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Les Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National de la Révolution(CNR)de 1983 à  1987: une approche historique à  partir de la ville de Ouagadougou

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par Kakiswendépoulmdé Marcel Marie Anselme LALSAGA
Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
  

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V.2.6. Compter sur ses propres forces : « Produire et consommer burkinabe »

Le rêve d'une économie indépendante, autosuffisante et planifiée était une antienne dans tout le discours et toute l'action du CNR. La concrétisation de ce rêve sans l'engagement du peuple demeurait mythique. Conscientiser et responsabiliser le peuple pour qu'il soit le répartiteur de son bien-être faisait partie donc des préoccupations du CNR. Thomas SANKARA déclarait à ce sujet : « Je suis profondement convaincu que le peuple voltalque peut faire son bonheur lui-meme et etre l'artisan de son propre developpement ».344 « Travailler par soi-meme et pour soi-meme, c'est l'expression de la volonte du peuple qui loin d'être une spiritualite est realite vivante et agissante ».345 Le CNR décida alors à travers les CDR de développer des initiatives productrices de richesses.

On assista jusqu'en fin 1986 à la création de champs collectifs par les CDR. Les travaux de ces champs devaient être assurés par tout le monde à travers les CDR. Mais, ces champs collectifs n'avaient pas connu réellement le succès escompté, surtout dans le milieu urbain où la réticence des fonctionnaires était manifeste. Il s'ensuivit dès lors des méthodes contraignantes à l'endroit des non participants aux travaux.

L'exemple le plus intéressant dans ce registre d'initiatives productrices fut celui des étudiants de l'Université de Ouagadougou. Ces derniers disposaient d'un centre à Nioko 2 où ils menaient des activités agropastorales. En 1987, on dénombrait dans leur porcherie, plus de 100 porcs, et dans leur poulailler, 580 pondeuses et 180 poules de chair ; enfin, ils exploitaient un champ d'arachide de 3 hectares pendant les vacances.346

A partir de 1987, dans le cadre de l'adoption du plan quinquennal de développement populaire, le CNR lança un nouveau mot d'ordre à contenu politique, économique et social : « Produire et consommer burkinabé ».

La rhétorique du CNR à travers ce mot d'ordre était non seulement, comme nous l'avons déjà observé, d'inculquer dans l'esprit des Burkinabé, le sens et

344 Propos recueillis par un journaliste de la PANA (Organe de presse de l'Unité Africaine) Muktar Kablai Mustapha lors d'un entretien rapporté par CARREFOUR AFRICAIN N° 790 du 12 août 1983, page 26.

345 Jean Luc BONKIAN, « La vie des CDR » in CARREFOUR AFRICAIN N° 795 du 09 septembre 1983, page 10.

346 Sassan KAMBOU « CDR de l'Université de Ouagadougou : au-dell de la théorisation » in CARREFOUR AFRICAIN N° 974 du 13 février 1987, pages 18 et 19.

118 tout le bien d'un développement participatif, mais encore de leur souligner la nécessité de la consommation des produits nationaux comme base d'un auto-développement durable. En prétendant mener une « lutte contre les agressions l'impérialisme »,347 le CNR professait ainsi un certain protectionnisme qu'il est intéressant de remarquer. Dans une période où la révolution était arrivée à faire développer des entreprises collectives (coopératives et autres...) générant des produits locaux assez substantiels, cette attitude du CNR dénotait un réalisme économique qu'il faut saluer.

Prenons par exemple la production des fruits et des légumes. Elle connaît une hausse suscitée par les encouragements du pouvoir révolutionnaire. Une grande quantité de cette production devait être exportée vers le marché européen. Cependant, le marché extérieur sabotait parfois les contrats d'exportation. Ainsi, 40 tonnes de haricots verts furent abandonnées à l'aéroport dans le courant de l'année 1987.348 Pour pallier cette situation décevante pour les producteurs, l'Etat dicta une improvisation pour écouler la production, ne serait-ce qu'à moindre coût. Il contraignit les fonctionnaires à acheter le haricot.349 On effectua un battage médiatique pour apprendre aux citoyens à consommer leur haricot vert. Cette situation permit au CNR de réaffirmer la pertinence de son mot d'ordre.

La deuxième illustration concerna le textile. Avec une production de 100 mille tonnes de coton en moyenne par an, le Burkina Faso ne possédait cependant qu'une petite usine dont la capacité de transformation n'excédait pas 3000 tonnes, soit 2% en moyenne.350 Pour lancer ce secteur, le pouvoir décida d'obliger les fonctionnaires à s'accoutrer avec le faso dan fani(expression de langue dioula signifiant tissu du pays), la cotonnade locale, pendant les heures de service. Les membres du gouvernement devaient donner l'exemple pendant les cérémonies officielles. Par ces nouvelles dispositions, le pouvoir instaurait une nouvelle logique vestimentaire. Elle découlait aussi de la préoccupation du CNR de pourvoir un marché de consommation aux femmes qui se regroupaient dans de petites coopératives de tissage.351

Au-delà de l'aspect protectionniste de ce mot d'ordre, sa fonction didactique fut aussi d'exhorter les Burkinabé à assumer leur histoire en étant les levains d'une fierté nationale, d'un patriotisme révolutionnaire. Thomas SANKARA disait à ce propos : « Nos réflexes de consommateurs devront etre révisés quant a nos gouts, nos couleurs, nos habitudes. Ce sera hautement patriotique que de consommer Burkinabé ». Mais, le mot d'ordre « produire et consommer burkinabé » ne suscita pas l'assentiment de

347 SGN-CDR, « Conférence nationale des CDR : le canevas des débats et des syntheses » in CARREFOUR AFR1CA1N N° 974 du 13 février 1987, page 13.

348 Basile GUISSOU, 1995, Burkina Faso : un espoir en Afrique, Paris, L'Harmattan, page 127.

349 Ibidem.

350 Idem, page 126.

351 Idem, page 127.

119 la grande majorité du peuple. Même dans l'institution gouvernementale, l'unanimité ne fut pas acquise. Le journal satirique L'INTRUS avait remarqué cette résistance insidieuse lors des conseils des ministres du 29 octobre 1986 et du 05 novembre 1986 ; très peu de ministres avaient porté le faso dan fani.352 Le 29 octobre 1986, le jour même de la consécration de la mesure de revalorisation de la cotonnade, « pas un seul membre du gouvernement portait cette affaire! ».353 « Pourquoi les ministres les plus assidus dans le port du boubou ont opté ces temps-ci pour la soie et la laine importées, sachant bien que cela contribue a résorber le chomage chez les autres tout en accentuant le fléau chez nous ? »354 se demandait L'INTRUS ? La décision incubait alors des objections au niveau de l'instance dirigeante. « La pression contre cette mesure fut trts forte dans les ministeres, surtout au niveau des élites syndiquées a la recherche de prétexte pour s'opposer a un régime qui avait sérieusement réduit leur marge de manceuvres en créant ses propres structures de mobilisation ».355 Dans les services, la résistance au port du faso dan fani avait pris une forme ironique. En se rendant au travail, certains fonctionnaires s`habillaient à l'occidental, tout en prenant le soin d'emporter dans leurs sacs ou dans un sachet, le faso dan fani. Lorsque les bruits d'une visite inopinée de Thomas SANKARA se faisaient entendre dans les couloirs, ils enfilaient très rapidement la cotonnade. Ainsi, le faso dan fani avait pris le surnom de « Sankara arrive ».356 La chute du CNR le 15 octobre 1987 charria l'abandon de ce nouvel usage vestimentaire et alimentaire.

Tout compte fait, le jeu des CDR dans la sphère économique a permis au CNR d'étatiser le secteur. Ce fut la mise en vigueur d'une nouvelle approche économique basée sur l'austérité et la participation effective des collectivités sous la houlette des structures populaires révolutionnaires. La quintessence de cette redéfinition de l'économie qui était d'amener les masses à être elles-mêmes les chantres d'un auto-développement fut à l'origine d'un chamboulement des logiques économiques antérieures au bénéfice des idéaux défendus par la révolution. Cette nouvelle définition concourrait à distiller une morale révolutionnaire grâce aux CDR dans leurs relations avec les masses en vue de créer la société nouvelle réclamée par le DOP.

352 L'INTRUS N°0020 du 7 novembre 1986 : N Tenue officielle burkinabe, vidons nos garde-robes I, page 4.

353 Ibidem

354 Ibidem

355 Ludo MARTEN, SANKARA, COMPAORE et la révolution, Paris, EPO International, page 135

356 Témoignage de Gervais OUEDRAOGO dans le film Thomas SANKARA, l'homme intègre du réalisateur belge Robin SHUFFIELD.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus