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La souveraineté des états face à  l'ingérence humanitaire.

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par Jean Baptiste SAHOKWASAMA
Université Sagesse dà¢â‚¬â„¢Afrique, Bujumbura-Burundi - Licence en Droit 2015
  

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CHAPITRE III : LA JUSTIFICATION DE L'INGERENCE HUMANITAIRE

Comme on l'a déjà souligné dans le chapitre précédent, la souveraineté signifie que les Etats ne peuvent pas être juridiquement soumis à une autorité qui leur soit supérieur. Or, si le principe de non ingérence constitue l'un des principes fondamentaux des relations entre Etats, on peut se demander si dans certaines situations, on ne pouvait pas accepter une exception prenant la forme d'un droit d'ingérence humanitaire.

Il existerait donc un droit (voire un devoir) pour les Etats et les organisations non gouvernementales à apporter une aide humanitaire aux populations en détresse.70 Si le gouvernement en place sollicite une telle intervention, celle-ci devrait se faire sans problème même sans le consentement de l'Etat en cause, ce qui semble peu compatible avec le principe de souveraineté.

De même, selon Mario Bettati, professeur de droit international public et Bernard Kouchner, fondateur de Médecins sans frontières et homme politique français, certaines situations d'urgence peuvent justifier moralement un « devoir d'ingérence » dans les affaires d'un Etat, remettant ainsi en cause le principe universel de souveraineté des Etats. Si l'intervention humanitaire est relativement peu « traumatisante » pour la souveraineté étatique lorsqu'elle se limite à la fourniture de vivres, de médicaments, voire à l'envoi de personnels civils compétents pour faire face à certaines situations de détresse précitées, il en va très différemment si elle se traduit par un véritable recours à la force armée pour faire cesser des violations graves et massives des droits de l'homme dont un Etat se rendrait coupable vis-à-vis de sa population.71

Ici, il est question des fondements juridiques de l'ingérence humanitaire (Section 1) et de l'apport des violations des droits de l'Homme dans la justification de l'ingérence humanitaire (Section 2).

70 C., ROCHE, op. cit, p. 57.

71 PH., BRETTON, "Ingérence humanitaire et souveraineté", Pouvoirs, revue française d'études constitutionnelles et politiques, n°67, 1993, p.59.

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Section 1 : La base juridique du droit d'ingérence humanitaire

Dans cette section, nous allons nous référer à la seule voie ouverte à la volonté des Etats pour éviter l'émergence des conflits internationaux qui est le règlement pacifique des différends ainsi que sur certaines analyses du fond de la Charte des Nations Unies.

§1. Les moyens de règlement pacifique des différends en droit international

Selon la Cour Internationale de Justice « CIJ », un différend est un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d'intérêts entre deux personnes. La volonté d'inciter les Etats à régler pacifiquement leurs différends a été pour la première fois codifiée dans la Convention de la Haye pour le règlement des conflits internationaux du 18 octobre 1907. Cette obligation se retrouve aujourd'hui dans la Charte des Nations Unies (Art.2, §3 et art 33) et dans la déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats du 24 octobre 1970 qui dispose que : « Tous les Etas doivent régler leurs différends internationaux avec d'autres Etats par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger ».72

Usant de cette liberté, les Etats utilisent plus volontiers les procédés politiques que les procédés juridiques. Parmi ces derniers, ils accordent la priorité au règlement non juridictionnel, dont les résultats ont une portée contraignante, plutôt qu'aux procédures arbitrales et juridictionnelles. Ces préférences marquées découlent de leur volonté de préserver leur souveraineté et aussi d'une raison de politique générale qu'il convient de mettre en lumière immédiatement, car elle éclaire d'un jour particulier toute la matière de la solution pacifique des conflits internationaux.73

Pour le mode règlement non juridictionnel, seuls les Etats intéressés sont en présence et il n'existe qu'une seule voie ouverte à leur volonté pacifique : la

72 6ème

P., DAILLIER et A., PELLET, Droit international public, LGDJ, éd. entièrement refondue, Paris, 1999, p.

788.

73 Idem, p. 789.

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négociation empruntant d'abord le canal diplomatique pour aboutir à la conclusion d'un accord international.

Le canal diplomatique et la négociation reste la méthode essentielle et première d'éliminer les états de tensions entre les Etats.74

Mais le succès de la voie diplomatique dépend de la bonne volonté des Etats et du rapport des forces en présence qui invite parfois un des adversaires à céder « volontairement ». La pratique internationale a défini un certain nombre de procédés qui mettent en oeuvre le recours à un tiers. Mais quels que soient ces procédés, aucun Etat n'est obligé d'y recourir sauf par engagement exprès.

Parmi les modes de règlement non juridictionnel, on distingue : le règlement inter-étatique et le règlement dans le cadre d'une organisation internationale.

S'agissant du règlement inter-étatique on peut citer : - Les bons offices et la médiation :

Ce sont deux techniques qui font intervenir des tiers, pour aider à résoudre le désaccord. Le tiers peut être un Etat ou une personnalité. Dans le cadre des bons offices, un tiers vient offrir ses services pour aider les parties à débuter la négociation, notamment en organisant la rencontre. Une fois le contact établi entre les Etats intéressés et la négociation commencée, le tiers se retire et n'intervient plus.

La technique de bons offices est généralement l'intervention d'un Etat tiers provoquée ou spontanément offerte, en vue de faciliter un arrangement entre les partis sans proposer directement une solution du différend. Dans le cadre de la médiation, le tiers va plus loin puisqu'il propose en plus une solution sans cependant pouvoir l'imposer. Il peut aussi intervenir tout au long des négociations pour aider les parties à trouver des points d'accord.75

Contrairement aux bons offices, c'est l'intervention spontanée ou provoquée d'un tiers qui propose en son nom les termes d'une solution que les parties ne sont pas

74 3ème

P., REUTER et A., GROS, Traités et documents diplomatiques, PUF, éd., Paris, 1976, p. 179.

75 C., ROCHE, op. cit, p. 100.

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tenues de suivre et qui n'est pas nécessairement fondée sur des considérations juridiques.

- L'enquête et la conciliation :

Ce sont aussi deux techniques assez semblables et qui font intervenir les tiers. L'enquête permet, avec l'accord des Etats intéressés en application du principe de souveraineté, de charger une commission d'enquête d'établir les faits à l'origine du différend notamment leurs circonstances, leur nature... La composition de la commission dépend de la volonté des parties. Le rapport rendu par la commission n'a aucune portée obligatoire. C'est-à-dire qu'il ne lie pas les Etas intéressés.

Dans les grandes organisations internationales modernes (SDN-ONU), l'enquête est souvent une phase des procédures engagées par ces organisations en faveur de la paix.76 L'expérience prouve d'ailleurs que les commissions d'enquête ont toujours dépassé le stade de la simple déclaration des faits.

La conciliation quant à elle permet d'aller plus loin : comme précédemment, la commission de conciliation commence par une enquête portant sur les faits. En d'autres termes, les commissions de conciliation sont des commissions permanentes formées de nationaux des parties et des nationaux d'Etats tiers et habilitées pour proposer à un litige une solution non fondée nécessairement sur le droit et non obligatoire pour les Etats intéressés. Leur rôle est donc plus large que celui de la commission d'enquête ; elles ne constituent qu'une forme de médiation, mais leur originalité par rapport à celle-ci réside dans le caractère non politique et quasi arbitral de la commission.77

76 P. REUTER et A. GROS, op. cit, p.181. 77Ibidem.

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§2. L'article 2, §4 de la Charte des Nations Unies

L'article 2§4 de la Charte des Nations Unies prévoit que : « les membres de l'organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».

C'est incontestable que cette disposition n'interdit pas explicitement tout recours à la force dans les relations internationales. Selon l'article 2§4, l'emploi de la force n'est pas interdit mais seulement lorsqu'il est dirigé contre l'intégrité territoriale, l'indépendance politique de l'Etat visé ou lorsqu'il est incompatible avec les buts des Nations Unies. L'interprétation de la dernière phrase de l'article 2§4 de la Charte, qui interdit tout recours à la force qui s'opérait, dans les relations internationales, de toute manière incompatible avec les buts des Nations Unies pose également de nombreux problèmes.

Si l'on procède maintenant à la lecture du corollaire de l'interdiction du recours à la force, qui est l'obligation de régler pacifiquement les différends (article 33 de la Charte), l'on verra qu'il n'y a rien dans l'article 2§4 qui peut affirmer qu'une action peut enfreindre un but des Nations Unies. Les partisans de la doctrine du droit d'ingérence humanitaire se fondent uniquement sur le texte de l'article 2§4 pour soutenir leur thèse.

Or, le texte du troisième paragraphe du même article dispose : « les membres de l'organisation règlent leurs différends internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix et la sécurité internationales ainsi que la justice ne soient pas mises en danger. Ainsi, selon les termes de l'article 2§3, une réaction d'un Etat membre des Nations Unies, même à des violations massives des droits de la personne, doit s'effectuer de manière pacifique sans mettre en danger, ni la paix et la sécurité internationales, ni la justice. Par ailleurs, l'article 33 de la Charte énumère les moyens pacifiques de règlement des différends78 et complète l'article 2§4. Ici, encore, la Charte ne prévoit aucune exception relative à une intervention armée

78 La Charte des Nations Unies, art. 33.

39

humanitaire. Par conséquent, on peut dire que la Charte interdit expressément toute intervention armée unilatérale, dans la mesure où elle menace la paix et la sécurité internationales.

Certains auteurs, favorables à cette tendance du droit d'ingérence humanitaire, mettent en exergue l'argument selon lequel une intervention armée humanitaire respecte en soi l'objectif du maintien de la paix. Ils considèrent qu'une intervention armée humanitaire, en mettant fin à des violations massives des droits de la personne humaine, empêche une évolution historique qui mènerait à une menace ou à une rupture de la paix par l'Etat dictateur visé.79

Cet argument est doublement critiqué sur le plan de fait et sur le plan de droit. D'une part, sur le plan de fait, ce n'est pas du tout évident que les violations massives des droits de la personne humaine dans un Etat amèneraient à une menace ou encore moins à une rupture de la paix. D'autre part, sur le plan juridique, la Charte a bien pour préoccupation principale le maintien de la paix. On voit mal comment la charte pourrait légitimer une rupture bien réelle de la paix en invoquant une rupture hypothétique et éventuelle.80

En effet, on constate que le but principal des Nations Unies est le maintien de la paix et l'article 3§4, invoqué par la doctrine favorable au droit de l'ingérence humanitaire, renvoie bien à ce but. Les dispositions de l'article 2§4 de la Charte interdisent bien tout recours à la force, même motivé par des considérations humanitaires.

§3. L'ingérence humanitaire comme une justification du maintien de la paix

En 1945, un système de sécurité collective a été élaboré pour permettre à la communauté internationale d'empêcher la naissance de conflits armés ou d'y mettre fin rapidement. Paradoxalement, l'efficacité des Nations Unies dans ce domaine est due à une autre procédure. Le maintien de la paix et de la sécurité internationale est l'un des buts principaux des Nations Unies.

79 K., TSAGARIS, le droit d'ingérence humanitaire, Mémoire en vue de l'obtention du DEA en droit international et communication (mention Droit international), Université de Lille II, 2001, p.35.

80Idem, p.36.

40

En 1945, il a paru essentiel au rédacteur de la Charte des Nations Unies de prévoir un système de sécurité collective plus efficace que celui de la Société des Nations « SDN ». L'idée étant alors que toute agression contre un Etat membre des Nations Unies soit considérée comme une agression contre la paix internationale et qu'elle devienne donc l'affaire de tous les Etats.81

Pour que les Etats puissent renoncer à l'emploi de la force dans les relations internationales, ils doivent avoir à leur disposition des procédures pacifiques de règlement qui leur donnent les garanties de justice qu'ils sont en droit d'attendre comme contrepartie de la renonciation à la guerre. Ainsi, la Charte précise bien que les Etats doivent utiliser les procédés en dehors de l'organisation qu'offre le droit international positif (négociation, enquête, médiation, conciliation) arbitrage, juridiction, procédures régionales) avant d'avoir recours au Conseil de Sécurité.82

En particulier, les conflits juridiques doivent normalement être réglés par la Cour Internationale de Justice. La procédure devant le Conseil de Sécurité n'a donc pas pour objet de résoudre les questions sous l'angle de la justice ou du droit : la préoccupation fondamentale ici est le maintien de la paix.

Comme on l'a déjà souligné au paragraphe précédent, l'article 2§4 de la Charte des Nations Unies prévoit que : « les membres de l'organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».

De cette disposition, on constate que le but principal de l'Organisation des Nations Unies est le maintien de la paix étant donné que cet article interdit bien tout recours à la force, même motivé par des considérations humanitaires. Sur le plan de la définition du droit d'ingérence humanitaire et sans s'interroger sur les fondements de la doctrine, on peut émettre certaines réserves. Le droit d'ingérence humanitaire consiste à légitimer une intervention armée afin d'aider une population qui a besoin d'être secourue, même si l'Etat « hôte » devrait s'y opposer. Les Etats ont depuis des siècles tenté de justifier leurs interventions armées dans les affaires intérieures des

81 C., ROCHE, op. cit, p. 109.

82 6ème

CH., CHAUMONT, L'Organisation des Nations Unies, PUF, éd. mise à jour, Paris, 1968, pp 64-65.

41

autres Etats par des motifs tels que la défense des droits de l'homme, la défense des minorités, celles de leurs ressortissants expatriés ou d'autres motifs d'humanité.

On pourrait dire que le contenu de cette définition du droit d'ingérence humanitaire reste imprécis dans la mesure où aucun Etat n'a le droit de mener une intervention armée unilatérale pour quelques motifs que ce soient dans les affaires intérieures des autres Etats sauf si cette décision d'intervention est prise par l'organisation des Nations Unies.

L'article 2 alinéa 7 de la Charte des Nations Unies quant à lui dispose que : « aucune disposition de la présente Charte n'autorise les Nations Unies à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence nationale d'un Etat ni n'oblige les membres à soumettre des affaires de ce genre à une procédure de règlement au terme de la présente Charte ; toutefois, ce principe ne porte en rien atteinte à l'application des mesures de coercition prévue au Chapitre VII ».

Progressivement, la place prise par la philosophie des droits de la personne humaine dans les relations internationales a conduit à s'interroger à nouveau sur le principe de non intervention consacré dans la Charte des Nations Unies (art. 2§7). Dans ce domaine, des intérêts s'affrontent souvent contradictoires : ceux de l'Etat et ceux de l'individu auxquels se juxtaposent en droit international, la dialectique opposant les droits de la personne humaine et la souveraineté de l'Etat, cette souveraineté se traduisant dans les rapports internationaux par le principe de non intervention. Il est peut être nécessaire que cette disposition de la Charte des Nations Unies soit réinterprétée.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les rédacteurs de la Charte étaient soucieux de l'indépendance et de l'intégrité des Etats. Mais, le caractère humaniste de cette Charte devrait permettre aux Nations Unies d'intervenir et faire cesser les crimes commis au sein d'un Etat.83

Des définitions précises des crimes contre l'humanité pourraient être données, définitions qui, par leur précision empêcheraient toute interprétation extensive. Lors de la conférence de Téhéran sur les droits de la personne humaine en 1968, les

83 P., BUIRETTE, op. cit, p. 6.

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Nations Unies se saisissent du problème de l'application de ces droits en cas de conflits armés. Cette attitude est totalement nouvelle : jusqu'alors, l'Organisation des Nations Unies n'avait jamais pris en compte le droit international humanitaire, droit concernant les conflits armés. Cela aurait été en contradiction avec son objectif principal qui est d'interdire le recours à la force dans les relations internationales.84 A ce stade, le droit international humanitaire devient une des préoccupations de l'Organisation des Nations Unies.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand