentil et Franceville, à elles seules, abritent plus de la moitié (51,9%) de la population. La population rurale ne représente désormais que 3000 000 habitants environ pour plus de 260 000 km2 (soit 1,1 hab. /km2). La population qui vit dans les centres urbains représentée par un taux de 73,3% vit dans des agglomérations dont la densité frise celle que l'on observe dans les pays les plus peuplés du monde (250 à 300 hab. /km2). Les principales conséquences de ce resserrement spatial des activités économiques et des populations dans quelques pôles urbains sont une concentration des richesses, du pouvoir d'achat et des risques environnementaux et un niveau très élevé de la demande en ressources biologiques sur une fraction de plus en plus étroite du territoire. Au lieu d'être réparties de façon homogène sur le territoire, les menaces sur la faune en particulier sont concentrées et localisées.

L'autre explication, justifiant plus l'aspect occasionnel de la consommation, proviendrait des méthodes de conservation du gibier. En effet, plusieurs personnes doutant de la fraîcheur de la viande de brousse vendue dans les marchés, n'en achètent plus constamment. Dans nos enquêtes, il nous a été fait état de la méthode de conservation par formol et la méthode de conservation par submersion du gibier dans l'eau. Ce sont là des méthodes usitées par les chasseurs professionnels. Nous soulevons là un problème de santé alimentaire et indirectement celui du contrôle vétérinaire ou sanitaire des populations d'une part et des produits carnés d'autre part. Le service vétérinaire du ministère de l'agriculture et de l'élevage n'est pas équipé pour contrôler la qualité de la viande de brousse vendue sur les étalages. Il est plus orienté vers les viandes importées et la volaille. Nous voyons effectivement qu'il y a un problème de santé publique notamment alimentaire.

En somme, comprendre et expliquer la dynamique des peuples revient à étudier leur culture et surtout leur environnement. La forêt constitue le lieu par excellence où les peuples du Gabon tire l'essentiel de leurs ressources. Ces peuples dépendants pour leur survie de la chasse, étaient régis par le respect d'un ensemble de règles cynégétiques prenant la forme de règes coutumière. La chasse en tant qu'activité ancestrale et relevant d'un mode de vie traditionnel n'a jamais été une activité défendue. Elle a, au contraire, toujours permis aux générations de se renouveler. La forêt était celle d'un clan ou d'un lignage, gérée par un ancien avec le concours des ancêtres. On chassait pour la consommation. Aujourd'hui, c'est tout autre chose. Le mode de gestion a changé et le gestionnaire également. C'est tout un ensemble de lois qui définisse les règles à respecter en matière d'exploitation de la ressource faunique. Nous passons d'une société traditionnelle, avec une mode de gestion lignager de la chasse, à une société moderne avec un mode de gestion supra lignager ou étatique. La forêt appartient désormais à l'Etat. Ce dernier mettra en place des instruments pour gérer la faune contenue dans le code forestier. Dans les lignes qui suivront celles-ci nous verrons les limites de ces politiques de gestion.

* 12 Entretien réalisé, le 21/03/2005 à 15h45 avec Ondo Edou Théophile chez lui à Mont Bouet, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 13 Entretien réalisé, le 24/03/2005 à 11h12 avec Ondo Ndong Ferdinand chez lui à Mont Bouet, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 14 Entretien réalisé, le 12/03/2005 à 13h30 avec Mengue Clémentine au marché de Mont Bouet, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 15 Entretien réalisé, le 12/03/05 à 14h30 avec Chantal Bilogho au marché de Mont Bouet, par l'étudiant Georgin Mbeng Ndemezogo.

* 16 Entretien réalisé, le 17/03/2005 à 11h25 avec Evourou Didine chez elle à Likouala, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 17 Entretien réalisé, le 02/11/05 à 11h40 avec Marie Gibier dans son restaurant sise à l'avenue de Cointet, par l'étudiant Georgin Mbeng Ndemezogo

* 18 Entretien réalisé, le 14/03/2005 à 15h25 avec Idiata Jocelyn à Sotéga, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 19 Entretien réalisé, le 14/03/2005 à 18h20 avec Akome Zogho Jean à Mont Bouet, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 20 Entretien réalisé, le23/02/2005 à 9h30 avec BivingouAbdon à son bureau sise à la direction de la Faune et de la Chasse à STFO, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 21 Entretien réalisé, le 25/02/2005 à 9h30 avec Ndong Ondo Saint-Yves à son bureau sise à la direction de la Faune et de la Chasse à STFO, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 22 Wilfried Bongoatsi- Eckata, Ebwemà : «  il est allé tuer ». Le phénomène cynégétique et sa dynamique dans la société hongwe (Gabon), Libreville, uob, 2001, p96

* 23 Joseph Ambouroué Avaro, Un peuple gabonais à l'aube de la colonisation : le bas ogowe au 19 siècle, paris, Karthala- Centre de Recherches africaines, 1981, p182

* 24 Entretien réalisé le 21/03/2005 à 15h45 avec Ondo Edou Théophile chez lui à Mont- Bouet par l'étudiant Georgin Mbeng Ndemezogo

* 25 Vincent Le Beau Nézon Ndong Edzang, La dynamique des techniques de piège chez les Ntumu de Mba'a Essangui, Libreville, FLSH, 2001, p25

* 26 Serge Bahuchet, Dans la forêt d'Afrique centrale : les pygmées Aka et Baka, Paris, Peeters- Selaf, 1992, p168

* 27 J. Vansina, « Esquisse historique de l'agriculture en milieu forestier (Afrique équatoriale) » in Muntu, N°2 Libreville, CICIBA, pp5-34

* 28Ludovic Mba Ndzeng -  Les formes de gestion de l'écosystème du village Mbenga (Woleu-Ntem) ,in Revue gabonaise des sciences de l'homme : les formes traditionnelles des écosystèmes au Gabon, N°5 Libreville, PUG, 2004, p174.

* 29 Elisabeth A. Steel, Etude sur le volume et la valeur du commerce de la viande de brousse au Gabon, Libreville, WWF, 1994, pp 67-68

* 30Entretien réalisé, le 17/03/2005 à 11h25 avec Evourou Didine chez elle à Likouala, par l'étudiant Mbeng Ndemezogo Georgin

* 31 Jean- Marie Chevalier, Introduction à l'analyse économique, Paris, La découverte, p.119

* 32 Auguste Ndouna Ango, Eléonore Ada Ntoutoume, « Utilisation des produits forestiers non- ligneux (PFNL) dans le cadre de la gestion forestière durable » in Le flamboyant, Paris, Réseau International Arbres Tropicaux, n °, 2002, p38.

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