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Les Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National de la Révolution(CNR)de 1983 à  1987: une approche historique à  partir de la ville de Ouagadougou

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par Kakiswendépoulmdé Marcel Marie Anselme LALSAGA
Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
  

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IV.2.3. Les riyalites entre CDR et syndicats

La contribution des syndicats fut capitale dans la conquête du pouvoir étatique par le CNR. Depuis l'indépendance du pays jusqu'à l'avènement de la révolution, la part des syndicats dans l'instabilité politique a été déterminante. Rappelons ainsi que ce fut un mouvement de masse canalisé par les syndicats qui mit fin au régime du président Maurice YAMEOGO sous la première République. A partir de cet instant, les syndicats s'étaient rendu compte de toute leur importance, de toute leur capacité à décider de l'évolution politique du pays. Ainsi, tous les régimes qui se succédèrent jusqu'à l'avènement de la révolution furent obligés de composer avec les syndicats. Les syndicats étaient devenus un cheval de Troie pour la conquête du pouvoir. Ceci étant, ils n'étaient pas politiquement neutres et leurs accointances et manoeuvres avec les partis politiques n'étaient point cachées.

A l'instar des partis politiques, qui idéologiquement s'opposaient, les syndicats aussi défendaient des revendications antagonistes : d'un côté, les centrales syndicales dites réformistes comme la CNTV et l'ONSL qui flirtaient avec les organisations politiques de droite, et de l'autre, celles progressistes comme l'USTV et surtout la CSV, qui militaient pour l'instauration d'un pouvoir révolutionnaire. Il n y avait donc pas bon ménage entre ces deux tendances qui idéologiquement, politiquement et socio-économiquement étaient antinomiques. Effectivement, de façon classique, le courant réformiste cherche à s'appuyer sur l'Etat bourgeois et le capitalisme pour créer un Etat et une société prospère. Il ne prône pas un renversement de l'Etat bourgeois capitaliste.160 Contrairement à ce dernier, la tendance révolutionnaire remet en cause le système capitaliste qu'elle considère comme étant source d'exploitation et de misère du peuple. Il est donc impérieux de renverser l'ordre capitaliste et d'installer un système socialiste.161

Ceci étant, on peut comprendre aisément le rôle de catalyseur que la CSV pro révolutionnaire avait joué en faveur de l'avènement du 04 août par ses liens étroits avec la LIPAD-PAI,162 et par ricochet avec les militaires qui avaient été à la tête du mouvement. L'amitié entre la CSV et les militaires progressistes se scella surtout lors du congrès du SUVESS (un syndicat affilié à la CSV) en janvier 1983 où Thomas

160 Emmanuel ILBOUDO, 1985, Révolution et pratiques syndicales au Burkina, mémoire de maîtrise, Université de Ouagadougou, E.S.D, page 23.

161 Idem, page 24.

162 Créée en 1974, la CSV était surtout animée par des militants qui politiquement étaient du côté de la LIPAD-PAI. Son Secrétaire général, Soumane TOURE, avait été un des fondateurs de la section estudiantine du PAI à Dakar.

65 représentant l'aile révolutionnaire du CSP163 fut invité. A l'issue de cette réunion syndicale, Thomas SANKARA fit des déclarations qui lui valurent la sympathie des syndicats de gauche. Ce qui était tout à fait compréhensible puisque tous partageaient une idéologie commune. Dans son intervention, il avait encouragé les syndicats à oeuvrer pour restituer aux travailleurs voltaïques leur dignité tout en leur assurant la solidarité du CSP qui s'interdirait de tout caporalisme à leur l'endroit.164 Il parla d'une relation d'amitié qui allait se nourrir d'apports critiques mutuels.165

En cherchant à s'approcher des syndicats de gauche, Thomas SANKARA était bien conscient de leur soutien nécessaire pour la conquête du pouvoir compte tenu de leurs aptitudes à mobiliser les masses. Du côté de la CSV, cette amitié était utile puisqu'elle lui permettait d'avoir des alliés militaires pour l'épauler dans ses options. Donc, les uns servaient les intérêts des autres et vice-versa, visant tous un objectif commun : la prise du pouvoir et l'instauration d'un régime révolutionnaire. Ce qui fut une réalité le 04 août 1983 avec l'avènement du CNR.

En soutenant la conquête du pouvoir, la CSV contribua à marginaliser les autres centrales syndicales. Au lendemain du 04 août, il ne recela point son admiration pour le nouveau régime. Lors d'un meeting organisé 18 décembre 1983 pour commémorer la grève des 17 et 18 décembre 1978,166 son secrétaire général, Soumane TOURE, exerça une violence verbale contre les autres syndicats qui dédaignaient de suivre la démarche de la CSV. Il les condamna en bloc, les accusant d'avoir conspiré avec les régimes pro impérialistes et les politiciens réactionnaires contre les travailleurs ; il lança un appel aux militants de ces syndicats à rejoindre la CSV s'ils ne voulaient pas trahir les héros du 04 août.167 Il s'agissait en fait d'une stratégie de liquidation des autres organisations syndicales pour contrôler à elle seule le monde des travailleurs. La CSV disconvenait ainsi le droit d'existence aux syndicats qui se démarquaient du processus en cours : toutes les autres centrales devaient alors se mettre sous le chapeau de la CSV.

Ce comportement de la CSV était vraiment bénéfique pour le CNR car il affaiblissait considérablement les organisations de la droite dont l'inimitié à son égard

163 Le CSP était profondément divisé en deux tendances : une droitiste qui naturellement était supportée par les organisations de droite et une gauchiste appuyée par les partis et syndicats de gauche.

164 Kabeya Charles MUASE, 1989, Syndicalisme et démocratie en Afrique noire : l'expérience du Burkina Faso, Paris, INADES-Karthala, pages 171 et 172

165 Ibidem

166 Il s'agit d'une grève qui avait obligé le président LAMIZANA à renoncer à son projet de constitution d'un parti unique en l'occurrence le MNR (Mouvement National pour le Renouveau).

167 L'OBSERVATEUR N°2741 du 19 décembre 1983, page 11, cité par John David KERE, Syndicats et pouvoirs politiques au Burkina Faso, mémoire de DEA, Université de BORDEAUX I, IEP/CEAN, page 82.

66 était visible : en réalité, comme le souligne éloquemment Kabeya Charles MUASE, « l'opposition de la CSV et le reste du mouvement syndical va au-deld de la distinction classique au Burkina entre syndicalisme réformiste et syndicalisme de 0' lutte de classe ». La convergence d'intérêts entre la volonté hégémonique de la CSV sur le mouvement syndical et celle du CNR sur le champ politique et social est ici intéressante ».168

Les déclarations de la CSV n'étaient pas du tout inopinées, mais intrinsèquement liées à l'attitude de certains syndicats notamment le SNEAHV,169 qui affichèrent très vite leur hostilité au CNR. En effet, le SNEAHV qui était en congrès170 au moment de l'accession du CNR au pouvoir ne s'était pas abstenu de propos acérés à l'endroit de ce dernier qu'il accusa dans une motion de censure d'être une autre appellation du fascisme déjà célèbre du CSP première formule.171 La LIPAD-PAI,172 défendant le CNR, répliqua que le SNEAHV « n'a jamais eu le courage de ses opinions politiques parce que sans assise populaire et passée madtresse dans l'art de l'infiltration et de la phagocytose des mouvements progressistes et révolutionnaires qu'elle n'a jamais suscités ».173

Le 25 septembre 1983, le SNEAHV radicalisa davantage sa position en affichant explicitement son opposition inoxydable au pouvoir en place. Dans un communiqué, le SNEAHV critiqua encore une fois sévèrement le CNR, dénigra la LIPADPAI de laquelle il invita les gens à se démarquer, puis s'attaqua aux CDR, les accusant d'être de moralité douteuse.174 Contre-attaque du SGN-CDR : « Ce communiqué diffusé en Haute-Volta par une certaine presse vise trois objectifs : désintégrer le CNR par la tactique des manceuvres de diversion, mener des opérations de sape en vue de discréditer le CNR, alerter la réaction nationale et internationale dans le but de l'amener a renverser notre pouvoir. Ces objectifs constituent des menaces pour l'existence de la révolution dont nous sommes librement et consciemment engagés a défendre quoi qu'il en coilte ».175

168 Kabeya Charles MUASE, « Un pouvoir des travailleurs peut-il etre contre les syndicats ? » in POLITIQUE AFRICAINE N° 33, 1989, Retour au Burkina, page 52 et 53.

169 Le SNEAHV était très proche du FPV de Joseph KI-ZERBO.

170 Le congrès se tenait à Bobo-Dioulasso du 02 au 07 août 1983.

171 Kabeya Charles MUASE, 1989, Syndicalisme et démocratie en Afrique noire : l'expérience du Burkina Faso, Paris, INADES-Karthala, page198.

172 Rappelons que la LIPAD-PAI était soutenue par la CSV, rival du SNEAHV. Ce dernier était affilié à la première dans le passé. Leur rupture était intervenue à l'occasion de l'avènement du CMRPN au pouvoir. En 1981, le pouvoir de Saye ZERBO soutenu par le SNEAHV avait supprimé le droit de grève. La volonté de la CSV de récuser ladite suppression provoqua sa dissolution le 02 novembre1981. Le SNEAHV désavouant l'option de la CSV l'avait quittée aussitôt.

173 Déclaration de la LIPAD-PAI, in Kabeya Charles MUASE, 1989, Syndicalisme et démocratie en Afrique noire : l'expérience du Burkina Faso, Paris, INADES-Karthala, page 198.

174 « Communiqué du SNEAHV » in L'OBSERVATEUR N°2687 du 03 octobre 1983, pages 8 et 9.

175 Lieutenant Pierre OUEDRAOGO, « Communiqué de presse du SNEAHV, les CDR répondent » in L'OBSERVATEUR N° 2690 du 06 octobre 1983, page 8.

Quelle compréhension peut-on avoir de l'attitude du SNEAHV contre les révolutionnaires ?

En réalité, les rebonds du SNEAHV expliquaient sa désapprobation de l'interdiction des partis politiques par le CNR, surtout que cette interdiction ne concernait pas des partis comme le PAI-LIPAD qui partageait le pouvoir avec le CNR. En outre, au-delà de cette perception, on peut avancer le fait que le SNEAHV voulait se faire la caisse de résonance de tous ceux qui avaient été mis à l'écart par le régime. Ce qui était naturellement dangereux pour ce dernier qui n'avait pas du tout intérêt à avoir en face de lui une contestation structurée. Enfin, comme le fait remarquer Kabeya Charles MUASE, « Il réclamait un gouvernement d'union nationale, comme il avait fait lors des coups d'Etat précédents, tandis que la LIPAD-PAI et le CNR entendaient bien garder le pouvoir pour eux seuls ».176 A ce propos, le secrétariat général des CDR Pierre OUERAOGO déclara: « La direction réactionnaire du SNEAHV se fait objective cheval de Troie de politiciens véreux dont le credo constant dans les moments difficiles consiste a réclamer un gouvernement d'union nationale. C'est là une manifestation de cécité politique si elle n'est pas une provocation ».177

Ainsi, face à l'hostilité permanente du SNEAHV contrôlé par le MLN, le CNR s'appuya sur les autres mouvements alliés et ses CDR pour l'altérer. Il refusa désormais tout dialogue avec ce dernier : « Le gouvernement, disait le CNR, n'avait pas encore besoin de dialoguer avec le SNEAHV ».178 Le 12 janvier 1984, le Ministre de l'Education Nationale, Mardia Emmanuel DADJOUARI, signifia au SNEAHV qu'en marquant ostensiblement son indocilité vis-à-vis du CNR, il se montrait comme un ennemi politique et tant que durerait cette option, il ne serait plus question d'un quelconque contact avec ladite organisation.179 Le 03 février, le Ministre de l'Information Adama TOURE interdisait la diffusion de tout communiqué émanant du SNEAHV sur les antennes nationales.180 Le bras de fer continua et le SNEAHV, dans une lettre circulaire datée du 20 février 1984, blâma le CNR en ces termes : « Les hommes aiment a changer des madtres espérant chaque fois trouver mieux, en quoi ils font un mauvais calcul, car ils s'apercoivent qu'ils ont changé un cheval borgne contre un aveugle ».181

176 Kabeya Charles MUASE, 1989, Syndicalisme et démocratie en Afrique noire : l'expérience du Burkina Faso, Paris, INADES-Karthala, page 199.

177 Lieutenant Pierre OUEDRAOGO, « A propos du communiqué de presse de la direction réactionnaire et contre révolutionnaire du SNEAHV » in CARREFOUR AFRICAIN N°799 du 07 octobre 1983, page 36.

178 Déclaration du CNR in Kabeya Charles MUASE, 1989, Syndicalisme et démocratie en Afrique noire : l'expérience du Burkina Faso, Paris, INADES-Karthala, page 199.

179 Lettre du ministre de l'Education Nationale citée par Kabeya Charles MUASE, idem, page 200.

180 Ibidem

181 Lettre circulaire du SNEAHV datée du 20 février 1984, citée par Kabeya Charles MUASE, 1989, Syndicalisme et démocratie en Afrique noire : l'expérience du Burkina Faso, Paris, INADES-Karthala, pages 199 et 200.

La crise ouverte entre le CNR et le SNEAHV continua son effervescence et atteignit son paroxysme au mois de mars 1984 où elle se dénoua aux dépens du dernier. Le 09 mars, le secrétaire général du SNEAHV, le secrétaire aux Relations Extérieures et le Responsable chargé des problèmes pédagogiques furent arrêtés pour complot contre la sûreté de l'Etat. Le SNEAHV décida une grève pour exiger leur libération. Le CNR fit des avertissements sévères afin que les instituteurs qu'il pensait instrumentalisés boycottent la grève. Mais les 20, 21 et 22 mars, elle fut largement suivie. La réaction du CNR est impitoyable : 1380 instituteurs (chiffre exact selon Valère SOME) furent licenciés sans autre forme de procès.182 Les CDR participèrent à l'arrestation de nombreux militants. Le SNEAHV à partir de cet instant était décapité et réduit au silence. Ajoutons que dans ce même contexte de crise, le SAMAV qui accusait les CDR de faire pression sur les décisions de justice dans le cadre des TPR183 fut par la suite reproché de collusion avec les forces réactionnaires, puis persécuté.

Les CDR ont été au centre de toutes les intrigues qui ont essaimé l'opposition entre les syndicats et le CNR. Ils composaient la principale pomme discorde entre le CNR et le monde syndical. La dégénération des relations entre la CSV et le CNR par la suite constitue une pièce à conviction. Les origines de cette confrontation remontaient à novembre 1983 où on avait assisté à la création des CDR de service et des commerçants.184 A cette occasion, le Secrétaire Général National des CDR, Pierre OUEDRAOGO, laissa entendre ceci : « Aucun syndicat n'est pret aux sacrifices que les CDR consentiraient volontiers, a moins que CDR et syndicats fusionnent pour le meilleur quand le premier n'a pas mange le second ».185

La création des CDR de service sous-tendait une volonté manifeste du CNR d'imposer les CDR comme cadre unique d'organisation des travailleurs, d'autant plus que le DOP affirmait sans nuance leur prééminence sur toute autre organisation. Or, les CDR étaient une émanation du CNR. Les syndicats en fusionnant avec les CDR devaient alors former un seul front syndical pour soutenir le CNR : « Le proletariat voltaïque n'a pas besoin de disperser ses forces dans un syndicalisme electif controls par la petite bourgeoisie. 1l lui faut un syndicalisme unitaire d'ou seront bannis les syndicats patronaux, les syndicats super révolutionnaires. Le proletariat doit s'ouvrir a un

182 Valère SOME, 1989, Thomas SANKARA, l'espoir assassiné, Paris, L'Harmattan, page 117. Les instituteurs licenciés furent remplacés par des jeunes formés à la hâte mais idéologiquement sûrs. Dans ce lot, bon nombre était des CDR,

183 En effet, la présence des CDR était réellement supérieure à celle des magistrats de métier dans les jurys des TPR

184 CNR/SGN-CDR, « Communiqué autorisant la creation des CDR dans les services » in OBSERVATEUR N°2705 du 27 octobre 1983, pages 1 et 6.

185 Propos de Pierre OUEDRAOGO cités par Bruno JAFFRE, 1989, Les Années SANKARA, Paris, Harmattan, page181.

69 syndicalisme preoccupe d'abord des interets superieurs des travailleurs et partant du peuple, c'est-d-dire un syndicalisme comme force d'appui de la RDP ».186

La position du CNR était donc claire et nette : les syndicats devaient supporter absolument la révolution qui se réclamait comme celle des travailleurs. Pour réaliser ce projet, le CNR créa les CDR de service et s'appuya sur la toute puissante centrale syndicale CSV, ce qui arrangeait cette dernière puisque ses rêves de préséance sur le monde syndical n'étaient pas cachés ; aussi avait-elle son parti politique (PAILIPAD) dans le premier gouvernement du CNR. Cette convergence d'intérêts, comme nous l'avons déjà relevé plus haut, rendait possible la collaboration entre le CNR et la CSV pour fragiliser les autres syndicats ; le SNEAHV en avait pâti douloureusement. Cependant, celle-ci ne résista pas à l'exercice du pouvoir.

L'appréciation de l'opportunité de la collaboration entre le CNR et la CSV tenait seulement à des calculs politiques. Ainsi, la position de la CSV évolua au gré des humeurs de Soumane TOURE à travers ses ambitions personnelles et de la métamorphose des rapports entre le PAI-LIPAD et le CNR avec ses structures populaires. A la suite de la création des CDR de service, il déclarait en novembre dans l'hebdomadaire JEUNE AFRIQUE : « Les CDR sont des fourre-tout. Que vont-ils faire ? De la delation ? En tout cas, les differends entre patronat et travailleurs relevent des syndicats et non des CDR. Il faut etablir une frontiere entre les competences ». Face à l'affirmation de la puissance des CDR et de leur état de grâce auprès du CNR, Soumane TOURE chercha à en prendre la direction. Il se réajusta en décembre par ces propos : « Il n'a jamais existe, il n'existe pas et ne devra exister aucun conflit entre les CSV et les CDR ».187 Malgré ce revirement, le CNR déclina de confier le Secrétariat Général National des CDR à Soumane TOURE.

A partir de mars 1984, la crise entre la CSV et le CNR prit une envergure décisive. Dès le 1er mai 1984, à l'occasion de la fête du travail, Soumane TOURE accusait le CNR de stagner dans le processus révolutionnaire : « Si le CNR ne veut pas faire la revolution, nous prendrons nos responsabilites et les travailleurs la feront a sa place ».188

Le 16 mai, le CNR confia la commémoration des marches du 20 et 21 mai 1983 conjointement au Secrétariat Général National des CDR et au Ministère de la Jeunesse et des Sports qui était dirigé par un militant du PAI du nom de Ibrahima

186 Pierre OUEDRAOGO cité par Kabeya Charles MUASE, 1989, « Un pouvoir des travailleurs peut-il etre contre les syndicats ? », in POLITIQUE AFRICAINE N° 33, 1989, Retour au Burkina, pages 52 et 53.

187 Joseph KAHOUN, « CSV-CDR : pas de conflit » in CARREFOUR AFRICAIN N°810 du 23 décembre 1983, page 13.

188 Propos de Soumane TOURE cités par Kabeya Charles MUASE, 1989, « Un pouvoir de travailleurs peut-il etre contre les syndicats ? .0, in POLITIQUE AFRICAINE N° 33, 1989, Retour au Burkina, page 53.

70 KONE. Mais, ce dernier chercha à confier l'exclusivité de la commémoration à son parti le PAI-LIPAD qui était naturellement supporté par la CSV. Conséquence : le CNR le démit de ses fonctions et accusa à cette occasion le tandem PAI-CSV de fractionnisme, de putschisme et de gauchisme irresponsable.189 La dernière erreur fatale de la CSV et du PAI-LIPAD fut leur tentative de destitution du maire de la commune de Ouagadougou.190 Le CNR taxa la CSV d'anarcho-syndicaliste191 et renvoya tous les ministres du PAI-LIPAD192 en août 1984. Soumane TOURE qui protesta violemment fut licencié et incarcéré avant d'être relâché. La CSV193 ainsi disgraciée rejoignit les autres syndicats hostiles au CNR et cosigna avec eux une déclaration commune le 28 janvier 1985 contre le CNR. La plupart de ces syndicats étaient proche du PCRV, un parti clandestin de gauche (frère jumeau et rival de l'ULC, tous deux issus de la scission de l'OCV en 1978 à Paris) dont pourtant l'antipathie à l'endroit du CNR était des plus expressives. A partir de cet instant, on assistait à la formation d'un front syndical contre le CNR.

La globalisation et la radicalisation de l'opposition du CNR aux syndicats furent source de plusieurs scénarii dans lesquels les CDR se présentèrent comme de véritables fossoyeurs privilégiés des organisations syndicales. Nous analysons ces actions et leurs répercussions dans la troisième partie de notre réflexion. Avant cela, il est question pour nous maintenant de comprendre l'action des CDR dans les autres institutions de l'Etat, notamment la justice qui a été fondamentalement reformée pour servir la cause révolutionnaire.

189 Le gauchisme est souvent considéré comme une maladie du communisme. Il se définit comme une déviation préconisant un radicalisme outré dans la gestion de l'Etat révolutionnaire.

190 Le maire, disait-on, devait être remplacé par un militant de la LIPAD. On avança même le nom de Soumane TOURE.

191 ILBOUDO Emmanuel, 1985, Révolution et pratiques syndicales au Burkina, mémoire de maîtrise, Université de Ouagadougou, page 43-L'anarcho-sydicalisme renvoie à l'anarchisme, niant ainsi la nécessité du pouvoir d'Etat. Il prône l'action immédiate par le boycottage, le sabotage... Il réfute la tutelle de l'Etat dans la révolution, pensant que l'exercice du pouvoir revient aux syndicats.

192 Les ministres du PAI-LIPAD étaient : Adama TOURE, Arba DIALLO Philippe OUEDRAOGO, Emmanuel DADJOUARI et Ibrahima KONE

193 A partir du 04 août 1984 la CSV était devenue CSB à cause du nouveau nom du pays, Burkina Faso.

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