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La cour pénale internationale et les juridictions internes des états

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par Serges NDEDOUM
Université de Dschang - Master 2014
  

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Paragraphe2 - Le devoir de coopération des États

Les États restent des acteurs incontournables dans l'activité de la Cour Pénale Internationale. Leur concours est indispensable. Dans chaque phase de son activité, la Cour Pénale Internationale aura besoin de la collaboration des États88(*).Pour ce faire, il faut d'abord que la compétence de la Cour soit acceptée, soit par l'État national de l'auteur ou de la victime du crime, soit par l'État sur le territoire duquel celui-ci a été commis. C'est la condition sine qua non89(*). Cette acceptation est soit générale et permanente, c'est le cas pour les États parties au Statut. Elle peut être aussi ad hoc : c'est l'hypothèse où le ou les États impliqués, non parties au Statut de Rome, n'acceptent la compétence de la Cour que pour la seule affaire en cause. A défaut de telles reconnaissances, la Cour est impuissante, sauf si elle est saisie de cette affaire par le Conseil de Sécurité de l'ONU en vertu du chapitre VII de la Charte.

Une fois sa compétence fondée, la Cour peut ensuite déclencher son action répressive. Là encore, il est important pour la Cour d'obtenir la collaboration des États. Celle-ci peut intervenir sur la base de différents fondements et se manifester de plusieurs manières.

Deux situations s'observent ici. Soit les États sont parties au Statut, dans ce cas, ils sont soumis aux obligations définies aux articles 86 et suivants (A); soit ils ne le sont pas, auquel cas, leurs obligations sont, non pas sensiblement différentes en théorie, mais ont un autre fondement que le Statut (B).

A- L' « obligation générale de coopérer »

Le fonctionnement efficace de la Cour dépend pour beaucoup de la coopération que lui apportent les États parties et particulièrement ceux qui seront impliqués dans ses enquêtes. Ceux-ci sont les premiers destinataires de cette obligation, d'où l'importance des dispositions du Statut qui régissent cet aspect. Que comporte cette notion (1) et qu'elle est sa portée pour les États parties au Statut de Rome (2) ?

1- La notion de coopération

Un juge sans le concours d'une force de police est un homme démuni. Autant le juge pénal étatique a besoin des services de police dans son action, autant le juge international doit avoir recours à une force policière pour l'appuyer dans sa tâche. La différence fondamentale qui existe entre ces deux juges est que le premier a à sa disposition une telle force mais pas le second. En effet, il n'existe pas encore (hélas !) de police internationale autonome sur laquelle pourrait s'appuyer le juge pénal international et sur laquelle il pourrait exercer une autorité. Seules existent les unités de police nationales des États. En outre, la Cour dispose de pouvoirs propres limités pour mener des enquêtes et est donc tributaire de l'assistance et de la coopération des États. De par son mode conventionnel de création, elle ne bénéficie qu'extraordinairement du soutien d'une résolution du Conseil de Sécurité liant tous les États; et leur assistance est bien sûr fonction de leur volonté de coopérer avec la Cour. En effet, malgré l'obligation qu'ont les États membres d'assister la Cour en cas de besoin, ceux-ci ont en pratique une relative marge de manoeuvre dans la fourniture effective d'une assistance sérieuse et ont même le pouvoir reconnu de ne pas apporter cet appui. Il est par conséquent important de savoir ce que contient la notion de coopération, qui est définie comme la participation à une oeuvre commune, la collaboration dans sa réalisation90(*). Cette collaboration peut être nécessaire à plusieurs stades de l'activité de la Cour. Lors des négociations de Rome, la question se posait de savoir si les devoirs et obligations des États devaient être fixés dans les moindres détails par le Statut ou s'ils seraient « an uncertain variable, subject to the will of circumstance of a particular state »91(*), c'est-à-dire si le soin serait laissé à chaque État de définir les modalités de sa coopération avec la Cour en fonction de ses réalités juridico institutionnelles. C'est la solution intermédiaire qui a été finalement retenue. En effet, le Statut se contente de fixer les grandes lignes de cette obligation de coopérer, tout en laissant le choix à chaque État de préciser, dans ses textes nationaux d'application, les aspects pratiques de cette assistance à la Cour. Les États parties sont en effet libres dans le choix des moyens à mettre en oeuvre pour donner effet aux demandes de coopération de la Cour. La souveraineté des États est de ce fait préservée et leur consentement plus facile à obtenir.

2- La nature et l'étendue de l'obligation de coopérer pour les États parties

La coopération se présente-t-elle comme un ensemble d'obligations contenues dans le Statut, ou s'apprécie-t-elle aussi au-delà de celui-ci ?

L'obligation de coopération pour les États membres est avant tout de nature conventionnelle. Elle obéit dès lors aux règles applicables aux traités, et s'interprète en fonction des buts et objectifs fixés par le traité qu'est le Statut de Rome, et auxquels les États membres doivent se conformer. Par conséquent, l'obligation de coopérer s'apprécie certes sur la base des articles 86 et suivants du Statut, mais aussi par rapport à toutes les dispositions de celui-ci que les parties ont l'obligation d'exécuter de bonne foi92(*). En outre, l'exécution de bonne foi, qui s'interprète assez largement, permet d'affirmer que l'obligation de coopération contient, en plus des dispositions du Statut, des devoirs contenus dans le droit international général. Seul le bon fonctionnement de la Cour doit être pris en compte et par-delà, la réalisation des objectifs qu'elle vise, la répression des crimes internationaux, pour laquelle les États sont d'ailleurs les premiers responsables93(*). Cette obligation peut aussi résulter d'une résolution du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, lorsque celui-ci saisit la Cour en vertu du chapitre VII de la Charte. En effet, lorsque le Conseil de sécurité use de ce pouvoir de saisine de la Cour, pouvoir reconnu à l'article 13(b) du Statut, tous les États membres de l'ONU - parties ou non - ont l'obligation de coopérer avec la Cour parce qu'ils sont liés par les décisions prises en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies94(*). L'obligation de coopération est ensuite générale et s'applique à tous les organes de l'État. Le droit national fixe les détails formels et la Cour ne s'y intéresse que très ponctuellement. Toujours est-il que le droit national des États parties doit être en harmonie - et non forcément uniforme - avec les dispositions du Statut, notamment dans les mesures de mise en oeuvre.

B- La Cour et les États non parties au Traité de Rome

La Cour peut avoir des rapports avec des États qui ne sont pas parties à son Statut. Bien qu'ayant cette qualité, ces États peuvent avoir des obligations envers la Cour. En outre, les États non parties peuvent, dans certaines circonstances être en relations avec des États parties au Statut. L'obligation de coopération, pour les États qui n'ont pas ratifié le Statut, peut trouver son fondement dans le Statut lui-même (2). Cependant une certaine opinion voudrait qu'elle puisse aussi résulter du droit international humanitaire coutumier (1).

1- Le droit international humanitaire coutumier comme source d'obligation de coopération des États non parties au Statut

Tels que définis dans le Statut, les crimes qui relèvent de la compétence de la Cour, sont pour l'essentiel prévus par le droit humanitaire. Des crimes comme le génocide (art.6) ou les crimes de guerre, notamment les infractions graves (art.7), sont définis aussi par des conventions telles que la convention du 10 décembre 1948 pour la répression et la prévention du crime de génocide, ou encore les conventions de Genève du 12 août 1949, dont le caractère coutumier est aujourd'hui reconnu95(*). Par ailleurs, en tant que droit coutumier, ces normes valent indépendamment de leur fondement conventionnel, et sont opposables aux États qu'ils soient parties ou non à ces conventions96(*). Ceux-ci ont à ce titre l'obligation de les respecter et de les faire respecter  en toutes circonstances97(*). Il s'agit ici de la sauvegarde d'un intérêt collectif qui incombe à chaque État à l'égard de tous les autres98(*). Ce respect du droit coutumier se manifeste non seulement par l'application effective des normes par les États, mais aussi par la mise en oeuvre et le concours à la mise en oeuvre de sanctions, en cas de violations constatées. Or, la mission de la Cour est justement d'assurer cette répression lorsque les États ne sont pas en mesure de le faire. Ce raisonnement permet de conclure que le droit international coutumier requiert des États qu'ils assistent les juridictions pénales internationales, en l'occurrence la Cour pénale internationale. Ainsi, « L'obligation qu'ont les États - parties ou non au Statut de la Cour - de coopérer avec elle et d'arrêter les personnes faisant l'objet d'un mandat d'arrêt demeure, puisque les États sont toujours liés par les exigences du droit international général et du droit international humanitaire »99(*). Ce point de vue, plus avéré pour les États qui ont ratifié lesdites conventions que pour les autres, se justifie à certains égards dans la mesure où la convention de 1948 par exemple, bien que n'instituant pas de tribunal international oblige les premiers à extrader les personnes recherchées pour génocide vers un autre État, mais aussi vraisemblablement, vers tout autre instance habilitée à engager des poursuites, en l'occurrence un tribunal pénal international100(*).

L'existence d'une obligation de coopérer avec la CPI, incombant aux États non parties au Statut sur la base du droit coutumier, n'est cependant pas unanimement admise. Certains auteurs expriment en effet des doutes, en s'appuyant sur le droit international, notamment sur la Convention de Vienne sur le droit des traités en ses articles 34 et 35. Ces dispositions affirment le principe de l'effet relatif des conventions internationales, et donc le fait que le consentement d'un État est nécessaire pour qu'une obligation puisse être mise à sa charge. Un autre argument est le fait qu'un État ne peut recevoir d'«ordres » d'un autre État ou d'un organisme international comme l'a reconnu le TPIY. Ces arguments paraissent peu appropriés, dans la mesure où s'agissant de la Cour, les demandes adressées aux États le sont dans le respect de leur souveraineté. Cette souveraineté est d'ailleurs préservée tout au long des dispositions du Statut. Il résulte de ce raisonnement que l'obligation de coopérer en vertu du droit international humanitaire coutumier pour les États non parties, est une approche qui correspond logiquement aux exigences et aux objectifs de ce corps de règles internationales. Les États tiers au Statut peuvent néanmoins avoir des obligations sur le fondement du Statut lui-même.

2- L'obligation de coopération des États non parties sur la base du Statut

Lorsqu'un crime est commis sur le territoire d'un État non partie, et que l'auteur présumé est aussi le national d'un État non partie au Statut, la compétence de la Cour peut être fondée sur une acceptation expresse de l'un ou l'autre de ces États (à moins que la Cour ne soit saisie par le Conseil de sécurité de l'ONU). Cette éventualité est prévue à l'article 12(3) du Statut, qui ajoute aussi que l'État (non partie) qui donne son consentement coopère « sans retard et sans exception » avec la Cour. Ainsi, l'obligation de coopérer pour les États tiers, résulte directement de leur consentement exprès et ad hoc à la compétence de la Cour pour un crime dans lequel ils sont impliqués. En conséquence, cet État n'est plus considéré (dans les faits) comme tiers et se trouve dans le cas d'espèce dans une position quasi identique à celle d'un État partie. Les détails pratiques de cette coopération État non partie/CPI, dont il est également fait mention à l'article 87 du Statut, sont en principe fixés dans l'accord de circonstance et par le droit national de l'État concerné, mais cet État reste soumis aux mêmes obligations générales de coopération que les États parties. Ceci dans le respect du Statut de la Cour, du droit national de l'État concerné et du droit international général. Cet accord devrait en général se référer aux dispositions pertinentes du Statut. Néanmoins, il convient de signaler que la source des obligations de l'État non partie est bien l'Accord ainsi conclu et non le Statut de la Cour qui ne lui est pas opposable, même si le contenu de cet accord peut procéder des mêmes principes que ceux qui sont prévus par le Statut. Lorsqu'on sait que bien souvent, l'État sur le territoire duquel le crime a été commis est aussi celui de son auteur, il s'avère important pour la Cour de bénéficier aussi du concours de ces États non parties pour pouvoir accomplir efficacement sa tâche. Il existe également l'hypothèse où la Cour est saisie par le Conseil de Sécurité et qui entraîne pour les États non parties au Statut une obligation de coopérer. Dans cette hypothèse en effet, il n'est nul besoin du consentement de l'État non partie, en raison du fait que le Conseil de Sécurité agit en vertu du chapitre VII de la Charte et que tous les États membres des Nations Unies ont l'obligation d'appliquer les décisions contraignantes prises en vertu de ce chapitre.

* 88 LATTANZI (F)., « Compétence de la Cour Pénale Internationale et consentement des États », Op. cit, pp. 425- 444.

* 89 Cf. article 12 du Statut. A moins de la saisine par le Conseil de Sécurité qui agirait en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies. Il faudrait pour ce faire que la situation en cause rentre dans les conditions de l'article 39.

* 90 REY-DEBOVE (J.) et REY (A.) (dir.), Le petit Robert, Paris, Dictionnaire le Robert, 2002, p. 543.

* 91 Mochochoko (P.), « International cooperation and judicial assistance », in LEE S. R., The ICC, the making of the Rome statute. Issues, negociations, results, Kluwer law international, The Hague, London, Boston, 1999, p. 306.

* 92 Conformément à l'article 26 de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités.

* 93 Le préambule du Statut reconnaît les États comme responsables de la répression des crimes internationaux dont ceux qui figurent dans ses dispositions. Cf. le préambule du Statut alinéa 6.

* 94 Cet avis ne fait pas l'unanimité, certains estiment en effet que l'obligation de coopérer n'existe à l'égard des États non parties que sur la base d'un accord séparé entre ces derniers et la Cour. V. par exemple LAUCCI C., « Compétence et complémentarité dans le Statut de la future Cour Pénale Internationale », précité note 54, p. 141.

* 95 Cf. les arrêts du TPIY, Tadic, arrêt du 07 mai 1997, paragraphe 577; kupreskic et consorts, arrêt du 14 janvier 2000, paragraphe 520; Delalic et consorts, arrêt du 16 novembre 1998, paragraphe 306, sur le site http://www.un.org/icty/ (Visité le 30 décembre 2005); V. encore BOISSON DE CHAZOURNES L. et CONDORELLI L., << Quelques remarques à propos de l'obligation des États de « respecter et faire respecter » le droit international humanitaire « en toutes circonstances >>, in SWINARSKI C., Études et essais sur le droit international humanitaire et sur les principes de la Croix Rouge en l'honneurde Jean Pictet, CICR, Martinus Nijhoff, Genève, La Haye, 1984, pp. 17-35.

* 96 V. le Rapport du Secrétaire général des Nations Unies du 3 mai 1993 sur la création d'un Tribunal pénal international pour l'Ex-Yougoslavie (Document ONU S/25704, ch. 45), ainsi que l'Avis consultatif de la CIJ du 8 juillet 1996 sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, Rec., 1996, para. 81-83. http://www.icj-cij.org/cijwww/ccases/cunan/cunanframe.htm (Visité le 30 décembre 2015).

* 97 Cf. l'article 1er commun aux conventions de Genève du 12 Août 1949.

* 98 Boisson de Chazournes ( L.) et Condorelli (L.), « Common article 1 of the Geneva Conventions revisited : Protecting a collective interests », in Revue Internationale de la Croix Rouge, n°837, Genève, CICR, 2000, pp. 67-87.

* 99 LA ROSA (A.-M.), Op. cit., p. 84. Cette affirmation devrait tout de même être nuancée selon la qualité d'État partie ou non au Statut.

* 100 Ce point de vue est partagé par PALMISANO (G.), « The ICC and Third States », in LATTANZI (F.) et SHABAS (W.), Essays on the Rome Statute of the international criminal court, précité note 72, pp. 419 et Ss; ou encore du même auteur «Cooperation by non-States parties», in LATTANZI F., The International Criminal Court, Comment On The Draft Statute, Naples, Editoriale Scientifica, 1998, pp. 339-366 ; également TRIFFTERER (O.), Commentary of the Rome Statute of the international Criminal Court : Observer's notes article by article, Baden Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, 1999, p. 1061

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