WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les Comités de Défense de la Révolution(CDR) dans la politique du Conseil National de la Révolution(CNR)de 1983 à  1987: une approche historique à  partir de la ville de Ouagadougou

( Télécharger le fichier original )
par Kakiswendépoulmdé Marcel Marie Anselme LALSAGA
Université de Ouagadougou - Maîtrise 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

VII. 3. 2. Le bitillonnement de la presse privée

La volonté de maîtriser l'ensemble de la presse est une raison fondamentale qui avait déterminé le CNR à museler toute presse qui échappait à son contrôle. Nous consacrons exclusivement notre analyse sur le cas de l'OBSERVATEUR.

Ce quotidien avait été créé en 1972. L'accession du CNR au pouvoir en 1983 n'augurait assurément rien de bon pour ce journal privé qui se présentait comme un quotidien d'information d'inspiration libérale.

Les difficultés de l'OBSERVATEUR débutèrent dès les premiers moments de la révolution. Dans le contexte du bras de fer entre le CNR et le SNEAHV, Pierre OUEDRAOGO au cours d'un meeting de soutien au DOP accusa ce journal de sympathiser avec la direction réactionnaire du SNEAHV et d'être en connivence avec l'impérialisme international : « N'eut été l'écho donné a ce chiffon truffé490 de contrevérités par les médias a la solde de l'impérialisme international, je ne me serais pas donné la peine d'en faire cas, car tous les militants révolutionnaires conséquents ont su accorder a ce chiffon ce qu'il mérite : un silence méprisant. L'intérêt manifesté par les médias impérialistes pour ce chiffon est révélateur de la collaboration étroite que le groupe des margouillats entretient avec les ennemis du peuple ».491 A partir de cet instant, l'OBSERVATEUR entrait définitivement dans le collimateur du pouvoir révolutionnaire qui le reprochait de solidarité avec la droite ou des syndicats réformistes comme la CNTB ou encore avec des opposants comme le SNEAHV.

En effet, si au niveau des organes de presse d'Etat les opposants ne pouvaient pas publier leurs déclarations, ils arrivaient à le faire dans les colonnes de

490 Il s'agit du communiqué que le SNEAHV avait lancé au lendemain du 04 août dans les colonnes de L'OBSERVATEUR pour demander à la population de se démarquer du CNR.

491 Pierre OUEDRAOGO, cité par Hamado NANA, « Meeting du 03 octobre, un soutien indéfectible au discours d'orientation » in CARREFOUR AFRICAIN N° 799 du 07 octobre 1983, pages 31 et 32.

163 L'OBSERVATEUR qui admettait des débats contradictoires.492 Ce fut cette admission de points de vue antinomiques à ceux du CNR qui lui avait valu l'accusation selon laquelle il conspirait avec les opposants de ce dernier. Voilà ce que Edouard OUEDRAOGO, le directeur du journal, affirme à propos de cette accusation : « Cette accusation ne nous a jamais été signifiée officiellement. Mais, nous disons que dans la logique des CDR, tout ce qui n'était pas pour eux était contre eux. Effectivement, notre journal était ouvert a tous les courants, a toutes les sensibilités. Pour nous, la vérité n'était ni a droite ni a gauche, nous ne partagions pas la vision dichotomique des CDR qui louvoyaient le monde en blanc et en noir. Pour nous la vérité était plus nuancée. Cette accusation était de type idéologique, elle vaut ce quelle vaut. Nous étions un journal d'information générale ouvert a toutes les sensibilités ».493 Evidemment, si l'on se réfère à la volonté claire du CNR d'être l'unique inspirateur de toute production journalistique ou médiatique, on ne peut que comprendre la pertinence des propos du directeur de l'OBSERVATEUR.

Le CNR ne voulait pas voir sa politique contestée ou critiquée par un journal qui échappait à son contrôle et qui pouvait offrir une opportunité de renaissance d'idées libérales capables de ressusciter une opposition de droite. Selon Edouard OUEDRAOGO, ce fut cette vision unilatéraliste du CNR sur le journalisme qui a favorisé l'incendie de L'OBSERVATEUR le 10 juin 1984, un incendie qu'il attribue d'ailleurs aux CDR : « Le journal a été victime des CDR puisque ce sont les CDR qui ont incendié notre imprimerie le 10 juin 1984. Nous avons donc payé le prix le plus fort aux CDR en tant que journal. Je crois que pendant longtemps, il a été question de savoir quel sort réserver a ce journal dont la ligne éditorialiste n'était pas pour plaire aux CDR qui avaient une vision monolithique de la vie politique nationale et de la liberté d'expression [...]. Des octobre 1983, le CNR avait décidé de désabonner du journal tous les services publics a l'exception de la présidence et du ministere des Affaires étrangeres. Cela était un indice qui ne trompait pas sur les intentions du CNR vis-a-vis du journal ».494 Au lendemain de l'incendie, le pouvoir cria « A bas la contre-révolution pyromane ! » et promit une enquête, mais aucun des exécutants de cette pyromanie ne fut arrêté.

De nos jours, l'incendie de L'OBSERVATEUR suscite toujours des controverses. Dans son oeuvre Une vie de militant, Adama TOURE, le Ministre de l'Information de l'époque confesse que c'est au cours d'un conseil de ministres que le CNR avait pris la décision de brûler le journal.495 Nous mesurons l'intérêt que suscite cette déclaration qui émane du responsable de l'information au moment de l'incendie... Cette affirmation est démentie cependant par Basile GUISSOU qui décline

492 Kabeya Charles MUASE, 1989, Syndicalisme et démocratie en Afrique : l'expérience du Burkina Faso, Paris, Karthala, page 115.

493 Edouard OUEDRAOGO : entretien du 09 août 2005 au siège de L'OBSERVATEUR paalga.

494 Idem.

495 Adama TOURE, 2002, Une vie de militant, Ouagadougou, Hamaria, page 174.

164 catégoriquement toute responsabilité du CNR dans l'incendie : « Pendant les quatre années de ma participation aux gouvernements du CNR, je n'ai assisté O. aucun conseil de ministre oft on a décidé d'incendier L'OBSERVATEUR ».496 La vérité se trouve où ? Voilà ce que Thomas SANKARA affirmait à ce sujet lors d'une interview : « Pour moi, il est dommage que L'OBSERVATEUR ait été incendié. Sa disparition dans ces conditions-lO. n'a pas de valeur éducative pour personne. Ni pour nous le pouvoir en place qui aurait su comment combattre ses idées, ni pour L'OBSERVATEUR qui ne saura jamais comment un journal se doit d'être en accord avec la société dans laquelle il se trouve. Par contre, je ne suis pas surpris que L'OBSERVATEUR ait disparu. C'est la forme qui ne me plait pas. Je n'en suis pas surpris car L'OBSERVATEUR a soutenu ceux-lO. mêmes qui disaient avant le 04 aout "si les communistes viennent au pouvoir, nous sortirons le glaive et nous les combattrons ...". L'OBSERVATEUR d'entrée de jeu s'est défini comme un journal ennemi. Des lors, il ne pouvait que connaître le sort du vaincu ».497 De l'accusation des CDR d'être les pyromanes, il déclara : « Personne ne prouve que les CDR ont mis le feu O. L'OBSERVATEUR. Qui d'ailleurs nous dit que ce ne sont pas des reglements de comptes internes tellement bien faits que cela pourrait nous desservir ? ... Nous n'avons jamais interdit un journal depuis qu'existe la révolution ».498 Pour l'instant, l'appréciation de toutes ces affirmations et l'avancé de nos investigations ne nous autorisent pas à dire objectivement si les CDR et en arrière plan le CNR ont été les pyromanes de L'OBSERVATEUR oui ou non.

Ce dont nous sommes sûrs, c'est que la réduction au silence de l'OBSERVATEUR avait privé les opposants de la politique du CNR d'une tribune d'expression officielle et nationale pour faire valoir leurs opinions. De ce point de vue, le CNR bénéficiait d'un coup politique important aux dépens de L'OBSERVATEUR.

Cependant, comme le stipulent certains analystes, L'OBSERVATEUR pouvait jouer un rôle de baromètre politique.499 Ce qui de toute évidence pouvait aider le CNR à plus de mesure et de conciliation dans sa politique. La liquidation de l'OBSERVATEUR a créé ainsi une conjoncture ayant favorisé la multiplication des tracts et des journaux de syndicats ou des organisations politiques opposées au CNR. Des tracts qui avaient contribué à exacerber des querelles au sein du CNR.

496 Basile GUISSOU : entretien du 02 juin 2005 au CNRST.

497 Thomas SANKARA, interviewé par Guy DELBREL et Marie Laure DE DECKER de L'AUTRE JOURNAL en Avril 1986, in http://www.thomassankara.net dans la rubrique INTERVIEWS.

498 Ibidem

499 Pascal ZAGRE, 1994, Les politiques économiques du Burkina Faso : une tradition d'autoajustement structurel, Paris, Karthala, page 174.

165

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand