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Terrorisme et géopolitique en Afrique. Sens et contresens.

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par Sékou COULIBALY
Alassane Ouattara de Côte dà¢â‚¬â„¢Ivoire - Master 2015
  

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II. Des facteurs socioculturels du terrorisme en Afrique 

À bien observer, les sociétés africaines contemporaines dans leur déploiement phénoménal, on s'aperçoit de la prédominance de la violence ; en ce sens qu'elles se laissent gouverner par les conflits. Au fait, dans ces sociétés, les acteurs sociaux (constituant la figure centrale des rapports sociaux), se trouvent parfois dessaisis de leur capacité à instruire, jusqu'à son terme, le procès de la société ; ou encore interviennent-ils pour que ce procès ne puisse s'énoncer dans les termes où il était défini jusqu'alors. C'est dire que les violences relèvent du projet humain de vivre ensemble ou de l'ultime spasme d'un mouvement social qui a échoué. Face à cet échec régulier du projet de vivre en communauté, la question du terrorisme en Afrique peut donc ne pas être étonnante. Reste à savoir tous les facteurs socioculturels qui contribuent à son avènement. En outre, le terrorisme serait-il inhérent à la configuration des sociétés africaines ? Autrement, l'Afrique aurait-elle du mal à adopter raisonnablement les cultures étrangères24(*) et les principes du vivre en commun ? Ou tout simplement, l'état de pauvreté des sociétés africaines justifierait-il le taux de criminalité en Afrique ?

En Afrique, lorsqu'on parle de criminalité, on pense avant tout, à ces milliers de bras valides qui, peut-être parce que n'ayant pas reçu de formations efficientes capables de leur garantir des emplois stables, sont à la merci des idéologues tous azimuts. Venus pour la plupart des campagnes pour tenter leurs chances, ces jeunes sont confrontés, dès leurs arrivées, aux dures réalités urbaines : manque de travail qui implique le manque d'argent et ses revers. Faut-il alors reculer ou faut-il braver les obstacles dans l'espérance de l'intervention d'une divinité généreuse ? Le plus souvent, le second choix s'impose à ces aventuriers. C'est justement à partir de cet instant que les « FreedomFighters barbus »25(*)parviennent à les récupérer et à en faire des jihadistes.

Il est donné de constater que les populations africaines sont majoritairement pauvres. Et, du fait de leur pauvreté, elles développent un esprit de mendicité et d'assistance qui semblent trouver satisfaction auprès des catalyseurs ou idéologues de tout bord ou acabit. Ces idéologues s'activent autour d'une catégorie de personnes socialement et financièrement influentes. Ils constituent la classe moyenne pieuse telle que décrite par Kepel etcherchent à bouleverser les principes sociaux établis. Le passage suivant de Gilles Kepel prend alors son sens :

Mais le sentiment d'expansion irrésistible qui galvanise alors cette idéologie et les mouvements qui s'en réclament est basé sur des fondements sociaux extrêmement fragiles. L'alliance entre la jeunesse urbaine pauvre et les classes moyennes pieuses, scellée par les intellectuels qui élaborent la doctrine islamiste, résiste mal à des affrontements de longue haleine contre les pouvoirs établis26(*).

Bien que résistant difficilement aux affrontements contre les pouvoirs établis, cette nouvelle alliance, entre bourgeois et jeunesse en quête de pain quotidien, favorise le développement de la criminalité et, par devers, croît l'effectif des jihadistesau grand désarroi des populations livrées à elles-mêmes. Cette alliance - constituant un canal pour les moudjahidines, puisque fortement marquée par le recrutement de jeunes gens - s'explique à la suite de Kepel et avec Frédéric Encel, par la misère économique qui est perçue comme un facteur aggravant les violences sociales et la criminalité.

Basée sur le manque de ressource financière et sa quête, la criminalité chez la jeunesse africaine y trouve alors son fondement. L'on est donc tenté de répondre,par anticipation, à la question : "pourquoi y'a-t-il terrorisme en Afrique ?" par la formule ci-après : il y a terrorisme en Afrique parce qu'il y règne une misère croissante. S'affirmant ainsi, l'on peut être taxé d'établir une corrélation abusive entre pauvreté et criminalité. C'est pourtant cela, un exercice auquel il ne faut pas s'attarder, il semble. La pauvreté n'est pas une condition suffisante pour justifier le terrorisme. Pour preuve, « tous les gens pauvres ne basculent pas dans la barbarie, et à l'inverse la position de nanti ne garantit en rien d'y échapper »27(*). Bien d'autres facteurs, tels que la psychanalyse28(*)et l'endoctrinement, pourraient illustrer, au mieux, les motivations aux massacres. L'apocalypse du 11 septembre 2001 est édifiante. Selon Encel, bien que l'économique favorise l'extension

non seulement des violences sociales et de la criminalité au sein d'une société, mais du bellicisme d'un régime politique qui recrutera à loisir de pauvres hères pour ses troupes d'invasion ou de répression, elle n'explique pas à elle seule le phénomène, contrairement à l'idée que nombre de militants tiers-mondistes cherchent à imposer29(*).

Les États ont beau accroître leurs revenus et améliorer leur balance commerciale, ils ne sont pas à l'abri de la violence. La croissance économique, pour Encel, n'est qu'un plus,une condition nécessaire mais pas suffisante pour le maintien ou le renforcement d'un état de paix ; mêmesi le manque de capital constitue une gangrène et une menace pour le maintien de l'ordre social. C'est alors reconnaitre à la fois, bien que l'énonçant différemment, avec Kepel et Encel que la condition sociale, économique défavorable des africains peut justifier la vulnérabilité des sociétés à la criminalité et donc à l'insécurité.

Cependant, si tant est que la condition économique ne suffit pas, à elleseule, à expliquer la criminalité en Afrique, à quoi faut-il alors s'en tenir ? C'est alors qu'on cherchera à saisir d'autres fondements sociaux des violences et plus particulièrement des violences terroristes en Afrique. La configuration des sociétés serait-elle alors en déphasage avec la paix ?

En amont, il faut signifier que toutes les sociétés, sans en avoir forcément conscience, développent une certaine dynamique sociale qui, si on n'y prend garde, finit par mettre à mal la stabilité. On pourrait même parler de la nature ou de l'habitude humaine qui est de développer une sorte de rapport conflictuel entre individus ou entre groupes d'individus. Il s'agit de la constitution de groupes ou de sous-groupes au sein même de nos démocraties dites tolérantes ou laïques. Et ces regroupements, parce qu'encourageant la radicalité de l'antagonisme amis-ennemis, aboutissent à détours sinueux, des circonvolutions sociales complexes, des circonstances politiques favorables au massacre. C'est justement ce que décrit Jacques Semelin, en ces termes :

Les dynamiques sociales qui peuvent conduire au « nettoyage ethnique » et au génocide sont d'ailleurs à l'état latent dans les cours de récréation de nos écoles ou les quartiers de nos cités. (...) les jeunes n'ont-ils pas tendance à se constituer en « clans », en bande, avec ce fort sentiment d'appartenance : « nous » contre « eux » ? Et nos aspirations religieuses ne se fondent-elles pas sur une recherche fondamentale de pureté contre un monde perçu comme impur ? » Les logiques des violences qui aboutissent au massacre s'appuient sur tout cela30(*).

Pour Semelin en effet, les violences sociales proviennent en partie d'une configuration sociale inadaptée aux principes de la laïcité.

En aval, Semelinreconnait qu'aucune société, qu'aucun peuple n'est prédestiné au massacre. Il faut donc une volonté politique pour qu'advienne le massacre. Il revient alors aux sociétés africaines de se repenser, de rectifier déjà l'habitude des enfants dans les cours de récréation de nos écoles en inculquant certaines valeurs du vivre ensemble afin d'en faire des citoyens de demain.

L'économie, certaines habitudes érigées en mode de vie,semblent contribuer à la mise en marche de réseaux de violences. Ces violences, souvent apparaissant sous la tutelle de rivalités tribales, servent au terrorisme de support en ce qu'ils constituent une raison suffisante pour s'adonner à la violence. Mais, le manque de capital, les habitudes que l'on développe depuis l'enfance, à savoir la formation de groupuscules pour affronter l'adversité, suffisent-ils pour justifier le terrorisme en Afrique ?

* 24 Notamment occidentale et arabo-musulmane qui ont une forte influence sur le mode de vie des peuples africains. Les énumérer, c'est donner le soupçon de leur contribution à l'avènement des tensions qui conduisent au terrorisme en Afrique.

* 25 Gilles KEPEL, Jihad, Expansion et déclin de l'islamisme, Paris, Gallimard, 2003, p.27.

* 26Idem, p.28.

* 27 Frédéric ENCEL, Horizons Géopolitiques, Paris, Seuil, 2009, p.26.

* 28Sigmund FREUD et Albert EINSTEIN, «Pourquoi la guerre ? » (1933), version numérique par Vincent Magos, in http://www.squiggle.be/index.php, consulté 24/07/2013. Dans cette correspondance avec Albert Einstein, Sigmund Freud parle, chez l'homme, d'instinct de mort comme étant ce qui le pousse à la guerre.

* 29Idem, p. 27.

* 30 Jacques SEMELIN, Purifier et détruire, Usage politique des massacres et génocides, Paris, Édition du Seuil, 2012, p. 28.

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