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La formation des enseignants et les enjeux de l'enseignement de l'histoire de 1880 à  1905 et leurs héritages.

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par Sophie VAN-WAESBERGE
URCA - Master 2 MEEF HG 2015
  

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PREMIÈRE PARTIE :

DES ÉCOLES NORMALES AUX ESPE :
L'ÉVOLUTION DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS
DU PREMIER ET DU SECOND DEGRÉS.

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I- DES ÉCOLES NORMALES AUX ÉCOLES SUPÉRIEURES DU PROFESSORAT ET DE L'ÉDUCATION : L'ÉVOLUTION DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS DU PREMIER ET DU SECOND DEGRÉS.

1) La mission première des maîtres de la III ème République : former des citoyens patriotes :

Sous la IIIème République, la fonction première des instituteurs et institutrices de France était de former des citoyens patriotes. Cet apprentissage débutait dès leur entrée dans le système scolaire, c'est-à-dire dès l'école primaire soit à l'âge de 6 ans. Après la défaite de 1870 face à la Prusse, l'accès à l'éducation pour tous et l'image de l'école comme moyen d'apprentissage de la vie civique s'imposent. Selon Paul BERT, fondateur de l'école républicaine laïque :

« c'est l'infériorité de notre éducation nationale qui nous a conduit au revers. Même dans les conflits modernes c'est l'intelligence qui reste maîtresse »2.

Selon lui, l'école républicaine a une double vocation. Elle doit d'une part « modeler un homme éduqué et raisonneur » et d'autre part « fonder le citoyen afin qu'il agisse et combatte pour supporter toutes les épreuves de la patrie ». Les instituteurs et institutrices ont donc pour mission de former des citoyens patriotes. Pour ce faire, différents outils sont mis à leur disposition. Ils profitent du cadre de l'école perçue comme un lieu républicain et un microcosme de la société. Les programmes, et notamment ceux d'histoire et d'instruction morale leur permettent également de transmettre des valeurs républicaines.

a- Le cadre : L'école, lieu républicain, microcosme de la société.

L'école des années Ferry est un lieu républicain par excellence. L'école primaire est une représentation à plus grande échelle de la société de la fin du XIXème siècle. Elle peut être définie comme un microcosme de la société visant à former de futurs citoyens patriotes. Le cadre lui-même de l'école, c'est-à-dire le bâtiment et les salles accueillant les élèves participent au formatage des futurs citoyens. En effet, les écoles primaires communales sont très souvent construites à proximité

2 DALISSON, Rémi, Paul Bert, l'inventeur de l'école laïque, Paris, Armand Colin, 2015, chapitre 3.

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des mairies voire même partagent un bâtiment commun. Cette proximité a pour vocation de rappeler le caractère républicain de l'école des années 1880-1890. Elle permet aux élèves de se familiariser à la fréquentation des lieux républicains. L'école et la mairie sont indissociables. L'école constitue le lieu d'apprentissage de la vie civique, et la mairie constitue le lieu d'exercice de la citoyenneté. M.T LAURIN relève cette imbrication dans un article publié en 1918 3:

« Cette mairie, centre modeste d'une vie civique encore rudimentaire, a naturellement pour voisine cette école où commence l'éducation des citoyens de demain ».

L'école permet donc aux élèves de se familiariser avec ce bâtiment républicain et leur permet d'apprendre les rouages de la vie politique. Une fois devenus majeurs, spontanément, les Français se rendent de nouveau dans ces lieux pour assurer leurs devoirs de citoyens comme le souligne M.T LAURIN :

« L'homme fait, sacré souverain de la cité, franchit le même seuil que dix ou vingt ans plus tôt, lorsqu'il faisait son apprentissage intellectuel et moral »4.

Par ailleurs, en zone rurale les maîtresses et maîtres assurent fréquemment des fonctions de secrétaires de mairie en dehors de leurs heures de classe. Cette double fonction leur garantit un suivi de leurs élèves. Lorsque les citoyens se rendent en mairie pour exercer leur droit de vote, les instituteurs retrouvent des Français à qui ils ont inculqué quelques années plus tôt les valeurs républicaines.

Au sein même de l'école, plusieurs éléments de décors rappellent le caractère républicain du lieu. Tout d'abord, sur le fronton de l'école est gravée en majuscules la devise : « Liberté, égalité, fraternité ». Mentionnée dans la Constitution Républicaine de 1848, cette devise avait été délaissée par le Second Empire. Elle est remise en valeur et enracinée sous la IIIème République. La gravure des trois valeurs républicaines est souvent accompagnée d'un drapeau tricolore, symbole révolutionnaire créé en 1794. Ces deux symboles permettent aux élèves de prendre connaissance du caractère républicain et des missions de l'école primaire dès leur entrée dans le bâtiment. L'école

3 LAURIN, M.T, « La mairie-école et l'instituteur secrétaire de mairie », Revue de l'enseignement primaire et primaire supérieur, 1918, p 34-35

4 LAURIN, M.T, « La mairie-école et l'instituteur secrétaire de mairie », Revue de l'enseignement primaire et primaire supérieur, 1918, p 34-35

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instaurée par Jules FERRY se veut être une école équitable, dans laquelle garçons et filles, enfants d'ouvriers, de paysans, ou de riches industriels soient égaux. Par l'enseignement de la morale et de la civique, elle doit permettre aux futurs citoyens d'apprendre à profiter de leurs libertés tout en respectant celles des autres. Au sein de l'école doit également se développer un esprit de solidarité et de fraternité entre les élèves. D'autres symboles tels que le buste de la Marianne sont également présents dans les écoles primaires de la fin du XIXème siècle. Généralement ce buste se situe dans le préau de l'école et parfois-même dans les salles de classe. La Marianne symbolise la liberté et la république.

L'édifice n'est pas le seul élément de l'école utilisé pour la formation des futurs citoyens. En effet, les tenues portées par les élèves, les maîtresses et les maîtres permettent elles aussi d'affirmer certaines valeurs républicaines telle que l'égalité et la laïcité. Tous les élèves portent la blouse, qu'il s'agisse de filles et de garçons. Cette blouse est grise ou noire. Le port de la blouse s'inscrit dans la démarche de laïcisation de la l'école républicaine entamée en 1882 et achevée en 1905. Tous les élèves peuvent dissimuler les insignes religieuses sous leur uniforme. Les signes religieux ne sont donc pas interdits sous la IIIème République, mais ils sont généralement dissimulés sous la blouse. L'uniforme a une autre fonction, celle d'égalité. En effet, en obligeant tous les élèves à porter un vêtement similaire, on gomme ainsi toutes les différences de richesses pouvant exister entre les écoliers. Tous les élèves deviennent ainsi égaux. Les élèves ne sont pas les seuls à porter l'uniforme. Les maîtresses et maîtres portent eux aussi un uniforme noir. Dans son ouvrage publié en 19135, Charles PEGUY les surnomme les « hussards noirs de la République » de part leur vêtement. Dans sa description de ses propres maîtres d'écoles, Charles PEGUY insiste sur l'uniforme qu'ils portent :

« Nos jeunes maîtres étaient beaux comme des hussards noirs. Sveltes, sévères, sanglés et sérieux et un peu tremblants de leur précoce, de leur soudaine omnipotence ».

Le terme de hussard fait référence aux hussards hongrois vêtus de noir, reconnus pour leur efficacité et leur dévouement. L'uniforme civique porté par les institutrices et instituteurs vise lui aussi à gommer les différences de richesses et les croyances religieuses. Charles PEGUY prend soin d'énumérer les éléments composant l'uniforme des maîtres : « le long pantalon noir », « le gilet noir », « la redingote noire » et « la caquette plate, noire ». Chaque élément composant la tenue de l'enseignant est associé à la couleur noire. Ce costume très sobre de couleur austère inspire la

5 PEGUY, Charles, L'Argent, 1913.

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sévérité.

Enfin, la IIIème République prône la valeur d'égalité. L'école se doit donc d'appliquer cette valeur, et notamment l'égalité entre les filles et les garçons. À partir de la fin du XIXème siècle, débute une timide volonté d'égalité des genres au sein de la société française. Au niveau de l'enseignement également, des progrès sont réalisés. Des réformes en faveur des Femmes sont adoptées. En mars 1850, la loi FALLOUX oblige toute commune de plus de huit cents habitants à entretenir une école primaire de filles. Mais, c'est surtout la loi du 28 mars 1881 établie par Jules FERRY qui ouvre véritablement l'accès à l'éducation aux filles. En effet, cette loi rend l'école obligatoire pour tout enfant âgé de six à treize ans, sans distinction de genre. Les filles, de plus en plus nombreuses à fréquenter l'école avant l'adoption de ces lois sont désormais toutes tenues de suivre un enseignement entre six et treize ans. Elles fréquentent donc l'école primaire dès 1882 et apprennent elles aussi les valeurs républicaines aux côtés de leur institutrice. L'apprentissage de la morale et de la civique peut surprendre compte tenu du fait que les Femmes ne possèdent pas encore le droit de vote à cette époque. Les finalités de l'enseignement de ces thématiques est donc autre. Il s'agit de soustraire les femmes à l'influence de l'Église et d'éveiller leur sentiment patriotique et leur esprit critique. Le gouvernement a fait le choix d'enseigner les valeurs républicaines aux filles dans l'objectif qu'elles transmettent, à leur tour, ces valeurs à leurs enfants. La loi GOBLET du 30 octobre 1886 renforce l'égalité filles-garçons en instaurant la mixité dans les écoles des communes de moins de cinq cents habitants.

Ainsi, le cadre même de l'école républicaine et les réformes adoptées entre 1880 et 1905 permettent de formater les élèves. Ils aident les institutrices et instituteurs à préparer leurs élèves à devenir de futurs citoyens patriotes. Ils permettent à eux-seuls de sensibiliser les élèves aux valeurs républicaines de laïcité, de liberté, d'égalité, et de fraternité.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard