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Les Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National de la Révolution(CNR)de 1983 à  1987: une approche historique à  partir de la ville de Ouagadougou

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par Kakiswendépoulmdé Marcel Marie Anselme LALSAGA
Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
  

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IV.2.2. La « bourgeoisie »

D'après la conception du pouvoir révolutionnaire, la bourgeoisie était formée par une fraction du peuple qui s'accaparait des richesses aux dépens des masses. La bourgeoisie était un produit du capitalisme et de l'impérialisme et de ce fait anti-progressiste. Elle faisait corps avec les forces réactionnaires et constituait un obstacle essentiel empêchant le progrès social. C'est donc l'un des ennemis potentiels du peuple : « ... ce sont tous ceux qui se sont enrichis de maniere illicite, profitant de leur situation sociale, profitant de leur situation bureaucratique. Ainsi donc, par des manceuvres, par la magouille, par les faux documents, ils se retrouvent actionnaires dans les sociétés, ils se trouvent en train de financer n'importe quelle entreprise ; ils se retrouvent en train de solliciter l'agrément pour telle ou telle entreprise. Ils prétendent servir la Haute-Volta. Ce sont des ennemis du peuple. Il faut les démasquer, il faut les combattre ».149

Le DOP distingua principalement deux catégories de bourgeoisie viscéralement incompatibles avec la révolution : la bourgeoisie d'Etat et la bourgeoisie commerçante. La bourgeoisie d'Etat était encore appelée bourgeoisie politicobureaucratique.150 Cette variante de la bourgeoisie regroupait surtout les hauts fonctionnaires, les leaders politiques d'obédience capitaliste. Selon le DOP, il s'agissait

148 Ordonnance N°84-50/CNR/PRES du 04 août 1984 portant Réorganisation Agraire et Foncière (RAF) au Burkina Faso in JOURNAL OFFICIEL N°33 du 16 août 1984, p.p. 806-809.

149 Discours de Thomas SANKARA du 26 mars 1983 in http://www.thomassankara.net dans la rubrique DISCOURS.

150 CNR, 1983, DOP : « L'héritage des 23 années de néo-colonisation », page 15.

61 d'une bourgeoisie qui monopolisait le pouvoir politique pour s'enrichir de façon illicite et crapuleuse en ce sens qu'à l'instar du capitaliste se servant de ses moyens de production pour exploiter, elle se servait de l'appareil d'Etat pour accumuler injustement des richesses.151

Concernant la bourgeoisie commerçante, elle rassemblait surtout les opérateurs économiques qui s'enrichissaient malhonnêtement par la fraude, la corruption des agents de l'Etat pour arriver à introduire dans le pays toutes sortes de produits dont les prix étaient multipliés par dix.152 Cette forme de bourgeoisie vivait de l'affairisme, des spéculations sur les produits commerciaux.

Le CNR dévisageait ces deux catégories de bourgeois comme des classes exploiteuses liées à l'impérialisme, et partant, au capitalisme. Ce fut donc un marquage de l'incompatibilité entre révolution et bourgeoisie. Une vision qui rejoint Kwame N'KRUMAH dans son analyse de la lutte des classes. En effet, celui-ci considère l'impérialisme comme une expression du capitalisme et une aspiration économique et politique de la bourgeoisie.153

Cette perception est compréhensible, compte tenu du caractère dialectique des systèmes de gestion prônés par les idéologies capitaliste et socialiste ; la première exalte un individualisme à outrance tandis que le second professe un communisme pur.

Comment les CDR agirent-ils contre ces classes dites exploiteuses ?

Il y eut d'abord une pression psychologique exercée sur elles par l'entremise de la propagande qui les persiflait à l'aide de slogans. Par exemple, re a bas les caméléons équilibristes ! », re a bas les renards terrorisés ! », re a bas les hiboux au regard gluant ! », re a bas les commercants véreux ! », re a bas les spéculateurs ! », re a bas les marchands de sommeil ! »&

En plus, dès son avènement au pouvoir, le CNR mit très vite en garde les hommes politiques des régimes déchus et prit une série de rangements interdisant les partis politiques, notamment ceux de la droite. Les CDR veillaient à leur respect strict. Ainsi, le 17 août 1983 aux environs de 12h30, le président du CNR avait tenu une réunion avec les anciens responsables politiques tels Maurice YAMEOGO, Sangoulé LAMIZANA, Gérard Kango OUEDRAOGO, Joseph OUEDRAOGO, Joseph CONOMBO, Ali LANKOANDE, Moussa KARGOUGOU, Nouhoun SIGUE et Issa PALEWELTE.154 Il leur expliqua les raisons qui avaient amené le CNR à prendre le pouvoir. Dans son propos,

151 CNR, 1983, DOP : « L'héritage des 23 années de néo-colonisation », page 15.

152 Thomas SANKARA, discours du 26 mars 1983, in http://www.thomassankara.net dans la rubrique DISCOURS.

153 Kwame N'KRUMAH, 1972, La lutte des classes en Afrique, Paris, Présence africaine, page 65.

154 L'OBSERVATEUR N° 2654 du 17 aoit 1983 : re CNR, aux préfets et aux hommes politiques », page 6.

62 Thomas SANKARA fustigea d'abord ces acteurs, puis les incrimina d'avoir été pendant vingt ans les agents d'un tâtonnement politique et socio-économique ayant causé le retard du pays. Ensuite, il déclara que la révolution proclamée par le CNR concernait géopolitiquement tout le pays, et que de ce fait, tout citoyen qui s'objectait à elle se définissait comme ennemi du peuple. Enfin, il leur annonça que dorénavant les mesures suivantes s'appliquaient à eux : non seulement ils ne pouvaient plus quitter leurs résidences sans être autorisés, mais aussi ils ne devaient plus recevoir plus de trois personnes à la fois ou recevoir un étranger sans une autorisation préalable.155

Le rôle des CDR dans cette fronde contre ces personnes communément appelées dans le langage révolutionnaire, bourgeois d'Etat, fut de les surveiller étroitement, de dénoncer leurs agissements et de les dissuader de toute entreprise politique susceptible de compromettre la révolution. A défaut de supporter la révolution, ces a
· bourgeois d'Etat .0
devaient se taire. L'attitude coercitive du CNR contre ces hommes politiques de la droite expliquait fidèlement son refus d'une opposition politique. Tout le monde sans exception était tenu d'être artisan de la révolution. Toute forme d'organisation politique concurrentielle ou contradictoire à la révolution était systématiquement proscrite et les CDR devaient se charger du respect strict de cette disposition.

De façon globale, l'action des CDR contre l'existence des partis politiques de droite a réellement été efficace parce qu'elle a amené bon gré mal gré tous les acteurs à rester dans les schémas idéologiques progressistes de la révolution. Seules les organisations de gauche étaient permises. Mais, là aussi, il fallait qu'elles ne défendent pas une conduite inverse à celle prêchée par le CNR.

Quant à l'action des CDR contre la bourgeoisie dite commerçante, elle s'était traduite par un contrôle total des activités des commerçants. Ainsi, de nombreux commerçants furent taxés de pourris et de corrompus. La révolution n'avait pas de façon générale une vision saine sur les commerçants. Pour Achille TAPSOBA, l'esprit commerçant appose les intérêts individuels au-dessus de tout, et à ce titre, il n'est pas toujours en bonne phase avec une révolution qui se veut socialiste et socialisante.156 Pourtant, au lendemain du 04 août 1983, les commerçants avaient marqué une certaine adhésion à la révolution en organisant une marche de soutien.157 Alors, comment expliquer l'opposition entre CDR et commerçants par la suite ? En fait, c'est dans le cadre de la lutte contre la corruption que les chocs trouvèrent leurs racines. En

155 L'OBSERVATEUR N° 2654 du 17 aout 1983 : n CNR, aux préfets et aux hommes politiques .0, page 6.

156 Achille TAPSOBA : entretien du 26 juillet 2005 à l'Assemblée nationale.

157 L'OBSERVATEUR N°2653 du 16 aout 1983 : n Les marches du weekend .0, pages 1 et 6.

63 effet, tous les secteurs de la vie commerciale avaient été investis par les CDR dont le rôle était de lutter contre toute forme de spéculation ou d'affairisme.

Selon le pouvoir révolutionnaire, les commerçants constituaient une classe favorisée qui spoliait le peuple, raison pour laquelle elle était bourgeoise et ennemie de ce peuple. En outre, les commerçants cultivaient un esprit économique libéral qui était incompatible avec la révolution qui était socialiste. Pour préserver donc la révolution, il était donc indispensable de maîtriser cette classe dangereuse qui ne pouvait que diffuser des idées réactionnaires, donc anti-progressistes. Ainsi, l'organisation des CDR devait permettre de contenir cette classe et de l'assainir de toutes les souillures capitalistes qui la rendaient antonyme à la révolution.

De façon générale, dans la forme comme dans le fond, on peut comprendre cet antagonisme : le révolutionnaire étant socialiste défend la propriété collective tandis que le commerçant bourgeois pro capitaliste cherche à préserver la propriété privée et à accumuler davantage des profits. Dans le contexte de la révolution, il était difficile d'encourager la propriété privée du moment où elle était considérée comme étant à l'origine de la classification de la société, elle était donc un facteur essentiel de la lutte des classes : « La propriété privée a scindé la société en riches et pauvres, en exploitateurs et exploités %&'. Ce faisant, le premier groupe représente toujours la minorité de la société et le second la majorité. Ces groupes d'hommes dont l'un se constitue d'exploiteurs, d'oppresseurs et l'autre d'exploités, d'opprimés sont appelés classes antagonistes, leurs intérêts étant inconciliables ».158

Mais, la conduite anti-bourgeoise des révolutionnaires, au-delà de ses préoccupations conservatrices du pouvoir étatique, incluait une volonté de rétrécir les écarts des situations économiques en vue d'instaurer une société égalitaire qui devait oeuvrer totalement à la consolidation de la révolution. La politisation et la socialisation de l'économie et l'accaparement du contrôle des activités de ce secteur par les CDR faisaient percevoir assez fidèlement cette vision égalitariste qui n'avait pas privilégié les commerçants. Cet égalitarisme, qui considérait que les revenus des personnes aisées étaient en quelque sorte obtenus par l'exploitation et non gagnés méritoirement, avait bien parfois engendré des effets néfastes, puisqu'il a été à l'origine d'expropriation, voire d'anéantissement d'investisseurs économiques particuliers féconds.159

158 A ERMAKOVO et V. RATNIKOV, 1986, ABC des connaissances politiques et sociales - Qu'est ce que la lutte des classes ? Moscou, Editions du Progrès, page 18.

159 BAUER, 1984, Mirage égalitaire et Tiers-monde, Paris, PUF, page 18.

159 A ERMAKOVO et V. RATNIKOV, 1986, op cit, page 18.

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