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Les défis du terrorisme au Sahel. Aqmi,une menace stratégique?

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par Rodrigue NANA NGASSAM
Université de Douala - Cameroun - Master II en science politique- option : études internationales 2013
  

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Paragraphe II : AQMI, une menace supplémentaire pour le sahel

L'on ne peut parler d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) sans s'interroger sur la très étrange histoire de cette organisation (A) et sans voir son mode de fonctionnement et son organisation(B).

A- Histoire d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI)

AQMI est une organisation complexe, officiellement franchise d'Al-Qaïda à l'échelle maghrébine et sahélienne et, officieusement, levier utilisé par de multiples acteurs au gré de leurs intérêts stratégiques ou criminels125(*), la naissance de l'organisation s'est fait à travers un long processus allant du Groupe Islamique Armé (GIA) au Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) (1), avant sa transformation en Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) (2).

1) Du Groupe Islamique Armé au Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat

Le Groupe Islamique Armé (GIA) est une organisation armée dont le but est de renversé le gouvernement algérien pour le remplacer par un Etat islamique. Celui-ci a fait régner la terreur au cours des années de la « sale guerre », de 1992 à 1999. Il était à la fois l'ennemi du pouvoir et de l'Armée Islamique du Salut (AIS), présenté comme le bras armé du Front Islamique du Salut (FIS), dont la victoire électorale de décembre 1991 avait provoqué le coup d'état militaire de janvier 1992126(*) et la longue guerre civile127(*) qui l'a suivie ; indissolublement associés au déploiement de la puissante « machine à mort » des forces de sécurité, pratiquant depuis 1994 à grande échelle la torture et les exécutions extrajudiciaires128(*), les GIA assuraient plusieurs fonctions complémentaires : terroriser par les crimes injustifiables une population largement acquise à l'opposition islamiste, se substituer à la véritable rébellion armée pour la discréditer et provoquer des dissensions internes, pousser à l'armement de la population civile pour combattre le « terrorisme », justifier la « guerre totale » contre les civils, faire accepter les mesures antisociales draconiennes, bénéficier du soutien international. Mais, après la victoire à la Présidence de la République d'avril 1999 d'ABDELAZIZ BOUTEFLIKA, promoteur officiel de la Concorde Civile129(*), les GIA devaient disparaître. Et pour cause : pour les Chefs du Département de Renseignement et de Sécurité (DRS), qui avaient infiltré les GIA dès leur création en septembre 1992, avant d'en prendre le contrôle total à partir de la fin 1995130(*), cette organisation protéiforme ne pouvait plus répondre à leurs objectifs.

En effet, lors des grands massacres revendiqués par les GIA en 1997 et 1998, de plus en plus de voix s'étaient élevées sur la scène internationale, s'interrogeant sur la véritable nature de ces groupes et leurs liens avec les chefs de l'armée. A l'automne 1997, une campagne internationale pour une commission d'enquête indépendante sur les massacres avait été lancée par les organisations de défense des droits de l'homme131(*). Il était temps de se débarrasser de ces GIA devenus trop encombrants. En effaçant les GIA, le DRS, avec à sa tête les généraux Mohammed MEDIENE, dit « Toufik », et Smaïl LAMARI, dit « Smaïn » évitaient que devienne trop évident le rôle qu'ils leur avaient assigné, celui d'une organisation contre insurrectionnelle, largement inspirée dans ses principes par la doctrine dite de la « guerre moderne » élaborée dans les années 1950 par des officiers français dont les colonels Charles LACHEROY et Roger TRINQUIER et appliquée d'abord en Algérie, pendant la guerre d'indépendance avant d'être essaimer dans le monde entier, en particulier en Amérique Latine132(*). Certes le GIA disparait, mais un autre groupe dissident voir le jour, le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) qui deviendra plus tard Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI).

2) De l'internalisation du GSPC à l'avènement d'AQMI

La page des GIA est alors tournée mais pas celle de l'instrumentalisation de la violence islamiste. De nouveaux groupes armés se revendiquant de l'islam, destinés à se substituer aux GIA pour maintenir une « violence résiduelle », afin de prévenir toute velléité de révolte dans une population brisée par les sept années de la « seconde guerre d'Algérie » vont continués à perpétrer des actions violentes contre l'Etat d'Algérie. C'est dans cette lancée suite aux dissidences avec les GIA que le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat (GSPC) voit le jour en Algérie sous le signe de l'unification133(*). L'objectif est d'unifier les différents groupes islamistes algériens de la mouvance salafiste djihadiste et de donner au mouvement, une ligne d'action claire. Dans leur déclaration du 24 avril 1999134(*), considérée plus tard par certains responsables du groupe comme marquant la véritable création du GSPC135(*), les dirigeants du GSPC expliquent que leur scission du GIA est motivée par leur attachement à la méthode salafiste136(*) sur les plans religieux et doctrinaire, exprimée par une nouvelle appellation pour se démarquer de celle des GIA, identifiée à la méthode d'AT - TAKFIR WA AL- HIJRA137(*). Ils se distancient des massacres commis sous la direction d'Antar ZOUABRI138(*), critiquent le cessez-le feu décidé par l'AIS et, enfin annoncent la nomination de ABOU MOSAAB Abdelmadjid comme nouvel émir remplaçant Hassan HATTAB139(*).

La chute de ce dernier provient du fait que sa stratégie défensive et strictement algérienne suscite des critiques croissantes au sein même du GSPC : faut-il se contenter de la lutte sur le seul sol algérien, y compris avec quelques essais au Sud contre l'Etat et les intérêts étrangers, ou faut-il étendre l'action à l'étranger ? C'est l'avis de la fraction internationaliste, portée notamment par deux commandants de l'organisation, Nabil SAHRAOUI et Abdelmalek DROUKDAL qui plaide pour une extension du jihad en dehors des frontières algériennes. L'invasion de l'Irak par les Etats-Unis, en mars 2003, renforce les tenants de cette posture, et quelques mois plutard, en août 2003, SAHRAOUI et DROUKDAL prennent le contrôle du GSPC. SAHRAOUI devient alors le nouvel émir de l'organisation, mais à la mi-juin 2004, il est tué dans une embuscade de l'armée, dans la région d'El-KSEUR (basse Kabylie)140(*). Abdelmalek DROUKDAL lui succède à la tête de l'organisation terroriste.

Le nouvel émir du GSPC vouant une profonde admiration pour Al-ZARQAOUI, le chef d'Al-Qaïda en Irak141(*), il se rapproche de lui et se met au service de la branche irakienne d'Al-Qaïda afin à la fois de bénéficier de son prestige, de son savoir faire, et d'affirmer sa volonté de se placer dans un jihad mondialisé. C'est ainsi qu'il envoi à ZARQAOUI des centaines de combattants en provenance de tout le Maghreb et préalablement entrainés dans le maquis algérien. Cette collaboration permet à DROUKDAL d'asseoir son autorité sur ces troupes et de surcroît, d'affermir ses liens avec Al-ZARQAOUI. Ce rapprochement spectaculaire incite alors DROUKDAL à demander l'affiliation du GSPC à Al-Qaïda. La demande est formulée dès septembre 2005. Et Al-Qaïda souhaitant étendre ses réseaux vers l'Afrique du Nord, elle trouve un intérêt à accéder à la requête de DROUKDAL dont l'organisation a pour avantage de disposer de véritables sanctuaires en Algérie, fait preuve d'un grand dynamisme en lien avec son engagement anti américain en Irak et est, en outre, susceptible de servir de marche pied pour mener des actions sur le sol européen. Aussi, après plusieurs mois de négociations, Ayman Al-ZAWAHIRI, présenté comme le numéro deux d'Al-Qaïda, annonce dans un message vidéo le ralliement du GSPC à Al-Qaïda le 11 septembre 2006.

Dans son dernier message vidéo, diffusé cinq ans jour pour jour après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis, relate Le Monde, Al-ZARQAOUI a appelé le mouvement islamiste algérien, le Groupe Salafiste pour la Prédication et le combat (GSPC), à « devenir une épine dans la gorge des croisés américains, français et de leurs alliés »142(*). Deux jours plus tard, le 13 septembre, le GSPC publie sur son site web un communiqué dans lequel il confirme l'information : « Nous prêtons allégeance à Cheick Oussama BEN LADEN (...) Nous poursuivrons notre jihad en Algérie. Nos soldats sont à ses ordres pour qu'il frappe par notre entremise où qu'il voudra et partout où il voudra »143(*). Le 24 janvier 2007, DROUKDAL annonce la transformation du GSPC en Al-Qaïda au Maghreb Islamique dans un communiqué du 24 janvier 2007144(*). L'avènement d'AQMI ne consiste pas uniquement en un changement d'appellation. Il correspond à l'apparition d'une nouvelle stratégie de combat qui fait pleinement entrer l'ex-GSPC sur la scène djihadiste mondiale.

* 125 Mehdi TAJE, « La réalité de la menace d'AQMI à l'aune des révolutions démocratiques au Maghreb », Géostratégiques n° 32, 3e Trimestre 2011, p. 281.

* 126 François GEZE et Salima MELLAH, «  Al-Qaïda au Maghreb Islamique ou la très étrange histoire du GSPC algérien », Algéria - Watch, 22 septembre 2007, p. 5.

* 127 Jean François DAGUZAN, « Al-Qaïda au Maghreb Islamique, une menace stratégique ? », FRS, 30 juillet 2010, p. 2.

* 128 Salah-Eddine SIDHOUM et Algéria-Watch, « Algérie, la machine de mort », octobre 2003, www.algéria-watch.org/fr/mrv/mrvtort/machine_mort.htm.

* 129 L'adoption de la loi de Concorde Civile intervient dans le contexte de guerre civile entre terrorisme islamiste et violence de la répression, le 20 juillet 1999. Elle prévoit une exonération ou une réduction de peine pour les membres des groupes armés qui se rendront avant le 13 janvier 2000, pour autant qu'ils n'aient pas commis de crimes de sang ou de viols (lors du référendum du 16 septembre suivant, la loi est approuvée par 99% de « oui ».

* 130 Voir sur ce point le témoignage essentiel d'un ancien officier du DRS : Mohammed SAMRAOUI,  Chronique des années de sang. Algérie : Comment les services secrets ont manipulé les groupes islamistes, Denoël, paris, 2003 ; Ainsi que l'étude détaillée de Salima MELLAH, « Le mouvement islamiste algérien entre autonomie et manipulation », Comité Justice pour l'Algérie, mai 2004, www.algérie-tpp.org/tpp/pdf/dossier_19_mvt-islamiste.pdf.

* 131 Voir Salima MELLAH, « Les massacres en Algérie, 1992-2004 », Comité de justice pour l'Algérie, mai 2004, www.algérie-tpp.org/tpp/pdf/dossier_2_massacres.pdf.

* 132 Voir Marie-Monique ROBIN, Escadrons de la mort, L'école française, La Découverte, Paris, 2004.

* 133 Ce n'est pas un hasard que l'acte de naissance du GSPC soit sous la forme d'un communiqué intitulé « Communiqué de l'unification ». Dans son premier communiqué du 16 septembre 1998, le GSPC annonce le ralliement sous ce nouveau sigle de quelques groupes rescapés du GIA et la désignation de Hassan HATTAB, jusque là émir de la « zone 2 » du GIA (Kabylie et partie Est de la capitale) comme émir intérimaire du nouveau groupe. Cette déclaration est signée par quelques hommes : outre HATTAB lui-même, il s'agit de Nabil Sahraoui (alias Abou Ibrahim Mustapha, émir de la «  zone 5 », dans l'Est du pays), d'Abou Omar ABD Al-BIRR (responsable de la communication) et d'Abdelaziz ABBI (alias Abou Al-Hammam OKACHA, conseiller militaire). Dans un second communiqué en date du 25 septembre 1998 publié comme le précédent sur le site web du GSPC de l'époque, l'émir intérimaire Hassan HATTAB explique que le pouvoir a échoué dans sa stratégie qui consiste en la « désinformation de l'image des moudjahidines », en leur attribuant « les viols de femmes, les assassinats d'enfants et de vieillards » et en « encourageant la corruption et la propageant à travers les médias contrôlés par les services secrets ». HATTAB appelle ses compatriotes à ne pas s'embrigader dans les milices, à combattre le régime et à serrer les rangs autour des combattants du GSPC. Ce n'est que dans la déclaration du 24 avril 1999 que les divers responsables du GSPC expliquent les véritables raisons de la création du GSPC (voir à ce sujet Salima MELLAH et François GEZE, « Al-Qaïda au Maghreb Islamique ou la très étrange histoire du GSPC », op. cit., p. 14.

* 134 www.qmaghreb.org/pages/wihda.html.

* 135 Interview de Nabil SAHRAOUI du 18 décembre 2003, publiée dans la revue du GSPC, Al-Jammaâ, n° 1, avril 2004. Al-Jammaâ (le groupe) est une revue publiée par le GSPC sur son site.

* 136 Salaf, en arabe signifie les  « prédécesseurs ». Le salafisme est un courant au sein de l'islam qui prône le retour aux origines. Les frères musulmans l'ont connecté à la sphère politique au XXe siècle et Al-Qaïda en constitue le volet jihadiste rejoignant ainsi le courant Wahhabite qui insiste sur la possibilité de conquête par le jihad comme au premier temps de l'islam.

* 137 Salima MELLAH et François GEZE, « Al-Qaïda au Maghreb islamique ou la très étrange histoire du GSPC », op. cit., p. 15.

* 138 Si les grands massacres collectifs ont effectivement été commis après la prise de pouvoir de ZOUABRI, l' « émirat » de ZITOUNI a été lui aussi jalonné de tueries et de liquidations. C'est sous son règne que les groupes ayant rallié le GIA en mai 1994 ont été décimés en 1995, dont les membres de la mouvance nationaliste « djazairiste ». Voir à ce sujet Salima MELLAH, Le mouvement islamiste entre autonomie et manipulation, comité de justice pour l'Algérie, mai 2004. www.algérie-tpp.org/tpp/pdf/dossier_19_mvt_islamiste.pdf.

* 139 Cet ancien officier des forces spéciales prend le maquis suite au coup d'état de l'armée algérienne en janvier 1992. De 1933 à 1996, il est membre du GIA puis participe à la fondation du GSPC. Il en démissionne en 2004. Il accepte la politique de réconciliation nationale du Président Bouteflika et se rend aux autorités en septembre 2007. Il est depuis en prison.

* 140 Cela est confirmé dans un communiqué du GSPC du 17 juin 2004. Et parmi les djihadistes ayant trouvé la mort cités dans ce communiqué, figure Abdelhak LAYADA, l'un des premiers émirs du GIA qui pourtant était en cette date en prison (il avait été arrêté en juin 1993).

* 141 A la tête du principal groupe armé attaquant les forces de la coalition en Irak, le jordanien Al-ZARQAOUI fait allégeance à BEN LADEN à la fin de 2004 et son organisation prend alors le nom d' « Al-Qaïda en Irak ». Faisant usage d'une propagande efficace, il parvient à recruter des milliers de combattants et, très vite, mène des opérations d'une grande violence qui font de lui une véritable icône du jihad mondial. Il est tué en juin 2006 lors d'une attaque américaine.

* 142«  Le GSPC réitère son allégeance à Al-Qaïda et poursuivra le djihad en Algérie et en France », Le Monde, 16 septembre 2006.

* 143 Le Monde, le 14 septembre 2006.

* 144 « Après le ralliement du GSPC à l'organisation Al-Qaïda et après avoir prêté allégeance au lion de l'islam (...) Oussama Ben Laden, que Dieu le garde, le groupe devait changer de nom pour montrer la véracité de la liaison (...) entre les moudjahiddines en Algérie et leurs frères d'Al-Qaïda. Nous étions soucieux de changer de nom dès le premier jour de notre ralliement, mais nous n'avons pu le faire avant de consulter Cheikh Oussama Ben Laden », Communiqué du GSPC daté du 24 janvier 2007.

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