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L'émancipation familiale face aux institutions: des pères séparés dans l'impasse

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par Catherine Azémar
Conservatoire des arts et métiers Paris - Master de recherche: sciences du travail et de la société 2009
  

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CHAPITRE 3 Problématique de l'égalité dans la famille : entre modernité et tradition

A partir de l'avènement de l'individualisme, sur lequel De Singly centre la problématisation des enjeux posés par la famille, c'est la problématique de la filiation qui est relevée par I.Théry, et celle de la reproduction des inégalités par Ulrich Beck, idées qui seront reprises par d'autres auteurs que sont Commailles et Martin.

Ces différents auteurs apportent un éclairage sur la nature et les enjeux des obstacles à la mise en place d'une égalité des sexes dans la famille. Il s'agit là autant d'approches sociologiques qui vont me permettre de mettre en évidence différents éléments que je vais pouvoir dégager autour des trois thèmes suivants :

- La désarticulation entre conjugalité et filiation et le processus d'individualisation

- L'intériorisation de la division sexuelle des rôles parentaux

- Les contradictions entre une Institution inégalitaire et la tendance émancipatrice de la cellule familiale

3.1. Désarticulation entre conjugalité et filiation, et processus d'individualisation

A contre courant d'un mouvement traditionnaliste issu de Le Play qui défend la stabilité sociale par la famille souche, des théories sociologiques sur la famille apparaissent, mises en lien avec la montée de l'individualisme. Partant de là, des auteurs comme Commailles et Martin exposent leurs points de vue autour de la problématique des inégalités en sociologie de la famille.( Commailles, Martin, 1998). Quant à la sociologue Irène Théry, elle fonde son raisonnement sur la problématique du phénomène de désinstitutionalisation ; Ce qui s'illustre autour de la question du père quand l'auteur pose la question de la façon suivante : « comment le père est il institué hors du mariage ? ».

La problématique de la filiation

Elle souligne le phénomène, inquiétant à ses yeux, de désinstitutionalisation de la famille (Théry, 1996). La famille moderne étant appréhendée selon l'auteur comme le produit de l'individualisation démocratique, la crise de l'institution familiale contemporaine conduit à une nouvelle définition de la famille relationnelle, qui évacue la spécificité du groupe familial en tant qu'institution4(*). L'auteur considère la famille comme l'institution qui articule la différence des sexes et la différence des générations. Le mariage avec le principe d'indissolubilité, explique l'auteur, soumet la conjugalité à la filiation et suppose une hiérarchie des sexes. Ce qu'il faut voir dans la « crise de la famille », nous dit elle, c'est une volonté d'émancipation de cette hiérarchie des sexes, inscrite dans l'institution matrimoniale. On assiste donc à l'apparition d'un nouveau lien conjugal contractuel, électif et temporel, le lien de filiation venant occuper cette place vacante du lien indissoluble (l'amour inconditionnel pour l'enfant) ; d'où la coexistence conflictuelle entre ces deux liens. Pour l'auteur cependant, il manque des repères solides aux individus, livrés à eux mêmes, « désaffiliés »5(*), pour énoncer le principe d'indissolubilité du lien parent/ enfant. De ce fait alors, explique-t-elle, c'est dans les situations de rupture du couple qu'éclatent les conséquences de cette désarticulation entre conjugalité et filiation. Ainsi cette distanciation entre les deux liens conjugalité et filiation, tout en étant une conséquence de la démocratisation de la famille, conduit à des situations d'inégalités dans l'exercice de la parentalité, car comme le souligne I.Théry : « Rien ne prévoit dit elle, la situation où deux personnes sont deux parents sans être un couple »

Pour cette sociologue, ce n'est pas la disparition de l'institution familiale basée sur le mariage qui est à déplorer, car celle ci témoigne non pas d'un comportement individualiste, mais d'une volonté d'émancipation de la hiérarchie des sexes. Et la démocratisation de la sphère privée vers plus d'égalité, réinterroge l'évidence de la relation entre alliance et filiation établie par l'institution matrimoniale. Mais ce qui fait problème estime l'auteur, tient au fait que l'émancipation de l'individu se déroule en dehors de tout cadre normatif, soulignant par là une crise de la dimension généalogique ; sans compter la fréquence d'un délitement des trois composantes indissociables de la filiation, qu'elle nomme biologique, domestique et généalogique. Elle déplore ainsi la crise de l'institution de la filiation qui contraint les individus à se prendre en charge, à négocier eux même l'univers symbolique de la parenté. (Mais se serait ce pas là d'ailleurs le prix à payer de l'émancipation ?). Elle identifie de la sorte la crise de la famille comme une crise de la filiation, pour laquelle manque un cadre institutionnel de référence. Partant de ce point de vue, on peut ainsi conclure que cette dissociation entre conjugalité et filiation, inscrite dans un mouvement de démocratisation au niveau de la sphère privée, ne conduit pas à l'effet escompté de plus d'égalité. Car la dimension généalogique n'étant pas cadrée par l'Institution pour accompagner ce processus d'émancipation, les couples se trouvent désorientés, la famille incertaine. D'où la recherche de repères, dans les situations fréquentes de conflits, vers un schéma traditionnel de différenciation sexuelle des rôles, soutenu, dans les cas de séparation conjugale, par l'institution juridique.

Reproduction d'une dynamique d'individualisation

Dans une nouvelle configuration familiale de nos sociétés modernes, qui est celle d'une disjonction entre conjugalité et parentalité, on observe en effet, nous dit cette fois U. Beck, une augmentation des divorces dans tous les pays occidentaux (Beck, 1986) - On peut par ailleurs supposer une augmentation identique des séparations survenues dans les couples non mariés, même si aucune statistique n'existe sur ce point alors que le nombre croissant des unions libres soit une réalité -. Cet auteur, en s'attachant au problème de la reproduction des inégalités, note bien une dissolution et une différenciation des éléments de la vie et de comportements qui étaient réunis dans la famille et dans le couple. « La dynamique d'individualisation qui a détaché l'homme des cultures de classe, se poursuit au niveau de la famille ». « Les femmes, dans les années soixante, soixante dix, deviennent les instigatrices des transformations observées dans la sphère privée. Des transformations qui en ouvrant une perspective d'égalisation dans la famille, ont pu entraîner l'effondrement d'un des piliers de la société industrielle, à savoir, la famille nucléaire, et rendre illégitimes les assignations de rôles suivant le genre. Cependant, confrontés au principe nouveau d'une nécessaire distance entre l'identité de la personne et l'identité masculine ou féminine imposée, les gens se retrouvent face à un abîme » (Beck, 1986).

L'auteur développe l'idée d'une interaction entre construction de la démocratisation politique et démocratisation de la sphère privée. Ainsi transposé à la famille, l'avènement de l'individualisme signifierait que celle ci n'existerait plus comme institution mais à partir des individus qui la composent. L'existence de la famille ne dépendrait plus que des aspirations et des choix des individus eux mêmes. Ulrich.Beck tout comme François De Singly parlent de modernité avancée, une deuxième modernité de la fin des années soixante à aujourd'hui, dans laquelle les individus sont en capacité d'opérer des choix, de s'émanciper du carcan traditionnel pour construire leur propre histoire. Donc en distance de la sociologie de la reproduction sociale de Bourdieu. Il y aurait une dynamique au dessus de cette reproduction sociale, une sociologie qui donne la place à l'acteur, la sociologie de classe ayant été celle de la première modernité, qui aurait perdu de sa pertinence. La famille nucléaire dans ce sens n'est plus adéquate en tant que référence. Cependant ce que soutiennent ces auteurs c'est que les inégalités n'ont pas disparu pour autant, idées qui seront reprises par d'autres sociologues (Commailles, Martin, 1998), pour insister sur la problématique d'une reproduction des inégalités de la sphère publique à la sphère privée. Pour ces derniers, la famille est considérée sociologiquement comme un réceptacle des transformations sociales et politiques, placée comme l'observatoire privilégié de la façon dont les individus instituent leurs liens. La transformation alors des comportements privés, selon ce raisonnement, ne livre pas les individus à eux mêmes, puisqu'elle renvoie aux fondements même de la société. Ce qui vient relativiser le scénario alarmiste énoncé face aux mutations de la famille. A partir de cette démarche d'observation, l'analyse faite sur la place de la famille dans la société, bouleverse les représentations que l'on peut s'en faire. Si les métamorphoses de la famille associées à un mouvement d'individualisation de la société, sont perçues comme conduisant à une perte de repères, renvoyant à la notion « d'individualisme négatif » définie par Robert Castel, (Castel, 1995), il est un fait cependant que la famille demeure une référence, nous explique les auteurs. Les solidarités familiales et intergénérationnelles n'ont en effet pas pour autant disparu, mais auraient simplement changé de formes. Ainsi ces transformations révèleraientt une reproduction des inégalités en miroir avec celles de la société, de la sphère publique. Le processus d'individualisation selon cette conception n'est pas à rejeter pour ce qu'il a apporté dans l'avènement de cette démocratisation, mais pour ses inégalités afférentes.

Ainsi l'affirmation du couple comme entité sentimentale dans la période contemporaine, nous dit cette fois Thierry Blöss, n'aurait pas suffi à établir une relation égalitaire entre les hommes et les femmes.(Blöss, 2001) Et comme le note par ailleurs Ulrich Beck, «  la diversité croissante des situations est dissimulée par la constance des représentations mentales sur la famille et le couple, le père et la mère » (Beck, 1986). Des représentations qui semblent être intériorisées à la fois par les hommes et les femmes.

* 4 Selon l'auteur, La crise de l'institution familiale peut être perçue comme « l'effet paradoxal d'un progrès immense des valeurs démocratiques : l'accession des femmes à l'égalité »

* 5 I.Théry utilise là le terme de « désaffiliation » emprunté à R. Castel

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo