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Les organisations de soirées techno. Le loisir dans l'institutionnalisation du mouvement

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par Fabrice JALLET
Université Paris VII Denis Diderot - Master sociologie des politiques culturelles 2009
  

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IV. 2. S'accomoder de la légalité pour organiser des soirées

Même si organiser des fêtes "à l'arrache" a l'avantage d'assouplir l'organisation de soirées, de croire que ce qui se produit n'est qu'une fête entre amis, la clandestinité enferme l'organisation dans une sphère occulte. Pour décrire ce passage de la clandestinité à la légalité, il convient de se pencher sur le cas de Tromatik System, un sound system devenu une association.

Les Tromatik sont nés en 1998 à Perpignan sous forme de sound system, c'est-à-dire en groupe informel de djs possédant leur propre système d'amplification du son, d'où cette terminologie. Henri est un des djs du groupe, "Pitz" est son surnom et son pseudonyme. Il est le seul membre du groupe avec qui je me suis entretenu. Il qualifie sa découverte des soirées techno deux ans auparavant de "gros coup d'électrochoc", un moment fort qui le pousse à devenir dj. Cela rappelle le "traumatisme".

Le temps de se faire la main dans quelques bars et dans des petites soirées en groupe, les Tromatik System décident en 1999 de se lancer dans la free party. Beaucoup de lieux peuvent se prêter à ce genre d'événements dans les Pyrénées Orientales. Ils organisaient plusieurs free parties pendant l'année et un teknival en été. Ils ont même une fois collaboré en Espagne avec les Mental Resistance, ceux qui rassemblaient 1500 personnes dans l'Aude lorsque "les petites teufs" de Perpignan ne comptait que "200-300 personnes". Comme je le défendais plus haut, organiser des fêtes est de l'ordre du social, alors, lorsqu'Henri parle de l'évolution du sound system, il s'agit de l'évolution du groupe, de la sortie des uns et de l'entrée des autres. En 2001 selon lui, "il y a eu une vraie cohésion".

Au passif de Tromatik : un meurtre dans l'une de leur soirée à Corbère-les-Cabanes. Pour Henri, il s'agissait d' "une explication entre un groupe de punks et un groupe" . Un homme est blessé, un autre est mort. "Bon voilà, on a fait la une sur TF1". Mais le sound system n'a eu à subir que la perquisition de l'ordinateur sur lequel le flyer avait été conçu. Alors, le sound system a continué à organiser des soirées "illégal[es] à 100%" dans divers lieux du département jusqu'à la Franqui : "une énorme teuf, c'était vraiment la dernière teuf illégale qu'on a fait et où d'ailleurs on a eu des problèmes avec les flics". Cette soirée a marqué leur entrée dans la légalité.

En plus du sound system, Tromatik System devient une association en 2003. Henri avoue "Au départ, on faisait ça à l'arrache, même si on était une asso. Et là, de plus en plus, avec l'expérience on fait les choses carrées, avec des autorisations de débit de boissons, des contrats, tout ça ". Un changement de statut ne transforme pas les pratiques d'organisateurs. Mais cette nouvelle image leur a ouvert davantage de moyens de s'exprimer, pouvoir "occuper tous les terrains" comme Henri le décrit, c'est-à-dire organiser des soirées dans des clubs, des mas ou même dans les rues de

Perpignan à la fête de la musique. L'objectif officiel de leur association, comme beaucoup d'autres du même type est de promouvoir les musiques électroniques et les arts qui l'environnent (pour eux le graffiti) et officieusement c'est de "faire la fête, organiser des soirées et peu importe la manière... enfin, la manière : le lieu et les conditions". Pourtant, ils savent organiser une soirée "dans les règles de l'art" pour en avoir fait l'expérience.

Organiser "à l'arrache" est plus un état d'esprit des organisateurs qu'un rapport direct à la loi. C'est ce que je pense lorsque je dis que "rien n'est interdit du moment qu'on ne se fait pas prendre". J'ai utilisé volontairement l'expression "à l'arrache" employée par deux organisateurs afin de mettre en valeur leurs "expérience[s] de vie"63 (Dubet F., 1987). Cette manière d'organiser est une résistance contre la responsabilité et une esthétique artistique : on ne va pas respecter les règles imposées parce qu'elles sont justes et que leur respect signifie organiser une fête techno sans risque pour les participants et pour les organisateurs. Ces règles sont davantage perçues comme des contraintes. De plus, cette résistance est un moyen de faire la fête comme à ses débuts, ne pas se soucier de la sécurité des autres et les laisser responsables d'eux-mêmes. Après avoir exposé ce qu'organiser "à l'arrache" peut signifier, nous allons aborder l'organisation "dans les règles de l'art", une autre manière d'organiser la fête techno, une autre manière de décrire son organisation.

63 Dubet F., La Galère : Jeunes en Survie, Fayard, 1987, pp. 9 et 111.

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