WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La cour pénale internationale et les juridictions internes des états

( Télécharger le fichier original )
par Serges NDEDOUM
Université de Dschang - Master 2014
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CONCLUSION DU CHAPITRE

L'objectif visé par ce chapitre était la compréhension des raisons justifiant la priorité de principe des juridictions nationales sur la Cour en matière de compétence dans la répression des infractions qui portent atteinte à la paix internationale.

D'après cette étude, force est de relever que la priorité de compétence des juridictions internes des États sur la CPI est de principe du fait du respect de la souveraineté et la compétence universelle des États. Ces principes ont une fonction protectrice, car ils mettent l'accent sur l'autonomie et l'indépendance des États et leur donnent un certain pouvoir. Dans le premier cas, les États ont un pouvoir surtout en matière pénale de déterminer eux-mêmes les règles d'incrimination et de sanctions des infractions aussi bien internes qu'internationales. La répression même des infractions qui menacent la sécurité internationale relève dans le second cas de leur pouvoir. A cet égard, le Statut de Rome a reconnu leur responsabilité en matière de répression. Ils ont ainsi l'obligation de poursuivre les délinquants internationaux ou de les remettre à une juridiction autre. En cas de refus ou d'incapacité à poursuivre ou à juger, l'affaire devient recevable devant la Cour.

CHAPITRE II : LA SUBSIDIARITÉ DE COMPÉTENCE DE LA COUR

L'objectif de la Communauté Internationale en créant la Cour était celui de combattre l'impunité des crimes graves qui menacent la paix internationale. C'est la raison pour laquelle dans le Statut qui l'institue compétence lui est donnée pour connaître de ces crimes, c'est du moins ce qui ressort de l'article premier. Cet article continue en disant qu'elle est complémentaire des juridictions pénales nationales101(*). Le régime de complémentarité tel qu'institué tombe à point nommé dans la lutte contre l'impunité. De ce fait, la cour a vocation de se substituer, au moins en partie, aux juridictions nationales. En même temps, il eût été politiquement inconcevable que les États réunis à Rome, États souverains et au moins théoriquement engagés dans la répression des crimes de droit international, acceptent d'emblée de considérer que leurs propres juridictions seraient incapables de s'acquitter de la tâche qui leur était confiée.

Comme nous l'avons développé précédemment, la complémentarité est le principe de base des relations entre la CPI et les États et surtout la clef du fonctionnement de la CPI. Elle justifie ce que doivent être  l'ensemble des relations entre la CPI et les juridictions nationales et répond à la question de savoir si la compétence de la CPI est exclusive ou concurrente avec celle des juridictions nationales.

À l'intérieur des dispositions relatives à la complémentarité, se trouvent des règles conditionnant l'intervention de la CPI. L'exercice de la compétence de la CPI est subordonné à celle des juridictions nationales. À la lecture des dispositions de l'article 17(1) du Statut, il ressort clairement que la Cour a une compétence subsidiaire à celle des juridictions nationales, surtout lorsque celles-ci refusent de poursuivre ou de juger (section 1) ou lorsqu'elles sont incapables (section 2). 

Section 1 : Le refus des États de poursuivre ou de juger les auteurs des crimes graves.

Le refus des États de poursuivre et de juger les auteurs des crimes relevant de la compétence de la Cour donne compétence à cette dernière malgré une volonté ultérieure de la part des États. Ce refus s'exprime d'après le Statut par un manque de volonté. Ce qui est constitutif d'inobservations des règles de la coopération avec la Cour telles que prévues par le Statut. Ce comportement des États se traduit en termes de « Déni de justice »102(*). Cette notion mérite d'être étudiée (Paragraphe1) avant de revenir sur la conception de la cour par rapport au manque de volonté (Paragraphe2).

Paragraphe1-Le déni de justice : une notion implicite contenue dans le Statut de Rome

Les rédacteurs du Statut n'ont pas envisagé de manière claire et précise la notion de déni de justice. Ils se sont seulement limités à celle de « manque de volonté » ; peut-être parce que dans la même mouvance, les sanctions n'ont pas été prévues à l'encontre des États délinquants. Pourtant, la notion a connu une évolution en droit international. Avant de présenter ce développement (B), une définition s'impose (A).

A- Définition et origine de la notion de déni de justice

La notion de déni de justice pour être comprise mérite d'une part, une définition (1) et d'autre part, un bref rappel historique (2).

1- Définition

Le déni justice, encore appelé déni de droit, est le refus par une juridiction de juger. Vu sous cet angle, il constitue une atteinte à un droit fondamental. Par définition, la notion de déni de justice peut s'entendre de deux manières. D'une part au sens juridique, il est le refus par une juridiction de juger une affaire, alors qu'elle est habilitée à le faire. Par extension, le déni de justice peut être caractérisé par le retard excessif mis par les juridictions à statuer. Ce retard peut résulter de la mauvaise foi de la part de ces juridictions, ce qui constituerait ainsi au sens de l'article 17 du Statut un manque de volonté de poursuivre et juger ou alors l'intention de soustraire les auteurs des crimes graves à la justice pénale internationale. Un tel comportement mériterait une sanction lourde.

D'autre part, au sens politique du terme, le déni de justice désigne l'interférence autoritaire du pouvoir exécutif pour annuler ou modifier des décisions de justice. Nous n'allons pas nous attarder sur ce point car ce type de déni de justice ne peut exister dans un État où le pouvoir exécutif est contrebalancé par une autorité judiciaire. La notion de déni de justice n'est pas une notion récente, elle date du Moyen-âge.

2- Historique du déni de justice

L'expression « déni de justice » possède une longue histoire remontant à l'aube du Moyen Âge et est fortement associée à la notion de représailles (ce en quoi elle est d'ailleurs beaucoup plus associée aux tribus germaniques qu'à la tradition romaine)103(*). Peu à peu, détachée de cette notion, elle n'en restera pas moins pendant de nombreux siècles une définition contestée, de nombreux auteurs en faisant l'équivalent de tout tort international commis par un État contre les ressortissants d'un autre État104(*). Cette compréhension large est cependant graduellement abandonnée105(*) au profit d'une conception plus restrictive qui fait du déni de justice une branche spécifique de ce que l'on appelle à l'époque le « droit des étrangers », c'est-à-dire l'ensemble des obligations de l'État hôte à l'égard des ressortissants étrangers se trouvant sur son territoire. Le déni de justice est en effet cantonné aux refus de l'État d'accorder des recours aux ressortissants étrangers pour remédier au tort qui leur a été causé par ses agents (déni de justice complexe) ou, ce qui revient finalement au même, aux torts résultant du dysfonctionnement de la justice elle-même, indépendamment de la nature du litige initial (déni de justice simple). Plus spécifiquement, dans la matière pénale qui nous intéresse, le déni de justice va consister en un non-exercice ou un mauvais exercice de l'action pénale par l'État hôte pour réprimer les crimes commis contre les étrangers106(*). Les théories contemporaines du déni de justice vont connaître une sorte d'âge d'or qui s'explique essentiellement, à notre sens, par la transition entre le régime de capitulations jusqu'à l'extension définitive d'une pleine égalité souveraine aux États extra-européens pendant la première moitié du 20èmesiècle. Le régime de capitulations avait correspondu à une hypothèse de défiance extrême à l'égard des juridictions nationales de certains États puisque, dans la perspective impérialiste qui était celle des États occidentaux de l'époque, leurs nationaux devaient relever d'un régime d'extraterritorialité les soustrayant à la compétence territoriale de l'État hôte. Le régime des capitulations n'avait néanmoins pas tardé à être perçu comme une ingérence insupportable pour certains États qui allaient faire de la (re)conquête de leur monopole de compétence une priorité politique et symbolique majeure.

B- Le déni de justice, une analogie explicitée par la doctrine

Il existe des différences entre, d'une part, une doctrine aujourd'hui un peu datée, telle que le déni de justice et, d'autre part, un régime juridictionnel spécifique. Les crimes en jeu n'ont certainement aucune commune mesure107(*). Dans le cadre de la CPI, le contrôle du bon fonctionnement des institutions nationales se fait par une juridiction supranationale à vocation universelle, là où il était l'objet de commissions arbitrales bilatérales dans le cadre du déni de justice. Plus spécifiquement, la détermination du déni de justice engage la responsabilité internationale de l'État, là où la détermination de l'incapacité ou du manque de volonté devant la CPI n'aura pour effet que de rendre une affaire recevable. Pourtant, une parenté souterraine relie bien les concepts de complémentarité et de déni de justice. Ce sont bien les États qui mettent en mouvement l'action pénale internationale dans le cas du déni de justice, comme c'est le cas en partie devant la CPI. Ils le font devant des tribunaux qui, pour être bilatéraux, n'en sont pas moins internationaux et semi-permanents. Surtout, ne dit-on pas que la protection des étrangers peut prétendre être à l'origine des régimes de protection internationale des droits de l'homme (au moins autant que la protection des minorités par la Société des Nations à qui on fait parfois porter ce rôle)? Et la CPI, bien plus que le droit international humanitaire, n'est-elle pas l'ultime clef de voûte d'un régime global de protection internationale des droits de l'homme?

De ce fait, l'analogie avec la complémentarité saute aux yeux : le problème initial n'est autre que celui d'un dysfonctionnement des juridictions nationales, causant en matière pénale un problème d'impunité; il existe une présomption en faveur du fonctionnement des juridictions nationales, mais il s'agit bien d'une simple présomption qui peut être renversée par la preuve d'un fonctionnement manifestement inadéquat. C'est bien pourquoi on va retrouver, de manière tout à fait significative, certaines des mêmes descriptions et justifications apportées à la complémentarité dans le contexte de la CPI. La doctrine parle du caractère « subsidiaire »108(*) et «complémentaire»109(*) de l'exercice de la protection diplomatique, car «rationnellement le recours aux juridictions nationales devrait être la règle et le recours à la juridiction internationale l'exception»110(*). L'expression «unable or unwilling» est d'ailleurs déjà monnaie courante s'agissant des défaillances des juridictions nationales111(*). Inversement, la doctrine souligne souvent la nécessité d'éviter que les juridictions internationales ne deviennent des « cours d'appel » des juridictions nationales112(*). Surtout lorsque celles-ci s'avèrent être de mauvaise foi.

* 101 Cf. art. 1er du Statut de Rome.

* 102 Cf. Hans W. Spiegel, Origin and Development of Denial of Justice (1938) 32 A.J.I.L.

* 103 Hans W. Spiegel, Origin and Development of Denial of Justice (1938) 32 A.J.I.L. 63.

* 104 Voir les nombreuses sources citées, notamment à l'article 20 (3b), dans Olivier J. Lissitzyin, « The Meaning of the Term Denial of Justice in International Law » (1936) 30 A.J.I.L. 633 [Lissitzyin].

* 105 Comme le soulignait l'arbitre Van Vollenhoven dans l'affaire Chattin, si la définition large du déni de

justice devait primer « there would exist no international wrong which would not be covered by the

phrase «denial of justice» and the expression would lose its value as a technical distinction » dans

Chattin (États-Unis c. Mexique) (1927), 4 R.S.A. 282 à la p. 286 [Chattin]. De même, pour De

Visscher, « appliquer ce terme à toute infraction quelconque de l'État à ses devoirs envers les étrangers, c'est lui enlever toute signification technique définie. Ainsi employée, l'expression perd toute valeur propre et n'est plus qu'une source de confusions ». Voir De Visscher, supra note 16 à la p. 386.

* 106 Plusieurs théories s'affrontent au sujet du fondement du déni de justice. Pour certains, l'État qui tolère certaines violations du droit des étrangers se fait le « complice » des crimes commis contre eux. Mais cette approche paraît trop large. Elle est peu à peu abandonnée au profit d'une vision qui fait de l'inefficacité des juridictions nationales une cause de responsabilité internationale spécifique. Voir Charles Cheney Hide, «Concerning Damages Resulting from a Duty to Prosecute » (1928, Pp. 140-142.

* 107 Typiquement, les crimes dont avaient à connaître les commissions arbitrales étaient des crimes crapuleux ou passionnels, plus rarement des crimes mettant en jeux directement des agents de l'État.

* 108 Witenberg (J-C), La recevabilité des réclamations devant les juridictions internationales (1932) 41 Rec. des Cours 1 à la p. 51.

* 109 Montefiore Borchard (E.), The Diplomatic Protection of Citizens Abroad, New York, Banks Law, 1915 aux pp. 28 et 354.

* 110 Dumas (J.), « Du déni de justice considéré comme condition de la responsabilité internationale des États en matière criminelle » (1929) 10 R.D.I.L.C. 277 à la p. 288.

* 111 Edwin D. Dickinson (E.D) et al. « Article 12. Aliens: Prosecution and Punishment » (1935) 29 A.J.I.L. Supp. 596 aux Pp. 596-597.

* 112 Andronico (O.) Adede, A Fresh Look at the Meaning of the Doctrine of Denial of Justice under International Law (1976) 14 Can. Y.B. Int'l Law 73.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo