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La souveraineté des états face à  l'ingérence humanitaire.

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par Jean Baptiste SAHOKWASAMA
Université Sagesse dà¢â‚¬â„¢Afrique, Bujumbura-Burundi - Licence en Droit 2015
  

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Section 2 : La souveraineté de l'Etat en pratique

La conception de la souveraineté admise par la doctrine contemporaine, spécialement par la doctrine positiviste est très différente de la doctrine traditionnelle. Au lieu de voir dans souveraineté une notion extra ou supra juridique, la doctrine actuellement dominante s'est efforcée de présenter celle-ci comme une notion strictement juridique, s'analysant en un pouvoir limité par le droit.

La conception moderne de la souveraineté est généralement construite sur la base des constatations de fait suivantes :

V' refus par les Etats de reconnaître au dessus d'eux aucune autorité humaine établie,

V' affirmation par chaque Etat de sa propre souveraineté ;

V' impossibilité d'enlever à un Etat par des moyens juridiques les compétences qui lui appartiennent sans le consentement des organes propres ;

V' appréciations par chaque Etat des situations internationales le concernant.61

La souveraineté implique l'indépendance de chacun des Etats de la société internationale et a 3 caractéristiques suivantes :

a) la plénitude des compétences : l'Etat a la compétence de sa compétence, il décide de l'étendue de ses prérogatives sur son territoire et des limites qu'il va y accepter ;

b) l'autonomie de la compétence : les autorités de l'Etat ne peuvent pas être soumises à des directives ou ordres provenant d'autorités extérieures. Cette autonomie est liée au principe d'égalité des Etats rappelé dans la Charte des Nations Unies à l'article 2 §1 (égalité juridique à défaut d'une égalité réelle). Le corollaire de ce principe est celui de la non-intervention dans les affaires intérieures d'un autre Etat ou principe de non-ingérence.62

61 CH., ROUSSEAU, Droit international public, Tome II : Les sujets de Droit, Editions Sirey, Paris, 1974. P. 62.

62 Charte des Nations Unies, art 2, §7.

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c) l'exclusivité de la compétence : seules les autorités nationales peuvent engager l'Etat pour exercer au plan international les compétences qui lui sont reconnues. L'Etat a sur son territoire le monopole de la législation, de contrainte et de juridiction.

La notion de domaine réservée est également une notion indispensable dans la souveraineté d'un Etat. C'est le domaine des activités étatiques où la compétence de l'Etat n'est pas liée par le droit international et dans lequel les autres Etats ou les organisations internationales ne peuvent s'immiscer.63 Il va être limité par les engagements internationaux pris par l'Etat ainsi que par le principe du respect des droits fondamentaux de l'individu.

§1. La coopération internationale : limitation volontaire de la souveraineté

La coexistence est le degré le plus bas de la socialisation dans les relations internationales. Les Etats s'y présentent à ce point comme des unités juxtaposées qu'on hésite même à parler de « relations » pour qualifier des rapports fondés sur le désir d'éviter les points de contact. Ce ne sont pourtant pas les seuls qu'ils entretiennent : il ne suffit pas toujours aux Etats de se répartir l'autorité entre eux et de respecter ensuite la sphère que chacun a reconnue aux autres. Il arrive aussi qu'ils soient obligés de s'entendre pour agir en commun. On parle alors non plus de coexistence mais de « coopération » internationale. La coopération correspond à un nouveau pallier dans la socialisation des rapports entre les Etats.64

Dans la coexistence, les Etats fixent en commun les limites de l'activité de chacun d'eux ; ils définissent ensemble les sphères de leurs futures actions séparées ; ils posent les règles par lesquelles ils reconnaissent les frontières qu'ils assignent à leurs pouvoirs respectifs et s'entendent pour ne pas empiéter mutuellement sur le domaine, matériel (territoires nationaux) ou intellectuel (compétence réservée) de l'autre. Après quoi chacun retourne à son ignorance du partenaire pour agir dans la sphère ainsi définie, qui est tantôt exclusive (son autorité sur le territoire par

63 3ème

C., ROCHE, L'essentiel du droit international public et du droit des relations internationales, Gualino Eds,

éd, Paris, 2008, p.57

64 P., REUTER et J., COMBACAU, Institution et relations internationales, PUF, Paris, 1980, p267.

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exemple), tantôt concurrente (ainsi son droit de participer à une activité commune, par exemple d'avoir accès aux richesses de la haute mer).

La coopération obéit à des principes tous différents. Cette fois encore, les Etats posent ensemble des règles mais cette relation momentanée, loin d'être le terme de leurs activités communes, constitue le début et la base d'une collaboration continue. Leurs futurs rapports ne sont pas, comme dans la coexistence fondés sur l'abstention réciproque, mais au contraire une mise en commun de leur autorité et de leurs pouvoirs.

Il s'agit donc d'une possible limitation voulue de la souveraineté mais qui peut être considérée, elle-même, comme une manifestation d'exercice de sa souveraineté.

Le Conseil Constitutionnel français a affirmé que l'État peut renoncer, en s'en dessaisissant de façon pure et simple, en les transférant à un autre sujet, État ou organisation internationale, ou en en mettant en commun l'exercice, toutes opérations qui résultent d'un engagement international, notamment conventionnel. En droit international cependant, lorsqu'il prend un engagement de cette sorte, l'État n'est pas perçu comme "limitant sa souveraineté" ou la transférant, mais comme exerçant souverainement l'un de ses pouvoirs, celui de conclure un traité, de façon à limiter des pouvoirs qu'il exerçait jusqu'alors librement et à restreindre ou partager des compétences qui lui étaient jusqu'alors reconnues. Selon cette conception, formelle et non substantielle, de la souveraineté au sens du droit international, on ne peut donc dire d'un État qu'il consent à des limitations de souveraineté à telle ou telle condition, mais qu'il considère comme compatibles avec sa souveraineté les limitations de sa liberté d'action, pour autant qu'elles respectent les conditions en cause : soit que ces traités modifient, par renonciation totale ou partielle, l'étendue du champ de la compétence internationale dont il jouissait, à titre exclusif ou concurremment avec d'autres États, ou portent atteinte à son monopole dans les

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domaines où elle était exclusive ; soit qu'ils réduisent les pouvoirs qui lui étaient internationalement reconnus dans le cadre de cette compétence65.

§2. L'assistance humanitaire : une violation de la souveraineté

La formalisation juridique de l'ingérence humanitaire passe naturellement par l'ONU afin d'obtenir sa reconnaissance par l'ensemble de la société internationale. Cela est rendu possible au travers ses organes principaux à savoir : l'Assemblée Générale et le Conseil de Sécurité.

S'agissant de l'Assemblée Générale d'abord, la question ici est de savoir si un Etat peut intervenir unilatéralement lorsque les individus se trouvent en danger sur le territoire d'un autre Etat. Faut-il le consentement de ces individus ou bien un Etat peut agir de façon unilatérale ?

Cela pose un problème délicat car l'ingérence humanitaire met en cause la notion même de souveraineté en faveur de celle de la protection internationale des droits de l'Homme.

Pour répondre à cette question, nous nous inspirons de la pratique internationale. Les Etats ont d'abord adopté une position théorique à ce sujet. On peut se référer à la résolution 43/131 adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies du 8 décembre 1988 qui préconise une assistance humanitaire en cas de catastrophe naturelle ou de situation d'urgence du même ordre et qui invite les Etats à faciliter la mise en oeuvre de l'assistance humanitaire par les organisations internationales et les organisations non gouvernementales. Elle a été complétée par la Résolution 45/100 du 14 décembre 1990 qui a créé la notion de couloirs d'urgence humanitaire devant permettre l'accès aux victimes, toujours avec l'accord de l'Etat en cause.66

65 J., COMBACAU, La souveraineté internationale de l'État dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel français- Cahiers du Conseil constitutionnel n° 9 (Dossier : Souveraineté de l'Etat et hiérarchie des normes) -

février 2001, Disponible sur : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-
constitutionnel/francais/nouveaux-cahiers-du-conseil/cahier-n-9/la-souverainete-internationale-de-l-etat-dans-la-jurisprudence-du-conseil-constitutionnel-francais.52497.html (Consulté le 14 décembre 2015)

66 C., ROCHE, op.cit, p.58.

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Ces résolutions préservaient toujours la souveraineté et le consentement des Etats pour toute intervention sur leur territoire. Elles ne reconnaissent donc pas un quelque droit d'intervention et n'ont que la valeur de recommandations, ne mettant pas de véritables obligations à la charge des Etats.

Dans le paragraphe 2 de la résolution 43/131 par exemple, l'assemblée générale des Nations Unies réaffirme l'initiative, l'organisation, la coordination et la mise en oeuvre de l'assistance humanitaire sur leurs territoires respectifs. La Cour Internationale de Justice « CIJ » quant à elle, dans sa jurisprudence dans l'affaire Nicaragwa contre Etats Unis (1986), affirme qu'un Etat peut intervenir à l'intérieur d'un autre pour une question d'assistance humanitaire. Mais pour que cette action soit licite, elle pose deux conditions :

V' l'assistance doit concerner strictement une question humanitaire ; V' elle doit être distribuée sans aucune discrimination.

S'agissant ensuite du Conseil de Sécurité, c'est plus sa pratique qui nous éclaire sur le principe d'ingérence humanitaire. L'action du Conseil de Sécurité s'inscrit dans le cadre du Chapitre VII, art. 39 de la Charte des Nations Unies, qui lui donne la prérogative de constater l'existence d'une menace contre la paix et la sécurité internationale et par conséquent de prendre des mesures qui s'imposent selon les articles 41 et 42 de ladite Charte. L'article 25 précise que les décisions du Conseil de Sécurité doivent être appliquées par les Etats c'est-à-dire qu'elles sont obligatoires.

Alors que les résolutions précitées avaient été adoptées par l'organe délibérant, l'Assemblée Générale, sans être dotées d'une force obligatoire, quand bien même l'adoption par consensus reflétait l'adhésion de tous les Etats membres des Nations Unies, il fallait encore l'oeuvre d'un organe décisionnel, le Conseil de Sécurité.

Deux parties de la population de l'Irak, les Kurdes au Nord et au Nord Est de l'Etat, les Chiites au Sud, se soulevèrent contre le régime de Bagdad, ce qui provoqua une répression armée sévère de la part du pouvoir central, d'où un exode massif des populations décimées tant vers la Turquie que vers l'Iran. Cette situation dramatique provoqua des centaines de milliers de réfugiés, encore que l'Iran ayant interdit aux

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journalistes étrangers l'accès sur son territoire, les seules images reçues provenaient de la frontière avec la Turquie.

Les Etats membres de la coalition contre l'Irak ne pouvaient demeurer passifs, et c'est dans ces conditions que le projet de résolution d'origine française parrainé par les Etats Unis, le Royaume Uni et la Belgique, fut adopté le 5 avril 1991. Cette résolution a été abondamment citée et commentée, on peut se contenter d'en rappeler l'essentiel. D'abord, il faut relever qu'elle prend soin de se référer à l'article 2, §7, de la Charte, qui interdit aux Nations Unies de s'immiscer dans les affaires intérieures des Etats membres.

Ensuite, le Conseil de Sécurité ne manque pas de se justifier en rappelant les obligations qui sont les siennes en vertu de la Charte, à savoir le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Mais ce qui était nouveau et à souligner, c'était que pour la première fois, un problème réellement humanitaire, le sort de certains réfugiés irakiens, était considéré comme internationalisé dans mesure où, entrainant des violations de frontières avec des Etats voisins de l'Irak, il y avait une menace contre la paix et la sécurité internationales dans la région, ce qui permettait l'intervention du Conseil de Sécurité sur base du Chapitre VII de la Charte.

Après avoir exigé que l'Irak mette fin à la répression, le Conseil de Sécurité insistait pour que l'Irak permette un accès immédiat des organisations humanitaires internationales à tous ceux qui ont besoin d'assistance dans toutes les parties de l'Irak, et qu'il mette à leur disposition tous les moyens nécessaires à leur action.

La Charte confie la responsabilité principale du maintien de la paix au Conseil de Sécurité, c'est-à-dire principalement à grandes puissances victorieuses de la seconde guerre mondiale. Les termes utilisés dans l'article 39 ne sont pas définis et sont suffisamment neutres pour ne pas enfermer le Conseil de Sécurité dans un cadre trop strict.67

C'est également le Conseil de Sécurité qui choisit de façon discrétionnaire la forme de l'action à entreprendre. Il peut aussi décider pour stabiliser une situation avant qu'elle ne dégénère, d'inviter les parties intéressées à se conformer aux mesures

67 C., ROCHE, op. cit, p. 109.

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provisoires qu'il juge nécessaires ou souhaitables (art 40). Ces mesures « de sauvegarde » ne sont pas non listées : ce peut être une invitation à suspendre les hostilités ou un embargo sur les fournitures d'armes, etc.

Le Conseil peut ensuite décider des mesures qui seront prises : celles qui n'impliquent pas l'usage de la force armée et qui seront mises en oeuvre par les Etats (art.41) comme par exemple l'interruption des relations diplomatiques. Il peut aussi fixer des mesures qui n'impliquent pas l'usage de la force armée (art. 42). Pour cela, l'article 43 prévoit que les Etats membres mettront des forces armées à la disposition du Conseil de Sécurité, forces armées qui seront placées sous la responsabilité d'un comité d'Etat Major (art. 47) qui n'a jamais été créé.68

Il faut également rappeler que la Charte dans son article 51 permet l'usage de la force dans un cas précis qui est celui de la légitime défense individuelle et collective. Un Etat victime d'une agression armée conserve le droit de se défendre seul ou avec l'aide d'autres Etats. Ce droit cesse lorsque le Conseil de Sécurité prend les mesures nécessaires au maintien de la paix.69

Nous constatons donc que, lorsque cette décision d'intervention est prise par l'organisation des Nations Unies, cela s'assimile à un respect de la souveraineté mais lorsqu'un Etat ou une organisation internationale autre que les Nations Unies la décide unilatéralement, dans ce cas, c'est un abus et une violation du droit international.

68 C., ROCHE, op. cit, p. 110.

69 Charte des Nations Unies, art. 51.

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