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La mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires alimentaires. Du côté de la réception.

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par Perrine Villien
Université Jean Monnet de Saint-Etienne - Licence 2014
  

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PARTIE III

EVOLUTION DE LA SOCIETE ET CONSEQUENCES POUR LES
NOUVELLES GENERATIONS

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La mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires alimentaires : du côté de la réception - Villien Perrine

Chapitre 5 : Evolution de la société et conséquences en termes de publicité

La mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires alimentaires est à mettre en relation avec le contexte historique de la France.

En effet, comme nous avons pu le voir dans la première partie du mémoire, les évolutions sociales - qu'il s'agisse de l'émergence d'une société de consommation et de loisirs, des évènements de Mai 68 ou encore de la préoccupation croissante du SIDA, voire de l'introduction des codes du porno chic dans des publicités de produits n'appartenant pas au domaine de la haute couture ou des marques de luxe - influencent les multiples scénarios publicitaires. L'évolution de la société aurait donc son rôle à jouer en matière de représentation de la sexualité dans les publicités. Les pratiques sexuelles des français influenceraient-elles les publicitaires lors de la création de leurs spots ? Le cadre fictionnel de la publicité serait-il un moyen de banaliser cette exposition à outrance des corps ou des représentations très explicites de sexualité ?

Enfin, si les téléspectateurs sont sensibles à la mise en scène de la sexualité dans les publicités - du fait que cette thématique suscite en eux des émotions fortes et leur permet parfois de s'identifier à des situations, ou de fantasmer sur celles-ci - ce n'est pas pour autant qu'ils vont a posteriori, consommer. Alors quand est-il réellement ? Les téléspectateurs se lasseraient-ils de la sexualité dans les publicités ? Son utilisation massive n'aurait-elle plus les effets escomptés ? Les moeurs auraient-ils changé au point de forcer la publicité à suivre ces modifications ?

A) Une évolution des moeurs ?

La mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires ne peut être analysée hors contexte. Les téléspectateurs jugent de l'impact d'une publicité sur leur consommation en fonction de leur expérience personnelle, de leur sensibilité, de leur éducation, de leur culture comme nous avons déjà pu l'expliquer et le réexpliquer. Les rapports sociaux âge, sexe, profession influent sur la perception de la mise en scène de la sexualité. D'une génération à l'autre, bien que les convergences ne soient pas énormes, nous pouvons en constater

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quelques-unes. Seraient-elles dues à une évolution de la société, des moeurs ? Oui, bien entendu.

Si l'on reprend brièvement l'histoire de la France en fait de sexualité, sans toutefois se perdre dans la complexité des pratiques sexuelles des français, que Maryse Jaspard a grandement analysées et synthétisées, de manière exhaustive dans « La sexualité en France », on peut toutefois dégager quelques grandes tendances caractérisant les évolutions de la société, se reflétant dans la publicité.

La révolution sexuelle à la veille des années 70

Dans les années 60, les philosophes se sont intéressés à la question du rôle de la famille sur la sexualité des français. Cette notion s'est alors retrouvée au coeur des discussions. Les mouvements féministes remettent en cause la place de la femme et notamment la représentation de la gente féminine dans la publicité, jugée très sexiste. L'influence américaine vient remettre en question le lien entre société et sexualité.

« Les signes annonciateurs de la contestation étudiante se font jour dès 1966, lorsqu'un groupe d'étudiants « situationnistes » de Strasbourg rédige et diffuse une brochure intitulée De la misère sexuelle en milieu étudiant f...] et de quelques moyens pour y remédier. Un de leur leader, Raoul Vaneigem, dans son Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations, prône une sexualité sans entrave, un « déchaînement du plaisir sans restriction » [Mossuz-Lavau, 1991]. Sur le campus de Nanterre, les étudiants se dressent contre le règlement des cités universitaires en occupant le bâtiment des filles alors interdit aux garçons. Daniel Cohn-Bendit, leader du mouvement de contestation frôle l'expulsion après une altercation avec le ministre de la jeunesse et des sports à propos de la sexualité des jeunes. Au 3 mai 1968, prologue des « événements », la question sexuelle n'est pas prioritaire mais elle explose rapidement au travers des slogans qui ornent les murs des facultés : « L'imagination au pouvoir », « Il est interdit d'interdire », « Jouissons sans entrave », « Faites l'amour pas la guerre ». Si, dans l'euphorie de l'aventure, certains ont pu mettre en pratique ces devises, à l'automne, la libération sexuelle n'est encore qu'un mot d'ordre. Le cataclysme de mai 68 est le prélude aux vastes mouvements aux multiples facettes, de la décennie 70, pendant lequel la revendication politique de la libération sexuelle apparaît comme un thème mobilisateur et rassembleur. »49

49 JASPARD Maryse. La sexualité en France. Condé-sur-l'Escaut, La Découverte, 1997. 125 p.

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Mai 68 reste une date clé dans l'histoire de la publicité. Elle signe une volonté de libération sexuelle chez les jeunes notamment. Si les français, et particulièrement les étudiants, sont partisans d'une libération sexuelle, le traitement de la femme n'est pas en reste. Elle sort progressivement, au début des années 70, du carcan ménager qui lui collait à la peau. Les mouvements féministes se développent de plus en plus, prônant une libération sexuelle de la femme par la remise en question de sa condition au sein de la famille. La libération sexuelle qui était un moyen d'émancipation pour la femme devient un facteur de domination pour l'homme. La publicité s'empare de ces évolutions. Elle conserve dans ses visuels une image réduite de la femme. Les militantes féministes s'engagent donc fortement pour défendre l'image de la femme bien trop souvent réduite, dans la société comme dans la publicité. Nous pouvons rappeler la campagne de La City « j'ai envie d'un pull ».50

« Dans les années 70, glissement de terrain. La femme investit l'univers du travail. Jadis, dans les familles italiennes, on versait symboliquement, à l'extérieur, le contenu d'une cruche lorsqu'un garçon naissait, afin de démontrer que son destin se jouerait dehors ; à l'inverse, l'eau était jetée au sein du foyer, à la naissance d'une fille. Les années 70 assistent au chamboulement de ces symboles ancestraux : les femmes sortent du foyer pour explorer - puis se tailler une place - dans l'espace public, politique et professionnel où régnaient jusqu'ici tous les hommes. [...] Surtout la femme acquiert une liberté - et un pouvoir fondamentaux : la maîtrise de sa fécondité grâce à la loi Neuwirth de 1967 sur la contraception. Elle peut à présent affirmer : « Tu seras père si je veux, quand je veux. » Une vraie révolution, celle-ci, qui va bien au-delà du symbole.

Tout se déroule-t-il alors comme dans le meilleur des mondes ? La réponse est loin d'être aussi simple. Certes, « je me gare où je veux, marché, shopping, tout devient facile », se félicite dans sa Fiat 500, la Nouvelle Femme. Mais le terme « Nouvelle Femme » est sans nul doute simplificateur. Une certaine ambivalence continue de prévaloir entre les différents modèles. Et une période intermédiaire surgit où les mérites de la femme au foyer persistent à jouer un rôle essentiel dans l'inconscient collectif, tandis qu'un autre modèle se fait jour, timidement, à la manière d'une chrysalide, celui d'une femme indépendante, dont la vie a cessé d'être circonscrite au seul foyer. »51

50 Partie I, chapitre 1, dernière sous partie.

51 JOANNIS Henri et BARNIER Virginie de. De la stratégie Marketing à la Création Publicitaire (3ème édition). Paris : Dunod, 2010. 471 p.

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L'ambivalence, dont Jean Pierre Teyssier nous fait part, se traduit dans la publicité. En effet, si l'on constate une évolution sur le fait que la femme n'est plus assignée à la maison, son apparition en tant que femme-objet prend de l'importance. Les parties de son corps sont de plus en plus exposés, qu'ils s'agissent de publicités alimentaires ou non.

La libération de la sexualité de la femme, son émancipation dans les années 70 serait-elle uniquement due aux mouvements contestataires de la société conformiste de cette époque ? La recherche d'une égalité homme-femme ne permet-elle pas aux publicitaires de poursuivre l'image machiste des hommes, en ridiculisant les femmes dans des rôles, qui selon les stéréotypes, ne leurs sont pas destinés ?

La contraception et l'avortement

Avec la légalisation de la contraception en 1967 (loi Neuwirth) et la loi Veil autorisant l'avortement des femmes en 1975, on constate une évolution de la société en termes de pratiques sexuelles. En effet, comme il l'est très bien expliqué dans le précédent passage, la femme peut, à partir de 1967, décider si l'homme qu'elle fréquente sera père ou non. Toutefois si la loi vient suspendre l'article 3 de la loi de 1920 sur l'interdiction de la contraception, les femmes ont très peu recours à la contraception : la publicité contraceptive est toujours interdite et, pour les mineures de 21 ans, la contraception nécessite un accord des parents. Situation délicate pour les femmes qui revendiquent leur libération sexuelle. Il faudra attendre 1974, pour observer une libéralisation de la contraception, notamment grâce à l'instauration de l'anonymat et de la gratuité pour les mineures.

L'avortement, quant à lui suscite de nombreuses polémiques. La femme devrait être effectivement plus libérée sexuellement, la médecine intervenant pour ne pas tomber enceinte. La femme, jusque-là représentée par son aspect maternel et son statut d'épouse parfaite, rangée, qui sait tenir sa maison, devient finalement un objet sexuel permettant de vendre un autre objet.

L'émancipation volontaire de la femme marquée par les nombreux mouvements féministes qui tentent de défendre le statut de la femme est très vite déjouée. En effet, les enquêtes qui montraient très clairement que l'amour prévalait sur la sexualité, dans les relations des jeunes couples, est très rapidement remis en question :

« En cette fin de XXème siècle, les femmes ayant acquis, par l'élévation de leur niveau
d'études et l'exercice d'une activité salariée, l'indépendance matérielle, ne voient plus leur

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avenir subordonné au mariage. Le couple se forme sur un désir réciproque dans une optique égalitaire et le cycle de la vie sexuelle se joue de l'illégitimité. La chambre des époux n'est plus le seul lieu autorisé des ébats amoureux. Toutefois, la sexualité demeure en grande partie conjugale et, si elle peut s'exprimer sans souci, d'une grossesse non désirée, la venue de l'enfant, aboutissement de l'union, refroidit l'ardeur amoureuse et restitue chacun des conjoints dans ces fonctions familiales. »52

La femme réinvestit très vite son rôle de mère et d'épouse. La publicité le montre parfaitement bien. Si la libération sexuelle du début des années 70 aurait pu permettre un traitement différent de la femme, celle-ci reste, bien trop souvent, représentée dans un univers qui traduit toujours plus son rôle de bonne ménagère, de femme docile et de bonne mère. Encore aujourd'hui, certains spots alimentaires qui mettent en scène des enfants, mettent également en scène une femme. La mère des enfants n'est jamais très loin et montre la complicité entre les deux générations. Alors que l'homme, même s'il est de plus en plus investi dans l'éducation des enfants, demeure assez peu représenté dans les publicités « familiales ».

1985 : Le Sida

La libération sexuelle a rapidement été relayée par la préoccupation du sida.

C'est dans un contexte sexuel propice que la première enquête nationale s'intéressant aux pratiques sexuelles des français a été réalisée par Pierre Simon. L'enquête débute en 1969 alors que, cela fait deux ans que la loi Neuwirth a été votée et, à l'Assemblée Nationale, on est en pleine discussion, quant à la loi sur l'interruption volontaire de grossesse.

« Les résultats publiés dans le Rapport Simon constitue une « photographie des comportements et opinions en matière de sexualité des français et des françaises en 1970 » [Simon et al., 1972]. Le Rapport Simon n'a pas eu l'impact des rapports américains sans aucun doute parce que, publié dans un contexte où la sexualité se montrait au grand jour avec exubérance, ces révélations apparaissent bien mièvres, et les typologies qu'il proposait trop classificatoires. Néanmoins, quelles qu'en soient les limites, cette enquête demeure le seul outil de connaissance des comportements sexuels des français à l'orée de la « révolution

52 JASPARD Maryse. La sexualité en France. Condé-sur-l'Escaut, La Découverte, 1997. 125 p.

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sexuelle ». Il a fallu que l'épidémie du sida déclenche ses ravages pour que, à nouveau, la demande publique s'oriente vers une étude quantitative de la sexualité. »53

L'évolution de la société dans le domaine de la sexualité s'inquiète alors du virus. De nombreuses enquêtes qualitatives, quantitatives de contamination sont ainsi menées auprès des populations. Certaines ont suivi des individus sur dix ans. Les publicitaires, comme nous l'avons vu dans le premier chapitre, s'emparent de ce fait social et le nombre de spots de prévention devient impressionnant ; on assiste dans la deuxième moitié des années 80 à une hémorragie publicitaire ayant pour principal objet le sida. Les publicitaires ont un accès relativement simple à la mise en scène de la sexualité. Mais attention, cette utilisation n'est pas à mettre en relation avec les publicités, alimentaires par exemple, qui usent du contexte érotique pour vendre une barre Lion.

Non ! Le sexe, dans le contexte de prévention du SIDA vient servir le message. Il n'est donc pas utilisé gratuitement. Toutefois, l'acte sexuel mis en scène, et qui ne serait peut-être pas accepté par les prospects, dans d'autres publicités, n'est-il pas, lui aussi à soumettre à la question d'éthique ? Accepterait-on plus facilement de telles représentations (ci-après) dans ce genre de publicité ? Serait-ce la nature du message qui définirait ce que l'on peut montrer ou non ?

Campagne suggestive suisse contre le SIDA - 2002

« Dans ce type de communication, on ne cherche pas à vendre un produit en utilisant des images accrocheuses, mais à faire passer un message de santé publique. Pour ce faire, tous les moyens sont bons et si le visuel peut choquer certains il peut faire réfléchir d'autres personnes et ainsi, éviter qu'elles ne soient contaminées. L'éthique est une recherche du bien

53 Ibid.52

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et du juste lorsque l'on agit dans le cadre de sa profession, c'est pourquoi le but dans lequel on fait campagne est important. »54

La mise en scène de la sexualité est donc justifiée quand elle vise à faire de la prévention sur tout ce qui gravite autour des maladies liées à la sexualité des individus. « On parle de sexe, mais c'est bien de ça qu'il s'agit ». Sans s'écarter du sujet revenons-en à la cible.

L'évolution des moeurs constatée par les consommateurs

Une fois de plus, les prospects, qu'ils soient hommes, femmes, âgés de 18/25 ans ou de 35/45 ans, sont quasiment du même avis sur le fait que les moeurs de la société ont évolué. Cette évolution influencerait la publicité, mais pas entièrement. Elle se traduirait, d'après mes interviewés par une atténuation de la violence dans les couples - rappelons tout de même que le viol n'est considéré comme crime que depuis 1980 et qu'il est reconnu dans la sphère familiale seulement depuis 2001. Mais, la pub n'a pas changé dans ses enjeux, dans son but : il s'agit bien de séduire les prospects pour les faire consommer.55 D'autres y voient une banalisation de la sexualité dans les publicités du fait de la libération sexuelle et d'une plus grande ouverture d'esprit peut-être. Le sexe serait rentré dans les moeurs et ne choquerait plus, reste à savoir comment ce phénomène se traduit au niveau de la publicité, puis de la consommation.56 Par ailleurs, les jeunes et notamment les enfants, sont de plus en plus exposés à la pornographie ou, si ce n'est le cas, à la mise en scène de la sexualité. Peut-être que les gens sont aussi plus naïfs et cachent moins les sujets tabous. Il est nécessaire de bousculer, de provoquer le téléspectateur pour que celui-ci soit davantage séduit et susceptible de consommer.57

Les moeurs évoluent, les publicités suivent cette évolution et influent à nouveau la société. La publicité, et notamment dans les publicités alimentaires, parie de plus en plus sur des scénarios où les hommes célibataires sont mis en avant (plats tout faits par exemple) ou alors des familles monoparentales ou recomposées ; certes, ça ne pèse pas lourd dans le paysage publicitaire qui, en général, met en scène des familles idéales et parfaites.

54 ENDRES William - HUG Christophe. Publicité et Sexe : Enjeux psychologiques, culturels et éthiques. Juin 2004. 36 p.

55 Référence à l'entretien Cédric Ravel

56 Référence à l'entretien Chantal Grange

57 Référence à l'entretien Thibaut Ferraro

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En matière de sexualité, l'évolution de la société, la libération sexuelle ne se traduit pas forcément par une exposition à outrance de la nudité, mais l'évolution se fait sur le développement de la suggestion plus que de la représentation même :

« Tu vas prendre la dernière en date celle de Céréales, c'est du suggestif, y'a pas du visuel réel ! C'est-à-dire que tu n'as pas de visuel comme la bouteille de Perrier qui gonfle [...] t'as pas d'objet, voilà, on va dire que y'a pas d'objet qui représente le sexe de la fille ou du garçon [...] donc oui je pense qu'aujourd'hui on va être plus dans l'érotisation, dans la sensualité et dans la suggestion plutôt que dans la visualisation de l'objet. [...] j'pense que oui, la société a évolué là-dessus. Donc, finalement on détourne. [...] un produit, un bien de consommation qui aura tendance visuellement à être suggestif vis-à-vis d'un sexe ou de l'autre et bien, on ne va pas forcément l'érotiser dans la société puisque ça risque de rentrer dans la polémique. »58

« Je pense qu'on définissait hommes et femmes par rapport à des fonctions dans le cadre de la famille, par rapport à des fonctions dans le cadre de la société, avec un caractère machiste bien sûr, parce qu'encore une fois, moi j'me rappelle, ça doit être dix ou quinze ans en arrière, ces pubs pour les liquides vaisselles, pour les lessives, etc. ... où on avait toujours la bonne mère de famille, qui lavait bien son linge, qui l'étendait, qui était bien blanc, son souci était que ses enfants aient du linge bien propre, bon y'avait tout ça, quand on montrait ses mains, y'avait toujours une alliance très visible sur ces doigts, donc on était vraiment dans un cadre où, la famille ça fonctionnait très bien, c'était bien joli, etc. ... Aujourd'hui la pub s'est adaptée aussi aux mutations de la société, c'est-à-dire qu'aujourd'hui, dans les pubs, on n'sait pas si les gens sont mariés par exemple, parce que peut-être les unions libres se sont développées, les familles éclatées, ça s'est développée donc voilà ! Après est-ce que c'est plus suggestif, plus cochon, plus sexy entre guillemets, ouais parce que ça suit aussi un mouvement où aujourd'hui en fait, euh ... et ça on le ressent chez les ados aujourd'hui, par rapport à y'a dix, quinze ans, j't'assure... c'est phénoménal où euh ... la fille euh ... c'est un objet qu'on regarde, donc elle se doit de respecter certains codes de coiffures, de tenues [...] c'est hyper sensible. Les filles ne sortent pas dehors, si il pleut parce que ça va mouiller leur cheveux, ça va les faire friser et elles ont passé une heure avec leur lisseur le matin... donc euh ... elles n'vont pas se mouiller les cheveux... alors par contre certains phénomènes qui existaient il y a dix ou quinze ans n'existent plus. On peut voir une autre influence et quand on dit y'a moins de morale aujourd'hui, y'a aussi plus d'influence de lobby religieux sur les jeunes. Aujourd'hui on voit plus de ficelle dépasser des pantalons, on voit plus de nombril à

58 Entretien Isabelle Torre

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l'air ... par contre, on voit plus de voiles. Aujourd'hui y'a un retour en force de l'influence de lobby qui est en train de marquer fortement les esprits chez les jeunes euh ... plus l'influence dans les médias de certains personnages malsains ... je citerai Dieudonné et compagnie, qui jouent un rôle très important auprès des jeunes, qui ont aujourd'hui un manque de repères, manque de repères familiaux, des fois, complètement largués à l'école et qui cherchent un modèle à suivre. Donc euh ...faut pas imaginer qu'on soit plus immorale aujourd'hui, j'pense que les ados entre eux sont capables de parler plus facilement d'actes sexuels qui auraient choqués leurs parents mais en même temps, y'a aussi des signes qui montrent que, ne serait-ce que dans leur tenue, ils sont comment dire euh ... beaucoup moins délurés et en particulier chez les filles qui à dix, quinze ans il y avait une volonté de montrer le corps qui est moins présente, plus suggérée aujourd'hui mais à mon avis surtout, qui plus euh ...comment dire noyauté par des formes de morales autres que celles de la famille, qui viennent s'exercer, franchement. »59

La mise en scène de la sexualité a donc évolué parallèlement à l'évolution de la société. Les frontières du publicitairement correct sont repoussées et les codes déontologiques de la publicité, comme les codes moraux de la société suivent ces modifications. Cette double influence banalise la mise en scène de la sexualité. La publicité cherche à réveiller les émotions des consommateurs et ceux-ci se prêtent au jeu. La mise en scène de la sexualité parle au plus grand nombre, mais celui-ci a-t-il conscience du cadre fictionnel des spots ?

Le cadre fictionnel

La publicité cherche à vendre du rêve dans le but d'attirer et de s'inscrire dans les imaginaires collectifs. Pour susciter ces émotions, le publicitaire n'hésite pas à user du critère d'empathie. Ce critère est le « lien spontané qui se créé entre le message publicitaire et le consommateur. »60 La proximité ressentie entre le publicitaire et le spectateur devient importante dans la mesure où le prospect sent l'intérêt que lui porte le concepteur rédacteur. Mais la publicité ne nous vend-elle pas du rêve, ne nous vend-elle pas un monde utopique, fantasmé et, viendrait relativiser l'emploi de visuels à connotations sexuelles ?

Reprenons les publicités de Caprice des Dieux et de Céréales Lion, le fantasme de l'acte sexuel dans un avion ou dans une télécabine, réveille bien entendu des émotions chez le

59 Entretien Eric Barriol

60 JOANNIS Henri et BARNIER Virginie de. De la stratégie Marketing à la Création Publicitaire (3ème édition). Paris : Dunod, 2010. 471 p.

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consommateur, mais n'a-t-il pas conscience qu'il s'agit d'une publicité et donc d'un scénario, d'une fiction... ?

S'instaure alors un pacte entre le publicitaire et le consommateur, comme s'élabore un pacte entre un lecteur et un auteur. Le lecteur se prend au jeu, il a conscience que l'histoire à laquelle il est confronté, est une fiction, et pourtant, il se laisse volontairement emporter par l'identification au personnage principal, au héros. Cette projection est d'actualité pour ce qui est de la publicité. Le consommateur a conscience du cadre fictionnel - et presque trop parfait pour être réaliste - dans lequel il prend un malin plaisir à se projeter et à s'identifier.

La publicité Gini est assez explicite sur ce point. Avec une musique très connotative : « love me baby », le spot met en scène, comme nous l'avons précédemment vu dans les visuels,61 une femme sexy prenant du plaisir pendant l'acte sexuel. Deux jeunes couples sortent sur leur terrasse et les deux hommes, une cannette de la boisson à la main, se regardent en se disant « nous assurons ce soir ». C'est alors que sur un autre balcon, un homme lance un regard étonné aux deux autres couples qui n'en sont qu'à leur deuxième cannette, alors que lui, pose sur sa rambarde la septième. La publicité s'adresse donc en priorité aux couples dont l'activité sexuelle est « au point mort » ! L'argument de vente, l'ébat sexuel, s'inscrit dans l'esprit du téléspectateur lui faisant croire que la boisson Gini ravive les pulsions de la femme et que, même si l'homme n'a pas un physique de rêve, il peut faire l'amour à une femme, toute la nuit grâce à « la plus chaude des boissons froides ».

Il en est de même pour les publicités Yop qui visent les adolescents, leur faisant croire qu'ils peuvent draguer et conclure avec une fille en buvant du Yop. Mais les spectateurs ne sont pas dupes, ils ont accepté le cadre fictionnel, l'identification est d'autant plus facile et fantasmée.

Les moeurs évoluent, la société évolue, la publicité suit le mouvement. La perception de la mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires et pas seulement alimentaires semble banalisée. Les consommateurs gardent un oeil bien ouvert et sont conscients de cette exposition des corps, à plus ou moins faible degré. Mais nous pourrions éventuellement remettre en cause la publicité elle-même. Nombreux sont ceux qui considèrent que la publicité est le reflet de la société, mais qu'elle garde un impact sur la société. L'influence serait donc double, comme nous avons déjà pu le voir.

61 Partie I, chapitre 1, Les années 90, les années du porno chic

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La sexualité est une grande thématique qui suscite des émotions fortes, il faut séduire, il est donc nécessaire de frapper les imaginaires collectifs. Cependant, de nombreuses personnes s'accordent à dire que si la sexualité fait partie de notre langage quotidien, et parfois de manière assez « trash », si l'on ironise ou blague parfois sur la sexualité, une majorité de personnes restent quelque peu choquées par certaines expositions, jugées assez vulgaires. La société serait-elle paradoxalement plus coincée ?

Enfin, la mise en scène de la sexualité, qui au départ s'avérait être une griffe créatrice de la part des publicitaires et un moyen de se démarquer des autres marques, de par sa banalisation, a-t-elle les mêmes effets escomptés qu'il y a quelques années ? La perte d'attention vis-à-vis de certains produits usant du registre de l'érotisme ne serait-elle pas due à une évolution des attentes des potentiels consommateurs ? Au final, ne se lasserait-on pas du sexe ?

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo