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Les Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National de la Révolution(CNR)de 1983 à  1987: une approche historique à  partir de la ville de Ouagadougou

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par Kakiswendépoulmdé Marcel Marie Anselme LALSAGA
Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
  

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IV.2. Les heurts avec les ennemis de la revolution

Qui étaient les ennemis de la révolution ? Les ennemis de la révolution étaient ceux du peuple. Selon la vision politique du CNR, tous ceux qui n'oeuvraient pas en faveur de la révolution constituaient des ennemis potentiels qu'il fallait combattre de façon énergique. Dans ce contexte, une kyrielle de sobriquets avait été conçue pour caractériser et désigner tous ceux qui s'éloignaient des horizons de la révolution. Ainsi, on notait un usage prépondérant des mots tels réactionnaire, rétrograde, bourgeois, impérialiste...

Dans le DOP, le CNR catégorisa les ennemis de la révolution en les taxant d'exploiteurs et d'oppresseurs du peuple. D'un ton martial, il les mit en garde en ces termes : « Notre révolution sera pour eux la chose la plus autoritaire qui soit ; elle sera un

131 CNR, SGN-CDR, 1986, Résultat des travaux de la première conférence des CDR, page 137.

132 Claudette SAVONNET-GUYOT, 1986, Etat et sociétés au Burkina : Essai sur le politique africain, Paris, Karthala, page 180.

56 acte par lequel le peuple leur imposera sa volonté par tous les moyens dont-il dispose et s'il le faut par les armes ».133

Le DOP distingua principalement quatre catégories d'ennemis de la révolution que les CDR devaient résolument combattre avec force et détermination : les « forces rétrogrades » représentées par la chefferie traditionnelle, la « bourgeoisie », la droite politique et les anarcho-syndicalistes. Pour le CNR, ceux-ci étaient des classes parasitaires qui tiraient toujours profit de la Haute-Volta coloniale et néocoloniale ; elles étaient et seraient hostiles aux transformations entreprises par le processus révolutionnaire entamé depuis le 04 août 1983 : « Quoique l'on fasse, quoique l'on dise, elles resteront égales a elles-mêmes et continueront de tramer complots et intrigues pour la reconquête de leur « royaume perdu ». De ces nostalgiques, il ne faut point s'attendre ~ une reconversion de mentalité et d'attitude. Ils ne sont sensibles et ne comprennent que le langage de la lutte, la lutte de classes révolutionnaires... ».134

L'objectif de notre exposé sur cette question est d'analyser l'enchaînement des faits et des actions posées par les CDR dans la trame de la défense active de la révolution.

IV.2.1. La rétrogradation des autorités traditionnelles

Le CNR désigna sous l'appellation « forces rétrogrades » la chefferie traditionnelle qu'il montra très rapidement du doigt comme le premier ennemi de la révolution, lors d'un meeting tenu le 03 décembre 1983. Pourtant, au lendemain du 04 août 1983, malgré quelques réserves, les chefs traditionnels s'étaient prononcés favorables à la révolution à condition qu'elle respectât la coutume et la tradition.135

En dépit de tout, le CNR stigmatisa sans tarder la chefferie coutumière en prenant contre elle une série de mesures liquidatrices. La conflictualité des rapports entre le CNR et les responsables traditionnels était logique du fait du caractère progressiste même du pouvoir du premier, incompatible avec tout pouvoir conservateur ou monarchique. Pour s'en convaincre, il n y a qu'à analyser les circonstances dans lesquelles s'étaient opérées les grandes révolutions. Par exemple, la révolution française s'était faite par la liquidation du pouvoir royal en 1789. Lorsque l'on se réfère à la Révolution russe, les révolutionnaires avaient massacré le Tsar Nicolas II et toute sa famille.

Le discours prérévolutionnaire du président du CNR présageait même déjà le calvaire des chefs traditionnels. En effet, lors d'un meeting tenu le 26 mars 1983 à la

133 CNR, 1983, DOP : « L'héritage des 23 années de néo-colonisation », page 15.

134 Idem, page 14.

135 L'OBSERVATEUR N°2653 du 16 Aout 1983 : « Les manifestations du week-end », pages 1 et 6.

57 Place du 03 janvier,136 Thomas SANKARA alors Premier ministre du CSP1 les avait attaqués en ces termes : « Les ennemis du peuple, ce sont également ces forces de l'obscurité, ces forces qui sous des couverts spirituels, sous des couverts coutumiers, au lieu de servir réellement les intér-ets sociaux du peuple sont en train de l'exploiter. Il faut les combattre, et nous les combattrons ».137

Au pouvoir, le CNR n'hésita pas à couvrir les chefs traditionnels de toutes sortes d'appellations péjoratives : forces féodales, forces rétrogrades, ...autant de propos injurieux à l'endroit de ces « valeurs décadentes » qui d'après le CNR refusaient d'aller dans le sens de l'Histoire.

En s'appuyant sur les CDR, la politique régicide du CDR consista en la prise de décisions draconiennes à l'encontre des chefs traditionnels, question d'éroder leur influence au niveau de la population.

La première mesure significative fut le Décret N° 83-299/CNR/PRES/TS138 du 3 septembre 1983 abrogeant tous les textes relatifs aux modes de désignation des chefs traditionnels et fixant les limites de compétence entre autorités coutumières et administration révolutionnaire.

Ensuite, lors du meeting du 03 janvier 1984, le CNR annonçait l'annulation de tous les avantages politiques, économiques et sociaux dont jouissaient les responsables traditionnels. Même le moog-naaba, le tout-puissant souverain des Moose, n'avait pas été épargné. Cette décision fut sans précédent et suscita beaucoup de surprise dans tous les milieux de la société. « Jamais, m-eme sous le Président Maurice YAMEOGO qui avait cherché a l'éliminer en 1964, le role de la chefferie et sa place dans l'Etat n'avaient été si brutalement remis en question ».139

La dernière grande disposition politique décidée contre les « forces rétrogrades » fut la réforme territoriale et administrative qui se traduisit par la division de la ville de Ouagadougou en 30 secteurs, chaque secteur administré par un CDR. Le CNR avait fait le découpage sans tenir en considération, ni les limites des anciens quartiers ni les juridictions des chefs traditionnels sur ces quartiers qui symbolisaient l'administration traditionnelle moaaga. Selon Pierre Claver HIEN, « Effacer les noms des quartiers de la mémoire collective revenait a enrayer l'emprise des pouvoirs coutumiers sur les centres urbains, surtout en pays moaaga oft la toponymie précoloniale était une

136 Il s'agit de l'actuelle Place de la Nation. Elle avait été baptisée Place du 03 janvier en souvenir du soulèvement populaire qui avait fait tomber Maurice YAMEOGO le 03 janvier 1966. Sous la révolution, elle fut rebaptisée Place de la Révolution.

137 Discours de Thomas SANKARA le 26 mars 1983 à la place du 03 janvier in CARREFOUR AFRICAIN N°772 du 1er avril 1983, in http://www.thomassankara.net, dans la rubrique DISCOURS.

138Claudette SAVONNET GUYOT, 1986, Etat et sociétés au Burkina : Essai sur le politique africain, Paris, Karthala, page 189

139 Ibidem

58 transcription spatiale des fonctions des dignitaires des cours royales implantées dans les quartiers ».140 C'est-à-dire que la motivation ayant guidé la décision du CNR n'était autre que l'abandon des anciens quartiers afin de dévaluer au maximum l'influence de la « féodalité ».141 Ainsi, tous les quartiers furent divisés entre 2 voire 3 secteurs. Par exemple, le quartier Gunghin, fief du Gung-naaba, un des dignitaires influents du Moog-naaba, fut éparpillé entre les secteurs 8, 9 et 18.142 Larlé le quartier du Larlnaaba fut scindé entre les secteurs 10 et 11.143 Lorsqu'on prend le cas du secteur 5, il comprend une partie du quartier Koulouba, une partie de Peuloghin, Tiedpalgo, Zangouettin et l'aéroport international.144

Chaque secteur était administré par un CDR qui représentait le pouvoir central, privant ipso facto les responsables coutumiers de leur influence. Concernant cette innovation, l'hebdomadaire CARREFOUR AFRICAIN dans sa livraison du 20 janvier 1984 avait à sa une ce titre éloquent : « Des secteurs pour se défaire les féodaux ».145 Cet article dévoilait l'objectif du CNR en ces termes : « L'adoption de ces mesures était essentiellement guidée par des raisons politiques. Il s'agissait de constituer des communes révolutionnaires débarrassées de l'emprise des féodaux [qui avaient] la main mise sur tel ou tel quartier [et] briser ainsi les ailes de la réaction ».146

Face à cette situation qui n'évoluait pas dans le sens de leurs intérêts, les chefs traditionnels tentèrent une récupération en s'infiltrant dans les CDR. Ainsi, certains notables avaient réussi à se faire élire ou à faire élire leurs proches. Par exemple au secteur 29, le chef de Wemtenga réussit à faire élire ses petits frères dont un fut même responsable des activités socio-économiques du CDR dudit secteur.147

Mais, réalisant ces manoeuvres des autorités traditionnelles, le CNR procéda à la dissolution des bureaux CDR en septembre 1984. De nouveaux bureaux CDR furent élus, les 15 et 16 septembre 1984.

140 Pierre Claver HIEN, « La dénomination de l'espace dans la construction du Burkina Faso (1919-2001) » in Histoire du peuplement et des relations interethniques au Burkina, 2003 Paris, Karthala, page 23, 24 et 35.

141 Jean Marc PALM, « Dynamisme institutionnel de 1960 a nos jours » in Histoire de la ville de Ouagadougou des origines à nos jours, 2004, Ouagadougou, CNRST/INSS, page 224.

142 Idem, page 223.

143 Ibidem

144 Décret N°83-264/CNR/PRES/IS du 23 décembre 1983 portant détermination des nouvelles limites de la ville de Ouagadougou et division du territoire communal en secteurs in CARREFOUR AFRICAIN N° 814 du 20 janvier 1984, p.p 27 - 31.

145 Clément TAPSOBA, « Des secteurs pour se défaire des féodaux » in CARREFOUR AFRICAIN N° 814 du 20 janvier 1984, page 26.

146 Ibidem

147 Entretien avec Henri KABORE, ancien militant CDR du secteur 29 à son domicile au dit secteur. Celui-ci était le petit frère du chef de Wemtinga et avait réussi à se faire élire comme le responsable aux activités socio-économiques.

Figure 10: Superposition des anciens quartiers et des secteurs en 1983. Source : Sylvy JAGLIN, 1995, Gestion urbaine partagée a Ouagadougou : pouvoirs et peripheries, Paris, Karthala, page 79.

Dans le cadre de sa politique d'urbanisation, le CNR avait retiré le droit d'attribution des parcelles au chef coutumier au profit des CDR. Lors de la célébration du premier anniversaire de la RDP, le CNR pour mieux diluer le pouvoir traditionnel, procéda à la nationalisation du territoire national avec la promulgation de l'Ordonnance N° 84-50/CNR/PRES148 portant Réorganisation Agraire et Foncière du Burkina Faso : « Article ler : il est créé un Domaine Foncier National (DFN) constitué par toutes les terres situées dans les limites du territoire national [...]. Article 3 : le DFN est de plein droit une propriété exclusive de l'Etat ».

Tout compte fait, on constate aisément que les chefs traditionnels ont été des cibles privilégiés du CNR et de ses avant-gardes CDR, dans la spirale de la lutte contre les antirévolutionnaires. Désignée danger numéro un de la RDP et combattue énergiquement, la chefferie traditionnelle ne fut cependant pas la seule à subir les foudres de la révolution. Il y avait aussi la classe bourgeoise qu'il fallait neutraliser.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo