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La formation des enseignants et les enjeux de l'enseignement de l'histoire de 1880 à  1905 et leurs héritages.

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par Sophie VAN-WAESBERGE
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b- Le contenu des cours et le cadre de la formation :

Le cadre de la formation des instituteurs et des institutrices, c'est-à-dire les Écoles Normales, ainsi que le contenu des cours qui y sont enseignés contribuent eux aussi à l'apprentissage des valeurs devant ensuite être transmises aux élèves d'école primaire.

Le contexte d'ouverture de l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne qui intervient au moment où de nombreuses Écoles Normales sont créées témoigne de la massification de l'accès à l'école entamée à la fin du XIXème siècle. L'égalité est une des valeurs clés de la IIIème République, valeur que les instituteurs et institutrices doivent transmettre à leurs élèves. Une fois arrivés au pouvoir en 1879, les Républicains ont fait en sorte que l'école, lieu d'apprentissage des valeurs républicaines, devienne à son tour une institution plus juste. Pour ce faire, les membres du gouvernement se sont, en apparence, attachés à développer l'égalité hommes, femmes face à l'accès à l'éducation. En réalité, en éduquant les filles, ils souhaitent qu'elles transmettent les valeurs républicaines apprises à l'école à leurs futurs enfants. Le discours prononcé par l'historien Pierre PONCIN lors de l'inauguration du cours pour filles d'Abbeville le 15 décembre 1880 illustre cette idée :

« L'absence d'enseignement secondaire pour les femmes entretient l'anarchie intellectuelle de la nation. La plupart des femmes sont restées étrangères aux idées, aux sentiments de la France républicaine et moderne. C'est l'institutrice française, c'est la mère française qui formeront pour l'avenir une robuste génération de citoyens et de soldats »19.

À cette époque encore, la femme est perçue comme une génitrice, et plus particulièrement comme une génitrice de futurs citoyens et soldats comme le souligne la citation de René GOBLET :

« Père républicains, vous avez un devoir à remplir ; c'est de donner une éducation solide, virile, à vos filles ; faire des hommes, donner des citoyens à la patrie, voilà la grande fonction de la femme, et, en

19 Archives départementales de la Somme 1T70, discours de Pierre FONCIN à l'inauguration du cours pour jeunes filles d'Abbeville, 15 décembre 1880.

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même temps, sa grande responsabilité »20.

L'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne, comme toutes les Écoles Normales de la IIIème République est encadrée par l'État. Comme le mentionne le décret du 29 juillet 188121, l'École Normale primaire est placée sous la tutelle du recteur d'académie et dirigée par une directrice, Madame GRANET, puis Madame BROCARD, choisies par le Ministère de l'Instruction Publique. En plus de choisir la directrice de l'École Normale, l'État intervient pour financer le traitement du personnel de l'École : professeures, économe, secrétaire, directrice... L'État fournit également des subventions pour l'achat de livres placés dans la bibliothèque pédagogique. Le département de la Marne et la ville de Châlons-sur-Marne prennent en charge l'entretien du bâtiment, les éventuels travaux, ainsi que l'achat du matériel utilisé en classe, à l'internat ou au réfectoire. L'État intervient donc pleinement dans la gestion financière et matérielle de l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne. Désormais, l'éducation est uniquement encadrée par l'État et non plus encadrée par l'Église et l'État conjointement.

Concernant son architecture, l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne, comme la plupart des Écoles Normales est construite sur deux étages. La normalisation des bâtiments contribue elle aussi à l'enracinement du caractère républicain du lieu. L'École Normale d'institutrices possède une cour de récréation, un jardin. Le bâtiment est en forme de H. L'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne, à l'image de l'ensemble des Écoles Normales possède un internat. Jules FERRY a rendu la fréquentation de l'internat obligatoire pour les élèves-maîtres et élèves-maîtresses en formation. Ce procédé permet au personnel de l'École Normale, c'est-à-dire aux agents de l'État de contrôler en permanence les futurs maîtres et maîtresses. Cet encadrement continu permet aux élèves-maîtresses de s'imprégner du caractère républicain du lieu. Conformément au décret du 29 juillet 1881, « l'internat est gratuit ». Les sorties des élèves-maîtresses sont très encadrées. Les documents d'archives de l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne montrent que les permissions se limitent aux vacances scolaires et aux jours fériés. Le reste de l'année scolaire, les élèves-maîtresses restent au sein des locaux de l'École. Elles sont autorisées à y sortir uniquement lors des sorties pédagogiques ou lors des promenades hebdomadaires. Toutefois, les jeunes filles ne sont pas livrées à elles-mêmes lors de ces sorties.

20 René GOBLET, Le Progrès de la Somme du 30 août 1881.

21 Décret du 29 juillet 1881 : « La réorganisation républicaine des Écoles Normales primaires ».

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Elles sont systématiquement contrôlées par des professeurs ou membres de la direction. Les promenades sont elles aussi encadrées par le décret du 29 juillet 1881 qui précise que :

« Tous les jeudis et tous les dimanches ainsi que les jours de fêtes, les élèves-maîtres sont conduits en promenade »22.

Les visites des personnes extérieures sont autorisées uniquement au parloir et en présence d'une maîtresse.

Outre le cadre très strict, le port de l'uniforme est de rigueur au sein des Écoles Normales d'institutrices. Chaque élève-maîtresse doit porter une tenue très austère composée d'une robe noire en laine ou cachemire, une jupe noire, un corsage uni, et en manteau de drap noir. Cette tenue n'est pas sans rappeler l'habit religieux. Cet uniforme montre que les élèves-maîtresses appartiennent à un ordre, non pas religieux, mais laïc et républicain. Hugues LETHIERRY qualifie les Écoles Normales d'institutrices de « couvents laïcs »23. Cette expression s'explique par le port d'un uniforme noir, très austère et par la vie des élèves-maîtresses en un espace clos, surveillé et coupé du reste de la société. L'uniforme doit également être porté lors des promenades hebdomadaires comme le stipule le décret du 29 juillet 1881 : « Tous les élèves ont un costume d'uniforme pour les sorties et les promenades. ». Il s'agit là de montrer à l'ensemble de la société que les élèves-maîtres et élèves-maîtresses respectent les traditions républicaines. L'économe et la directrice de l'École Normale ont pour mission d'inspecter chaque matin les tenues des élèves-maîtresses. Le trousseau est à la charge de la famille.

Les journées des élèves-maîtresses de l'École Normale de Châlons-sur-Marne sont chargées. D'après les documents d'archives, le lever des élèves-maîtresses a lieu dès cinq heures du matin. S'en suivent deux heures d'étude pendant lesquelles les élèves-maîtresses peuvent travailler leurs cours. À sept heures, les élèves-maîtresses se réunissent au sein du réfectoire pour prendre leur petit déjeuner. S'en suivent ensuite les tâches d'entretien de l'École Normale assurées par les élèves. De huit heures à seize ans ont lieu les cours entrecoupés par des récréations et par la pause du déjeuner. Les cours du matin sont réservés à l'enseignement des matières fondamentales telles que les sciences, le français, les mathématiques, la morale et l'histoire. Entre seize et dix-sept heures, les

22 Archives départementales de la Marne, 1 T 1841, 29 juillet 1881.

23 LETHIERRY, Hugues, Feu les écoles Normales (et les IUFM), Paris, L'Harmattan, 1994.

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élèves se retrouvent généralement pour leur cours de gymnastique. S'en suivent ensuite quatre heures d'étude entrecoupées par le souper. Le coucher est prévu à 21 heures pour l'ensemble des membres de l'École Normale. Ce rythme laisse peu de temps libre, et peu d'opportunité de déroger au cadre. L'objectif est de contraindre les élèves-maîtresses à s'habituer à respecter un cadre bien défini. Ce rythme est défini par la loi du 3 août 1881.

Le contenu des cours dispensés en Écoles Normales est également encadré par la loi du 3 août 1881. Cet arrêté prévoie vingt-neuf heures hebdomadaires pour les élèves-maîtresses de première année, vingt-sept heures pour les élèves de seconde année et vingt-six heures pour les élèves de troisième année. La première discipline mentionnée dans les programmes de 1881 est l'instruction morale et civique. Cela montre l'importance accordée à cette discipline dans la formation des élèves-maîtresses. Une heure d'instruction morale et civique est prévue par semaine pour les filles, contre deux heures pour les garçons. Une heure est consacrée à la pédagogie, une heure à la géographie et une heure aux sciences naturelles. L'arithmétique, l'écriture et les travaux de couture font l'objet de trois heures de cours hebdomadaires. Le chant, la musique et la gymnastique occupent chacune les élèves durant deux heures par semaine. Le dessin fait l'objet de quatre heures par semaine. La littérature française donne lieu à six heures de cours hebdomadaires. Dans ce programme, l'histoire occupe une place importante. Quatre heures hebdomadaires sont consacrées à l'enseignement de cette discipline. À l'École Normale d'institutrices de Châlons-sur-Marne, les cours de dessin, de musique, de gymnastique et d'arithmétique sont assurés par les maîtres de l'École Normale d'instituteurs. Le faible nombre d'heures accordé à ces disciplines ne leur permet pas de travailler dans un unique établissement.

Cette répartition horaire suscite une incohérence, à savoir le faible nombre d'heures consacré à la pédagogie alors même que la mission principale des enseignants est d'éduquer les élèves et de former des futurs citoyens. Cela s'explique par le fait que les membres du gouvernement considèrent à cette époque que la familiarisation valeurs républicaines s'opère au quotidien à travers l'apprentissage de l'histoire de France et à travers la vie en internat dans un espace républicain notamment. La dimension pédagogique de la formation des élèves-maîtresses de l'École Normale de Châlons-sur-Marne est assurée par les conférences pédagogiques mensuelles.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery