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Les femmes criminelles dans le film noir américain de 1940 à  1960

( Télécharger le fichier original )
par Fanny Pira
Université Sciences Humaines et Arts de Poitiers - Master histoire contemporaine 2007
  

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2) La place des émotions.

« La femme dans le film noir est associé à la ville. Si l'ambition sociale de l'homme s'épanouit dans la cité, son désir sexuel rencontre la séductrice, fantasme misogyne où le mâle projette ses peurs ses instincts agressifs. (...) L'homme est faible et la femme peut se révéler forte, résistante et prête à tout. (...) Mais il y a surtout les prédatrices, ces mantes religieuses qui attirent irrésistiblement l'homme car, dans l'univers du film noir, l'expression de la sexualité est incompatible avec l'institution du mariage. »93

Comme il a été vu précédemment, le Code Hays impose un caractère « correct » aux

films de cette période, ce qui produit un effet non négligeable sur les personnages des films noirs :

« Ainsi, à force de vouloir effacer par tous les moyens la nécessité du sexe, Hollywood en arrive à un tel stade de refoulement que ses personnages peuvent se pervertir de manière tantôt amusante, tantôt étrange, voire parfois criminelle. »94

Michel Cieutat se pose d'ailleurs la question :

« Une telle occultation de l'amour physique soulève un double problème. D'une part, la sexualité gêne et l'amour doit demeurer pur. De l'autre, la famille est sacro-sainte et l'enfant est roi. Comment alors passer des sentiments les plus innocents à la procréation sans choquer les auto-censeurs d'Hollywood et le public américain ? En d'autres termes, comment concilier l'amour et la vie familiale sans passer par l'accouplement ? »95

Seulement, qui dit tabou et interdit, dit aussi curiosité et intérêt.

Le public américain de l'époque, et sans doute le public masculin en particulier, est attiré par cette vision, cette représentation du sexe.

« Nous voyons se manifester ici ce que nous appellerons l'effet cumulatif : la reprise d'un personnage, d'un sujet, d'une situation, loin de fatiguer les spectateurs, produit chez eux un phénomène d'accoutumance. »96

93 Michel Ciment, Le crime à l'écran, Une histoire de l'Amérique, op. Cit, pp. 89-90.

94 Michel Cieutat, Les grands thèmes du cinéma américain, Tome 2 : Ambivalence et croyances, op. Cit, p. 109.

95 Ibid, p. 104.

96 Pierre Solin, Sociologie du cinema, ouverture pour l'histoire de demain, Paris, Edition Aubier Montaigne, 1977, 317 p, p. 125.

Selon Raymond Borde et Etienne Chaumeton,

« La clientele américaine semble fort sensible à l'érotisme du « thriller ». En fait il s'agit le plus souvent d'un érotisme voilé - ou d'un érotisme du voile, si l'on préfère - bien assorti à l'ambiguïté « noire ». Mais ici les sous-entendus tiennent au puritanisme du Code Hays, dont la rigueur pose aux hommes d'Hollywood de véritables cases-têtes. Dans le film noir, on s'efforce de créer une atmosphere de sexualité latente, floue et polymorphe, que chacun pourra, un peu comme dans les tests projectifs, peupler de ses désirs et « structurer » à sa guise. Un amateur français - car la formule a aussi ses connaisseurs hors d'Amérique - écrivait à ce propos : « Il y a une science de la dissimulation de la chair et des retombées des plis d'une robe, plus évocatrice que les plus troublants déshabillés » ; c'est là le « suprême raffinement de l'érotisme qui ne dit pas son nom ... (car il) se désincarne totalement pour se réduire aux lignes savamment calculées de toilettes qui tirent toute leur impudicité de leur rigueur et de leur discrétion ». 97

Noël Simsolo voit l'apparition de la sexualité par :

« L'invasion du nouveau naturalisme inaugure aussi une insistance sur le charnel. Le corps féminin devient la matière essentielle des films du « cycle noir ». La sexualité y est désignée comme dynamique essentielle des comportements, mais elle ne peut pas être montrée avec sophistication ou glamour. Pour s'imposer dans la part réaliste de cette mouvance, il faut que la femme sensuelle paraisse accessible à chacun. »98

La femme est synonyme de plaisir sexuel pour l'homme.

« Pour bien des amateurs, il n'y a pas de film noir sans femme fatale. La silhouette d'une superbe créature était depuis toujours une des constantes de la publicité cinématographique, mais, avec le film policier, c'est une créature sombre et dangereuse qui se manifesta pour la première fois. La femme de mauvaise vie occupa la première place pour mieux tenter le héros en péril. Pour quelques plaisirs charnels, les hommes étaient prêts à risquer jusqu'à leur vie. Les affichistes du monde entier s'empressèrent de relever le défi et de rendre le côté provoquant de cette nouvelle image de la sexualité féminine. Les affiches montrèrent des femmes pleinement conscience de leur pouvoir envoûtant. Leurs yeux insolents regardaient

97 Pierre Duvillars, L'érotisme au cinéma, p. 67, in Raymond Borde, Etienne Chaumeton, Panorama du film noir américain (1941-1953), op. Cit p. 183.

98 Noël Simsolo, Le Film Noir, Vrais et faux cauchemars, op. Cit p. 232.

droit devant, vers le spectateur, ou se baissaient sur l'individu trop crédule qu'elles avaient pris dans leur toile. »99

Cependant, pour Nöel Simsolo, certains films comme Niagara ne sont plus des films noirs, tellement ils poussent au paroxysme l'impact et la représentation sexuelle de la femme :

« Pendant les années cinquante, les studios inventent de nouveaux sex-symbols et les expérimentent dans le film noir. Ainsi, Marilyn Monroe (...) devient une star avec Niagara (1953) d'Henry Hathaway.

Ce thriller utilise des themes et des effets de style typiques du film noir. (...) Cela donne un film où la surprise ne vient ni des méandres du récit ni de la mise en scène, mais de la beauté des paysages (souvent en transparence) et du relief intéressant des corps féminins. Car deux formes d'érotisme s'y rencontrent au fil d'un scénario affligeant basé sur l'adultère, le crime passionnel, la vengeance et le parallèle entre un couple sain et un couple névrotique. La beauté et le talent de Jean Peters, comme le jeu sobre de Joseph Cotten effacent en partie les défauts d'un film manufacturé au millimetre. Quant à Marilyn Monroe, elle y est utilisée en objet érotique à la limite du kitsch et ce rôle de composition l'installe dans des postures qui feront sa gloire pour le meilleur (Hawks, Wilder, Preminger) et, souvent, pour le pire. Le problème est que la mise en scène de cette bombe sexuelle fausse l'ingrédient du film noir, puisque le couple Monroe/Cotten en est aussi improbable que l'est celui de Jean Peters et son benêt de mari.

Niagara illustre parfaitement l'incompatibilité entre le naturalisme noir et le prototype ravageur du sex-symbol. »100

Les femmes criminelles font songer aux sirènes d'Ulysse, dont l'attraction était si forte qu'elles faisaient oublier un instant leur dangerosité.

Le champ lexical pour définir les femmes criminelles est assez impressionnant : fascinantes, irrésistibles, exécrables, attirantes et repoussantes à la fois, mystérieuses, irréelles, vénales, vamps, manipulatrices, provocantes, ~

Les hommes (qu'ils soient spectateurs, réalisateurs, acteurs) sont partagés entre attraction et répulsion, désir et angoisse, admiration et jalousie.

Les femmes apparaissent comme des tentatrices toujours plus persuasives. Mais n'est-ce pas parce que les hommes se sentent faibles et incapables de résister ?

Ils ont le sentiment qu'elles se rendent irrésistibles par des artifices mystérieux, et purement féminin (des toilettes toujours parfaites, classiques ou affriolantes ; des morceaux de peau à peine visibles ou au contraire presque offerts ; des façons de regarder ou justement de détourner le regard ; l'apitoiement et la façon de se rendre désirable, la suggestion d'un besoin de protection, ou bien d'être sauvée.), alors que ce sont eux qui au final se précipitent la tête la premiere dans les pièges qu'elles leur tendent.

Par exemple, dans Un si doux visage, Robert Mitchum, même s'il aime une autre femme, est tellement subjugué par la beauté de Joan Simmons qu'il y trouvera la mort. Raymond Borde et Etienne Chaumeton en parlant de ce film :

« Petit ange têtu et pervers, aux yeux obstinément ouverts sur son secret, Jean Simmons semble échappée de quelque toile de Leonor Fini. Robert Mitchum a fort bien traduit le masochisme clairvoyant de l'homme fort et blasé. Il met beaucoup d'inconsciente bonne volonté à mourir avec son amante, à jamais attiré par « ce pouvoir de vie ou de mort dont dispose un visage ».101

Ils rajoutent également :

« Dans sa façon de jouer avec la censure officielle, cet érotisme rappelle l'élaboration du rêve selon Freud : au lieu de monter les réalités interdites, on introduit des éléments neutres en apparence, mais qui les évoqueront, par association ou symbolisme. Ainsi la danse est une transposition immémoriale de l'acte sexuel lui-même ; mais le « thriller » a su quelque fois employer avec finesse cette allégorie usée. (...) les ornements délirants dont Ona Munson (Mother Gin Sling) pare sa chevelure dans Shanghai ; le bracelet à la cheville de Barbara Stanwyck dans Assurance sur la mort. Les épisodes sado-masochistes, bien accordés au sujet même du film noir, se prêtaient particulièrement à cette technique d'allusion. Dans l'association plaisir-violence, l'exhibition du deuxième terme vaudra parfois comme substitut du premier, dont quelques détails sous-entendront la présence. »102

Dans La dame de Shanghai, Orson Welles explique des le début du film qu'il aurait se méfier, mais qu'il n'a pas pu résister. « L'amour rend idiot » dit-il.

Noël Simsolo explique à propos de La dame de Shanghai :

« (...) Welles construit une machine qui s'affole sans cesse autour d'une histoire compliquée
de faux meurtres et de vrais cadavres. Décolorée en blonde oxygénée, Rita Hayworth règne en

101 Raymond Borde, Etienne Chaumeton, Panorama du film noir américain (1941-1953), op. Cit p. 133.

102 Ibidem.

reine des abeilles dans cette ruche cacophonique où chacun transpire, ment, gesticule comme une marionnette du théâtre italien ou se déplace à la façon des reptiles, des sauriens ou des poissons prédateurs.

Virtuose, visionnaire et elliptique, Welles déconstruit la narration et ne traite en fait que la destruction de l'icône sexuelle Rita Hayworth avec laquelle il est marié dans la vie, mais en instance de divorce.

Il brise donc les miroirs qui la reflètent à l'infini dans une scene devenue mythique et mettant à bas sa légende. La réalité de cet holocauste survient dans l'autodafé d'artifices de la séquence des glaces qui écrase la panoplie du film noir pour lui redonner une existence fantasmatique. Rita Hayworth est donc sublimée, puis massacrée dans cette oeuvre à l'extravagante modernité. »103

« L'inspiration masochiste a été sans doute à l'origine du theme de la criminelle blonde (Lana Turner, Peggy Cummins, Barbara Stanwyck) et de la Femme-Vampire (Lauren Bacall). Parfois on devine des situations sexuelles anormales, ou à la limite de l'anomalie. »104

103 Noël Simsolo, Le Film Noir, Vrais et faux cauchemars, op. Cit p. 268.

104 Raymond Borde, Etienne Chaumeton, Panorama du film noir américain (1941-1953), op. Cit p. 183.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore