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Les Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National de la Révolution(CNR)de 1983 à  1987: une approche historique à  partir de la ville de Ouagadougou

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par Kakiswendépoulmdé Marcel Marie Anselme LALSAGA
Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
  

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V.2.5. La politique du logement : avenement d'une nouvelle ere urbaine

La révolutionnarisation de tous les secteurs de la société civile devait inéluctablement passer par une réorganisation et un remodelage des espaces urbains. Le CNR mit en oeuvre dès son avènement une politique immobilière originale dont l'objectif était de permettre aux villes de jouer efficacement leur rôle de cités révolutionnaires.

320 Bruno JAFFRE, 1989, Burkina Faso : les années sankara, Paris, L'Harmattan, page 90.

321 Basile GUISSOU, 1995, Burkina Faso : un espoir en Afrique, Paris, L'Harmattan, page 118.

322 Voir le Rapport de la 1ère conférence des CDR à la page 81.

Pour mieux cerner la réalité de cette dynamique urbaine impulsée par la révolution qui apporta à bien de villes une nouvelle physionomie par rapport au passé, nous consacrons notre étude fondamentalement sur la ville de Ouagadougou.

Avant la révolution, l'immobilier ouagalais excepté quelques buildings administratifs, était précaire. C'était la préexcellence de l'habitat spontané dépourvu d'eau, d'électricité et d'évacuation des eaux sales et autres ordures ménagères. La fréquence de ce type d'habitat était frappante au niveau des périphéries de la ville.323

Le CNR héritait donc à son avènement d'une ville embryonnaire et désordonnée qui divulguait parfaitement selon lui l'atrophie des régimes dits réactionnaires qui s'étaient succédé après les indépendances : « ... 2l n y a jamais eu de véritable politique en matière de développement urbain et d'habitat, hormis quelques opérations de portée limitée [...] ».324 Effectivement, la configuration du Ouagadougou d'avant la révolution telle que nous l'avons découverte en haut n'infirme nullement cette vision du CNR. Près de 50% de l'espace urbain de Ouagadougou était fait d'habitats spontanés abritant 60% de la population urbaine qui croissait annuellement d'environ de 7 à 8%.325

Les surfaces loties ne pouvaient alors pas faire face à cette croissance démographique accrue, surtout qu'il n'était pas donné à tout le monde de disposer de moyens substantiels pour s'installer dans ces terrains aménagés. Du coup, les familles démunies étaient ainsi acculées à ériger leurs logis dans les zones périurbaines d'où la naissance des habitations dites spontanées. Ouagadougou était vraisemblablement à l'image des villes brésiliennes dont les clivages infrastructurels socio-économiques étaient des plus criards. On remarquait alors la cité nantie, bien aménagée et embellie qui fièrement contrastait avec la « ville pourrie » tristement célèbre par ses installations anarchiques avec une insalubrité angoissante. La spéculation foncière aggravait cette crise du logement. Le terrain était considéré comme une source de richesse326 et l'absence d'une politique dûment définie en matière de transaction immobilière cédait la place à l'arbitraire. Il résultait de ce fait une démission de l'Etat que certains ont incorporée à de l'irresponsabilité et à de l'incompétence. « En laissant la situation spéculative prendre de l'ampleur au gré de l'initiative anarchique des propriétaires fonciers mus par le souci du plus grand profit possible, l'Etat démissionne de sa

323 Bruno JAFFRE, 1989, Burkina Faso : les années sankara, Paris, L'Harmattan, page 135.

324 Oumarou PARE, « L'habitat social au Burkina Faso » in AGENCE DE COOPERATION CULTURELLE ET TECHNIQUE, 1985, Habitat social urbain dans les pays en développement, Ecole internationale de Bordeaux, page 82.

325 Ibidem.

326 Au Burkina Faso la terre est considérée de façon globale comme une valeur marchande, comme la base de la réussite sociale en ville.

114 responsabilité. Il laisse se créer des pouvoirs de fait qui imposent a la collectivité une politique impopulaire ».327

Cette spéculation foncière transvasait même sur les prix des loyers dont la hausse était continuelle et désordonnée. « Investir dans l'immobilier était dans le passé la meilleure source de revenus. La spéculation sur les prix des locations avait atteint un niveau éhonté ».328 L'obtention d'un logement convenable était devenue un luxe pour le commun des Burkinabé si on retient que le loyer représentait 30 à 50 % du salaire mensuel.329 Cette situation a été facilitée par le manque d'une législation dans le domaine : « Depuis 1960 jusqu'en 1983, aucun texte n'avait été mis en place pour reglementer la question essentielle des loyers et baux au Burkina Faso. Ceci expliquait les coats élevés et trts anarchiques des loyers dans nos villes ».330

Avec l'avènement du régime révolutionnaire, ce fut le début d'une nouvelle dynamique en matière de logement et d'urbanisation. En s'appuyant sur les structures populaires révolutionnaires que sont les CDR, le CNR développa une approche révolutionnaire du développement urbain et de l'habitat social. On assista ainsi à une modification spécifiquement révolutionnaire de l'espace urbain dans le but d'aboutir à une recomposition radicale de la société sous l'impulsion et le contrôle exclusif de l'Etat.331 De ce fait, le CNR décida d'abord la nationalisation de la terre par une réorganisation agraire et foncière à travers l'Ordonnance N° 84-050/CNR/PRES le 30 septembre 1983 : « Article ler : Il est créé un Domaine National Foncier (DFN) constitué par toutes les terres situées dans les limites du territoire national... ».332

Ensuite, il déclencha une vaste campagne de lotissement. La Loi bulldozer du 22 février 1984 se mit à l'assaut des quartiers d'habitat spontané.333 Dès le 24 février 1984, les premiers quartiers sont rasés pour permettre de nouveaux lotissements. Le pouvoir positionna les CDR comme superviseurs par excellence de cette opération. Le CNR pensait à la nécessité de la participation effective du peuple à la gestion des affaires foncières. L'implication des CDR dans cette gestion était expressément inscrite dans la loi qui stipulait que les enquêtes préalables et l'application des plans devaient se faire obligatoirement avec la collaboration étroite des CDR, et que ces derniers étaient absolument membres des commissions d'attribution de

327 Oumarou PARE, « L'habitat social au Burkina Faso » in AGENCE DE COOPERATION CULTURELLE ET TECHNIQUE, 1985, Habitat social urbain dans les pays en développement, Ecole internationale de Bordeaux, page 83.

328 Bruno JAFFRE, 1989, Burkina Faso : les années sankara, Paris, L'Harmattan, page 137.

329 Oumarou PARE, op cit, page 84.

330 Ibidem.

331 Alain MARIE, 1989, « Politique urbaine : une révolution au service de l'Etat » in POLITIQUE AFRICAINE N° 33, 1989, Retour au Burkina, Paris, Karthala, page 35

332 Ordonnance N° 85-050/CNR/PRES du 04 août 1984 portant Réorganisation Agraire et Foncière (RAF) au Burkina Faso in JOURNAL OFFICIEL N°33 du 16 avril 1984, p.p. 806%809.

333 CARREFOUR AFRICAIN N° 820 du 02 mars 1984, page 32.

115 parcelles.334 La présence des CDR au centre du dispositif garantissait une main-d'oeuvre gratuite ; par exemple ils assuraient la confection des bornes. En plus, elle permettait l'ouverture de plusieurs chantiers que les mécanismes de l'urbanisme étaient incapables d'assurer seuls.335

Tambour battant, le CNR créa des institutions pour coordonner en collaboration avec les CDR la réalisation de son projet urbain. A cet effet, fut instituée la Direction Générale de l'Urbanisme, de la Topographie et du Cadastre (DGUTC), une structure chargée de la conception de l'exécution et du contrôle des opérations d'aménagement urbain.336 La DGUTC élabora en 1984 un Schéma Directeur d'Aménagement Urbain (SDAU) pour planifier et maîtriser le développement de Ouagadougou jusqu'à l'horizon 2000, de façon à endiguer l'extension de l'habitat spontané.337 Il y eut aussi la création de la Société de Construction et de Gestion Immobilière du Burkina Faso (SOCOGIB) pour promouvoir des logements sociaux et de standing accessible au citoyen moyen.338 Il faut citer en ajout la création de la Banque Populaire de l'Habitat (BPH) pour financer le logement social.339 Enfin, l'institution de la Délégation du Peuple au Logement (DPL), une structure étroitement rattachée au CDR devant lutter contre l'augmentation anarchique des prix de loyer.340

La combinaison des actions de toutes ces structures octroya réellement au CNR les moyens de réussir son pari. Dans le domaine des lotissements, on ne peut pas méjuger les efforts méritants qui ont été fournis. Ainsi entre 1984 et 1986, 62 000 parcelles furent attribuées, ce que les régimes antérieurs, période coloniale y comprise, n'avaient réussi à réaliser en un siècle (1895-1983).341

Les attributaires bénéficièrent d'un allègement des taxes de jouissance et purent construire des villas modernes qui refirent la physionomie urbaine. La construction du logement ne fut pas exclusivement laissée aux initiatives individuelles. L'Etat lui-même s'engagea à travers ses institutions d'urbanisation. Ainsi, on assista à

334 Décret N° 85-317/CNR/PRES/EQUIP du 07 juin 1985 portant création de structures et fixant les conditions de réalisation des opérations d'aménagement urbain in JOURNAL OFFICIEL N° 27 du 04 juillet 1985, p.p. 676-678.

335 Sylvy JAGLIN, 1995, Gestion urbaine partagée à Ouagadougou : pouvoirs et périphéries, Paris, Karthala, page 250.

336 Décret N°83-317/CNR /PRES/EQUIP du 07 juin 1985 portant création de structures et fixant les conditions de réalisation des opérations et d'aménagement urbain, in JOURNAL OFFICIEL N° 27 du 04 juin 1985, p.p. 676 - 678.

337 Alain MARIE, « Politique urbaine : une revolution au service de l'Etat » in POLITIQUE AFRICAINE N° 33, 1989, Retour au Burkina, Paris, Karthala, page 29.

338 Décret N° 83-317/CNR/PRES/EQUIP du 07 juin 1985 portant création de structures et fixant les conditions de réalisation des opérations d'aménagement urbain in JOURNAL OFFICIEL N° 27 du 04 juillet 1985, p.p. 676-678.

339 Ibidem.

340 Ibidem.

341 Ludo MARTENS, 1989, op cit à la page 217 et Basile GUISSOU, 1995, op.cit. à la page 120.

116 la construction de plusieurs maisons modernes qui conféra à Ouagadougou une renaissance urbaine, réalité que notre étude analyse en sa troisième partie.

L'expression de cette nouvelle approche en matière d'urbanisme et de logement à l'instar des autres entreprises du CNR concourait à des fins d'affirmation et de légitimation politique. La ville devait alors devenir le miroir d'une révolution bienfaisante, agissante pour l'épanouissement du peuple.

En effet, au-delà de sa volonté de démocratiser le logement et de promouvoir le bien-être des populations urbaines, l'action du CNR était éminemment politique dans la mesure où elle avait entamé la désagrégation de la base économique de ses ennemis en vue de les liquider. Dans la ligne de mire, il y avait premièrement la chefferie traditionnelle et secondairement la bourgeoisie : « Le droit foncier et agraire du Burkina Faso était marqué du sceau bourgeois et féodal et donc utilisé contre les masses laborieuses ».342 Par la nationalisation des terres, le CNR procédait à la suppression du droit coutumier et de tous les titres fonciers et à l'institution d'un simple titre de jouissance sur les terrains. En 1984, le pouvoir décida la réduction des prix de loyers et déclara en 1985 la gratuité du logement sur toute l'étendue du territoire. Il chargea la DPL de faire respecter toutes ces dispositions avec le soutien des CDR : « Nous faisons confiance aux CDR... Sans eux, nonobstant toutes les structures qu'on aurait pu créer, cette mesure serait difficilement appliquée. Aujourd'hui nous bénéficions de la contribution des CDR qui sont un appui trts important : ce sont les bras de la DPL ».343 Grâce à ces mesures les spéculations devinrent rares et l'Etat put décroître ses dépenses d'indemnisation pour les fonctionnaires. Le loyer fut rétabli en 1986 mais les propriétaires furent obligés de payer une taxe qui remonte à 50% des loyers qui leur étaient versés par les locataires. Les CDR veillaient au respect de toutes ces décisions. Grâce à l'assistance de ces derniers, l'Etat confortait en amont le contrôle social sur les populations, et en aval, il récupérait une partie des revenus fonciers dont il avait nationalisé les prélèvements. Cette rente lui permettait de financer ainsi son programme de développement.

Le triomphalisme du CNR suscité par les résultats et les statistiques dans le secteur de l'urbanisation et du logement des CDR cachait pas mal de déviations qui découlèrent d'un empressement excessif de la part des CDR. L'unilatéralisation d'une violence multiforme orchestrée par ces derniers dans l'application de cette politique urbaine participa inexorablement au mécontentement populaire qui a précédé la chute

342 Oumarou PARE, « L'habitat social au Burkina Faso » in AGENCE DE COOPERATION CULTURELLE ET TECHNIQUE, 1985, Habitat social urbain dans les pays en développement, Ecole internationale de Bordeaux, page 87.

343 Lieutenant Daouda TRAORE interviewé par Jean Claude MEDA, « Dans cinq mois, le branlebas de combat contre les fraudeurs » in CARREFOUR AFRICAIN N°888 du 21 juin 1985, page 26.

117 du CNR. Nous nous penchons sur ces conséquences néfastes dans la troisième partie de notre étude.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984