WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Réflexions sur la problématique du coup d'état en Afrique.

( Télécharger le fichier original )
par Koffi Afandi KOUMASSI
Université de Lomé - Master 2 en Droit Public Fondamental 2015
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section II : Le syndrome de l'armée

L'armée représente un problème lancinant pour l'Afrique. Au lendemain des indépendances, la militarisation des régimes politiques s'est généralisée sur le continent. Dans cet ordre d'idées, Edmond Jouve n'a pas hésité à écrire que l'« Afrique est un cadre où des armées se déploient. Des coups d'État s'y succèdent. Des régimes militaires s'y installent »94(*).

Visiblement, le processus de démocratisation n'a pas pu déparasiter les États africains du syndrome de l'armée. Par mille artifices, subtilités et expédients ajoutés parfois au recours à la violence, la vague des hommes en kaki s'obstine à marquer de son empreinte l'espace politique africain (paragraphe I) et se permet, si la conjoncture lui offre l'occasion, de se transformer en arbitre des crises au sein de l'État (paragraphe II).

Paragraphe I : L'armée, une force politique

Envisagée comme le temps de la délégitimation politique de l'armée, la démocratisation s'est plutôt révélée par sa faible capacité à conduire à une prompte et définitive sortie des militaires du jeu politique. Ceux qui étaient au pouvoir avant les transitions ont procédé au « vernissage démocratique »95(*) de leur régime. Certains autres ont vu dans l'argument démocratique l'occasion de faire leurs premiers pas dans les arcanes politiques pour soutenir ou trahir le processus amorcé. Rejetant en bloc le sacro-saint principe cicéronien (A), l'armée constitue une menace permanente pour l'exercice effectif du pouvoir politique en Afrique (B).

A-) LE REJET DU « CONTRÔLE CIVIL DÉMOCRATIQUE » SUR L'ARMÉE

La triste célébrité politique de l'armée continue d'offrir bien de spectacles sur le continent africain. Ce corps de l'État est considéré comme l'organe vital du pouvoir politique, le système nerveux qui commande la mobilité et l'animation de la vie politique des États. « L'armée est le coeur et l'axe du pouvoir d'État. Elle est le noyau originel autour duquel se construit l'État africain, l'épine dorsale de la Nation, le vecteur du projet national », écrit Moustapha Benchénane96(*). Cette extrême politisation des armées africaines fait d'elles des organes politiques entièrement à part (2) alors qu'elles sont censées, à l'instar de leurs consoeurs occidentales, être apolitiques (1).

1-) L'armée, une institution normalement apolitique

« Arma cedant togae », les armes doivent céder devant la toge. C'est par cette locution latine que le Sénateur Romain Cicéron proclamait le primat du politique sur le militaire il y a deux mille ans. Conformément à la volonté cicéronienne, l'univers politique est très complexe et sa gouverne trop sérieuse pour être confiée à la gérance de l'armée. Dès lors, « dans la théorie constitutionnelle libérale, il est acquis que l'armée doive être obéissante et admettre la supériorité du pouvoir civil »97(*). Le principe de la subordination des militaires au pouvoir civil énonce fondamentalement la neutralité politique de l'armée. L'apolitisme de l'armée, encore appelé principe du « contrôle civil démocratique » d'après l'expression de Mathurin Houngnikpo98(*), est un élément fondamental dans les démocraties libérales. Il conditionne l'équilibre sécuritaire de l'État. Ainsi, en tout temps et en tout lieu mais surtout en n'importe quelles circonstances, l'armée doit révérer la règle sacro-sainte de la neutralité politique99(*). L'acceptation par les militaires de se subordonner aux autorités civiles doit être le signe palpable de leur volonté de se désengager du pouvoir politique.

Au fond, le contrôle du pouvoir politique civil sur l'institution militaire ne signifie pas que les militaires soient coupés du reste de la société et de l'État. Il est utopique, en Afrique comme en occident, d'atteindre une rupture étanche entre l'univers politique et celui militaire. Car, affirme Céline Thiriot, « la réelle neutralité politique de l'armée n'existe pas dans l'absolu, même dans les démocraties occidentales qui s'en font le chantre »100(*). D'ailleurs, « dans la réalité, aucune armée n'est apolitique pour la raison évidente que l'apolitisme n'existe pas »101(*). Il ressort de ces considérations que la neutralité politique si chère à Cicéron impose au soldat de garder à l'esprit la ligne de démarcation ténue qui le sépare « de la sphère constitutionnelle, où les débats politiques sont juridicisés et se déroulent selon les prescriptions de la constitution »102(*). Aussi, elle implique pour les pouvoirs politiques de ne faire participer l'armée aux activités politiques sous le pavillon de tel ou tel parti, ni la manipuler à des fins purement politiques. Seulement, il est regrettable de se rendre compte que ces prescriptions sont mises sous terre en Afrique ; l'apolitisme de l'armée étant une pièce qui continue de manquer au puzzle de la transition démocratique (2).

* 94 E. JOUVE, préface à M. Benchenane, Les armées africaines, Publisud, 1983, p. 8.

* 95 L'Afrique est réputée être un continent où les régimes même dictatoriaux ont la capacité de « se perpétuer sous le manteau respectable et hypocrite de la démocratie pluraliste ». E. C. LEKENE DONFACK, « L'État de droit en Afrique », Afrique Juridique et Politique, Vol.1, n° 2, juillet-décembre 2002, p. 114.

* 96 M. BENCHENANELes armées africaines, op. cit., p. 11.

* 97 Y. VIGNO, « Le coup d'État en Afrique noire francophone », op.cit., p. 614.

* 98 M. C. HOUNGNIKPO, « Armées africaines : Chainon manquant des transitions démocratiques », Bulletin de la sécurité africaine, Centre d'Études Stratégiques de l'Afrique (C.E.S.A.), n° 17, Janvier 2012, p. 1.

* 99 L. GABA, L'État et le droit, la démocratie et le développement économique en Afrique subsaharienne, Paris, L'Harmattan, 2000, p. 303.

* 100 C. THIRIOT, « La place des militaires dans les régimes post-transition d'Afrique subsaharienne : La difficile resectorisation », Revue Internationale de Politique Comparée, Volume 15, 2008, p. 27.

* 101 M. BENCHENANE, Les armées africaines, op.cit., p. 18.

* 102 A. KPODAR, « Bilan sur un demi-siècle de constitutionnalisme en Afrique noire francophone », Revue électronique Afrilex, p. 12. Document disponible sur www.afrilex.u-bordeau4.fr et consulté le 22 décembre 2013.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"