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La mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires alimentaires. Du côté de la réception.

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par Perrine Villien
Université Jean Monnet de Saint-Etienne - Licence 2014
  

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Chapitre 6 : Médias, publicitaires, consommateurs : une triangulaire consubstantielle

Les consommateurs font vivre les médias et les médias font vivre la publicité. Autrement dit, la dépendance des médias par rapport aux lecteurs, auditeurs et spectateurs, et la dépendance de la publicité par rapport aux médias n'est pas à négliger. S'intéresser à la réception nécessite inévitablement de s'intéresser aux modes de consommation des individus, en ce qui concerne les produits certes, mais également au niveau des supports médiatiques.

S'intéresser à la réception, c'est aussi prendre en compte l'attitude des prospects face à la publicité, et inévitablement leur attitude vis-à-vis des médias dans la mesure où c'est grâce aux différents supports médiatiques que peut vivre la publicité.

Les médias auraient donc une responsabilité à jouer dans les registres de publicité qu'ils diffusent et cibleraient des types de personnes précis. Si l'on fait abstraction de la mise en scène de la sexualité dans les spots publicitaires alimentaires et qu'on s'attache davantage au rôle des médias, on constate que le consommateur est tiraillé entre publicités et médias, mais que finalement, s'il se sent manipulé par tout ce qui lui est montré, il reste maitre des évolutions de la société, des médias et de la publicité.

A) La place du consommateur entre médias et publicités

« La publicité doit rester un espace de jeux et d'arguments, qui doit à la fois distraire et informer, mais en adoptant un comportement plus attentif à ce qui pourrait choquer le public, ou faire croire à une manipulation. Si elle ne détermine pas elle-même les limites claires des messages qu'elle adresse, elle peut perdre la faveur du public. » 64

La publicité pose ainsi les frontières de ce qu'elle véhicule. Pour garder l'attention du téléspectateur sur elle et par conséquent le faire consommer, la campagne doit être crédible, convaincante et non mensongère. L'adhésion du public ou non va donc se jouer sur ces points-là. Originalité certes, mais sans perdre de vue la cible qui peut, à tout moment, exprimer un désamour vis-à-vis du spot et donc du produit ou de la marque vendus.

64 TEYSSIER Jean-Pierre. Frapper sans heurter : quelle éthique pour la publicité. Paris : Armand Colin, 2004. 330 p.

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Comme nous l'avons vu précédemment, la publicité joue un rôle économique majeur sur le marché. « Sauf à estimer que tout signe est un signe publicitaire, sauf à considérer que le poissonnier d'Astérix qui vante sa marchandise sur le marché tout en mentant sur la fraîcheur de ses produits est un Jacques Séguéla en puissance, les moyens utilisés pour attraper le client ne sont que des outils rudimentaires au service de l'échange marchand, mais en aucun cas des moyens publicitaires. »65

Dans toutes les sociétés, il existe des moyens précis pour attirer le consommateur, par le cri, par le logo de la marque, etc., mais en France, notons que les médias et notamment la télévision, pour ce qui est de la diffusion de spots vidéo, permettent l'existence de la publicité auprès des publics. Leur rôle est donc essentiel et non négligeable pour l'économie.

Médias et publicité : une consubstantialité

Si j'ai employé le terme de « consubstantialité »66, repris à Danièle Kergoat pour m'intéresser aux rapports sociaux en coprésence dans l'analyse de la réception de la mise en scène de la sexualité, nous pouvons le reprendre dans un tout autre contexte : dans la relation de la publicité et des médias avec l'économie de marché dans la mesure où ces deux grandes sphères qui développent l'économie de marché sont nées en son sein.

Le média se présente alors comme un acteur secondaire, mais essentiel de la publicité. Il permet effectivement de rendre public la publicité, comme l'étymologie de publicité le veut. Si médias et publicités sont étroitement liés - car nés dans un contexte capitaliste, où la demande est le principal acteur de l'économie - la publicité reste un intermédiaire entre l'offre et la demande et ne sert pas la démocratisation politique comme les médias, mais au contraire, elle se contente de favoriser la fluidité des échanges marchands.

La consubstantialité réside dans le fait que la publicité fait vivre les médias - elle représente en effet une grosse partie du budget des médias - et vice versa, les médias font vivre la publicité. Sans eux, elle aurait davantage de difficulté à atteindre sa cible. Les médias ont finalement un rôle essentiel à jouer dans la diffusion de la publicité.

Le choix du média : la cible dans l'objectif

65 http://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2004-1-page-17.htm consulté le 24.03.14

66 Entretien de KERGOAT Danièle. Articuler les luttes contre les différents rapports sociaux inégalitaires. Août 2011. En ligne sur IRESMO, consulté le 23 mars

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Les annonceurs peuvent sélectionner une cible particulière en choisissant simplement le média avec qui ils vont signer un contrat. Pour viser un public jeune, par exemple, les publicitaires vont plus se tourner vers Gulli ou d'autres chaînes de ce style dont les principaux publics sont des enfants. Les médias ont donc un enjeu majeur à jouer en termes de diffusion de la publicité. Qu'il s'agisse de presse, de radio ou de télévision, chacun a fidélisé une certaine clientèle et la publicité peut alors s'implanter au sein de ces médias.

Prenons le cas de Chérie FM : les spots audio émis sur les ondes hertziennes ciblent une audience essentiellement féminine âgée de 30/35 ans. On parle en général d'auditrices, et rares, voire inexistants, sont les hommes à passer à l'antenne. Les partenariats de la radio se font donc avec des instituts de beauté, des centres de thalassothérapie, des salons de coiffures, etc., mettant en avant la femme active professionnellement et faisant attention à son image.

En revanche, du côté du média télé, France 2 vise un très large public. Les publicités viseront une grande diversité de public. Il n'est alors pas anodin de voir défiler des publicités sur notre écran de tous types de produits : alimentaires, cosmétiques, véhicules, immobiliers, jardinerie, produits ménagers, etc.

« Pour arriver à leurs fins, les publicitaires font jouer la concurrence entre les divers médias et entre les titres et cherchent à développer un secteur publicitaire hors-médias. Mais ce dernier est d'une rentabilité aléatoire en termes d'impact, pour un coût relativement élevé. Précisons le coût de l'intermédiation : lorsqu'un annonceur dépense 100 pour des annonces dans les grands médias (presse, radio, télévision, cinéma et affichage), les entreprises de médias reçoivent en moyenne 85 % de la somme, les intermédiaires (la création, le conseil, les frais techniques), recevant 15 %. Mais lorsqu'un annonceur dépense 100 dans le hors-médias, les intermédiaires reçoivent 70 % de la somme dépensée. Il est donc logique que les publicitaires cherchent à développer le hors-médias, secteur qui leur laisse une plus grande faculté de négociation et dans lequel la rémunération des intermédiaires est plus importante. Mais les médias demeurent irremplaçables pour aller chercher le consommateur, dans des conditions favorables de réception (à domicile, au bureau). En effet, pour l'annonceur, la question reste de trouver le consommateur, de capter son attention dans de bonnes conditions et de mesurer l'impact des messages publicitaires. C'est pourquoi les médias ont développé des outils de mesure de leur audience, de leur lectorat et de la qualité de ces audiences (OJD, CESP, etc.), qui leur permettent de mesurer les impacts, ce qui satisfait les annonceurs à défaut de satisfaire les publicitaires. »67

67 http://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2004-1-page-17.htm consulté le 24.03.14

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Le média reste l'acteur principal de diffusion des publicités pour que celles-ci atteignent leurs objectifs. Son rôle ne doit être négligé. Des enquêtes sont régulièrement menées, analysant la cible visée en matière de modes de consommation, de niveaux de vie, de goûts, de culture et bien d'autres critères qui entrent en compte dans le choix du média pour la diffusion des publicités. Presse, télévision, radio, internet, cinéma et hors-médias ont leur spécificité. Le but étant de coller le mieux aux attentes des prospects, il est évident qu'un travail de réflexion et de fond est mené par les annonceurs en amont.

« Les proportions des représentants des divers styles de vie dans l'ensemble de la population varient avec le temps, en fonction des modes, des crises économiques, sociales, etc. Mais, quel que soit leur poids relatif du moment, ils ont leur média et leur support, miroir de leur système de valeurs. Les chercheurs les ont ainsi classés en fonction de leur affinité avec les quatre mentalités recensées. Par exemple :

? Les supports « moralistes » sont ceux de la mentalité utilitariste : le Chasseur français, Historia, l'Action automobile, la presse quotidienne régionale ;

? Les supports du « savoir-faire » sont ceux de la mentalité de recentrage : Femmes d`aujourd'hui, Sélection du Reader's Digest ;

? Les supports de l'information sont ceux de la mentalité de progrès : les journaux « sérieux » (Le Monde), les news magazines (L'Express), les revues économiques (L'Expansion) ;

? Les supports de l'anticonformisme, de la dérision, de l'imaginaire, sont ceux qui conviennent aux « décalés » : Actuel en est le prototype.

Cette approche par les styles de vie est complémentaire des méthodes classiques par critères socio-économique et démographique pour une meilleure connaissance et donc utilisation des médias et des supports dans la communication commerciale ; elle permet, par exemple de différencier deux supports que les critères habituels classeraient dans la même catégorie de fréquentation. »68

Les études restent donc essentielles en amont, pour déterminer des cibles précises, mais aussi les médias propices à diffuser telle ou telle publicité. La publicité répond à une éthique qui varie en fonction de ce qu'elle diffuse. De l'information, des valeurs anticonformistes ou autres, la publicité tend dans la mesure du possible à répondre aux critères de la ligne éditoriale des supports utilisés. Si la publicité fascine la plupart des potentiels consommateurs,

68 DAYEN Armand. La publicité. Paris : PUF (Que sais-je ?), 2003. 127 p.

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certains se disent détachés par rapport à cette masse publicitaire qui nous envahit toujours un peu plus. Qu'en est-il de la crédibilité de la publicité ? Et surtout, qu'en est-il de la crédibilité des médias ? Est-ce vraiment la publicité qui fait marcher les médias ? N'est-ce pas plutôt les consommateurs ? Ne seraient-ils pas les premiers déterminants de l'efficacité de la publicité et des médias ?

La crédibilité des médias

Le consommateur joue un rôle essentiel aux yeux, et de la publicité, et des médias. Si les médias sont dépendants de la publicité sur le plan économique, si la publicité est dépendante des médias en termes de diffusion de messages publicitaires à un large public, le rapport médias et publicité est nuancé par la relation qu'ils entretiennent avec le consommateur.

La crédibilité accordée aux médias a été fragilisée en 1989 avec la fameuse histoire des faux charniers de Timisoara, en Roumanie. L'affaire a abondamment été médiatisée en France et exagère la révolution de 1989 en Roumanie. Les évènements ont été relayés dans de nombreux médias qui s'en sont donnés à coeur joie, reprenant les informations de leurs concurrents et les amplifiant toujours plus, quitte à diffuser des informations erronées. Pierre Bourdieu a qualifié ce phénomène de « circulation circulaire de l'information ». Les informations que nous livrent les médias sont-elles toujours réelles ? N'y a-t-il pas une volonté d'amplification, de dramatisation pour attirer, toujours un peu plus, les fidèles lecteurs, auditeurs, téléspectateurs ?

Tout comme pour la publicité, la crédibilité est un élément non négligeable pour convaincre les consommateurs. Cependant, elle est souvent fragilisée. Dans ce monde désenchanté, les consommateurs auront tendance à se sentir manipulés, assommés d'informations qui mettent en avant une société de conflits, d'individualisme, de concurrence, d'hypocrisie entre les différents individus, de manipulation par le pouvoir, etc. De même, le développement du numérique, qui permet la diffusion d'information par n'importe qui, introduit une certaine méfiance de la part du lectorat. Comment savoir si les informations qui nous sont livrées ne sont pas erronées ?

Enfin, qu'en est-il de l'indépendance des journalistes ? Ne sont-ils pas inséparables avec le grand monde de la politique ? Les médias nous livreraient-ils des informations en adéquation avec ce que le pouvoir souhaite véhiculer ? Le documentaire intitulé « Les nouveaux chiens de garde » - sorti en France le 11 janvier 2012 et réalisé par Yann Kergoat - est l'illustration même de l'hypocrisie de certains journalistes et politiques. Réquisitoires contre les médias et

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contre la télévision, le film est une critique à l'égard de l'état qui garde le monopole sur les médias et l'économie de la société.

Mais, pour faire le lien avec la publicité, celle-ci serait fragilisée par la relation des consommateurs avec les médias. Si les individus boycottent par exemple la télévision dans la mesure où ils considèrent que celle-ci ne leur apporte pas grand-chose si ce ne sont les infos que souhaite véhiculer l'état, ils ne seront plus, par-là même, exposés à la publicité. La publicité dépend donc des médias comme des consommateurs.

Finalement, si l'on s'arrête sur cette affirmation, dire que la société serait manipulée par le pouvoir en place, dire que les publicitaires ont un impact sur les consommateurs serait paradoxal. La double influence est une fois de plus mise en relief et la notion de consubstantialité prend tout son sens : les médias ont un pouvoir sur la publicité et les consommateurs, la publicité exerce son pouvoir sur les consommateurs et sur les médias (dépendances concernant les recettes) et les consommateurs gardent un impact sur la publicité et les médias.

« Les journaux ne sont pas des journaux, ce sont des marques qui vendent des produits et, miraculeusement, les intérêts particuliers des gens qui détiennent ces journaux correspondent exactement, toujours, à l'information qui est donnée dans ces journaux. »69 Bruno Gaccio

Ces trois axes (consommateur, média et publicité) sont coproducteurs, ils forment un tout, sont complémentaires et ne peuvent se traiter séparément. Entre fascination et relativisation, entre adhérences et réticences, les consommateurs fabriquent eux-mêmes les publicités de demain.

Et si nous leur proposions un monde sans publicité ?

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo