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Les Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National de la Révolution(CNR)de 1983 à  1987: une approche historique à  partir de la ville de Ouagadougou

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par Kakiswendépoulmdé Marcel Marie Anselme LALSAGA
Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
  

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VI.2.5. La lutte contre l'excision

Ce fut lors de la semaine nationale de la femme de mars 1985 que le CNR décida la lutte contre la pratique de l'excision. On assista à une condamnation unilatérale de la pratique. Selon Thomas SANKARA, l'excision matérialisait ce que la tradition africaine avait de pire, de plus dur et de plus inadmissible.436 Il s'agissait donc d'une condamnation sans appel d'une pratique pourtant très populaire dont la finalité était d'aboutir à son extirpation totale de la société.

Tâche épineuse lorsqu'on sonde la réalité sociale sur laquelle la prégnance des symboles culturels et religieux représentés par l'excision demeure éminente.437 En effet, comme le fait remarquer Mathias KANSE, l'exercice de l'excision était relatif à un ensemble complexe de mythes et de croyances. Ainsi, on a pu penser que le maintien du clitoris chez la femme tuait le nouveau-né qui l'effleurait. Dans certaines traditions, la femme ne revêtait sa vraie nature que lorsqu'on lui enlevait son clitoris qui constituait un organe virilisant. D'autres, surtout dans les milieux musulmans, voyaient en l'excision une étape qui rendait la femme pure. Il faut enfin relever cette opinion générale qui estimait que l'excision était une nécessité pour s'assurer la fidélité de la femme mariée. A ce propos, Adja Fatimata SAMASSEGOU, exciseuse depuis l'âge de 12 ans affirmait : « Jadis lorsque les hommes allaient en guerre ou bien étaient choisis pour faire le guet et prévenir en cas d'agression, ils faisaient exciser leurs femmes pour que durant leur absence elles n'éprouvent pas le désir de rapport sexuel. [...] ll faut avouer

436 Mathias S-KANSE, « Le CNR et les femmes : de la difficulté de libérer la moitié du ciel » in POLITIQUE AFRICAINE N°33, 1989, Retour au Burkina, Paris, Karthala, page 71.

437 Ibidem.

que les femmes non excisées sont plus sensuelles et plus enclines a tromper leurs maris ».438

Le CNR se trouvait ainsi en butte à une situation délicate qui le forçait à transiger avec l'exactitude sociale. Mathias KANSE soutient dans ce sens qu' « il a pu mesurer la difficulté qu'il y a a engager une lutte contre des symboles profondément enracinés dans l'imaginaire populaire ».439

Fort de ce constat, le CNR opta pour une stratégie souple. Il ne s'agit pas d'une décision ou d'un décret à appliquer systématiquement, mais plutôt d'un ensemble d'initiatives par le biais de la sensibilisation de toutes les couches populaires pour transmuer graduellement les mentalités. Dans cette perspective, on assista à des forums-débats sur la question, organisés par les CDR, de concert avec les responsables des organisations féminines et les responsables de culte. La presse fut mise à contribution pour conférer une envergure à la dénonciation de la pratique. Par exemple, on n'a pu lire à la une de l'hebdomadaire CARREFOUR AFRICAIN des titres de dossier comme : « L'excision : un égoïsme déguisé », « Ma fille ne sera pas excisée ».440 Notons que « Ma fille ne sera pas excisée » était d'ailleurs le titre d'un film coréalisé par Boureima NIKIEMA et Norbert ZONGO qui a été diffusé à la télévision pour rendre plus agissante la sensibilisation.441

Toute analyse faite, les résultats de la croisade contre l'excision obtenus sous le CNR demeurent rachitiques. Les résistances à l'abandon de cet usage prôné à cor et à cri par le CNR furent des plus vives, surtout dans les espaces ruraux dont le taux élevé de l'analphabétisme consacrait un certain ésotérisme au message du CNR. Il n'en demeure pas moins que dans les centres urbains comme Ouagadougou, on a pu observer un recul de la pratique.442

De nos jours, l'excision est devenue une pratique illicite sévèrement punie et une opinion de plus en plus large souscrit à cette disposition légale. Les efforts du CNR ont eu le mérite d'avoir interpellé l'opinion nationale sur une pratique qui était dangereuse pour la santé de la femme et que des considérations culturelles et religieuses impertinentes avaient légitimée à tort. Le CNR a été au début de cette longue

438 Apolline OUEDRAOGO et Ferdinand DABIRE, « L'excision, une ceinture de chasteté » in CARREFOUR AFRICAIN N° 874 du 15 mars 1985, entretien avec Adja Fatimata SAMSEGOU, exciseuse, page 19.

439 Mathias S-KANSE, op cit, page 71.

440 Apolline OUEDRAOGO et Ferdinand DABIRE, « La mutilation sexuelle : un égoïsme déguisé ? » in CARREFOUR AFRICAIN N° 874 du 15 mars 1985, pages 19 et 20, et Yirzaola MEDA, « Ma fille ne sera pas excisée : plaidoyer contre l'excision » in CARREFOUR AFRICAIN N°1006 du 02 octobre 1987, page 23.

441 Voir CARREFOUR AFRICAIN N° 1006 du 02 octobre 1987 à la page 23.

442 Christine BENABDESSADOK, « Femmes et révolution: comment libérer la moitié de la société » in POLITIQUE AFRICAINE N° 20, Le Burkina Faso, Paris, Karthala, page 50.

144 marche qui a permis aux gouvernants actuels de proscrire légalement la pratique de l'excision

En somme, la politique de révolution des mentalités a constitué un véritable code moral et social nouveau avec des implications diverses et complexes faites souvent de passivité ou de résistance au niveau des couches sociales. Cela révèle la difficulté que le CNR avait à faire adhérer la société à un nouveau style de vie contredisant des habitudes ou pratiques longtemps enracinées. Il ne faut cependant pas réfuter que ce civisme révolutionnaire ait éveillé la conscience de la population par rapport à des questions dont le traitement avait permis de la décharger de comportements à effets pervers.

Le rôle socio-économique des CDR a révélé un nouveau schéma directeur de développement déployé par le CNR dont l'originalité s'était traduite par la sollicitation permanente des masses populaires et l'exhortation à une vie simple basée sur l'austérité économique. La réalisation de cette nouvelle conception de développement fondée sur la participation populaire s'était exprimée par la mise en route de deux programmes de développement qui à tous points de vue ont contribué à transformer les réalités socio-économiques du Burkina Faso. On a assisté à un volontarisme spectaculaire qui, tout en impliquant la population aux activités de développement, a milité contre vents et marées pour une reconversion des mentalités, gage d'un développement véritable et durable. L'appréciation du rôle socio-économique des CDR et leur exercice du pouvoir politique met en évidence une série de bouleversements complexes de tous ordres qui ont déterminé le cours de la révolution. Nous analysons ces réalités dans la troisième partie de notre travail.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo