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Pratiquer la psychologie clinique en institution hospitalière selon l'approche Lacanienne. Un à  un: cultiver la relation duelle pour favoriser l'expression de la singularité

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par Françoise Gady
Université Paris 8 - Master 2 professionnel psychologie clinique psychopathologie et psychothérapie 2007
  

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4.2 ECOUTE DE LA SOUFFRANCE PSYCHIQUE

La plupart des personnes que j'ai rencontrées de façon ponctuelle exprimaient un grand besoin de parler, d'être écoutées.

En quelques mois de stage, seuls deux patients ont refusé que j'assiste à leur consultation infirmière.

Les thèmes des propos des patients étaient très variés et finalement moins directement liés à la maladie elle même que je ne l'avais imaginé. L'angoisse liée à la maladie et l'angoisse de mort n'étaient pas forcément les angoisses principales : les traitements sont de nos jours très efficaces et la recherche ne cesse de progresser, les patients se disent plus rassurés ; ils manifestent de plus dans leur grande majorité une grande confiance dans l'équipe médicale de l'hôpital de jour.

Selon le stade de la maladie : découverte récente de la séropositivité, séropositivité de longue date, maladie opportuniste, certains thèmes étaient plus prégnants.

Ce qui dominait les paroles des patients était en lien avec :

> des affects de honte et de culpabilité : j'ai pu remarquer au cours des premiers entretiens que le thème des conditions de la contamination (que je n'abordais jamais moi-même) était systématiquement abordé quand la contamination était liée à une transfusion sanguine ou à l'infidélité du conjoint ; elle était par contre toujours occultée dans les autres cas ;

Les patients ont leur propre représentation de la maladie dont ils élaborent en quelque sorte une théorie profane. Les théories les plus protectrices au niveau de l'intégrité de la personne par rapport à la culpabilité sont celles fondées sur une attribution externe de la maladie 37comme le montrent les exemples ci-dessus ...

> la problématique du secret : de nombreux patients cachent leur séropositivité à leurs partenaires : ils expliquent que s'ils se séparent ensuite « tout le monde sera au courant » ; à leurs parents ; à leurs enfants ; à certains de leurs enfants et pas à d'autres...pour les personnes originaires d'Afrique, dire leur séropositivité à leur famille revient à leur annoncer un décès proche : en effet, l'Afrique qui ne bénéficie pas de traitements tels les tri-thérapies voit encore des milliers de personnes décéder rapidement et dans une déchéance physique et les africains ont une représentation particulièrement létale de cette maladie... ;

Melle A. 19 ans arrive de Côte d'Ivoire. Elle n'a pas dit à sa famille qu'elle avait été « contaminée par un copain étudiant en pharmacie ». Elle en a parlé avec lui et ils ont rompu. Elle a eu un autre copain mais « au bout de quelques mois il voulait enlever le préservatif. Moi : non !. ». « J'ai des prétendants » dit-elle avec un petit sourire mais « j'ai peur de repartir encore dans les mêmes problèmes »

De nombreux patients m'ont parlé de cette difficulté qu'ils rencontrent à confier ce secret à leur partenaire quand ils ne savent pas encore « si c'est sérieux ».

Ces affects de honte et de culpabilité et la problématique du secret ne font qu'accroître la difficulté des patients à mettre en mots et exprimer leur souffrance et permet d'expliquer l'accueil favorable qu'ils réservaient à la proposition que je leur faisais d'assister à leur consultation infirmière et leur propension à parler une fois celle-ci terminée...

37 (PEDINIELLI,2006)

De nombreux patients m'ont confié leur difficulté à venir à l'hôpital de jour avec le risque de rencontrer des personnes qu'ils connaissent. Beaucoup disent qu'ils aimeraient avoir le même suivi en ville au cabinet du médecin...

A plusieurs reprises des patients m'ont demandé s'ils pouvaient continuer à me rencontrer, si je consultai aussi en ville ? Après ma réponse négative quant au dernier point, je sentais qu'ils ne viendraient pas à l'hôpital de jour.

Pourquoi ?Par crainte d'y être vus ? Parce que l'hôpital est un lieu anxiogène pour ces patients qui lors de leurs visites médicales ont des prélèvements sanguins et sont dans l'attente de résultats d'examens biologiques ou autre ?

Peut-être serait-il préférable que le bureau de la psychologue soit dans un autre lieu ?

Mme S. pleure et explique ses difficultés relationnelles avec sa fille âgée de 17 ans qui ne sort pas, qui reste toujours à la maison et semble si triste. « Elle ne rit jamais » dit-elle, « ne me parle pas ; son seul loisir c'est d'aller sur internet ». Mme S. est en traitement pour un cancer de l'utérus et a de gros problèmes de santé actuellement. Elle a gardé secrète sa maladie. Nous terminerons cet entretien sur une question de la patiente essayant de poser des hypothèses à la tristesse de sa fille : « Peut-être qu'elle se doute de quelque chose et qu'elle a peur pour moi ? »

Cette dame dit en partant que cela lui a fait du bien de parler et qu'elle prendra rendez-vous si la situation ne s'améliore pas.

> la perte du désir (dans un contexte dépressif ou bien en raison de difficultés à utiliser le préservatif ; à pratiquer par exemple une fellation avec préservatif...

Le préservatif instaure toujours un tiers dans une relation duelle et amène à penser aux autres partenaires dans un moment qui serait le plus souvent voulu à deux... ;

> la crainte du manque de plaisir sexuel : de nombreuses personnes parlent de leur crainte de ne plus faire jouir l'autre à cause du préservatif : pour les hommes comme pour les femmes, le préservatif semblerait barrer l'accès à la jouissance...de l'autre ;

> la perte de l'insouciance;l'image d'une « épée de Damocles suspendue au dessus de la tête » est souvent revenue dans les propos...

> l'anxiété liée à l'efficacité des traitements, aux résultats des examens biologiques.

On observe aussi une forte anxiété chez les personnes qui viennent suite à un accident d'exposition sexuel ou professionnel. En effet, pour ces personne, quelle que soit la probabilité statistique chiffrée de transmission pour ce risque, le résultat attendu prend la forme du 0 ou 1 : non contaminé ou contaminé !

> la fatigue et une auto dépréciation dans un contexte anxio-dépressif. Certains patients se retrouvent isolés socialement et affectivement ce qui origine et complique à la fois leur syndrome dépressif. Certains médicaments ont aussi pour effets secondaires des trubles de l'humeur...

Beaucoup parlent d'une période sans relation amoureuse et/ou sexuelle après l'annonce de leur contamination. Ils décrivent un choc, une perte de confiance dans les autres et dans l'humanité en général. Beaucoup ont recours à des relations virtuelles moins engageantes type internet ou ont recours à des petites annonces dans des revues ciblées telles Remaides (la revue de l'association AIDES).

De nombreux patients ont aussi une souffrance psychologique probablement amplifiée par le contexte de la maladie mais qui n'en est pas toujours directement dépendante.

Certains patients contaminés depuis de nombreuses années m'ont aussi parlé de ce que leur avait paradoxalement apporté cette maladie :

> Un positionnement différent dans leur vie sous tendu par la perception d'une « urgence à vivre » et à poser des choix de vie qui aient du sens pour eux, dans lesquels ils puissent se réaliser pleinement en cultivant leur singularité au prix d'être parfois perçus d'ailleurs comme « singuliers » ...

M.G. est âgé d'une quarantaine d'années.

Il dit avoir « fait sa médecine parce qu'il était très bon élève et parce que ses copains allaient à la fac ». Il exerce mais ne se sent pas pleinement épanoui. Il se spécialise comme médecin nutritionniste : « c'était déjà mieux, je m'occupais essentiellement des régimes des femmes ».Il vit à l'époque avec un pharmacien. « Une petite vie de bourgeois bordelais » ; « on ne se cachait pas même s'il fallait rester très discret sur notre relation homosexuelle ». Il apprend sa séropositivité il y a une dizaine d'années. Ce « choc » l'amène à « reconsidérer ses choix de vie ». Il « chatte avec un ami avocat américain ». Ils correspondent plusieurs mois . « C'est La rencontre de ma vie » dit-il.

Il se sépare de son ami pharmacien, vend son cabinet.

Il vit aujourd'hui de ses rentes et des photos d'art qu'il expose. Il partage son temps entre Bordeaux et New York où il vit alors avec son nouvel ami.

Il dit à la fin de notre entretien :

« Sur ma thèse de doctorat de médecine, j'avais inscrit :

A ma grand-mère (il précise : qui m'a élevé)

A Paris

A New-York (parce que j'avais eu l'occasion d'y passer quelques jours à l'âge de 20 ans et j'avais été fasciné par cette ville)

«je ne crois pas au hasard, tout est écrit ! »

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard