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Droit maritime et énergies marines renouvelables

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par Thibaut Schwirtz
Université Lumière Lyon 2 - Droit des transports et de la logistique 2014
  

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B. Une définition des engins flottants découlant de la qualification du navire en droit français

1) Le navire au regard de la loi

La loi française a pendant longtemps refusé de donner toute définition au navire, celui-ci englobant des critères trop variés pour faire l'objet d'une désignation unique. C'est ainsi que la loi n°67-5 du 3 janvier 1967, bien que « relative au statut des navires et autres bâtiments de mer » ne donne aucun indice quant à sa notion.

Ce n'est que récemment, avec l'entrée en vigueur du Code des transports au 1er décembre 2010, qu'une définition légale du navire a été donnée, l'article L 5000-2 disposant que s'entend de navire « tout engin flottant, construit et équipé pour la navigation maritime de commerce, de pêche ou de plaisance et affecté à celle-ci ». Apparaît ainsi clairement la notion d'engin flottant, qui n'est pas définie ici mais qui, comme en droit international, peut être cernée par la négative : un engin flottant doit s'analyser comme étant un navire qui n'aurait pas été affecté à la navigation maritime.

La conception du navire par le Code des transports a été vivement décriée par la doctrine, l'amenant, entre autres, à dire que la définition avait été rendue « en ignorant superbement les subtilités de la jurisprudence9 ». Le Code fait en effet fi d'une construction jurisprudentielle et doctrinale volontairement évolutive qui permettait d'adapter la notion de navire aux situations d'espèce. La question essentielle en droit interne était en effet de savoir s'il fallait « adopter une définition légale du navire au risque de retenir des critères qui se révèlent inadaptés en fonction des progrès techniques en constante évolution10 ».

L'éolien offshore, en tant que technologie d'avenir, est donc au centre de cette problématique puisque la recherche ne fera que développer des appareils nécessitant d'appliquer de plus en plus les règles du droit maritime et non du droit commun. Or, les juges seraient à ce titre plus aptes à juger du statut des EMR, la loi s'adaptant mal aux évolutions rapides de la technologie.

D'anciennes jurisprudences de la cour de cassation et de la Cour d'appel de Rennes ajoutent en outre que d'une manière générale, les diverses définitions légales n'ont

9 P. Delebecque, Rev. dr. transports, 2010, Repère 9

10 JC Transport vol.4, facs. 1045, 12.

10

qu'une valeur relative limitée à la matière qu'elles régissent11. Ces jugements n'ont jusqu'à présent jamais été contredits. Il convient dès lors d'examiner le statut du navire, et par ce biais celui des engins flottants, au vu des sources qui le définissaient traditionnellement.

2) Le navire au regard du juge français

En l'absence de définition légale, il revenait à la jurisprudence de définir le navire. La cour de cassation posait comme principe en 1844 qu'il faut « entendre par bâtiment de mer, quelles que soient leurs dimensions et dénominations, tous ceux qui, avec un armement et un équipage qui leur sont propres, accomplissent un service spécial et suffisent à une industrie particulière ». Elle ajoutait que « le bâtiment flottant n'est pas navire s'il n'est pas exposé au risque de la mer12 ». Les juges ont donc eu très tôt une conception précise du navire qui a continué à s'affiner.

Plus récemment, la Cour d'appel de Rouen a ajouté comme critère qu'un navire « est un bâtiment affecté à la navigation maritime ; que la navigation est maritime lorsqu'elle expose le bâtiment aux risques de la mer13 », critère également retenu par la Cour de Cassation14 (« Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si l'embarcation était habituellement utilisée pour la navigation maritime et devait en conséquence être qualifiée de navire »).

Le Conseil d'État, pour sa part, avait qualifié une barge, immergée aux trois-quarts et venue s'échouer en aval des quais d'un port, de navire « au sens des dispositions du chapitre premier du Code des Douanes, de la loi du 3 janvier 1967 et du décret du 27 octobre 1967 15 ». On en conclut que le Conseil d'État ne jugeait pas utile qu'une barge dispose d'une autonomie de conduite pour être un navire.

C'est pourtant un critère essentiel retenu par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, observant que « la barge n'est pas un navire ; qu'elle ne possède ni engin de propulsion ni de direction ; qu'elle répond à la définition d'engin de servitude 16 ». On rejoint ici l'idée selon laquelle un navire inapte à la navigation maritime doit être qualifié d'engin flottant.

On peut encore retenir divers critères tels que l'indifférence des eaux dans lesquelles se trouve l'engin ou encore l'indifférence du caractère hybride de son mode de propulsion.

11 Cass. req., 13 janvier 1919 ; CA Rennes, 18 décembre 1956, DMF 1957, p.538

12 Cass. req., 4 janv. 1898

13 CA Rouen, 30 novembre 2000

14 Cass. Com. 19 juin 2007, n°06-14544

15 CE 22 avril 1988, 6e et 2e s-sections

16 CA Aix-en-Provence, 14 avril 1987

11

Face à ces nombreux éléments, non exhaustifs et alternativement utilisés, il est considéré « qu'il appartiendra à la jurisprudence de faire évoluer cette tentative de définition du navire, (...) au cas par cas et selon son intime conviction 17 ».

Selon les auteurs, il serait ainsi plus pertinent que les juges retiennent une définition fonctionnelle plutôt que notionnelle du navire, permettant d'intégrer ou non les engins à la périphérie du statut de navire18 (engins flottants, plates-formes pétrolières et EMR...) en fonction des situations envisagées.

3) Le navire au regard de la doctrine

La doctrine s'est elle aussi fréquemment saisie de la question de la définition du navire, la plus pertinente restant celle élaborée par Rodière et du Pontavice qualifiant le navire de « tout engin flottant, construit et équipé pour la navigation maritime de commerce, de pêche ou de plaisance et affecté à celle-ci 19».

A la manière de la jurisprudence, des critères ont été ajoutés par les auteurs. C'est ainsi que Ripert a retenu que « le navire se meut habituellement par ses propres moyens : voiles, machines à vapeur, moteur à propulsion. Mais une coque qui n'a pas reçu ses mâts ou sa machine, ou qui est accidentellement privée de ses moyens de propulsion, n'en est pas moins un navire20 ». La façon dont est utilisé le navire importe en réalité peu pour Ripert, à partir du moment où il est destiné à la navigation21.

Il semblerait que, malgré les variations données au statut juridique du navire, une sorte de tronc commun ait été unanimement reconnu par la doctrine, présentant le navire comme un engin flottant de nature mobilière affecté à une navigation qui l'expose habituellement aux risques de la mer22. L'engin flottant est défini comme « tout engin qui affronte directement la force d'inertie de l'eau23». On parle donc d'une construction, d'un assemblage de pièces en vue de constituer un bâtiment de mer et qui ne coulerait pas. A défaut de définition universelle, nous retiendrons cette dernière qui nous semble la plus exhaustive tout en permettant d'intégrer suffisamment de facettes du navire pour être pertinente.

17 Stephan Miribel, DMF 2012, n°741

18 P. Delbecque, Droit maritime 13ème éd., n°83

19 Droit maritime, précis Dalloz, 12ème édition, 1997

20 Luc Briand, DMF 2014, statut du navire en construction et responsabilité de son armateur pour préjudice corporel au pilote.

21 Ripert, Traité de droit maritime, 4ème ed., n°305

22 P. Delbecque, droit maritime, 13ème ed., n°81

23 J. Latty, Droit maritime appliqué, l'école supérieure du génie maritime, 1952

12

Au regard des critères retenus, on peut donc avancer que les divers dispositifs EMR existants, en fonction ou à l'état de projets, ne peuvent pas être qualifiés de navires. Les éoliennes en mer traditionnelles, implantées dans le fond marin, sont en effet des immeubles, tandis que les dispositifs « flottants », puisqu'ils ne sont pas affectés à la navigation, doivent pouvoir être qualifiés d'engins flottants. On peut en revanche légitimement penser qu'au fur et à mesure de l'installation d'éoliennes en haute mer, celles-ci seront de plus en plus exposées aux risques de la mer.

En outre, un jet-ski ayant été qualifié de navire par la jurisprudence française24, il est difficile d'imaginer comment un engin offshore destiné à être implanté continuellement en haute mer serait moins apte à endurer les risques de mer.

Les dispositifs de production d'énergie maritime ne pouvant néanmoins s'apparenter à des navires en l'état actuel du droit et de la technologie, il ressort donc qu'à défaut de statut spécifique, il faille les considérer comme des engins flottants. Il est néanmoins intéressant de se tourner vers le statut juridique des plates-formes pétrolières, qui présentent de nombreux points communs avec les engins EMR.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault