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Le pouvoir de standard and poor's, illustration de la raison néolibérale

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par Elise Fraysse
Université Lyon 2 Lumière - Master 1 2012
  

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B) La survivance de l'Etat : du gouvernement à la gouvernance

En mettant en concurrence Etats et entreprises sur le marché obligataire, Standard and Poor's adopte une conception fonctionnelle des différents acteurs du monde et contribue ainsi à écorcher l'exorbitance de l'Etat puisque celui-ci doit s'aligner sur le fonctionnement d'une entreprise, en s'efforçant de poursuivre la même finalité : l'efficacité. « La question n'est depuis lors plus dans le « plus ou moins » d'État mais dans le « mieux d'État » »75.

Standard and Poor's note des Etats et des entreprises. Si elle n'a pas recours aux mêmes critères pour leur attribuer une note, il est toutefois notable que certains principes et méthodes sont communs aux deux. Avant la Seconde Guerre Mondiale, l'échelle proposée par Poor's (qui deviendra Standard and Poor's) n'est pas la même pour les Etats que pour les entreprises (corporates). En effet, à cette époque, « l'échelle de Poor's est plus large pour le secteur privé : les notes D**, D* et D constituent le bas de l'échelle corporate mais sont inusitées pour déterminer la solvabilité des émetteurs publics »76.

Mais dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, Standard and Poor's s'attache à uniformiser leurs échelles de notation « d'un secteur à l'autre, de sorte qu'une entreprise notée BBB est censée

70 Standard and Poor's, Credit FAQ: Understanding Ratings Above The Sovereign, 2011, en ligne : < http://www.standardandpoors.com/ratings/articles/en/us/?articleType=HTML&assetID=1245316664774>

71 Dardot (P.), La nouvelle raison du monde, op. cit., p. 41

72 Ibid., p. 356

73 Rothkopf (David), Do States have a Right to Fail?, in Actes des Rencontres Économiques d'Aix-en-Provence 2011, Le monde dans tous ses Etats, p. 294

74 Idem.

75 Bacache-Beauvallet (Maya), Redéfinir les méthodes de gestion de l'État employeur et producteur, in Actes des Rencontres Économiques d'Aix-en-Provence 2011, Le monde dans tous ses Etats, p. 604

76 Gaillard (Norbert), Les agences de notation, op. cit., p. 22

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présenter un risque de défaut identique à celui d'un État ayant le même rating »77. Ainsi, Standard and Poor's ne veut pas faire reculer l'Etat ; elle veut pouvoir le noter comme une entreprise. Or, sous l'égide de la souveraineté, cela est impossible. L'Etat doit donc modifier sa façon d'agir pour la calquer, dans la mesure du possible, à celle d'une entreprise. Si « concurrence et esprit d'entreprise sont les deux maitres mots de la pratique gouvernementale néolibérale » 78, ce sont aussi ceux de Standard and Poor's puisqu'elle conduit à remplacer le monde par le marché et à aligner l'Etat sur le modèle de l'entreprise.

»80.

Si le système de comparabilité a été remis en cause après la crise des subprimes, Standard and Poor's a réaffirmé son attachement à la comparabilité des ratings, puisque ses dirigeants « croient fortement en l'utilité de leur échelle de notation traditionnelle dans la mesure où elle prodigue un langage commun pour évaluer et comparer la solvabilité des acteurs de tous les secteurs »79. Les réformes dans l'élaboration des notes sont donc relativement fréquentes, la dernière datant de 2009, et elles vont toujours dans le sens d'une meilleure comparabilité entre les différents secteurs, puisque « comparability is the key

Standard and Poor's ne se contente pas d'élaborer une échelle commune ; elle applique également des principes communs à toutes les entités qu'elle note, qu'elles soient privées ou publiques. Ainsi, dans tous les cas, Standard and Poor's examinera la solvabilité de l'émetteur d'obligations (bien souvent l'Etat), l'existence d'un soutien externe, mais également les risques juridiques, ou encore les risques administratifs81. En insinuant qu'il est possible de comparer Etat et entreprises en fonction de standards communs, Standard and Poor's contribue à faire sortir les Etats de leur souveraineté, celle-ci n'étant pas évaluable, puisque transcendante. Or, il n'est pas possible de sortir de la souveraineté uniquement lorsque l'on se situe sur le marché obligataire.

Standard and Poor's, en contribuant ainsi à évincer la souveraineté, prône la gouvernance plutôt que le gouvernement, puisque « le monde de la gouvernance est ainsi un monde d'où la souveraineté est absente »82. D'abord promue par les organisations internationales, et notamment la Banque mondiale, « la gouvernance serait alors la façon de bien gouverner, de bien administrer, selon de justes principes. Il s'agit aussi [et surtout] de le faire au meilleur coût »83. La gouvernance, qui devient une notion de plus en plus usitée, notamment dans la sphère publique, c'est rationaliser quantitativement le fonctionnement, la gestion d'une entité, qu'elle soit publique ou privée. Le changement de paradigme est total puisque « un Etat ne devra plus être jugé sur sa capacité d'assurer sa souveraineté sur un territoire, mais sur son respect des normes juridiques et des bonnes pratiques économiques de la gouvernance »84. Standard and Poor's illustre particulièrement cela puisqu'en comparant Etats et entreprises, elle conduit l'Etat à opter pour un comportement proche de celui des entreprises ; en étant guidé par le profit. Si les

77 Ibid., p. 24

78 Dardot (P.), La nouvelle raison du monde, op. cit., p. 385

79 Standard and Poor's, Standard & Poor's Reaffirms Its Commitment To The Goal Of Comparable Ratings Across Sectors And Outlines Related Actions, 6 mai 2008

80 Standard and Poor's, Big Changes In Standard & Poor's Rating Criteria, 3 novembre 2009

81 Standard and Poor's, General Criteria: Principles Of Credit Ratings, 16 février 2011

82 Crowley (John), Usages de la gouvernance et de la gouvernementalité, Critique internationale, 2003/4 n° 21, p. 53

83 Borot (Luc), Gouvernance, Cités 1/2002 (n° 9), p. 181

84 Dardot (P.), La nouvelle raison du monde, op. cit., p. 358

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dirigeants des entreprises ont été mis sous la surveillance des actionnaires, les Etats ont été mis, entre autres, sous la surveillance des agences de notation et ne deviennent ainsi que de simples prestataires de normes.

Mais en adoptant la gouvernance comme façon de conduire les affaires publiques, les Etats aident Standard and Poor's à les noter. En soumettant les Etats et les entreprises aux mêmes exigences, Standard and Poor's contribue à transformer l'action publique, à le soumettre aux mêmes exigences d'efficacité et de productivité, et ainsi à faire naitre un « Etat managérial »85, efficace, compétitif et efficient. Ce n'est même plus « la question générale de l'utilité de son action qui est posée à l'Etat, mais celle de la mesure quantifiée de son efficacité comparée à celle d'autres acteurs »86.

Standard and Poor's agit dans un champ globalisé, puisque son activité s'applique sur la Terre entière mais également à des acteurs hétéroclites. Cela permet à Standard and Poor's d'exercer son activité dans des conditions optimales, puisque la comparaison entre les acteurs du monde renforce leur mise en concurrence et ainsi leur efficacité. Au-delà de cela, la mise en concurrence des acteurs permet également de mieux diffuser la raison néolibérale dont la concurrence est le maitre mot.

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