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La radiodiffusion au cameroun de 1941 à 1990

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par Louis Marie ENAMA ATEBA
Université de Yaoundé I - Master II en Histoire des Relations Internationales 2011
  

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II.2.2. La promotion de l'objectivité et des impacts positifs de l'information

Toute information a la spécificité d'être objective. Une information destinée à la promotion d'un individu ou d'un groupe de personnes n'en est pas une. Elle doit être vraie et crédible. Elle exclut tout mensonge et toute forme de manipulation et de propagande, au risque de devenir un fait biaisé, falsifié. Le journaliste, chercheur et transmetteur de l'information, est ainsi considéré comme l'un des socles de l'évolution, un promoteur de la modernité, et un catalyseur de la démocratie, ainsi que le démontre Hervé Bourges, enseignant de journalisme: « Un journaliste doit être un agent du développement. Il doit être un vecteur de la démocratisation, un vecteur du progrès ».

Après l'indépendance nationale, les pouvoirs publics camerounais orientaient l'information à leur guise: la préoccupation majeure de l'État était d'asseoir son autorité, dans un contexte politique marqué par la multiplicité d'ethnies, et l'existence de deux communautés culturelles historiques, à savoir la communauté francophone et la communauté anglophone. Pourtant, aux termes des résolutions des Nations Unies et de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, l'information était un droit fondamental du citoyen. Elle était une garantie de la liberté. Selon l'économiste français Alfred Sauvy, l'avènement d'une démocratie triomphante pouvait être rendu possible si les citoyens disposaient d'une information complète et objective. À son avis, être libre, c'était être informé. Jacques Robert en donna une précision plus intelligible, quand il conclut : « Le droit à l'information est la consécration d'un devoir de liberté »146(*). La radio publique camerounaise avait donc pour obligation absolue de travailler en tant qu'institution de promotion du droit à une information vraie et crédible.

L'objectivité contribuait à « déconcerter le public égaré dans une information luxuriante ». En effet, l'information était communiquée après jugement des faits, avec neutralité dans le style, qui contrastait avec des chroniques et des commentaires d'actualité. Car, comme l'affirme Charles Ateba Eyené, Communicateur, « un homme des médias est neutre ». La vérité d'une information dépend de l'idée même qu'on se fait de celle-ci. L'informateur considère que l'important est la vérité de l'information qu'il diffuse. Il emploie parfois des procédés bien connus: il isole, grossit, personnalise et dramatise, avec le risque de plonger dans le saugrenu, le sensationnel. Ce que confirme Hilaire Kamga, enseignant de droit, lorsqu'il déclare: « La plupart des hommes de médias au Cameroun, du fait de la précarité, sont, depuis des lustres, entre les mains des hommes politiques ».

Par ailleurs, les discours occupaient des espaces importants au sein de la radio nationale. Ce qui déplaisait aux auditeurs, dont l'un avait déclaré: « Une allocution diffusée trois fois et intégralement nous lasse ». Et le même auditeur de poursuivre : « Il faudrait résumer les discours, et ne diffuser que des extraits importants »147(*). Pour les auditeurs, il importait de rappeler certains événements, en les rendant plus vrais. Il était aussi nécessaire de changer le style de présentation, la monotonie étant « le pire ennemi de l'expression radiophonique ». En outre, une propagande trop appuyée de communiqués et de discours risquait « de se tuer elle-même ».

Le droit du public à l'information n'était guère totalement acquis, même dans les pays démocratiquement avancés. Au Cameroun, ce droit était une « nouvelle conquête », car la lutte pour le développement ne devait exclure personne. Cette « nouvelle conquête » devait s'appuyer sur la participation libre et positive des citoyens à la construction du pays, dans tous les domaines de la vie nationale. Cela supposait la démocratisation de l'information, une mise à disposition complète de celle-ci au peuple. Dans ce cas, le traitement de l'information devait suivre un processus par lequel l'individu deviendrait un partenaire actif, et non un simple objet de la communication148(*). D'après l'enquête menée par Tjadé Eonè en 1981, les auditeurs de la radio nationale revendiquaient une participation accrue au fonctionnement de la société, aussi bien au niveau de la réflexion que de l'action. Ils refusaient le rôle passif de « communicateurs silencieux », des orientations prises pour eux et sans eux. La radio, pour eux, devait servir de courroie de transmission « de haut en bas, et de bas en haut ». Ils étaient favorables à l'ouverture de l'antenne aux publics divers, demandaient à être associés aux programmes qui leur étaient destinés. Une information diffusée dans ce contexte était compatible avec les fondements de la société camerounaise, où les règles de la communication orale étaient par définition basées sur le dialogue selon l'esprit de la palabre africaine qui exclut toute transmission à sens unique.

Le renforcement de l'objectivité de l'information nécessitait la prise en compte de l'opinion des auditeurs, car c'est à eux qu'était destiné le message radiophonique. Il importait donc, compte tenu de leurs comportements, d'interroger leurs réactions et leurs attentes, leur conception du rôle social de la radio.

Le consensus tenait à la recherche constante de la paix sociale. Ici, l'individu occupait une place importante. Chaque membre du groupe était consulté sur les questions débattues149(*). Pour les auditeurs, une réelle communication correspondait au niveau d'évolution atteint par le Cameroun. Cette mutation était susceptible de traduire dans les faits « l'intention démocratique » qui s'est manifestée au sein du pays150(*). L'adoption des principes favorables à la vertu et à la libre expression des opinions était propre à améliorer la représentation sociale151(*), l'une des missions dévolues à la radio.

Il importait pour la radio nationale du Cameroun d'intégrer l'approche genre dans la conception de ces politiques. Le personnel devait comprendre aussi bien les personnes de sexe masculin que celles de sexe féminin. Certes, dans les bureaux administratifs, les femmes tenaient les postes de secrétaires. Mais leur travail à la radio se limitait à ce niveau. Elles n'avaient pas accès aux studios. Il serait pourtant vain de penser que la radio n'avait pas besoin d'elles. Les femmes étaient sans doute plus habiles à parler d'une manière convaincante aux autres femmes que les hommes. Ayant les mêmes problèmes, les mêmes préoccupations que leurs auditrices, elles étaient susceptibles de leur donner des réponses qu'elles attendaient. Il est vrai que dans beaucoup de domaines, l'évolution de la femme camerounaise n'a pas suivi celle de son mari. En ce qui concerne la formation professionnelle dans le domaine de la radio, l'écart entre les personnes des deux sexes était remarquable.

La rumeur était susceptible de prendre une envergure plus importante que la communication médiatisée. Ainsi, des indiscrétions échappaient et véhiculaient des courants de pensées, d'attitudes, l'étonnement, l'admiration ou la joie, la panique ou la haine. Les sources de la rumeur relevaient des situations inhabituelles et des insolites. Son mode de transmission était oral et impliquait une proximité physique de l'émetteur par rapport au récepteur, avec des relais multiples, « sous forme de guides d'opinions ». Le mode de transmission de la rumeur, très aléatoire, finissait par en altérer le fond. Mais la rumeur ne traduisait pas moins l'existence réelle d'une situation, en vertu même de l'adage africain, selon lequel « il n'y a pas de fumée sans feu ».

Au-delà des désinformations multiples, la rumeur ou « radio-trottoir » puisait à la bonne source. Selon Albert Mbida, au lendemain de l'indépendance du Cameroun, un nombre important d'auditeurs consentait à des dépenses d'argent, pour satisfaire leurs besoins d'information. Le désir d'informations traduisait l'envie de connaître des faits nouveaux, même si cette connaissance n'avait pas d'incidence directe sur la vie individuelle et collective. Les auditeurs de la radio voulaient en fait une information complète. Le besoin d'explications s'avérait donc crucial. Aussi certains citoyens suggéraient-ils que des spécialistes fussent invités à Radio-Cameroun pour expliquer dans les détails des événements de portée nationale et internationale.

L'efficacité des ressources humaines de la radio nationale du Cameroun était fonction de la formation reçue et de leur spécialisation. Cela devait passer par l'amélioration de la qualité des équipements techniques disponibles. Entre 1960 et 1990, la radio nationale du Cameroun avait connu des difficultés relatives aux équipements techniques faibles et de mauvaise qualité. Mais les gouvernements qui se sont succédés au sein du pays ont mis un point d'honneur à l'amélioration des équipements techniques de ladite radio. Ils ont eu à contracter des dettes colossales, afin d'équiper la radio nationale et les radios provinciales. Ces améliorations de l'équipement technique se faisaient en même temps que s'opéraient des transformations administratives ou statutaires. Si autrefois la solution de l'émetteur d' 1 kW en ondes moyennes, pour la capitale et ses environs, et de l'émetteur de 4 kW en ondes courtes, pour l'ensemble du pays, avait triomphé, après l'indépendance, le pays voulait avoir « une radio susceptible de lui parler vraiment, de parler au reste du monde »152(*). Tout cela explique l'achat et l'installation de matériels puissants.

Il avait été constaté, chez les auditeurs camerounais, une préférence nette pour l'écoute des radios étrangères. Cela était lié à la qualité des programmes diffusés par ces radios, et à l'exotisme exacerbé de ces auditeurs, tenant pour idéal ce qui était étranger. Ces radios disposaient des services internationaux diffusant des programmes conçus à l'intention des publics étrangers. Leurs activités avaient un double objectif: faire entendre, à l'intérieur des pays étrangers, la voix des puissances dont elles véhiculaient l'idéologie et la culture; maintenir le lien radiophonique nécessaire.

Nous avons souligné plus haut que la coopération de la France avec le Cameroun, dans le domaine de la radiodiffusion, utilisait exclusivement le français comme langue de communication. Il était nécessaire de créer des conditions d'une coopération véritable, en marge de toute domination d'un partenaire sur l'autre. Cette coopération devait être fondée sur des principes d'égalité et de réciprocité. Car les dons d'émissions créaient, chez les producteurs de R.C., un sentiment d'assistés, qui limitait leur capacité d'enquête. Elle les rendait incapables et inconscients de ce que F. Ballet considère comme « la plus dangereuse des colonisations, celle des esprits »153(*). Au vu des difficultés qu'elle rencontrait, dans sa coopération avec l'Occident, R.C. avait l'obligation de solliciter l'aide des pays du Sud, notamment ceux de l'U.R.T.N.A.

En tant que moyen de communication des masses, la radio nationale est apparue comme le médium le plus démocratique. Elle s'est avérée une voie de construction de la culture démocratique. En effet, la radio nationale devait accompagner l'État dans le fonctionnement libre de ses trois pouvoirs (le Législatif, l'Exécutif et le Judiciaire). Elle devait ainsi jouer un rôle d'intermédiaire entre le peuple et l'État, en créant un esprit d'ensemble, dans la mesure où il y existait un partage d'informations. La démocratie étant aussi le fait d'écouter, d'échanger des idées avec les autres, la radio d'État devait ouvrir un champ de dialogue à distance. Par la radio publique, l'État et le gouvernement se devaient de donner au peuple des explications sur leurs feuilles de route. Ainsi, les sessions de l'Assemblée nationale étaient diffusées en directe de la radio nationale. Leurs succès et leurs échecs devaient être connus au grand jour par le canal de ladite radio. Instrument de la citoyenneté, la radio nationale devait devenir un moyen d'expression libre de l'opinion publique, permettre l'émergence des débats porteurs, garantir une meilleure transparence du pouvoir et démystifier l'État. Ainsi, elle devait diffuser sans manipulation les résultats des élections présidentielles, et contribuer par son large champ d'écoute à la consolidation de la démocratie. Elle devait être un instrument privilégié de la formation d'une conscience nationale et un important outil d'endoctrinement. Caractérisé par l'absence dans certaines zones des voies de communication, l'existence d'ethnies multiples ayant des difficultés de communication entre elles, la présence des populations étrangères les unes aux autres, le Cameroun devait saisir l'opportunité qu'offrait sa radio pour assurer la transmission d'idées gouvernementales sur toute l'étendue du territoire, en se dotant d'émetteurs plus puissants et en en accentuant la régionalisation. Aussi, la radio devait-elle se montrer efficace en donnant une information utile, vraie, vérifiée et vérifiable, conformément à ce que pensait Wihiard Johnson, lorsqu'il disait:

Au moment où les pays du Tiers-Monde revendiquent à corps et à cri l'établissement d'un nouvel ordre mondial de l'information, il est tout aussi impératif de s'entourer de dispositifs internes permettant la circulation de l'information, parce qu'il est déplorable de constater que même dans la poignée de régimes politiques qui dans le discours se portent garants de la liberté de presse, des barrières permanentes s'élèvent érigées par des acteurs de la vie politique, simplement parce que ces derniers sont incapables de maîtriser l'information. Une politique d'information oubliant de prendre en compte les aspirations du peuple ne peut prétendre oeuvrer au service de ce peuple154(*).

Par ailleurs, la radio était l'institution d'accès à l'information la moins coûteuse. De ce fait, la radio nationale devait introduire dans sa grille des programmes des émissions en toutes les langues régionales, de manière à informer toutes les couches de la société du fonctionnement de l'État, mais en les mettant en marge de tout appel au trouble et au désordre. Par la promotion de la démocratie, la radio nationale serait à même de protéger les personnes, les biens et l'État.

De surcroît, la radio permettait l'accès à des informations relatives à l'actualité de l'époque post-coloniale. Elle était le moyen de communication le plus accessible à toutes les couches sociales, parce qu'émettant sur un rayon large. En plus, avoir un poste de radiodiffusion était peu coûteux, par rapport aux autres supports médiatiques. Il existait des postes portables, miniaturisés et facilement transportables. Ainsi, les élections municipales et législatives pouvaient être suivies de bout en bout par tous les citoyens qui s'y intéressaient, en dépit de leurs occupations. Moyen de communication le plus adapté à tous les milieux (zones enclavées, zones urbaines, zones rurales), la radio véhiculait l'information avec promptitude. Mais la nature des informations véhiculées était susceptible d'influer négativement sur les mentalités des auditeurs. Des informations masquées ou biaisées donnaient à l'auditeur une fausse idée de l'action des pouvoir publics. Elles semaient le doute sur la fiabilité des institutions publiques. Des émissions liées à la politique suscitaient des révoltes et des comportements immoraux au sein de la société. Diffusant quelques fois des informations incertaines, la radio était devenue une source de désinformation. Les informations diffusées conduisaient parfois aux troubles mentaux et traumatisaient des personnes sensibles. Tel était le cas des informations de la page nécrologique et les résultats aux examens et concours lus à la radio. La radio diffusait aussi des informations qui incitaient des personnes à la haine envers les autres et accentuaient le tribalisme. C'était l'exemple des informations concernant des projets de construction des infrastructures qui suscitaient des révoltes des ressortissants de certaines régions (Nord-Cameron; Est- Cameroun) se considérant comme lésés par le gouvernement, par rapport à d'autres considérés comme privilégiés (Centre; Littoral). Quelques fois, la radio hantait et manipulait les consciences. Elle était utilisée pour discréditer des personnes jugées subversives. Le manque de professionnalisme de certains cadres rendait inefficace l'action de la radio. Remédier à ces problèmes ferait de la radiodiffusion un facteur déterminant du progrès de la nation.

L'une des missions fondamentales de la radio était le changement positif des mentalités des peuples. L'éducation n'était pas réservée à la seule école. Elle pouvait aussi être promue par la radio. L'école était considérée comme le foyer éducatif et des transformations sociales, de la croissance économique. Elle était aussi considérée comme un cadre de valorisation humaine, une étape du processus permanent de formation. La radio devait servir de canal à cette entreprise d'information, d'éducation et de formation. À ce propos, André Célarie écrit ce qui suit :

Il est certain que la radiodiffusion doit prendre une part importante à cette tâche dans les pays à traditions orales où elle établit le contact permanent entre tous les individus, où elle apporte le témoignage du progrès du groupe évolué et favorise son rayonnement155(*).

La radiodiffusion était l'animatrice de la culture. Elle devait conduire au modernisme. Elle devait apprendre à la population le bien-fondé de son être et l'encourager à sauvegarder son patrimoine culturel. Mais l'éducation par la radio était un facteur de complémentarité. La radiodiffusion pouvait triompher dans cette mission importante assignée aux mass-médias, car elle était pratique. Elle triomphait du facteur de distance. L'école radiophonique était l'élément moteur de la culture populaire. Les auditeurs ayant reçu une éducation certaine par la radio pouvaient devenir des interprètes dans les villages. Pour chaque type de sujet, il existait des auditeurs qui se chargeaient de recueillir des informations et de les diffuser ensuite dans des cercles qu'ils fréquentaient. Ils devenaient alors des chefs de file de l'opinion à l'intérieur des groupes. Ils étaient écoutés religieusement et étaient de l'avis général des sources dignes de confiance156(*). La priorité devait être donnée à deux secteurs : la formation élémentaire et l'éducation sociale. Ces programmes sociaux étaient destinés à familiariser l'Homme avec la technique. Le contenu de ces programmes devait tenir compte des aspirations des personnes et des priorités, ainsi que le disait Paolo Freire : « Pour qu'il y ait communication efficace, il faut que l'éducateur et l'Homme politique soient capables de comprendre les conditions structurelles dans lesquelles la pensée et le langage du peuple prennent une forme dialectique ».

Le processus de décentralisation de la radiodiffusion avait commencé au Cameroun avec sa régionalisation, quelques années avant l'indépendance. La régionalisation avait pour but d'étendre la diffusion d'émissions à travers le territoire national. Car l'émetteur de la radio gouvernementale ne pouvait permettre une diffusion large au Cameroun. D'où la multiplication des radios régionales à travers le pays. Mais il convient de relever que la décentralisation de la radio, par le truchement de la régionalisation, ne suffisait pas à parachever sa portée au Cameroun. En effet, au sein de chaque région, il existait des différences, du point de vue des préférences des auditeurs, de leurs occupations quotidiennes. Ainsi, l'Est et le Sud du pays ne bénéficiaient pas des services radiophoniques concourant à y promouvoir l'agriculture157(*). Le Centre et le Littoral du Cameroun, spécialisés notamment dans l'administration et le commerce, ne bénéficiaient pas de la diffusion d'émissions susceptibles de promouvoir le développement de ces activités. Il aurait donc été nécessaire d'intégrer, dans les programmes des radios régionales, des émissions conformes aux réalités de chaque localité, et, pour ce faire, de créer des radios municipales.

L'État disposant des moyens pour la radio devait donner à celle-ci un essor certain. Voulant se présenter aux autres États, le Cameroun devait se faire connaître. De ce fait, il devait trouver un auditoire consistant à l'extérieur. Ainsi, il devait équiper sa radio en matériel de diffusion puissant, pour mieux faire entendre sa voix au niveau international. Il importait aussi d'améliorer la qualité des émissions. Mais tous les pays voulant diffuser leurs émissions le plus loin possible se servaient du spectre des autres fréquences. Ce qui risquait de détériorer le réseau radiophonique, avec des effets parasitaires nuisibles venant de l'extérieur. Or les auditeurs moyens ne voulaient pas simplement accepter une émission difficile à écouter, quel que fut l'intérêt de son contenu. Et les services radiophoniques faisant usage des bandes à haute fréquences souffraient d'interférences dues aux émissions internationales à longue distance. Il était donc utile d'utiliser des ondes tropicales pour la diffusion d'émissions métropolitaines. Il était en outre nécessaire d'installer la modulation des fréquences dans des régions relativement peuplées.

La radio nationale s'est voulue une entreprise parapublique. Et comme tel, ses financements étaient fournis aussi bien par l'État que par elle-même. En tant qu'entreprise, la radio nationale constituait un gisement important d'emplois. Y officiaient: les journalistes, les techniciens spécialisés, les animateurs, les photographes, les filmographes, les agents d'entretien, les administrateurs, les consultants, les juristes, les secrétaires, les conducteurs de véhicules, les informaticiens. Des équipes similaires étaient affectées au niveau des stations régionales ou provinciales. Vu le caractère sélectif des recrutements, il était impossible que toutes les personnes formées y soient admises. La crise économique des années 1980 aidant, la structure et l'État n'affectaient plus de financements conséquents susceptibles de supporter la masse salariale qui allait crescendo. Les personnels officiant au sein de la structure n'avaient de cesse de se plaindre de la modicité des salaires. Il était à déplorer les cumuls des fonctions des cadres. Par exemple, il n'était pas exclu que le Directeur général exerce en même tant comme Président du conseil d'administration. Cela était lié au fait que les dirigeants entendaient limiter les charges de l'entreprise, car un cadre cumulant deux ou trois fonctions était rémunéré à un taux « supportable ». Ainsi, la nécessité de créer des emplois productifs en termes de richesses et de rendements était réelle. La régionalisation accentuée de la radio, sa municipalisation et sa départementalisation génèreraient davantage d'emplois et contribueraient de façon significative à la résorption du chômage. Le renforcement de son efficacité par sa nationalisation poussée au moyen de l'utilisation accentuée des langues locales augmenterait le nombre de recrues au sein de la structure. Par ricochet, cela nécessiterait la formation d'enseignants spécialisés et leurs recrutements dans des structures d'encadrement. Des emplois serraient accordés aux personnes en charge de la conception des documents appropriés.

Le système de cumul des fonctions à des postes clés s'avérait impropre au renforcement de l'efficacité de la radio nationale. De ce fait, au lieu que le Directeur général de la C.R.T.V. exerce en même temps comme Président du conseil d'administration de l'institution, il aurait été nécessaire que le poste revienne à une personne libre. Elle donnerait certainement le meilleur d'elle-même. La modernisation des équipements améliorerait la qualité du son et du traitement de l'information. La mise à disposition des appareils sophistiqués rendrait possible la diffusion en directe d'émissions dans des zones d'ombres. Des séminaires de recyclages réguliers boosteraient la qualité des prestations et arrimeraient la radio nationale aux normes de diffusion internationales. Des méthodes de contrôle rigoureux inciteraient le personnel à l'ardeur au travail et à rechercher l`excellence dans leur déploiement. La confection des programmes devraient tenir compte du fait que la radio d'État est un medium national, et non une propriété des gouvernants. Si la nation regroupe toutes les personnes ayant la même histoire, les mêmes langues et partageant le sentiment de vivre ensemble, les émissions diffusées sur les antennes de la radio d'État ne devraient mettre exclusivement l'accent sur les actes des dirigeants, à l'instar des discours officiels ou des commentaires autour de ces discours; elles devraient porter sur le Cameroun dans son ensemble, et contribuer ainsi à son progrès, à son rayonnement international.

* 146 Robert Jean, Libertés publiques, Paris, Ed. Montchrestien, 1977, p. 469.

* 147 Confer Archives sonores de la C.R.T.V.

* 148 Mac Bride, « Voix Multiples », Rapport sur la communication aujourd'hui et demain, Paris, U.N.E.S.C.O., Nouvelles éditions africaines, 1980, p.207.

* 149 Lire Benoît Ngom, Les Droits de l'Homme et l'Afrique, Éd. Silex, 1984, pp. 21-26.

* 150 Charly Gabriel Mbock, L'intention démocratique, Yaoundé, SO.P.E.CAM., 1985, pp.8-9.

* 151 Déclaration de Yaoundé, in « Rapport final de la conférence intergouvernementale sur les politiques de la communication en Afrique », Paris, U.N.E.S.C.O., décembre 1980, p.28.

* 152 Michel Tjadé Eonè, Radio, publics et, p.163.

* 153 F. Ballet, « Communication sur la position du Tiers-Monde », Colloque de Strasbourg consacré à la circulation des informations et le droit international, Paris, A. Pedone, 1978, pp. 55-64.

* 154 Wihiard Johnson, Camerounologue à l'Institut de technologie de Cambridge aux États-Unis d'Amérique, ESSTI Forum du 02 fevrier 1985, p.19.

* 155 André Célarie, « Radiodiffusion au service du développement », Les cahiers africains, p.10.

* 156 Lasks Mana Rio, « La pratique de la grande information », U.N.E.S.C.O., Études et documents d'information, 1972, p.28.

* 157Ces deux régions étaient essentiellement agricoles. Le développement de l'agriculture ici était favorisé par l'existence d'un climat de type équatorial, caractérisé par des précipitations abondantes, des températures un peu moins élevées, et par des sols humifères.

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