WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

VIH/sida: défi au développement de l'Afrique. Une étude de l'impact économique et social de la pandémie au Rwanda

( Télécharger le fichier original )
par Michel Segatagara KAMANZI
Université pontificale grégorienne - Licence en sciences sociales 2003
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2.3.3. Politique économique et fiscale

Après avoir mis en lumière la priorité que constitue l'épidémie du VIH/SIDA pour les choix des dépenses publiques, nous voudrions maintenant faire quelques considérations générales à propos de l'orientation que prend la politique économique et fiscale actuelle du pays.

Comme nous l'avons déjà fait remarquer précédemment et nous le verrons de manière plus explicite dans le point suivant, le Rwanda dépend en grande partie pour ses dépenses publiques, des prêts et de l'aide extérieure ; cette situation de dépendance financière fait que le Rwanda, déjà fortement endetté comme la plupart des pays en voie de développement, doit souvent recourir au FMI et à la Banque Mondiale pour financer son activité économique et assurer ses différents investissements. Cette situation de dépendance financière rend le Rwanda pratiquement esclave des conditions des prêts imposés par ces organismes financiers internationaux qui exigent, en contre partie, une

128 Cf. Interview à ZACKIE ACHMAT, «En Afrique du Sud, on a encore rien vu de l'épidémie du SIDA», in Courrier International, 7 février 2003. Disponible sur Internet: < http://www.courrierinternational.com/interview/avec/Achmat.htm>

série des mesures de rigueur financière dites « politiques d'ajustement structurel ». Ces mesures, supposées redresser les économies des pays en voie de développement, exigent, entre autres, la diminution des dépenses sociales, la diminution des salaires, la diminution des transferts du gouvernement pour les populations défavorisées, la diminution des subventions, la privatisation des entreprises publiques, l'augmentation des taxes sur la consommation, etc.

Au Rwanda, on est en train d'assister à la mise en oeuvre de ces politiques de libéralisation qui signifient en résumé : faible intervention de l'État et libre marché. Cela se constate particulièrement avec la vague des privatisations et la forte augmentation des impôts. Elsa Assidon, économiste du développement, constatait avec raison que « plus faible est le pouvoir de négociation de l'État demandeur, plus le Fonds et la Banque imposent le tout marché. On assiste ainsi au recul de l'État providence dans les pays débiteurs129. » Cela risque d'arriver au Rwanda, tandis que les défis sociaux sont nombreux et ne cessent d'augmenter, notamment avec l'épidémie du VIH/SIDA et les conséquences du génocide de 1994.

La politique fiscale expansive que le gouvernement exerce actuellement, à travers l'office Rwandais de Recettes (Rwanda Revenue Authority), nous laisse particulièrement perplexe. Le lourd fardeau des impôts, que la population doit aujourd'hui supporter, risque à moyen terme d'asphyxier les petites et moyennes entreprises et d'anéantir le secteur privé qui est pourtant encouragé par les mêmes institutions financières. Cette situation risque aussi à la longue d'exaspérer la population et la pousser à la révolte, comme cela est arrivé récemment en Bolivie130. Malgré que l'imposition fiscale soit progressive, c'est-àdire que son taux augmente avec le revenu et les recettes obtenues, elle demeure très élevée. La TVA (taxe à la valeur ajoutée)131 a atteint 18% et l'impôt sur le revenu (IR)132

129 E.ASSIDON, Les théories économiques du développement, La découverte, Paris, 2000, p. 68. Ici il s'agit bien entendu du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale.

130 Cf. «Bolivia» in L'Osservatore Romano, Sabato 15 Febbraio 2003, p. 2.

131 La TVA, Taxe à la valeur ajoutée, est un impôt sur la consommation dont le principe consiste à taxer un produit sur la valeur qui lui est ajoutée par les entreprises qui participent aux différentes étapes de sa production, et à faire payer son montant par le consommateur.

132 L'impôt sur le revenu (IR) est l'impôt dont l'assiette est constituée par le revenu des personnes physiques ou des entreprises constituées sous forme de société. L'IR s'applique non seulement aux salaires, mais à toutes les catégories de revenus perçus par le foyer fiscal : bénéfices industriels et commerciaux, revenus financiers, loyers, etc.

est de 35% sur les bénéfices réalisés au cours de l'année133. Cette politique est d'autant plus austere et controversée qu'elle s'applique aussi aux activités qui ne tiennent pas une rigoureuse comptabilité et à certaines activités de l'économie informelle ; ces dernières se voient taxées un montant forfaitaire qui ne tient pas compte de leur faible chiffre d'affaire. Nous estimons donc qu'une population pauvre comme celle du Rwanda ne peut, à moyen terme, soutenir cette imposition fiscale, encore moins dans un contexte pandémique du VIH/SIDA.

En ce qui concerne la politique économique de privatisation des entreprises nationales, nous estimons, tout en reconnaissant les bénéfices de celle-ci, notamment pour les caisses de l'État et le progrès des entreprises à travers l'innovation technologique, qu'elle risque de davantage marginaliser les milieux ruraux et aggraver le phénomène de l'exode rural. Cette situation est prévisible car, par souci d'efficience économique, les entreprises devenues privées investiront difficilement dans ces milieux ruraux, à moins qu'ils n'y trouvent une demande et des marchés alléchants qui peuvent leur permettre de réaliser des profits. Et pourtant ce sont ces milieux qui ont le plus besoin d'investissements notamment en infrastructures de base comme l'eau, l'électricité, le transport et la communication, infrastructures qui y font sérieusement défaut. Nous pensons que seul l'État, qui a une vision globale de la réalité nationale et les moyens de faire des gros investissements, peut, tout en impliquant de manière opportune le secteur privé, assurer la satisfaction des besoins d'intérêt public, comme ceux énumérés plus-haut. En se référant à Keynes, Joseph Stiglitz, ancien vice-président de la Banque mondiale et prix Nobel de l'économie 2001, a d'ailleurs affirmé que le marché est irrationnel et que « si la faiblesse du marché des capitaux est une des différences majeures entre pays en développement et pays développés, il n'a jamais cru que la libéralisation financière pouvait en venir à bout134. » En d'autres mots, il n'y a pas de main invisible qui tienne et qui puisse sans le vouloir, programmer et travailler à l'intérêt de la société, comme pensaient Adam Smith et les économistes classiques. Sans pour autant devenir Keynésien, même si cela serait opportun dans une situation de crise comme celle de la pandémie SIDA, nous sommes d'avis que l'État doit continuer à intervenir dans l'économie pour orienter les choix et constituer un « garde-fou » au libre marché.

133 Cf. informations de l' Office Rwandais des Recettes (Rwanda Revenue Authority), disponible sur Internet : < http://www.rra.gov.rw/informations_generales.htm>.

134 Cf. E.ASSIDON, Les théories économiques du développement, La découverte, Paris, 2000, pp. 84 et 86.

Nous estimons, en définitive, qu'il ne faut pas, dans le contexte de l'épidémie du VIH/SIDA et celui d'après génocide, laisser les choix des investissements nationaux aux mains des privés, même s'ils peuvent être plus efficients et plus efficaces dans la gestion des entreprises et la maximisation des profits, car ils ne sont pas, en général, mus par l'intérêt général de la société . Il faudra certainement promouvoir l'efficience dans l'économie, en rendant les marchés plus efficaces et en diminuant les coûts de production, comme le suggèrent les politiques d'ajustement structurel du FMI, mais plus encore, et cela est plus important à nos yeux, veiller à maximiser aussi les profits sociaux en investissant pour le bien commun ; et ceci est en premier lieu le rôle de l'État.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery