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Pratiquer la psychologie clinique en institution hospitalière selon l'approche Lacanienne. Un à  un: cultiver la relation duelle pour favoriser l'expression de la singularité

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par Françoise Gady
Université Paris 8 - Master 2 professionnel psychologie clinique psychopathologie et psychothérapie 2007
  

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4.3 ELEMENTS D'UNE SITUATION D'ACCOMPAGNEMENT PSYCHOTHERAPEUTIQUE

PREMIERE RENCONTRE

J'ai rencontré M. M. en novembre à l'occasion de sa consultation infirmière.

L'infirmière le connaît bien : il est suivi depuis 2003 à l'hôpital de jour.

Cet homme de 53 ans, dessinateur industriel, homosexuel , a été diagnostiqué séropositif il y a 4 ans suite à un bilan d'asthénie.

Il bénéficie d'une tri-thérapie.

Il a développé une maladie de Kaposi dont il est actuellement traité. Les lésions du visage sont guéries et celles des jambes encore présentes.

Ce patient paraît très fatigué. Il est pourtant venu en vélo (il est vêtu d'une tenue de cycliste) et explique qu'il était très auparavant « très sportif » et que ce qu'il « fait maintenant en vélo est très peu ».

Il parle de sa fatigue et de son retentissement sur son moral.

En fin de consultation, il dit qu'il a déjà rencontré une fois un étudiant en psychologie dans le cadre d'un entretien de recherche et qu'il souhaite prendre rendez-vous avec moi « pour me faire travailler, comme étudiante »

Second entretien : décembre 2006

M.M est venu en vélo.

Il se dit fatigué et parle de ses douleurs, souvent, dans le dos.

Il m'explique qu'il est un ancien sportif (tennis, vélo),que malgré sa fatigue il fait encore des spectacles de transformisme (il se transforme en Brel ou Gainsbourg et chante leur chansons dans des spectacles).

Il me demande si je connais la chanson « ces gens là » de Brel et m'invite à l'écouter « pour comprendre... pour mes études... »

Il parle de son père, « qui avait un problème d'alcool », de « son enfance et de son adolescence volées », du sentiment d'infériorité qui ne l'a jamais quitté « quand ils n'avaient pas d'argent et qu'il était moins bien habillé que les autres ».

Il dépensait « tout l'argent dans la boisson et dans les jeux ».

Ma mère est partie une fois avec nous mais la police est venue nous rechercher. Ils ont fini par divorcer.

Aujourd'hui, son père est très malade, il a une cirrhose du foie et se trouve dans une maison de retraite médicalisée.

M.M.dit qu' il est en procès ainsi que sa mère, son frère et sa soeur pour refuser de payer les frais médicaux et d'hébergement de son père.

Il parle de son patron avec qui il avait des relations difficiles. Il est actuellement en arrêt de travail de longue durée. Il décrit des relations à type de persécution : le patron l'appelant sans cesse sur son portable pour vérifier son emploi du temps lors des nombreux déplacements que son travail nécessite ; lui demandant tard le soir de repartir sur d'autres missions...

Il voudrait reprendre son travail à mi temps mais a peur à cause de sa fatigue et de ses relations difficiles avec son patron.

Il vit seul après avoir vécu longtemps avec sa mère.

Il s'occupe de sa mère et de son neveu de 30 ans qu'il a élevé (le père de son neveu étant décédé des suites d'alcoolisme lorsque ce dernier avait 15 ans).

Ce neveu est le seul de sa famille au courant de sa pathologie VIH ;ils entretiennent de très bonnes relations.

L'entretien se termine sur sa tendance à se fatiguer en donnant beaucoup autour de lui. Il « voudrait prendre un peu plus de temps pour lui ».

En fin d'entretien, j'ai éprouvé le besoin de reformuler les grands thèmes que nous avions abordés en soulignant son courage, ses capacités de conciliation, son rôle de père.

J'ai pu noter qu'au fil de l'entretien, il s'était redressé sur sa chaise.

Durant ce premier entretien, Il n'a pas parlé de sa sexualité ni de sa contamination.

Supervision :

Mme Jammet m'a amenée à réfléchir sur le sens de la reformulation qui m'avait semblée nécessaire..

J'avais souhaité « renarcissiser »M.M ; il était probablement préférable de se priver de cela. Nous risquons de nous tromper sur ce que nous mettons en valeur car nous ne savons rien à ce moment, dans ces touts premiers entretiens...

Il est donc préférable d'éviter une revalorisation de la personne sur un mode narcissique mieux vaut-il souligner dans ce que la personne a dit, quelque chose qui semble important pour elle...

Concernant la fin de l'entretien : Selon Lacan, la coupure va être un point qui ouvre, une question laissée en suspens, en deçà de ce que la personne a à dire afin de lui permettre de continuer à cheminer entre les deux entretiens. Il s'agit de faire en sorte que l'entretien ne soit pas clos, d'arrêter avant que la personne ait eu le temps de tout dire : « vous m'avez dit beaucoup de choses »...

L' entretien pouvait donc se terminer sur le fait qu'effectivement, il y avait des choses difficiles dans sa vie...

Ceci renvoie à l'art de la scansion, de la clôture de l'entretien.

Le thérapeute a à apprendre à se taire...

Troisième entretien : janvier 2007

M.M. dit avoir hésité à venir car il est fatigué et a des problèmes familiaux.

Il me souhaite ses voeux et parle des fêtes de fin d'année, en particulier des quatre spectacles de transformisme qu'il a donné e décembre.

Je lui dit qu'il m'a mise au travail et que j'ai trouvé sur internet le texte de la chanson38 « ces gens là ».

Je lui demande ce qui le touche le plus dans cette chanson.

Sans hésiter, il dira « la vieille qui tremble et le gars que tous croient fou mais qui en fait ne l'est pas »

Il prend conscience qu'il y a de son histoire dans cette chanson.

Il évoque ses relations avec son ami et sa rupture récente sans qu'ils aient pu en parler ensemble : le 31 décembre, il s'était engagé dans une soirée pour un spectacle tandis que son ami était invité dans une autre soirée. Il dit avoir appris par des amis qu' « il a eu un comportement très profiteur : il a beaucoup dragué et en particulier l'homme du couple hétéro dont il était l'hôte pour en retirer un bénéfice professionnel » Selon M.M. , son ami cuisinier espérait ainsi pouvoir travailler dans l'entreprise de son hôte.

M.M. est jaloux : « A cette soirée, il était très « rentre dedans » alors qu'avec moi, je lui reprochais son manque de démonstration affectif ».

Il décrit cette relation qui a duré 8 mois avec un homme beaucoup plus jeune que lui et le rôle paternel qu'il a endossé.

Je l'interroge sur ce rôle paternel.

Il me dit ne pas avoir eu d'enfants pour ne pas avoir à leur faire subir un séparation de couple qu'il ne peut envisager que « triste et néfaste » comme la séparation de ses parents. Pourtant, il dit avoir pensé avoir un enfant : « j'ai beaucoup d'amis qui l'ont fait, de faire un enfant avec une femme et de se séparer ensuite ».

A plusieurs reprises, je note qu'il utilise des mécanismes de projection et d'interprétation.

38 Conférer annexe x

Il explique ses difficultés de couple présentes et passées (il a auparavant entretenu une relation avec un autre homme durant 10 ans et a rompu il y a 4 ans).Il parle fait qu'il « donne beaucoup mais ne demande pas assez ». Il trouve « trop dur de demander », il « n'y arrive pas ».

Je lui soumet l'idée que la demande de l'un , si elle est demande est aussi un don dans la mesure où elle offre à l'autre la possibilité de donner.

Il en convient avec étonnement.

Je propose de terminer l'entretien sur ce point.

Je remarque que M.M. est très soigné dans son apparence physique

Son dos est courbé sur son siège. Il a une position d'abattement et ne s'est pas redressé en fin d'entretien. Sa poignée de main est toutefois tonique.

Après cet entretien j'en viens à me demander si sa fatigue ,bien qu'elle ait des composantes physiques à prendre en compte n'est pas potentialisée par ce don de soi dont il ne perçoit pas de retour.

Se posent aussi des éléments de discussion quant à la structure psychique du patient39

Quatrième entretien : février 2007

Comme à son habitude, M.M. est venu en vélo.

L'entretien débute sur le fait qu'il est venu dans le service il y a quinze jours accompagner une amie qui avait eu une relation non protégée avec un homme (ex-toxicomane qui avait vécu une période d'incarcération) après une soirée en discothèque.

Il explique qu'elle lui avait confié le lendemain sa double crainte : être enceinte et être contaminée...Il lui avait conseillé de venir consulter trouvant le risque important et l'a accompagnée.

J'émet l'hypothèse que son amie devait être étonnée qu'il sache si bien la renseigner.

Il m'explique qu'effectivement, à part son neveu et ses partenaires, il n'en avait jamais parlé à personne pour ne pas « faire peur »

Je lui fais remarquer que si en parler fait peur, dans ce cas, il semble que cela ait eu un effet rassurant pour la personne.

Paradoxalement, sa maladie et ses connaissances médicales ont pu lui permettre de se poser en prescripteur , de quitter dans cette situation son statut de « patient ».

Au sujet de son amie, je lui fais remarquer que manifestement, ce n'est pas toujours simple de se protéger : les connaissances ne suffisent pas toujours à adopter un comportement de prévention...

Il se saisit de cette remarque pour parler alors de sa propre contamination. Son ami se savait malade et ne le lui avait pas dit. Il s'était douté de quelque chose en voyant des tâches sur la peau de son ami et a alors fait un test s'avérant positif.

39 Selon (BERGERET, 2002) : « Dans la structure névrotique, l'élément immuable demeure l'organisation du Moi autour du génital et de l'OEdipe ; le conflit se situe entre le Moi et les pulsions, le refoulement des représentations pulsionnelles domine les autres défenses ; la libido objectale se trouve en cause et le processus secondaire conserve un rôle efficace respectant la notion de réalité.

Dans la structure psychotique au contraire, un déni(et non un refoulement) porte sur toute une partie de la réalité, c'est la libido narcissique qui domine, le processus primaire qui l'emporte avec son caractère impérieux, immédiat, automatique ; l'objet est fortement désinvesti et il apparaît selon les formes cliniques, tout un éventail de défenses archaïques coûteuses pour le moi. »

Il est resté deux ans « sans relation », puis a rencontré l'ami avec lequel il vient de rompre. Ils avaient « des relations protégées » mais « ne parlaient pas de la maladie ».

Il m'explique qu'il a eu une relation depuis avec un homme qui « lui court après depuis longtemps » », plus « pour lui faire plaisir que par réelle envie »...

Du jour au lendemain, cet homme a rompu leur relation sans explications.

Je lui fais remarquer qu'il semble que cela soit la seconde fois que la relation se termine sans explications. Il le reconnaît, dit qu'il verra lus tard ; qu'il n'est pas affecté de cette dernière séparation.

Il m'explique qu'il est souvent tombé sur des « profiteurs », car il « donne beaucoup, rend service ». Il s'en est rendu compte avant que la relation ne devienne sérieuse et ils leur disait qu'ils étaient « égoïstes et profiteurs » sans jamais pour autant rien exiger ou demander concrètement.

Je lui fais remarquer que sa propension à donner fait qu'il se trouve quelque part comblé lorsqu'il rencontre des hommes qui ont une propension à prendre ou à recevoir...

Il développe alors plusieurs anecdotes où il montre comment il donne autour de lui(il répare la voiture d'un ami etc....)

Il exprime de nouveau sa difficulté à demander.

Je lui demande à quoi cela le renvoie, pourquoi est-ce si difficile ?

Il me parle alors de son enfance, des dettes de ses parents car son père fait faillite dans son entreprise de. Il doit aller à l'épicerie demander du pain et se sent régulièrement humilié par le commerçant qui lui dit (et parfois devant d'autres clients): « tu diras à tes parents de venir régler ».Il dit aussi qu'il avait « un sentiment d'infériorité » : « à Noël n'avait rien et ne savait pas quoi dire aux copains de l'école ».

Il dit que sa mère est pareille, qu'elle donne beaucoup, à ses voisins, aux gens en général.

Je repense à sa demande vis à vis de moi qui n'en a pas été une puisqu'il l'a transformée en don... « pour me faire travailler » disait-il, parce que je suis étudiante : pour participer à ma formation en quelque sorte...

Cette demande transférentielle m'amène à me questionner :

En donnant, ne déguise t'il pas une demande ? Si ce don était une demande ?Et de quoi ? Quel est son désir ?

Sa difficulté à demander peut s'expliquer aussi par le vécu douloureux, le sentiment de honte qui a entouré ses premières demandes d'enfant au commerçant.

L'entretien est dense, il a duré une heure.

Je décide de ralentir le rythme des échanges la séance prochaine et d'en limiter la durée à 45 minutes au plus pour lui laisser le temps de supporter ce qu'il a à dire...

J'ai l'impression que le patient est bien investi dans les entretiens.

Nous prenons rendez-vous pour dans un mois. Sa consultation médicale coïncidera avec cette date ; nous convenons pur des raisons organisationnelles que je le verrai avant son rendezvous médical..

Supervision :

Mme Jammet m'engage à aller voir du coté des identifications de ce patient à sa mère et à son père.

Elle me demande si nous avons parlé de son homosexualité. Dans l'homosexualité se pose aux patients la question « d'où cela leur vient » et il est intéressant d'aborder cela avec eux, de savoir quand et comment le patient a découvert son homosexualité. Ceci est rarement pris dans l'amnésie infantile. On retrouve le plus souvent une rencontre traumatique avec le sexuel, avec la jouissance.

La structure va être en quelque sorte la manière dont on rencontre le sexe.

Par exemple, si la personne st armée de la fonction phallique, il s'agira de névrose.

Si la personne a inscrit la sexualité du coté de la perversion, il y aura une dimension transgressive, cachée dont on ne doit pas parler. Il s'est agi d'une rencontre avec une jouissance sexuelle « sans les outils »...Les sujets se font alors l'objet de l'autre ou prennent l'autre comme objet.

Quel mode de réponse trouve le sujet ? On peut se repérer à partir de la fonction phallique.

Elle amène le questionnement suivant :

> Qu'est-ce qui pousse un sujet à demander et laisse supposer à l'autre qu'il a ce qu'il n'aurait pas ?

> Où est le désir de M.M. ? ; Qu'attend-il de l'autre?

> Quelles sont ses identifications imaginaires? Il semble que ce soit la mère : Qu'a t'il de commun avec son père ?

Elle me suggère de signifier au patient qu'il a parlé plusieurs fois de fatigue et de lui demander ce qu'est cette fatigue dont il parle, fatigue dans le corps ou plutôt lassitude.

Il s'agit de vérifier si cette fatigue s'inscrit dans un syndrome dépressif...

Je lui transmet ma difficulté à proposer de programmer un entretien suivant. Elle me dit avoir elle-même opté pour un « Quand est-ce que l'on se revoie ?» Le « on » étant suffisamment vague et le ton se voulant plus anodin....

Cinquième entretien : mars 2007

Je viens d'apprendre de l'équipe que M.M.a eu les résultats de son scanner qui avait été prescrit pour connaître l'étiologie des adénopathies inguinales qu'il présente depuis quelques mois.

J'hésite mais ne demande pas à connaître le résultat. En effet, je rencontre le patient dans un quart d'heure et ne souhaite pas en savoir plus que lui avant l'entretien...

Le patient arrive détendu et radieux .Je le trouve même un peu euphorique.

Il m'explique qu'il s'est fait voler son porte monnaie chez le buraliste tandis qu'il discutait avec ce dernier. Il me dit qu'il a du mal à se concentrer et fait part de problèmes d'attention et de concentration nouveaux pour lui : « je commence une action et j'oublie en cours de route où j'allais.

Il dit qu'il ne va pas si bien que cela, qu'il est anxieux et craint son résultat d'examen. Il me dit qu'il se rend compte que sa fatigue n'est pas que physique.

Il est en fin de congé de longue durée, est suivi par l'assistante sociale. Il va « passer » dit-il « en incapacité, en invalidité ». Il se rend compte que « s'il travaille, il ne gagnera pas plus de toutes façons et il pense qu'il devra travailler au noir dans la restauration chez un ami ».

Durant cette séance, il parlera longuement de son père, de sa mère et de leurs relations.

Il a toujours connu son père avec « un problème d'alcool ».Il ne sait pas quand cela a commencé (il me dit avec étonnement ne s'être jamais posé la question).

Il y a eu « une période faste quand son père et son oncle ont hérité de l'entreprise de ferronnerie du grand-père ». Les deux hommes « s'en allaient souvent des chantiers, avaient peu de rigueur dans le suivi des commandes et ont fait faillite ».

Son père a alors « pris un bar avec sa mère ». « Il faisait des tournées pour tous... ». Il valorise sa mère : « heureusement qu'il avait une femme travailleuse »

Je me demande s'il ne reprend pas ici des propos de sa mère...

Je lui demande ce qu'il pense avoir de commun avec son père. Il réfléchit longuement et dit : « de laisser au lendemain, parfois...d'être plus cool que ma mère ».

Il explique que sa mère est fâchée avec son fils aîné (le frère de M.M.) car « elle a élevé son petit-fils et que son fils le lui a repris lorsqu'il s'est remarié. Sa seconde femme est aigrie car elle ne peut pas avoir d'enfant et elle n'aime pas cet enfant » ;

Sa mère a toujours gardé des enfants qui sont en très bon terme avec la famille et « elle est appréciée de tout le quartier ».

M.M. a vécu longtemps avec sa mère. Il avait « un rôle de grand frère dit-il plus que de père vis à vis de ces enfants ».

Ensuite, il a vécu seul mais « avait la moitié de ses affaires chez sa mère, ne l'a jamais vraiment quittée ».

En fin d'entretien, au moment de fixer la date du prochain rendez-vous, je souhaite l'amener à formuler une demande et lui signifie que je le remercie beaucoup d'avoir contribué à ma formation au cours de entretiens que nous avons eu ensemble et je l'engage à me dire s'il souhaite continuer.

Il répond aussitôt « oui, je souhaite continuer encore » et ajoute un peu embarrassé : « Si vous trouvez aussi, ça dépend de vous aussi ».

Je lui répond par l'affirmative et devant ce que je perçois comme une attente, j'ajoute : « il me semble important en effet d'aborder ensemble encore quelques points qui sont peut-être douloureux pour vous , comme le rapport à votre père mais qui me paraissent importants ».

Nous fixons la prochaine date au 26 mai 2007.

Je suis allée quelques jours après consulter son dossier médical : le scanner montrait des adénopathies sans caractère de gravité mais à surveiller.

Son médecin avait noté qu'il était en bonne forme , que sa charge virale était quasiment indétectable et ses CD4 à 400.

Les infirmiers avaient transmis « est content de son suivi par la psychologue stagiaire ».

Je remarquais qu'en 2005,il était souvent noté dans les transmissions « syndrome dépressif » ; « mauvais moral » ; « triste » alors que les transmissions de ces derniers mois faisaient désormais état de « meilleur moral » ; « souriant »

Une infirmière me dira : « il va mieux, il s'est redressé ».

Sixième entretien : mai 2007

M.M. n'est pas venu.

.

J'ai émis quelques hypothèses pour tenter d'expliquer le fait qu'il ne soit pas venu au rendezvous :

> S'est-il agi d'un malentendu lié au jour du rendez-vous qui est un jour de changement d'heure ?

Je pense que ce patient très courtois aurait dans ce cas téléphoné pour s'excuser

> A t'il oublié le rendez-vous ? ( j'ai demandé aux infirmières de me prévenir s'il appelait)

> A t'il eu le désir de cesser les entretiens ?( ce qui semble en contradiction avec ses propos de la fois précédente)

> S'est-il retrouvé dans l'impossibilité de continuer les entretiens sur la voie que je lui ai proposée en fin d'entretien : à savoir, parler de son père...

En reprenant mes notes et en me souvenant de notre dernier entretien, je me suis dit que le patient avait été amené à percevoir une ambivalence de sentiments pour ses parents qu'il ne semblait pas manifester auparavant (il s'était semble t'il opéré u clivage entre « la bonne mère » et le « père défaillant ».

Cette prise de conscience a pu être particulièrement douloureuse et angoissante pour lui, qui est actuellement en procès contre son père. Le fait que je souligne le rapport au père en fin d'entretien a pu renvoyer le patient à quelque chose de structurel en référence au Nom-du-Père...

> A l'origine ce patient qui dit avoir demandé ces entretiens pour « me rendre service » en quelque sorte n'est peut-être pas dans une souffrance suffisamment importante pour justifier à ses yeux les douloureux moments d'un travail sur soi...

> Le fait que je l'ai mis en quelque sorte en demeure de formuler une demande a probablement réactivé chez lui la difficulté qu'il exprime à s'inscrire dans une demande auprès de l'autre...

Je me rend compte qu'il va être difficile pour moi d'en savoir plus.

M.M. pourra t'il exprimer les « vraies » raisons de cet arrêt ?

Lorsqu'une personne parle et tente de rationaliser, c'est le Moi qui parle ; le Je ne se manifestant qu'au travers des lapsus, actes manqués ou autres facéties de l'inconscient...

Les »vraies » raisons resteront-elles dans le domaine de son inconscient ?

J'ai vécu douloureusement cette situation qui m'a fait prendre la mesure de mon engagement, de mon « désir de bien faire » en suivant les conseils avisés de la supervision, de « guérir le patient »...et la nécessité de m'en distancier aussi en respectant et en acceptant la décision, le choix de ce patient, de ce sujet...

J'ai appris à mieux me situer par rapport à la supervision, en la considérant comme une mise en évidence de pistes nouvelles et éclairantes pour le travail du thérapeute dont il est nécessaire aussi de savoir se distancier.

M.M. avait raison : il m'a beaucoup enseignée et je l'en remercie. 5. PLURIDISCIPLINARITE et ACTIVITE EN RESEAU

Les acteurs de soin étant très nombreux, ils participent ainsi que la psychologue à des réunions mensuelles de service où les difficultés d'organisation sont abordées et où des pistes d'amélioration sont réfléchies en équipe.

Une des difficultés de la multiplication du nombre des médecins en particulier est de permettre à chacun d'exercer son art tout en s'inscrivant dans une pratique thérapeutique consensuelle. Des repas ont lieu chaque mois permettant aux médecins de se connaître et d'échanger autour de situations de patients qui leur ont posé problème.

Les pratiques s'appuient sur un rapport consensuel d'experts (YENI, 2006) dont M. Morlat a participé à l'élaboration.

La pluridisciplinarité s'exerce aussi de façon plus informelle : de nombreux échanges ont lieu dans le bureau médico-infirmier.

Le réseau permet aussi aux différents acteurs de soin de se retrouver.

Dés 2001, le ministre délégué à la santé met en place le plan VIH SIDA. « c'est un plan global au sens où il prend en compte l'ensemble de la chaîne de cette infection , savoir mieux prévenir ,mieux dépister ,mieux prendre en charge , mieux accompagner ».

Il conforte la place et la reconnaissance du milieu associatif et la nécessité d'une collaboration entre tous les intervenants : « Pour cela, il faut aussi une chaîne de solidarité, depuis les pouvoirs publics jusqu'aux malades et leurs familles, avec la mobilisation indispensable des établissements de soins et des professionnels de santé et l'appui des associations d'usagers et de malades ».

Il existe une fédération aquitaine des réseaux qui se compose de nombreuses associations :

· VIH Réseau Gironde ;

· GAPS(Groupe d'Aide Psychologique et Sociale) ;

· PEP'S Mission Locale Sud Gironde ;

· RESAIDA ;

· Réseau Agir 33...

Les deux premières associations agissent en particulier en partenariat étroit avec les acteurs de soins de l'hôpital de jour.

Créé en 1994, le Réseau Gironde Ville Hôpital est une association de professionnels de la Ville et de l'Hôpital: médecins généralistes, spécialistes, infirmiers, psychologues, travailleurs sociaux...concernés par la prise en charge du patient VIH.

Cette association a pour objet d'améliorer la prise en charge globale des patients infectés par le VIH en cherchant à optimiser la qualité des interventions des différents acteurs de proximité et à favoriser leur coordination.

Dans cet objectif, l'association a mis en place un certain nombre d'actions(exemple : édition et diffusion de plaquettes informatives), formations (exemple : partenariat avec des Instituts de Formation en Soins Infirmiers dans la formation et la réalisation de projets de santé publique menés par des étudiants infirmiers), commissions permettant de répondre à des problèmes émergeant, l'observance par exemple pour laquelle le réseau met en place un dispositif de coordination des professionnels autour du patient atteint du VIH.

L'association (loi de 1901) a un budget qui lui permet d'indemniser le professionnels sous forme d'honoraires pour un temps de coordination (au domicile ou dans un autre lieu)auprès de patient infectés par le VIH40.

Le GAPS est une association (loi de 1901) qui intervient depuis 1988 dans le domaine du SIDA en Gironde.

Elle réunit 6 professionnels dont une psychologue à mi-temps : Mme Peyrucq et un psychiatre à mi-temps, le Docteur Vermande qui interviennent auprès des patients de l'hôpital de jour.

40 Montant de l'Indemnisation en 2007 : 62 euros pour les médecins

32 euros pour les para-médicaux

Cette association propose un accompagnement pluridisciplinaire, multiforme aux personnes qui lui sont présentées, séropositives, entrées ou non en phase de maladie, ainsi que leur entourage : conjoints, enfants ou parents. Elle accompagne aussi des personnes en attente de résultats de tests, qu'il s'agisse d'accidents d'exposition sexuels ou professionnels.

L'accompagnement s'organise à partir d'une demande exprimée, des besoins identifiés.

Une même personne pourra ainsi engager un travail thérapeutique avec le médecin psychiatre ou la psychologue, identifier auprès de l'assistante sociale les dispositifs sur lesquels elle pourra s'appuyer pour faire évoluer sa situation sociale ou administrative et bénéficier d'un accompagnement éducatif pour concrétiser ses démarches dans le domaine du logement, des loisirs, de la formation, des loisirs ou de travail.

L'accompagnement « prend son sens dans le cheminement à effectuer en commun plus que dans la concrétisation d'un objectif défini par le travailleur social, aussi clairvoyant soit-il ». Une des caractéristiques parmi les 586 personnes suivies cette année par le GAPS est une grande précarité où la misère affective, l'isolement social, la souffrance psychique prégnante se côtoient...

Dans ce contexte de traumatismes, blessures répétées, cassures, ruptures, pertes de confiance, de contrôle, pertes à répétition, morts violentes, alcoolisme et autres refuges, le VIH n'est que rarement la cause des difficultés.

Il est un élément parmi tant d'autres parfois à peine identifié.

L'accompagnement est global et la rencontre initiée avec la personne autour de la maladie se poursuit souvent hors hôpital, au domicile ou auprès des partenaires sollicités.

Pour cette raison, il arrive souvent que certains patients du Professeur Morlat adressés à Mme Jammet soit confiées à Mme Peyrucq (psychologue du GAPS qui prend en charge d'ordinaire les patients de Mme Longie-Boursier) .Cette souplesse institutionnelle permet à ces patient de s'inscrire dans le cadre d'une prise en charge globale plus adaptée à sa situation.

Les personnes étrangères constituent 30% des personnes accueillies par le GAPS avec une majorité de femmes originaire d'Afrique et d'Afrique noire.

Ces femmes en grande précarité sont en situation d'exclusion sociale : le fait qu'elles ne puissent pas bénéficier de traitement dans leur pays d'origine leur permet d'accéder à un titre de séjour mais son délai de un an renforce leur sentiment d'insécurité et d'angoisse et l'absence de droits notamment en terme de prestations sociales...

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle