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Les Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National de la Révolution(CNR)de 1983 à  1987: une approche historique à  partir de la ville de Ouagadougou

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par Kakiswendépoulmdé Marcel Marie Anselme LALSAGA
Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
  

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V.2.3. La santé a la portée de tous

Promouvoir une santé accessible à tout le monde faisait partie des préoccupations cardinales du CNR. Très vite, ce dernier entreprit des actions concourant à cet objectif. Tout ce qui était lié au domaine sanitaire fit l'objet d'une réflexion de la part des révolutionnaires en vue de trouver des moyens et des méthodes d'action adéquats pour garantir la santé de la population.

Ainsi, le DOP stipulait : « Dans le domaine sanitaire et de l'assistance sociale en faveur des masses populaires, les objectifs a atteindre se résument en ceci

ü Une santé a la portée de tous,

ü La mise en oeuvre d'une assistance et d'une protection maternelle et infantile,

ü Une politique d'immunisation contre les maladies transmissibles par la multiplication des campagnes de vaccination,

ü Une sensibilisation des masses pour l'acquisition de bonnes habitudes hygiéniques.

287 Confère Rapport de la 1ère Conférence des CDR, page 69.

288 Bruno JAFFRE, 1989, Burkina Faso : les années sankara, Paris, L'Harmattan, page 133.

Tous ces objectifs ne peuvent etre atteints sans l'engagement conscient des masses populaires elles-memes dans le combat sous l'orientation révolutionnaire des services de santé ».289

Ces déclarations formulaient toute l'importance de l'engagement du CNR qui entendait se baser sur la mobilisation et la responsabilisation de la population pour promouvoir une meilleure santé au grand bonheur de celle-ci. Un engagement qui ne s'est pas contenté de se répéter dans le style monotone de la parole, mais qui s'était traduit par des actions et des résultats probants.

Ainsi, dans le cadre d'actions dites commando, le CNR lança dans un premier moment une vaste campagne de vaccination dénommée « vaccination commando ». Les actions commando furent initiées par le CNR pour agir de façon concertée et rapide face à des situations d'urgence auxquelles la société était confrontée. Cette vaccination commando constitua une opportunité fort salvatrice pour des milliers d'enfants qui étaient menacés par des maladies comme la rougeole, la fièvre jaune, pour ne citer que celles-là.

En effet, le Burkina Faso avait un taux de mortalité infantile des plus élevés au monde, estimé à 150%o à la naissance et à 36%o avant la quatrième année.290 Sous la présidence de Sangoulé LAMIZANA, un vaste programme de vaccination avait été conçu et devait être exécutoire à partir de 1980. Mais, ce programme avait connu des retards assez criards non seulement à cause de l'inexistence des ressources humaines et de logistique adéquates pour assurer la vaccination, mais encore à cause des remous politiques qui ne permettaient pas sa mise en oeuvre. Le CNR à son accession au pouvoir se résolut le 19 septembre 1984 à rattraper ce retard à l'issue d'un conseil de ministres. Les CDR furent vivement sollicités pour cette campagne inédite.

Elle se tint du 25 novembre au 10 décembre 1984 et remporta un succès qui fit écho dans le monde entier et provoqua une admiration internationale pour le pays. Les tâches de sensibilisation et d'organisation furent « royalement » assumées par les CDR. Ceux-ci passèrent dans les familles pour convaincre les parents de faire vacciner leurs enfants, procédèrent au recensement de ces derniers, à la vente des carnets et à l'organisation des séances de vaccination. La presse nationale fut mise largement à contribution pour faire passer cette propagande.

Grâce à cette sensibilisation et à cette mobilisation populaires réussies par les CDR en liaison étroite avec les services de santé, plus de 2 millions d'enfants de

289 CNR, 1983, DOP : « Pour une révolutionnarisation de tous les secteurs de la société voltaïque », page 42.

290 Bruno JAFFRE, 1989, Burkina Faso : les années sankara, Paris, L'Harmattan, page 79.

105 moins de 14 ans avaient été vaccinés291. Rarissime succès dans le monde, ce qui valut aux autorités les vives congratulations du Directeur général de l'UNICEF, Monsieur James GRANT, en ces termes : « J'ai été impressionné par l'engagement que le gouvernement a montré a l'occasion de cette campagne, aussi bien en ressources humaines et financieres que la maniere dont toutes les méthodes disponibles ont été utilisées pour réussir la nécessaire mobilisation de la communauté [...] Cet effort national est une des étapes mémorables du monde actuel vers la révolution pour la survie de l'enfant, et je suis fier que l'UNICEF ait pu etre associé a ce succes historique du gouvernement du Burkina Faso ».292

A partir 1983, le CNR lança l'opération « un village, un poste de santé primaire » afin de doter chaque village d'un local sanitaire dans lequel les habitants pouvaient bénéficier de soins élémentaires. Cette opération que Basile GUISSOU appela symboliquement « la santé des cases rondes » remporta aussi un succès. Bien sûr, par la suite, certaines cases manquèrent de locataires pour donner les soins sollicités par les villageois. Mais, ce qui est spectaculaire ici, c'est l'engouement populaire rural obtenu par la sensibilisation des CDR ayant permis l'érection de ces infrastructures de santé. Même en ville, on assista à la construction d'infrastructures sanitaires grâce à l'action des CDR. Pour obtenir les fonds, ceux-ci faisaient cotiser les gens, organisaient des kermesses ou s'adressaient à des ONG. La main-d'oeuvre était assurée gratuitement. Le bilan de la première conférence des CDR faisait état de la construction de 24 Centres de Santé et Promotion Sociale (CSPS), 6 maternités, 90 dépôts pharmaceutiques, 28 dispensaires et 1 centre médical, tout cela grâce aux CDR.293 Par exemple dans la ville de Ouagadougou, les CDR des secteurs 17, 19, 28 et 30 construisirent des dispensaires, un pour chacune des circonscriptions. Au secteur 25, ils édifièrent un PSP.294

Ce qui fut déplorable dans l'érection de ces différentes formations sanitaires fut la coercition qu'elles causèrent souvent. Ceux qui refusèrent de cotiser ou de travailler bénévolement endurèrent parfois de mauvais traitements de la part des CDR au nom de l'intérêt du peuple. Des déviations comme l'escroquerie, la mauvaise gestion de l'argent récolté constituent de nos jours des données qui mettent à jour les insuffisances de cette autogestion sanitaire de proximité animée par les CDR.295

291 Basile GUISSOU, 1995, Burkina Faso : un espoir en Afrique, Paris, L'Harmattan, page 121.

292 Propos cités par Bruno JAFFRE, 1989, Burkina Faso : les années sankara, Paris, L'Harmattan, page 80.

293 Voir le rapport de la 1ère conférence des CDR à la page 86.

294 Sylvy JAGLIN, 1995, Gestion urbaine partagée à Ouagadougou : pouvoirs et périphéries, Paris, Karthala, page 320.

295 Ludo MARTENS, 1989, SANKARA, COMPAORE et la révolution, Paris, EPO International page 212.

La politique de santé du CNR intégra l'éducation sanitaire (assainissement) de la population et la question de l'eau potable dans son programme. Ainsi, le pouvoir montra son aspiration à inculquer dans l'esprit de la population de bonnes habitudes hygiéniques susceptibles d'aider à la prévention des maladies. Quoi de plus logique, salubrité rime bien avec bien-être. Les CDR agirent dans ce sens pour amener les gens à se créer un cadre de vie sain. Toutes ces actions se faisaient en liaison étroite avec l'ONASENE.

Dans le cadre des travaux d'intérêt commun, les CDR effectuèrent régulièrement des nettoyages. Ils organisèrent des opérations dites « mana mana » ou « ville propre » à Ouagadougou pour y faire de la propreté une réalité. Des lieux de dépôt des déchets publics furent alors choisis dans les secteurs. Une fois que la nécessité d'un ramassage se posait, les CDR qui en assuraient la surveillance faisaient appel à l'ONASENE, qui se chargeait de transférer les ordures ailleurs. Les latrines publiques furent considérées comme un outil indispensable dans la promotion de l'hygiène publique. Le bilan de la première conférence des CDR indique que jusqu'à l'avènement du 04 août 1983, seulement deux latrines publiques existaient dans la ville de Ouagadougou.296 Sylvy JAGLIN confirme ce fait en ces termes : « Equipements nouveaux a Ouagadougou, il en existe deux seulement au marché central avant 1983 ».297 Grâce à un appui de l'UNICEF, les CDR en construisirent douze entre 1983 et 1986.298 Le gardiennage de ces édicules étaient assuré par les CDR qui s'occupaient du même coup de l'entretien grâce à un matériel obtenu de l'UNICEF (balais, bottes, savon...).299

L'éducation de la population en matière d'hygiène s'inséra dans cette politique d'assainissement. La discipline fut imposée à cet effet. Par exemple l'interdiction de jeter des ordures, des eaux usées, des emballages en dehors des dépôts publics ou de « faire ses besoins » en dehors des latrines publiques. Les CDR réprimandaient sévèrement les contrevenants, parfois à coup d'amende. Cette volonté de gendarmer les comportements quotidiens pour exiger un code de conduite amenait les CDR à s'infiltrer dans les pratiques journalières des familles d'où des mésententes. Cette ingérence était détestée par les ménages qui accordaient aux CDR du crédit pour conduire des chantiers collectifs mais leur déniaient le pouvoir de juger et de dicter les moeurs internes familiales.300

En ce qui concerne la question de l'eau, le pouvoir révolutionnaire ambitionnait de fournir au moins 25 litres d'eau potable à chaque habitant par jour.

296 Rapport de la 1ère conférence des CDR, pages 87 et 88.

297 Sylvy JAGLIN, 1995, Gestion urbaine partagée à Ouagadougou : pouvoirs et périphéries, Paris, Karthala, page 325.

298 Ibidem .

299 Ibidem .

300 Idem, page 329.

107 L'eau c'est la vie, dit-on généralement. La question de l'eau constituait donc une préoccupation majeure du CNR. Dans les milieux villageois, les habitants ne disposaient guère de l'eau potable, et en ville, l'approvisionnement en eau de façon régulière et suffisante n'était pas toujours une évidence.

Pour juguler le problème, le CNR créa un ministère de l'eau. Grâce à la mobilisation des structures populaires, plus de 250 retenues d'eau et de 2 000 forages dans les campagnes et dans les villes purent être édifiés.301 Entre 1945 et 1980, on dénombrait 7 centres de distribution d'eau courante dans tout le territoire national. Entre 1980 et 1986, on en comptait 17, et de 1986 à 1990, 34.302

A partir de l'année 1985, le CNR confia la gestion et la distribution de l'eau potable aux CDR. Les bornes-fontaines, les postes d'eau autonome et les pompes manuelles passèrent sous le contrôle direct des CDR. Il s'agissait de faciliter la distribution en veillant au respect de l'ordre au niveau des dispositifs de distribution et d'éviter les spéculations au niveau de la revente. A cet effet, une lettre du directeur régional de l'ONEA adressé au haut-commissaire du Kadiogo stipulait : « L'évènement est d'importance d'abord par le simple fait de la gestion du bien du peuple par lui-même a travers ses organisations démocratiques révolutionnaires ; ensuite parce qu'il permet le nécessaire controle aussi bien a l'amont qu'd l'aval de la vente d'eau dans un contexte particulier caractérisé par une rareté de la ressource et oft les fossoyeurs des intérêts des masses populaires spéculent et font de l'eau une marchandise a sources de revenus ». 303

Au-delà de cette volonté de socialiser les services d'eau pour l'intérêt général, le transfert de l'affermage des bornes-fontaines aux CDR connotait politique. Avant 1983, les pouvoirs traditionnels contrôlaient majoritairement les circuits de distribution d'eau. Le fond de la nouvelle disposition fut alors de leur retirer l'affermage afin d'émousser leur assise populaire ; assurément il n'a pas été révélé que les chefs moose étaient les seuls à contrôler la distribution collective de l'eau dans la ville de Ouagadougou avant 1985, « mais il est acquis qu'ils en profitaient largement dans certains quartiers ».304

En définitive, eu égard aux avancées obtenues malgré certains dysfonctionnements, on peut convenir que la politique sanitaire du CNR a enregistré des résultats concluants. Elle a permis la conception de schémas dans lesquels les structures populaires ont contribué largement à créer des conditions de bien-être social.

301 Confère le rapport de la 1ère conférence des CDR, page 67.

302 Basile GUISSOU, 1995, Burkina Faso : un espoir en Afrique, Paris, L'Harmattan, page 112.

303 Cité par Sylvy JAGLIN, 1995, Gestion urbaine partagée à Ouagadougou : pouvoirs et périphéries, Paris, Karthala, page 349.

304 Ibidem.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci