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Les défis du terrorisme au Sahel. Aqmi,une menace stratégique?

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par Rodrigue NANA NGASSAM
Université de Douala - Cameroun - Master II en science politique- option : études internationales 2013
  

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SECTION II : AQMI ET LA CRIMINALISATION DU SAHEL

AQMI est devenu une menace grandissante pour l'Afrique (Paragraphe I) et un piège pour la Communauté Internationale (Paragraphe II). Ce qui est très inquiétant du fait de voir se créer un deuxième Afghanistan en Afrique après celui se trouvant au Moyen-Orient et dont les terroristes (les talibans Afghans et/ou Pakistanais) n'ont pas toujours été chassés.

PARAGRAPHE I : AQMI, UNE MENACE GRANDISSANTE POUR L'AFRIQUE

Le sahel fait face au spectre de la menace terroriste et de la criminalité internationale (A). Pour les pays de la région confrontés à ce phénomène nouveau, cela représente un fardeau (B), auquel ils doivent faire face.

A- Le sahel face au syndrome de la menace terroriste et de la criminalité internationale

Le théâtre sahélien est aujourd'hui sous la coupe des organisations terroristes (1) et au coeur des grands trafics (2) les plus dignes d'un conte de fée.

1) le sahel sous la coupe des organisations terroristes

A la faveur de l'insurrection libyenne et du « printemps arabe », on assiste à une confiscation du sahel par de nombreux mouvements terroristes qui ont fait de ce lieu un bastion du terrorisme international. L'effet de la guerre occidentale en Lybie a accentué cette réémergence des groupes terroristes et l'Afrique de l'Ouest constitue actuellement son épicentre. C'est le cas d'AQMI auquel s'est ajouté le Mouvement pour l'Unicité et le Jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO), la secte nigériane BOKO HARAM, ANCAR DINE et dans une certaine mesure le Mouvement National pour la Libération de l'AZAWAD (MNLA). Chacun de ces groupes et tous ensemble, compte tenu des liens et dynamiques de collaboration qui se mettent en place et se renforcent, représentent le visage de l'islamisme radical et du terrorisme en Afrique de l'Ouest. Les liaisons qui s'établissent et se renforcent progressivement entre ces différents groupes portent les germes d'une menace particulièrement dangereuse et difficile à combattre. La crise au Nord du Mali et le vide institutionnelle et sécuritaire qui la caractérise depuis le coup d'état du 22 mars 2012 représente un facteur aggravant.

Délaissé par l'Etat, livrée à elle-même, et souffrant d'un investissement minime dans les infrastructures et les services de base, la région du Nord Mali concentre tout les atouts pour devenir un « hub » Ouest-Africain pour tout projet de déstabilisation et de tout trafic176(*). Le Président malien Amadou TOUMANI TOURE, destitué par le coup d'état du 22 mars 2012, décrivait lui-même la région du Nord-Mali en 2009 en ces termes : « il n'y a pas de routes, de centres de santé, d'écoles, de puits, de structures de base pour la vie quotidienne. En fait, il n'y a rien »177(*). Dans cette partie du continent, force est de constater qu'on semble loin de l'une des conclusions qui était tirée il y a seulement sept ans sur le fait que « le sahel n'est pas un foyer d'activité terroriste ». La réalité de la menace terroriste au sahel est un fait et elle est bien présente. Cette main mise des terroristes sur le sahel renforce leur expansion et leur conforte dans le recrutement de nouveaux adeptes. L'Algérie elle-même n'est pas épargnée des effets de contagion du Nord-Mali. Les événements récents concernant la prise de la centrale à gaz d'IN AMENAZ le 16 janvier 2013 par les hommes de MOKHTAR BEL MOKHTAR, montre que les djihadistes ont fait du sahel, un véritable sanctuaire. Le caractère de l'attaque terroriste est particulièrement dynamique et évolutif. Ces évolutions ont pour conséquences d'aggraver la nature de la menace, de la complexifier et de rendre encore plus urgentes mais en même temps incertaines, les réponses qui pourraient et devraient être apportées178(*). A l'instar des grands organisations criminelles, ces groupes terroristes avec à sa tête AQMI auraient choisi à côté du terrorisme de criminaliser le sahel à travers l'entretien de divers trafics.

2) Le sahel au coeur des grands trafics

Depuis le début du nouveau siècle, le continent africain est devenu progressivement un nouveau lieu de passage et de déroulement des trafics. Les routes caravanières transsaharariennes séculaires sont devenues un lieu de transit privilégié pour les nombreuses filières criminelles qui font désormais du sahel une plaque tournante de plusieurs trafics. Les trafiquants semblent y trouver leur compte, même si les distances à parcourir pour leurs produits sont plus longues179(*). Leur intérêt réside dans le fait que cette route offre des opportunités et un accès facile pour rejoindre le continent européen étant donné que les côtes Atlantiques connaissent depuis peu un contrôle strict y compris la route des caraïbes qui est devenue obsolète. L'Afrique est ainsi devenue l'espace stratégique de négoces des drogues en provenance d'Amérique Latine180(*). « Même les trafiquants d'héroïne Iraniens et Afghans veulent faire de l'Afrique la plaque tournante de leur commerce » dit Roberto SAVIANO181(*) pour qui, « l'Afrique est blanche. Blanche de la cocaïne »182(*). 40%183(*) de la cocaïne Sud-américaine rejoindrait l'Europe de l'Ouest184(*) par cette route tous les ans185(*). Les portes d'entrée africaines de drogues en provenance de Colombie, du Venezuela et du Brésil sont les ports de Guinée-Bissau et du Cap Vert au Nord, et ceux du Ghana au Sud186(*). De là, les cargaisons de drogues sont reparties entre le Nigéria (avec un réseau de passeurs vers l'Europe), la Guinée-Bissau, le Sénégal, la Mauritanie, et remontent vers le Maroc et l'Algérie187(*). On parle désormais de narco Etats188(*) .

Selon le chef de l'Office Central de Répression du Trafic Illicite de Stupéfiants (OCRTIS), « l'Afrique joue principalement le rôle de hub (...). Les routes du cannabis traversent le Mali ou la Mauritanie jusqu'au Maghreb. De nouvelles pistes se dessinent vers la Libye et l'Egypte »189(*). A cet égard, la fameuse affaire du Boeing « Air Cocaïne » a été très révélatrice de l'incurie des gouvernements locaux. Fin novembre 2009, les autorités maliennes annonçaient avoir retrouvé les restes d'un Boeing 727 démembré et calciné sur la piste de fortune de SINKREBAKA, un lieu désertique situé à 200 kilomètre au Nord de Gao après avoir été déchargé de la cocaïne qu'il transportait. Un tel cas n'est pas isolé ni nouveau. Cette région désertique et incontrôlée où transiterait la moitié de la cocaïne en provenance d'Amérique Latine destinée à approvisionner l'Europe bénéficie de l'appui des tribus touarègues et des mouvements islamistes afin d'assurer le transfert en sécurité de leur précieux marchandise.

Les trafiquants bénéficient aussi de l'appui d'un certain nombre de fonctionnaires corrompus. A titre d'exemple, au début de mars 2010, onze responsables de haut niveau de la police, de l'armée et de l'agence de lutte contre la drogue gambiens ont été arrêtés pour leur participation à ce trafic. L'ancien ministre de la pêche, le chef de la marine, le chef d'état major adjoint, le chef de la police et son adjoint et le responsable de la lutte contre la drogue ont été appréhendés et l'arrestation extraordinaire en Guinée Bissau le 03 avril 2013 du contre-amiral BUBO NA TCHUTO illustre une fois de plus l'urgence d'une guerre contre le narco-terrorisme qui a pris les allures d'une guerre contre le jihad au Nord Mali. Outre la drogue, le sahel connait d'autres trafics eu égards à leur importance, aux enjeux qu'ils revêtent et à leur implication dans la situation sécuritaire générale dans la région. La contrebande de cigarettes constitue un de ces trafics illicites. Les cigarettes de contrebande arrivent de Nouakchott, passent clandestinement au Maroc via Nouadhibou, et sont revendues sur le marché Ouest-Saharien à DAKHLA, LAAYONNE et TAN-TAN, au Sénégal et en Algérie190(*). Le Sahara occidental joue le rôle de centre de distribution régional pour toute l'Afrique du Nord. Le transport est assuré par des chauffeurs locaux, fins connaisseurs du désert, payés entre 450 et 680 dollars par voyages191(*).

L'océan sahélien est aussi un lieu idéal pour le trafic d'armes. Selon les Nations Unies, « les armes illicites arrivent en Afrique de l'Ouest (...) en provenance d'Europe centrale et orientale, de la Fédération de Russie, de la Chine ainsi que d'autres pays d'Afrique »192(*). L'approvisionnement est rendu facile par les conflits régionaux et des rebellions internes qui jouent un rôle déterminant dans le transfert de ces armes : elles ont alimenté la Côte-D'ivoire, les groupes touaregs au Mali et au Niger, le conflit de la Casamance etc. Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) parle de 100 millions d'armes légères en circulation dans toute l'Afrique193(*). Pour l'Afrique de l'Ouest, le chiffre serait de 8 millions194(*). Il s'agit le plus souvent de vieux stocks militaires (pistolets automatiques italiens, kalachnikovs russes ou chinoises, pistolets mitrailleuses etc.) dont les cargaisons sont gérées par des fonctionnaires corrompus qui les vendent à des intermédiaires, lesquels les acheminent par voie aérienne en plusieurs étapes pour brouiller les pistes. Le trafic illicite de migrants et le trafic d'être humain enrichies aussi la criminalité organisée transnationale au sahel. Les migrations représentent ainsi une opportunité économique pour les criminels organisés, en réseau de l'Afrique vers l'Europe.

La prise de contrôle du pouvoir dans cet espace par des acteurs criminels vivant de rentes criminels est un danger susceptible d'avoir des effets durables sur les équilibres des sociétés sahéliennes. Et le « risque que des réseaux criminels internationaux influent sur l'avenir politique de certains Etats sahéliens est réel »195(*), car comme le montre le rapport de l'ONUDC, les recettes tirées des trafics dépassent les PIB de certains Etats196(*)d'autant plus que la situation actuelle dans cette région est déjà un fardeau que n'arrive pas à maîtriser les Etats sahéliens.

* 176 Julia DUFOUR et Claire KUPPER, « Groupes armés au Nord-Mali : état des lieux », Note d'Analyse du GRIP, 6 juillet 2012, p. 3.

* 177 El Watan, cité dans « Comment le sahel est devenu une poudrière », Le Monde Diplomatique, avril 2012.

* 178 William ASSANVO, « Etat de la menace terroriste en Afrique de l'Ouest », Observatoire de la vie diplomatique en Afrique de l'Ouest (OVIDA), juillet 2012, p. 2.

* 179 Alain RODIER, « Afrique de l'Ouest : Vulnérabilités et facteurs d'insécurité », CF2R, Note d'actualité n° 214, Mai 2010, p. 1.

* 180 Laurence AIDA AMMOUR, « Flux, Réseaux et Circuits de la criminalité organisée au Sahara-sahel et en Afrique de l'Ouest », Institut de Recherches Stratégiques de l'école militaire (IRSEM), Paris, Cahiers du Cerem Spécial Sahel, n° 12, décembre 2009, p. 4.

* 181 ROBERTO SAVIANO est un journaliste-écrivain italien et auteur du célèbre ouvrage Gomorra dans lequel il décrit les milieux mafieux de la mafia italienne (la camorra).

* 182 La Stampa, 13 juillet 2009.

* 183 Les chiffres varient selon les sources, le taux le plus bas étant de 27% ; le chiffre de 50 tonnes est aussi évoqué.

* 184 Ce qui représente environ 1,8 milliard de dollars (ONUDC, Rapport sur les drogues dans le monde, juillet 2009.

* 185 Ses besoins sont estimés entre 135 et 145 tonnes, bien que les chiffres plus alarmistes de 200 à 300 tonnes soient parfois avancés.

* 186 Laurence AIDA AMMOUR, Flux Réseaux et Circuits de la Criminalité organisée au Sahara-Sahel et en Afrique de l'Ouest, Institut de Recherche Stratégique de l'Ecole Militaire (IRSEM), Paris, Cahiers du CEREM, Spécial Sahel, n° 12, décembre 2009, p.5.

* 187 Laurence AIDA AMMOUR, ibid.

* 188 Selon Ahmedou OULD-ABDALLAH, représentant spécial des Nations-Unies pour l'Afrique Occidentale, cité in Xavier RAUFER, « Cocaïne : L'Europe inondée. Une offensive mondiale des narcos », Cahiers de la sécurité, n° 5, juillet-septembre 2008.

* 189 Interview de Jean-Michel COLOMBANI, in Céline RAFFALI, « La Cocaïne passe par l'Afrique », Valeurs Actuelles, 23 Mai 2008.

* 190 Laurence AIDA AMMOUR, op. cit., (Supra, note n° 185), p. 3.

* 191 ONUDC, Transnational Trafficking and the rule of law in West Africa: The Threat assessment, juillet 2009.

* 192 Protocole sur les armes à feu entrée en vigueur le 3 juillet 2005.

* 193 Conférence ministérielle sur le commerce des armes légères, Genève, le 12 septembre 2008.

* 194 Groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité (GRIP), Afrique de l'Ouest : vers une convention sur les armes légères, 2005/4.

* 195 Christophe CHAMPIN, Afrique Noire, Poudre Blanche : L'Afrique sous la coupe des cartels de la drogue, Bruxelles, André-Versailles, 2010.

* 196 Source : Rapport ONUDC - février 2013, p 6.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault