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Analyse didactique des effets d'un enseignement valorisant les compétences méthodologiques et sociales sur les apprentissages. Une étude de cas en éducation physique et sportive.

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par Julien Cordelois
ESPE Midi-Pyrénnées, Toulouse Jean-Jaures (Toulouse 2) - Master PIF MEEF OPMSPI 2015
  

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3.2 MILIEU ET CONTRAT DIDACTIQUES :

Milieu et contrat didactique sont indissociables dans la théorie des situations didactiques. Se poser la question des types de milieux et de contrats les plus propices aux apprentissages est un invariant de l'activité enseignante.

Pour l'auteur, les habitudes (spécifiques) du maître attendues par l'élève et les comportements de l'élève attendus par le maître constituent le contrat didactique 38(Brousseau, 1980, p3).

Le contrat didactique témoigne des attentes qui lient l'enseignant et les élèves aux objets de savoir pour que l'enseignement et l'apprentissage puissent avoir lieu. Il présente trois descripteurs (Chevallard, 1991) : la topogenèse, la mésogenèse39 et la chronogenèse.

Les différents contrats didactiques vont se déterminer par la répartition, explicite ou implicite, des responsabilités de prise de décisions par rapport à l'apprentissage entre le professeur et les élèves. Le contrat didactique n'est pas un contrat véritable avec des clauses précisant la nature des savoirs qui vont être enseignés puisqu'au début de l'apprentissage,

38 Guy Brousseau. L'échec et le contrat. Recherches, 1980, 41, pp.177-182. <hal-00483149>

39 Topogenèse : Partition de l'activité entre le professeur et les élèves

Mésogenèse : Processus par lequel le professeur aménage un milieu avec lequel il attend que les élèves interagissent pour apprendre.

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l'élève ignore la nature réelle du savoir qu'on veut lui faire acquérir. Il ignore ainsi où et comment on veut le conduire.

En terme de chronogenèse, l'enseignant, parce qu'il est en charge des situations qu'il organise, a toujours un temps d'avance sur l'activité des élèves. Seul ou en équipe, il en est responsable. Il est l'initiateur des pratiques des élèves.

Brousseau fait remarquer que lorsqu'un enseignement échoue ou rencontre des difficultés, chaque parti se comporte comme si un contrat avait été rompu. Le contrat didactique comprend des paradoxes liés au grand nombre de contingences, d'incertitudes qui le composent. Le professeur n'est pas assuré du taux de réussite de ses élèves dans une situation donnée. Les élèves ne vont pas d'emblée accepter le travail proposé. Aussi, le savoir et le projet d'enseigner vont devoir avancer sous un masque pour éviter la dilution des intentions. Ce contrat didactique positionne inconfortablement le professeur : tout ce qu'il entreprend pour faire produire aux élèves les comportements qu'il attend, tend à les priver des conditions nécessaires à la compréhension, et à l'apprentissage, de la notion visée : si le maître dit ce qu'il veut, il ne peut plus l'obtenir.

Mais l'élève est, lui aussi, en déséquilibre : s'il accepte que, selon le contrat, le maître lui enseigne les résultats, il ne les élabore pas lui-même, et donc, n'apprend pas. Si au contraire, il refuse toute information de la part de l'enseignant, alors la relation didactique est rompue.(Brousseau, 1987)40

Le contrat didactique s'impose à tous. Il est intéressant de le repérer pour expliquer certains dysfonctionnements de l'enseignement. Les incontournables et nécessaires ruptures du contrat didactique peuvent être vues comme des indicateurs de besoins de l'auteur de la transgression symbolique.

Ainsi, l'enseignant peut rompre la dévolution installée péniblement s'il ressent une déviance ou un risque d'échec de son enseignement. L'élève peut s'opposer, détourner la situation demandée pour témoigner, plus ou moins directement, de ses peurs, de sa difficulté d'apprentissage ou de subjectivation*41.

Les termes du contrat sont régis par le style éducatif de l'enseignant, la dynamique groupale de la classe, et, ils s'opérationnalisent en filigrane dans les consignes, les critères donnés et les dispositifs des situations proposées.

En conséquence, le milieu didactique, que l'enseignant organise, détermine les termes du contrat didactique.

40 BROUSSEAU G. (1987), « Fondements et méthodes de la didactique des mathématiques », Recherches en didactique des mathématiques, n° 7.2. Grenoble : La Pensée sauvage. p. 66

41 * Subjectivation : travail psychique de construction identitaire qui demande de consentir à se comporter en sujet élève/ enseignant et de s'organiser pour rester identifié comme tel si besoin.

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Notre ambition est de montrer que le passage par les C.M.S limite les risques de rupture de contrat didactique. On peut parler d'équilibration didactique : « On pourrait dire que le système contrat, c'est à dire le système stratégique disponible, assimile le milieu, alors que le système milieu, c'est à dire le système stratégique virtuel dans le milieu, obligera, dans le cas d'une situation adidactique, à une accommodation du système contrat.» (Sensevy, 2011, p113).

Pour Sensevy, le milieu est un système de ressources données par la situation, qui permet et oriente l'action des élèves et du professeur.

Afin qu'un système didactique fonctionne, il faut à minima qu'il existe un milieu. « À chaque instant, le milieu apparaît comme un donné mais c'est en vérité un construit permanent ». (Chevallard42, 1991, p.94)

« La valeur des connaissances acquises ainsi dépend de la qualité du milieu comme instigateur d'un fonctionnement « réel », culturel du savoir, donc du degré de refoulement adidactique obtenu » (Brousseau, 1989, p.325).

Aussi, dans l'ingénierie, au travers de l'activité de l'enseignant, l'action sur la topogenèse et surtout la mésogenèse seront des axes forts de la réflexion.

Le milieu renvoie à la mésogenèse. Il est adidactique à priori. En fonction de la façon dont l'élève interagit avec le milieu ; l'enseignant va choisir d'intervenir de manière claire, déguisée ou manifeste (pratiques ostensives (Salin, 1999)). Ces régulations peuvent être vues comme des tentatives prématurées d'institutionnalisation, des compensations de la faiblesse de la dévolution (Sarrazy, 2007)43, ou encore une réaction à la tension que procure à l'enseignant le fait de devoir laisser ses élèves travailler sans un guidage permanent (le renvoyant ainsi à la nature de sa présence, à sa condition professionnelle voire personnelle).

Le professeur transpose ses intentions dans le milieu. Ainsi, dans un milieu fortement adidactique, l'enseignant construit sa pratique et celle des élèves afin qu'ils n'aient pas conscience du problème posé, et identifient eux-mêmes les connaissances nécessaires. L'enseignant facilite alors les conditions de la dévolution. Pour cela, il joue sur la relation média-milieu pour enrichir la qualité du milieu ; sa capacité à porter la sémiotique des intentions du professeur. Le milieu n'est pas statique Il évolue dans le temps selon les types de médiation qui sont proposées (par l'enseignant, les médias, les autres élèves).

Dans un milieu adidactique, l'enseignant se place au sein du système de ressources données par la situation. Il est une ressource pour orienter l'activité de ses élèves. Il lui faut

42 CHEVALLARD Y. (1991), Concepts fondamentaux de la didactique : perspectives apportées par une approche anthropologique. Recherches en didactique des mathématiques, vol. 12 n°1, 73-111

43 SARRAZY B. (2007). Ostension et dévolution dans l'enseignement des mathématiques ; Éducation et didactique, vol 1 - n°3, p.31-46.

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définir les conditions de sa « mise en retrait ». Notre opinion est qu'il est souhaitable que l'élève sollicite l'aide de l'enseignant en usant des méta-compétences à organiser sa pratique. C'est la partie conative44 de l'« apprenance » (Carré, 2005) que nous valorisons ici.

Ce passage d'un enseignant référent des savoirs à un enseignant ressource des apprentissages n'est pas anodin. C'est une bascule symbolique pour des praticiens de l'éducation habitués à organiser, à être responsables en acte, à anticiper. Cette bascule est le gage d'une intention de l'enseignant en matière de dévolution. C'est un mouvement facilitateur de la mise en place des milieux adidactiques. Mais c'est un mouvement qui peut être couteux affectivement car l'enseignant doit accepter de laisser faire ses élèves, et renoncer à des interventions directes.

En s'instrumentalisant, l'enseignant est placé dans une situation délicate, où la subtilité avec laquelle il use de sa compétence professionnelle est le gage des effets produit sur les élèves dont il est responsable. Ainsi, bien qu'utilisé depuis longtemps en E.P.S., cette mise en retrait de l'enseignant est souvent discutable, notamment lors des évaluations.

"(...) l'enseignant n'a pas pour mission d'obtenir des élèves qu'ils apprennent, mais bien de faire en sorte qu'ils puissent apprendre. Il a pour tâche, non la prise en charge de l'apprentissage, ce qui demeure hors de son pouvoir,- mais la prise en charge de la création des conditions de possibilité de l'apprentissage." (Chevallard, 1986)

Lorsque l'adidacticité est valorisée, le milieu didactique est préparatoire tant à la dévolution qu'à la différenciation pédagogique.

Dès le début, le milieu didactique est alors porteur des conditions de l'institutionnalisation des savoirs.

En ce sens, nous rejoignons l'intention de Gérard Sensevy (2011), qui, dans la théorie de l'action conjointe en didactique, met en évidence l'importance de repenser les modes d'interactions Elève-Enseignant :

« Le rapport de subordination qui préexiste actuellement encore entre un professeur et ses élèves doit devenir une véritable relation d'échanges mutuels et féconds sur le plan de l'apprentissage. »

« Le rôle de l'enseignant passe de celui de maître incontesté (ou incontestable ?) à celui d'un guide efficace qui analyse la situation et saisit à chaque instant l'évolution du rapport au monde de l'élève et celle du contrat qui lie ce dernier à l'enseignant. »

« Du coup, l'acte d'enseigner change de nature : il ne suffit plus seulement de connaître sa matière, ni même de maîtriser différentes méthodes propres à la didactique de la

44 Conation : ce qui oriente le choix ou l'action ; ce qui participe de l'intention de l'élève dans sa démarche d'apprenant.

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discipline, il faut agir plus finement en tenant compte à tout moment des représentations des élèves. » (Defrance, 2013, p.1, notes critiques)45

Enfin, cette réflexion sur le milieu didactique nous amène à faire le lien avec la pensée de René Girard qui, en 1961, propose une théorie du désir mimétique (Girard, 1961)46. Il y expose que pour tout désir, il y a un sujet, un objet et un médiateur (celui qui indique au sujet ce qu'il doit désirer). Tout désir est donc triangulaire. Cette structure reste stable quand la distance symbolique entre le médiateur et le sujet n'est pas franchie ; elle perd sa stabilité, quand le médiateur et son objet se rapprochent du sujet. Nous passons alors de la médiation externe à la médiation interne.

«La transmission implicite et morcelée du savoir ne permet pas la différenciation et l'autonomie pour l'élève. (Médiation interne). (...)

L'explicitation des méthodes et des démarches par l'enseignant permet l'appropriation des savoirs dans leur signification. (Médiation externe)» (Ibid.)

Cette théorie du désir postule que tout désir est une imitation (« mimésis ») du désir de l'autre. René Girard (1961) prend donc le contre-pied de l'«illusion romantique» (théorie associée à la littérature et aux codes du récit), selon laquelle le désir que tel sujet a, pour tel objet, serait singulier, unique, inimitable (postulat de Freud puis de Lacan).

Le sujet entretient en effet l'illusion que son « propre » désir est suscité par l'objet de son désir (une bonne note, une performance maîtrisée) ; mais en réalité son désir est suscité par un modèle (présent ou absent : le savoir de l'enseignant) que le sujet admire et finit souvent par jalouser.

Ainsi, nous ne savons pas ce que nous désirons, nous ne savons pas sur quel objet (quelle nourriture, quel relation) porte notre désir. Ce n'est qu'après coup, rétrospectivement, que nous donnons un sens à notre choix en le faisant passer pour un choix délibéré, alors qu'il n'en est rien.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault