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La formation des enseignants et les enjeux de l'enseignement de l'histoire de 1880 à  1905 et leurs héritages.

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par Sophie VAN-WAESBERGE
URCA - Master 2 MEEF HG 2015
  

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3) L'héritage des Écoles Normales de la III ème République: le cas des ESPE :

Aujourd'hui supprimées, il subsiste néanmoins un héritage des Écoles Normales visible dans la formation actuelle des enseignants du premier et du second degrés. Dès 1888, les Écoles Normales rencontrent quelques difficultés. Après avoir peiné à se mettre en place, les Écoles Normales ont connu un essor au début des années 1880. Le nombre d'aspirants et d'aspirantes est passé de 28 000 à 56 000 pour l'ensemble du territoire français entre 1880 et 1882. Quelques années plus tard, le nombre d'aspirants stagne. Cette crise du recrutement s'explique par la faiblesse du salaire des enseignants, et notamment des maîtres stagiaires qui ne perçoivent que 800 Francs par mois. Cette crise s'explique également par l'obligation d'avoir le brevet élémentaire pour espérer intégrer une École Normale. Pour remédier à ce problème, le député Alfred MASSE propose de réorganiser les Écoles Normales qu'il juge trop nombreuses par rapport au nombre de candidats actuels. Afin de limiter les dépenses, le député réclame une suppression des Écoles Normales. Il propose que la formation des enseignants reviennent aux lycées. Le Ministère de l'Instruction Publique adopte une série de réformes au cours de l'année 1905. Cette réforme se traduit par une réorganisation du cursus. Désormais, les deux premières années de formation des enseignants du premier degrés sont consacrées à la préparation du brevet supérieur. La troisième année est quant à elle orientée vers la didactique et comporte deux mois de pratique sur le terrain. Peu à peu, la formation des élèves-maîtres et élèves-maîtresses se professionnalise.

Après avoir connu une série de réformes, les Écoles Normales sont supprimées par le décret du 10 juillet 1989. Elles sont remplacées par les IUFM, Instituts Universitaires de Formation des Maîtres. À la différence des Écoles Normales primaires, les IUFM assuraient la formation des enseignants du premier et du second degrés. Ces IUFM sont à leur tour supprimés en 2012 et remplacés par les Écoles Supérieurs du Professorat et de l'Éducation instaurées par la loi du 8 juillet 2013. Les ESPE forment actuellement les enseignants du premier et du second degré en deux années. La première année est consacrée à la préparation du concours, CRPE pour le premier degré, et CAPES pour le second degré. La seconde année se divise entre le stage et la formation didactique. Tout comme les Écoles Normales, les ESPE doivent répondre à une commande ministérielle et adapter le contenu de la formation des maîtres aux exigences du gouvernement. En observant les référentiels de compétences des enseignants de ces dernières années, le contenu de la formation des enseignants ainsi que le contenu des concours du premier et du second degrés, nous pouvons relever quelques points communs entre les Écoles Normales et les ESPE.

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a- Une demande civique et politique : Préparer les futurs enseignants à faire de leurs élèves des citoyens-responsables.

À l'époque de Jules FERRY, l'accès à la culture (théâtres, livres...) était encore limité à une élite. L'école permettait d'offrir une culture commune à l'ensemble de la population. Les enseignants formés dans les Écoles Normales avaient donc pour vocation de former des futurs citoyens patriotes et d'instruire le peuple, comme en témoigne l'intitulé du Ministère de l'Instruction Publique. Peu à peu, la culture devient accessible à l'ensemble de la population. Aujourd'hui, la majorité de la population française peut avoir accès à la culture grâce aux bibliothèques, aux musées, aux médias, à Internet... L'école ne possède donc plus le monopole d'instruction du peuple. Les finalités de l'enseignement et le rôle de l'enseignant ont donc évolué depuis la mise en place de l'école républicaine. Les commandes institutionnelles et notamment les référentiels de compétences des enseignants du premier et du second degrés s'adaptent à l'évolution de la société.

Afin de prendre conscience du fait que les finalités de l'enseignement et le rôle des instituteurs dépendent pleinement d'une commande institutionnelle, nous allons analyser l'évolution des référentiels de compétences professionnelles des métiers de l'enseignement de 1997 à 2013. Les référentiels de compétences de 1997, 2010 et 2013 correspondent aux trois derniers référentiels en vigueur. Chacun est produit par le Ministre de l'Éducation Nationale, par le secrétaire général et par le directeur général de l'enseignement secondaire.

La circulaire n°97-123 du 23 mai 1997 est adoptée sous le premier mandat de Jacques CHRIRAC, sous le gouvernement JUPPE. François BAYROU, Ministre de mars 1993 à juin 1997, était alors à la tête du Ministère de l'Éducation Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche. Après avoir réformé les programmes du collège en vigueur depuis 198126, François BAYROU a redéfini le rôle de l'enseignant. Cette circulaire s'attache à définir les missions des professeurs exerçant en collège, lycée d'enseignement général et technologique, et en lycée professionnel. Il est intéressant de souligner le fait que l'enseignement du premier degré et celui du second degré soient encore distincts dans cette circulaire. Établie en fin d'année scolaire, cette circulaire est transmise aux recteurs et aux directeurs des Instituts de Formation Universitaire des

26 Arrêté du 10 janvier 1997, refondation des programmes scolaires :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=A9B4DAC8E28412EF97E29313898E4FC5.tpdila19v_2? cidTexte=JORFTEXT000000745912&dateTexte=20160405

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Maîtres. Ainsi, les enseignants du second degré à la fois titulaires, stagiaires ou en formation ont l'opportunité de prendre connaissance de ces mesures.

Il est intéressant de souligner que dans cette circulaire l'enseignant est encore défini comme étant avant tout un instructeur et non un éducateur :

« Il se réfère à la mission du professeur, qui est d'instruire les jeunes qui lui sont confiés, de contribuer à leur éducation et de leur assurer une formation en vue de leur insertion sociale et professionnelle »27.

Les expressions « contribuer à leur éducation » et « assurer une formation en vue de leur insertion sociale » font référence à l'éducation à la citoyenneté. À travers cette circulaire, le Ministre de l'Éducation Nationale François BAYROU place cet enjeu en second rang. Selon lui, les enseignants du second degré doivent avant tout transmettre des connaissances. Toutefois, au sein de la transmission des connaissances, le Ministre accorde une place importante à la transmission de connaissances historiques, de valeurs civiques et républicaines.

Dès l'introduction de cette circulaire il est mentionné que :

« Le professeur exerçant en collège, en lycée d'enseignement général et technologique ou en lycée professionnel participe au service d'éducation qui s'attache à transmettre les valeurs de la République, notamment l'idéal laïque qui exclut toute discrimination de sexe, de culture ou de religion ».

Le rôle de l'enseignant du second degré présenté ici diffère quelque peu de celui de l'enseignant du premier degré de l'époque Ferry. En effet, ce-dernier devait sensibiliser les élèves aux valeurs républicaines et non pas se contenter de transmettre des valeurs comme il transmettrait de simples connaissances. Après avoir inculqué les valeurs républicaines à ses élèves, l'enseignant du second degré doit, selon la circulaire de 1997 :

« Aider les élèves à développer leur esprit critique, à construire leur autonomie et à faire comprendre aux élèves le sens et la portée des valeurs qui sont à la base de nos institutions ».

27 Circulaire n°97-123 du 23 mai 1997 : https://www.reseau-canope.fr/savoirscdi/metier/le-professeur-documentaliste-textes-reglementaires/acces-chronologique-aux-textes-reglementaires/1990-1999/circulaire-n-97-123-du-23-mai-1997.html

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La formation à la citoyenneté s'opère en deux phases : la transmission des valeurs (l'apprentissage) et la compréhension des valeurs (l'assimilation).

Il a fallu attendre 2010 pour qu'une nouvelle circulaire définissant le rôle des enseignants soit promulguée. La circulaire du 12 mai 201028 est adoptée sous le mandat de Nicolas SARKOZY et sous le gouvernement FILLON. À cette date, Luc CHATEL était Ministre de l'Éducation Nationale et porte-parole du gouvernement. Cette circulaire est établie par le Ministre de l'Éducation Nationale, sa délégation, le secrétaire général, Pierre-Yves DUWOYE et le directeur de l'enseignement scolaire, Jean-Michel BLANQUER. Cette circulaire établit une liste de dix compétences devant être maîtrisées par les futurs et actuels professeurs du premier, du second degrés, ainsi que par les documentalistes et conseillers d'éducation. La première des compétences est : « agir en fonctionnaire de l'État et de façon éthique et responsable ». Le devoir premier de tout enseignant est d'être de bonne éthique, et de bonne moralité. Cela n'est pas sans nous rappeler l'importance accordée à la moralité des élèves-maîtres et élèves-maîtresses fréquentant les Écoles Normales de la IIIème République. Il est mentionné dans cette circulaire de 2010 que « tout professeur contribue à la formation sociale et civique des élèves ». Le rôle de formateur civique de l'enseignant sous-entendu dans la circulaire de 1997 est ici clairement identifié. Il est également mentionné que le professeur se doit d'être un exemple éthique pour ses élèves : «L'éthique et la responsabilité du professeur fondent son exemplarité et son autorité dans la classe et dans l'établissement ». L'enseignant défini comme étant un guide, un exemple à suivre pour ses élèves rappelle le rôle de l'enseignant primaire sous la IIIème République.

Les compétences civiques mentionnées dans le référentiel de compétences de 2010 devant être maîtrisées par les enseignants se déclinent sous trois formes : les connaissances, les capacités et les attitudes. Tout d'abord, les enseignants du premier et du second degrés ainsi que les conseillers principaux d'éducation doivent connaître : « les valeurs de la République et les textes qui la fondent : liberté, égalité, fraternité, laïcité, refus de toutes les discriminations, mixité, égalité entre les hommes et les femmes » ainsi que : « les institutions qui définissent et mettent en oeuvre la politique éducative de la nation », et « la politique éducative de la France, les grands traits de son histoire et ses enjeux actuels ». Outre le fait de devoir connaître les valeurs républicaines, les enseignants doivent être capables de « faire comprendre et partager les valeurs de la République » ainsi que de « prendre en compte la dimension civique de son enseignement ». Ainsi, les enseignants doivent non plus se contenter de transmettre ses valeurs au même titre qu'ils

28 Arrêté du 12 mai 2010, Référentiel des compétences des enseignants : http://www.education.gouv.fr/cid52614/menh1012598a.html

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transmettent des connaissances, mais ils doivent les partager. Cette approche des valeurs républicaines rappelle celle utilisée par les instituteurs et institutrices de l'école primaire de la fin du XIXème siècle. Les enseignants doivent également avoir une connaissance de l'histoire de l'enseignement en France afin de comparer les finalités de l'enseignement d'autrefois et les finalités de l'enseignement aujourd'hui. Nous pouvons supposer que l'école républicaine de Jules Ferry constitue un exemple, un idéal.

Enfin, si nous observons l'ordre d'énumération des compétences devant être maîtrisées par les futurs enseignants et par les enseignants en poste, nous pouvons remarquer que la maîtrise de la discipline n'apparaît qu'en troisième position. L'éthique et la moralité sont quant à elles de nouveau mises en valeur telles qu'elles l'étaient dans les Écoles Normales de la IIIème République. Il est également intéressant de remarquer que le référentiel de compétences de 2010 s'applique aux enseignants du premier, du second degré ainsi qu'aux conseillers principaux d'éducation. Cela signifie donc que la formation civique des élèves est désormais l'oeuvre de tout membre de l'Éducation Nationale et qu'elle n'est plus réservée uniquement aux enseignants. De même, ce référentiel nous montre que le parcours civique des élèves assuré par les enseignants du premier degré à l'école primaire se poursuit grâce aux enseignants du second degré au collège et au lycée. Peu à peu se met donc en place une progression dans la formation du citoyen.

Un nouveau référentiel de compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation est établi par Vincent PEILLON, Ministre de l'Éducation Nationale de 2012 à 2014, Frédéric GUIN, secrétaire général, et Jean-Paul DELAHAYE, directeur général de l'enseignement scolaire. Ce référentiel est adopté le 1er juillet 201329 sous la présidence de François HOLLANDE et le gouvernement AYRAULT. Ce renouvellement du référentiel de compétences des enseignants du premier et du second degrés s'inscrit plus largement dans la refondation de l'école de la République entamée en 2013. Pour le gouvernement, cette refondation de l'école républicaine ne peut s'opérer que grâce à une amélioration de la formation des enseignants et grâce à une réaffirmation de leurs missions. Dans ce référentiel de compétences de 2013, le champ lexical de la république est omniprésent : « nation », « exercice de la citoyenneté », « citoyenneté pleine et entière », « valeurs de la république », « liberté », « égalité », « fraternité »... Parmi les quatorze compétences mentionnées dans cette circulaire, celle qui s'intitule « faire partager les valeurs de la République » occupe la première place. Cela montre bien l'importance accordée par le gouvernement à cette mission assurée par les enseignants. Pour refonder l'école républicaine, il est

29 Arrêté du 1er juillet 2013 : Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l'éducation : http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=73066

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nécessaire que les enseignants connaissent ses valeurs, qu'ils y soient sensibilisés au cours de leur formation afin de les partager avec leurs élèves. Le référentiel de 2013 rassemble les principes des référentiels de 2010 et 1997 puisqu'il est demandé aux enseignants d'une part de « transmettre » et d'autre part de « faire partager les principes de la vie démocratique ainsi que les valeurs de la République ». L'enseignant ne doit donc ni se contenter de transmettre les valeurs, ni se contenter de sensibiliser les élèves à ces valeurs. Mais il doit combiner ces deux enjeux. Ainsi, les missions des enseignants définies dans cette dernière circulaire et aujourd'hui encore en vigueur sont proches de celles définies sous la IIIème République. En effet, les futurs enseignants sont sensibilisés aux valeurs républicaines tout au long de leur formation de manière à être capables, quelques années plus tard, de sensibiliser à leur tour leurs élèves. Selon le référentiel de 2013, l'enseignant est également celui qui doit :

« Aider les élèves à développer leur esprit critique, à distinguer les savoirs des opinions ou des croyances, à savoir argumenter et à respecter les pensée des autres ».

L'enseignant doit donc progressivement amener les élèves à réfléchir sur les valeurs républicaines, à être capables de juger si les valeurs républicaines sont respectées ou non dans notre société actuelle.

Ainsi, en observant les trois derniers référentiels de compétences devant être appliqués par les professeurs stagiaires et par les professeurs titulaires du premier et du second degrés, nous pouvons remarquer que peu à peu, la mission de formation des citoyens est devenue la priorité. Si en 1997, les enseignants devaient uniquement transmettre les valeurs républicaines à leurs élèves, ils doivent aujourd'hui les transmettre et les partager. Cette mission d'éducateur à la citoyenneté rappelle celle des instituteurs et institutrices de l'école primaire de la IIIème République. Ce besoin de réaffirmation des valeurs républicaines de la part du corps enseignant s'explique par le contexte actuel et par le fait que les valeurs républicaines soient de plus en plus méconnues de la part des élèves. Les enseignants retrouvent donc pleinement leur rôle de transmetteur et d'éducateur aux valeurs républicaines, comme en témoigne le référentiel de compétences en vigueur.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard