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Culture et progrès chez Hegel

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par Céline Ko Tine
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise 2011
  

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DEUXIEME PARTIE :

LA CONCEPTION HEGELIENNE DE LA CULTURE ET
DU PROGRES

31

CHAPITRE I : Le progrès de la conscience

Dans le sillage de la perspective inaugurée par ses devanciers comme Condorcet et Kant sur la problématique de la culture et du progrès, Hegel décrit le processus par lequel la conscience accède á la réalité ou plutôt á la culture. Mais á la différence de ses devanciers, il introduit une nouvelle méthode qui aura un impact considérable dans la suite de la pensée philosophique. C'est ce changement de perspective et cette originalité dans sa démarche que Jean Hyppolite veut indiquer lorsque parlant de Hegel, il affirme que : « ce qui intéresse notre penseur, c'est de forger des concepts nouveaux aptes à traduire la vie historique de l'homme, son existence dans un peuple ou dans une histoire33 » En effet, Hegel s'attache dans un premier temps, á mettre en exergue les différentes étapes qui ponctuent l'ascension de la conscience á la vérité à travers l'expérience phénoménologique et dans un second temps á montrer la prééminence de la raison et son rôle dans l'évolution de l'histoire. Ainsi, c'est ce processus de culture que nous retrouvons d'ailleurs dans La phénoménologie de l'esprit et qui décrit le mode de progrès de l'esprit

Dans ce processus vers la vérité, il convient de mentionner que le sujet est dans une relation de mise en rapport avec la nature et avec soi-même. Cette relation entre le sujet et ces autres réalités permet de voir que dans l'évolution de la conscience vers son affirmation á travers les différentes étapes, il y a des moments de tensions et de ruptures dans le passage d'une étape à une autre. Il sera donc question dans cette partie de faire ressortir le processus d'évolution de la conscience á travers les différentes épisodes telles qu'elles se donnent á voir dans la phénoménologie hégélienne.

33 J. Hyppolite, Introduction à la philosophie de l'histoire de Hegel, Ed. du Seuil, 1983, p.13.

1- La dialectique de la conscience

C'est à travers le développement phénoménologique que Hegel décrit le mode par lequel le sujet accède à la vérité, à la culture. Ce processus rend compte des étapes par lesquelles le moi doit nécessairement passer à savoir la conscience, la conscience de soi et la raison avant d'atteindre la pleine réalisation de soi et devenir esprit. La manière dont la conscience acquiert sa culture ne lui est pas imposée de l'extérieur, cette compréhension est son effort propre, un travail qu'elle accomplit elle-même, ce qui revient à dire que c'est à partir de sa propre aliénation qu'elle va retrouver son véritable être. Cette odyssée de la conscience nous rappelle, à certains égards, le retour d'Ulysse, qui, après la guerre de Troie, veut retrouver son Ithaque natal, mais il est entrainé dans une errance dramatique de plus d'une dizaine d'années. Sur le chemin du retour, malgré les multiples assauts qui se sont dressés devant lui, il est parvenu tout de même à les surmonter.

Le retour dont il est ici question consiste à refaire les différentes étapes et figures déjà tracées mais en partant de son propre initiative. C'est ce meme itinéraire que Hegel va expérimenter dans la Phénoménologie de l'esprit si nous nous référons à son projet qu'il va y développer : « La vraie figure dans laquelle la vérité existe ne peut être que le système scientifique de cette vérité Collaborer à cette tâche rapprocher la philosophie de la forme de science ~ ce but atteint elle pourra déposer son nom d'amour du savoi r pour être savoir effectivement réel - c'est là ce que je me suis proposé34 » Il convient de signaler que ce projet de Hegel vise non seulement à montrer le mode de formation ou de culture de la conscience, mais aussi et surtout la manière dont la science s'est constituée. En nous focalisant sur la description phénoménologique de la conscience, nous pourrons appréhender comment l'esprit, à travers les différentes figures ou étapes, a effectué son processus de culture.

34 G.W.F. Hegel, Phénoménologie de l'esprit, Trad. de Jean Hyppolite, Paris, Aubier Montaigne, Préface, 1939, t. I, p. 8.

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Ainsi, tout comme le retour d'Ulysse dans son Ithaque natal, l'esprit va aussi connaître le même scénario dans l'expérience qu'il aura à effectuer vers son affirmation, laquelle affirmation ne signifie rien d'autre que son processus de formation ou de culture. En effet, la première phase du processus de développement coïncide avec le rapport que cette conscience entretient avec elle-même. Dans ce sens, il convient de souligner que le moi est dans une situation de conflit interne. Autrement dit, dans cette mise en rapport et du fait même de sa nature, il est dans une situation où il ne se limite qu'à l'immédiat c'est-à-dire au simple donné sensible . Il considère l'objet en face de lui comme étant le vrai parce qu'il ne s'en tient qu'à ce qui est présent. S'il en est ainsi, on peut dire alors que sa connaissance de l'objet sera, dans une certaine mesure, limitée.

Sous ce rapport, la connaissance du réel étant donc immédiate, il convient de remarquer que dans cette relation, il n'y a rien qui altère l'objet de connaissance. Nous retrouvons une telle considération de la connaissance au niveau de la certitude sensible dans laquelle le savoir de l'objet se présente sous la forme de l'ici et du maintenant En effet, le sujet ne connaît de l'objet que ce qui se donne à voir et cela implique que la vérité qui en découle ne peut être que pauvre car ne se focalisant que sur le paraître c'est-à-dire sur l'apparence. C'est ce qu'exprime Hegel en disant que « cette certitude se révèle expressément comme la plus abstraite et la plus pauvre vérité. De ce qu'elle sait elle exprime seulement ceci : il est ; et sa vérité contient seulement l'être de la chose35. » En d'autres termes, puisque la conscience ne se limite qu'à l'aspect extérieur de la chose à connaître, elle ne peut avoir qu'une vérité pauvre par rapport à cet objet de connaissance.

Dans un tel contexte, le moi se retrouve dans une situation où il est maintenu comme prisonnier ce qui fait d'ailleurs qu'il ne produit qu'un savoir immédiat. Etant donné une telle situation, il ne peut aboutir qu'à cette pauvre vérité puisque les différents aspects par lesquels la connaissance s'exprime ne changent pas, autrement dit, elles restent statiques alors que le sujet doit s'affirmer pour accéder à l'universalité. Cela signifie que dans la mesure où le sujet est dans l'immédiateté, il ne peut produire qu'une connaissance immédiate. Cette mise en rapport montre la

35 G.W.F. Hegel, Phénoménologie de l'esprit, Paris, Aubier Montaigne, 1939, t. I, p. 81.

liaison qui existe entre le sujet et l'objet. Ce qui est visé dans cette expérience ce n'est pas cette vérité de l'objet qui se donne à voir au premier regard autrement dit la simple forme de cet objet, mais la vérité telle qu'elle est en soi c'est-à-dire la vérité telle qu'elle est appréhendée à partir de l'essence même de la chose, ce que celle-ci est réellement.

En effet, pour Hegel, l'ascension de la conscience vers la réalité nécessite la négation de son immédiateté ou de son être-là. Ce renoncement à l'immédiateté met la conscience en rapport avec la nature, rapport qui va déboucher sur une situation de violence ou même de conflit dans la mesure où ces deux éléments présentent des réalités divergentes. Mais il est opportun de souligner que, c'est à partir de la rupture établie que le moi prend conscience de sa véritable réalité.

Ce premier aspect de notre analyse permet de voir que le début du processus de culture de la conscience qui tend vers son affirmation commence avec la violence en ce sens que le moi doit se démarquer de l'élément immédiat. Mais cette évolution est loin de coïncider avec la fin du processus puisque la conscience n'est qu'à son premier rapport extérieur. Dans cette mise en rapport, on voit que le sujet doit changer de situation c'est-à-dire de mode d'être pour pouvoir parvenir à la vérité. Cela signifie clairement que si la connaissance du réel change, le sujet change aussi le mode par lequel il appréhende le monde.

Ce changement de statut ne s'effectue pas sans difficulté du seul fait que la conscience doit nécessairement s'opposer à l'objet pour passer à une étape supérieure. Dans ce sens, nous pouvons voir la tâche de la phénoménologie qui consiste précisément à « conduire l'individu de son état inculte jusqu'au savoir 36», mais il convient de souligner qu'il s'agit de « considérer l'individu universel, l'esprit conscient de soi dans son processus de culture37 » Une telle considération trouve sa justification dans la description phénoménologique que Hegel a élaboré et qui nous permet de voir le processus par lequel l'individu singulier parvient à accéder à la

36 G.W.F. Hegel, Phénoménologie de l'esprit, Paris, Aubier Montaigne, 1939, t. I, p. 25.

37 G.W.F. Hegel, Op. cit., Paris, Aubier Montaigne, 1939, t. I, p. 25.

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vérité qui est l'universel. S'il en est ainsi, il apparaît alors évident que le changement s'impose pour l'accession à la réalité.

D'ailleurs, il faut mentionner que si ce changement apparaît comme une nécessité, c'est parce que contrairement à la nature qui ne change pas pour Hegel, la conscience n'est jamais en repos. En d'autres termes, la conscience est toujours en mouvement, en perpétuelle mutation et c'est cela même qui constitue sa richesse. Par-delà ce changement de statut, il est clair que cette considération permet d'appréhender le mode de progrès de la conscience qui passe d'une situation à une autre. Le passage qui s'effectue à ce niveau, faut-il le souligner, ne relève pas d'une simple contingence ou du hasard, mais bien d'une nécessité. Cela rend compte de la détermination de la conscience à accéder à la réalité.

Voilà pourquoi, chez Hegel, il y a cette nécessité à établir une rupture d'avec la nature en ce sens qu'elle place le sujet dans une espace limitée ou finie, en d'autres termes, elle ne peut aller au-delà de ce qui se donne à connaître c'est-à-dire au-delà de ses limites. Elle est incapable de dépasser le seul ordre immédiat. Une telle considération s'explique par le fait qu'il n'y a pas de formation ou plutôt de culture en tant que tel dans la nature et par conséquent, on note une absence de progrès. C'est ce qui apparaît d'ailleurs dans ces propos, Hegel affirmant que : « Dans la nature, l'espèce ne fait aucun progrès, mais dans l'Esprit, chaque changement est un progrès38. » Cela peut s'expliquer dans la mesure où, si dans la nature on ne se limite qu'au donné, c'est parce qu'elle n'est pas capable de produire autre chose que ce qu'elle a en sa possession. En ce sens, s'il y a un philosophe qui a théorisé sur l'obligation et méme la nécessité pour l'homme de quitter la nature statique où il n'y a pas de changement pour échapper donc à cette emprise, c'est bien Jean Jacques Rousseau. C'est en quittant ce stade qu'il va intégrer la culture qui signe le début de sa confrontation avec le monde mais aussi de sa véritable formation.

Dans cette même perspective, en analysant la situation sous cet angle, on se rend compte que l'homme doit se libérer de la nature. C'est seulement ainsi qu'il peut s'affirmer et faire de lui-méme ce qu'il est réellement. Nous avons vu dans la

38 G.W.F. Hegel, La raison dans l'histoire, Paris, UGE (Coll. « 10/18 »), 1965, p. 182.

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pensée Kantienne que c'est hors de la sphère naturelle que l'homme pouvait véritablement se réaliser, autrement dit, affirmer son humanité. Mais cet être, en tant que partie intégrante de la nature, est le seul capable de se départir de celle-ci par le fait qu'il dispose d'une liberté qui lui permet de l'affronter. Cela permet de voir la spécificité de l'homme de par son aptitude à transcender l'immédiat.

En effet, il y a en lui un désir constant qui le pousse sans cesse à vouloir changer le milieu dans lequel il vit, désir qui l'oblige à faire face à une adversité à laquelle il s'oppose. Cette opposition est à entendre dans le sens où il a la possibilité d'incarner la violence, c'est-à-dire de s'imposer face à la nature pour s'en démarquer. Cette considération fonde la différence qui existe entre l'homme apte à dépasser le simple donné de la nature et l'animal qui ne se contente que de se soumettre à celle-ci. Ce décalage de position ou de statut entre ces deux êtres nous autorise à mettre en exergue la détermination de l'homme à suivre le processus qui le mène vers sa réalisation ou plutôt vers sa culture.

Ainsi, si nous prenons en charge cette considération de la nature rapportée à la démarche hégélienne, il apparaît clair que la rupture de la conscience d'avec l'élément naturel s'impose comme une injonction et c'est à partir de cette rupture seulement qu'elle peut entamer sa marche vers l'universalisation. De ce fait, puisque la conscience doit s'affirmer c'est-à-dire passer du particulier à l'universel, cette rupture ou ce changement de statut fait naître une situation de conflit face à la nature.

Dans ce rapport conflictuel qui oppose le sujet à la nature, il ne s'agit pas pour les deux êtres de s'anéantir, de se détruire mutuellement. Il faut plutôt appréhender dans cette démarche, une transition c'est-à-dire, un changement de perspective qui permettra à la conscience de poursuivre sa marche. En ce qui concerne ce rapport avec l'objet extérieur, la conscience, en dépassant donc son objet, ne le supprime pas définitivement mais l'intègre dans le processus puisque c'est par la prise de conscience de sa non-vérité que celle-ci parvient progressivement au savoir vrai. C'est donc par ce processus que le sujet peut véritablement se libérer.

Cette situation permet de voir que la nature est sous la domination de la conscience et c'est ce qui va expliquer d'ailleurs son passage à une autre étape. Sous ce rapport, en passant á un stade supérieur, on peut en déduire que cette conscience qui a intégré en elle-même son objet a franchi l'étape de l'immédiateté dans le processus dialectique. Ainsi, les différentes étapes qui constituent la marche graduelle de la conscience vers son affirmation sont toutes nécessaires ce qui signifie qu'on ne peut omettre aucune des figures sous peine de brouiller la cohérence qui régit son processus.

De ce fait, chaque étape supprimée dans cette évolution est intégrée dans l'étape suivante et c'est cela qui fait, d'une certaine manière, son enrichissement. Cette dialectique de la conscience marque le début de son entrée en scène dans l'histoire. Il découle de ce constat que même si la conscience est passé de l'étape de conscience á une autre, elle ne détient pas la vérité pure en elle-même dans la mesure où elle se retrouve dans une nouvelle situation. Cette évolution ou plutôt ce progrès de la conscience est loin de connaître son épilogue.

Pour autant, cette conscience nouvelle croit détenir une vérité qui est loin de coïncider avec la réalité authentique. C'est pour montrer cette illusion de la conscience que Jean Hyppolite affirme en ces termes : « cette conscience croit posséder la connaissance la plus riche, la plus vraie et la plus déterminée, mais cette connaissance est la plus pauvre là où elle s'imagine ~tre la plus vraie, et surtout la plus indéterminée là où elle s'imagine ktre la plus déterminée39. » Pour dire la chose autrement, le fait que la conscience passe á une étape supérieure ne signifie pas qu'elle a acquis une vérité authentique. Un tel procédé trouve sa justification dans le fait qu'elle ne peut accéder à son développement véritable qu'au terme d'un long et tumultueux processus puisqu'elle doit parcourir toutes les étapes pour parvenir á la réalité.

Dans cette perspective, il convient de souligner que l'angoisse qui prévalait dans le rapport du sujet á la nature persiste en ce sens que dans son ascension vers la vérité, elle est habitée par l'inquiétude tant qu'elle n'a pas atteint son but. L'esprit est

39 J. Hyppolite, Genèse et structure de la phénoménologie de l'esprit Paris, Aubier Montaigne, 1946, p. 83.

certes entré dans une nouvelle phase de son existence, se trouve dans une nouvelle situation, mais l'enjeu ici c'est de voir que la conscience de soi va se livrer encore à une autre expérience à savoir l'expérience sur elle-même. Dans ce cas, il ne s'agit plus, comme dans la première phase du processus de rapport entre la conscience et la nature, mais plutôt d'une confrontation entre deux consciences. Cette inquiétude constante au sein d'elle-même nous permet de dire que son accession vers la réalité n'est possible, selon Hegel, qu'à partir d' « un travail dur et forcé sur soi-même40.» C'est à partir de cette considération que nous allons voir le mode par lequel le moi passe par l'altérité avant de s'affirmer.

38

40 G.W.F, Hegel, La raison dans l'histoire, Paris, UGE (Coll. « 10/18 »), 1965, p. 180.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle